Dans la prière, l’oreille est un organe capital; son importance est égale à celle de la langue, mais elle doit néanmoins être citée en premier. L’oreille est en effet le chemin qui conduit à la langue. L’enfant entend avant de parler. L’art de la parole suppose une période où on a dû écouter. La preuve en est que, chez tout être normal, le langage dépend uniquement de l’ouïe. Telle est la méthode qu’emploie la nature. L’esprit se développe surtout par l’oreille et par les yeux; il s’exprime et s’affirme par la langue. Ce que l’oreille laisse pénétrer, l’esprit le travaille et la langue le fait connaître.
C’est l’ordre que nous trouvons dans le passage prophétique du chapitre 50 du Livre d’Esaïe: «Le Seigneur, l’Eternel m’a donné une langue exercée... Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme écoutent des disciples.» {Esa 50.4} L’oreille est donc éveillée pour que la langue puisse apprendre à parler, et si beaucoup d’entre nous n’ont pas une langue exercée, c’est qu’ils n’ont pas fourni à Dieu l’occasion d’éveiller leur oreille.
Il est frappant de voir que les hommes qui ont été le plus puissants par la prière étaient aussi des hommes qui connaissaient Dieu intimement. Ils furent particulièrement sensibles à Sa volonté et frappés de respect devant Son amour et Sa grandeur. L’Ancien Testament nous offre trois types d’hommes de Dieu qui furent spécialement des hommes de prière. Jérémie nous dit que lorsque Dieu lui parla de l’extrême perversité du peuple juif; il ajouta ces mots: «Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je ne serais pas favorable à ce peuple.»—Lorsque Jacques cherche pour les Juifs dispersés un type d’homme de prière, il parle d’Elie et d’un moment spécial de sa carrière, la prière sur le Mont Carmel. Moïse, Samuel, Elie sont les trois grands hommes qui apparurent dans les grandes crises Je l’histoire du peuple d’Israël. Moïse fut après Dieu le créateur de la nation élue; c’est lui qui la forma. Samuel en fut le patient pédagogue; il introduisit dans la vie nationale un nouvel ordre de choses. Elie en fut le guide sévère et rigide lorsque le culte national de Jéhovah était près d’être annihilé. Ces trois hommes: le créateur, le pédagogue, le guide occupent une place prédominante dans l’histoire, comme hommes de prière.
Rien n’est intéressant comme de les voir tous trois écouter la voix de Dieu. Leurs oreilles furent exercées très tôt et très longuement, jusqu’à ce qu’elles fussent extraordinairement sensibles à la parole de l’Eternel. Il semble même que Dieu ait pris une peine toute spéciale à former le premier de ces hommes, ce géant de l’histoire, le plus grand juriste qu’ait connu l’univers. Son éducation passa par deux phases distinctes. Il y eut tout d’abord ces quarante ans de solitude dans le désert, seul avec les brebis, seul avec les étoiles, seul avec Dieu. Son oreille était exercée par le silence. Il était séparé et isolé du bruit, du tumulte de la vie égyptienne. Comme la voix de Dieu est silencieuse, et combien peu sont capables d’endurer ce silence! C’est dans le silence que Dieu parle à l’oreille intérieure.
Lutte pour obtenir le silence en ton âme,
Le silence parfait que ton Dieu te réclame
Avant de te parler, silence intérieur,
Salutaire et propice.
Oui, lutte avec ardeur
Pour étouffer la voix de tes vaines pensées,
De tes impressions imparfaites et faussées;
Que tout se taise en toi devant sa Majesté.
Tu connaîtras vraiment quelle est sa volonté
Dans le recueillement, et tu pourras sans crainte,
Ayant ouï sa voix, sa voix divine et sainte,
Obéir d’un cœur simple à sa parfaite loi
Et l’accomplir avec foi.
(Traduit de Longfellow.)
Un artiste d’une certaine réputation demanda à un de ses amis de venir chez lui examiner une peinture qu’il venait de terminer. L’ami vint à l’heure fixée, fut introduit par un serviteur dans une chambre tout à fait obscure et laissé là. Très surpris, il attendit néanmoins tranquillement la suite des événements. Au bout d’environ quinze minutes, le peintre le rejoignit dans cette pièce et le salua cordialement, puis tous deux gagnèrent l’atelier où se trouvait la peinture. L’œuvre fut très admirée. Avant de se séparer, l’artiste dit en riant à son hôte: «Je suppose que vous avez dû trouver étrange d’avoir été laissé si longtemps seul dans cette chambre obscure.—En effet, lui répondit-il.—Voici l’explication! Je savais que si vous pénétriez dans moi atelier avec l’éclat de la rue dans vos yeux, vous ne pourriez apprécier le fin coloris du tableau, et c’est pourquoi je vous ai laissé dans l’obscurité, attendant que vos yeux se soient reposés.»
Le premier stage de Moïse eut pour but, de l’arracher au tumulte de la vie, de lui donner ce repos qui le rendit capable d’entendre les accents calmes et doux de la voix de Dieu. Pour devenir habile dans la prière, il devait passer quelques semaines à l’école de Dieu, dans les déserts de l’Arabie.
Puis vint le second stage; ces quarante années furent suivies de quarante jours et de quarante nuits passés à écouter la voix de Dieu qui parlait, là-haut, sur la montagne. Cette épreuve fit de lui un intercesseur hors ligne.
Samuel passa à l’école du silence plus tôt que Moïse. Encore enfant, avant que ses oreilles fussent remplies du bruit de la terre, il fut préparé à entendre la voix de Dieu, et la nation juive apprit bien vite qu’elle possédait un homme à qui Dieu parlait. Le cœur des enfants s’ouvre naturellement à la voix divine; ils entendent facilement, et ils comprennent facilement. Ils sont accessibles à la voix d’En-Haut. Oh! si nous pouvions garder le cœur de nos enfants ouvert à la parole divine et habituer leurs oreilles à cette voix qui vient du Ciel!
Nous savons peu de chose du troisième de ces intercesseurs; il ne nous est connu que par les quelques événements importants dans lesquels il figure. La scène qui se termine au Mont Carmel et où les écluses des cieux s’ouvrirent sur une terre assoiffée est celle qui nous est racontée avec le plus de détails. Remarquons à ce propos que ce chapitre XVIII du premier livre des Rois, qui nous parle du conflit du Carmel, commence par un message de Dieu à Elie... «La parole de l’Eternel fut ainsi adressée à Elie... Je ferai tomber de la pluie sur la face du sol.» Cette promesse explique la prière que le prophète adresse à l’Eternel; elle explique aussi son attente pendant laquelle il envoya, par sept fois, son serviteur regarder du côté de la mer si la pluie arrivait. Elie entendit tout d’abord la voix de Dieu; il pria alors avec insistance et enfin il leva les yeux vers les cieux pour voir le résultat dont il était certain. La voix de Dieu, ensuite la voix de l’homme, tel est l’ordre normal dans le domaine de la prière. La mise en pratique de cet ordre donnera toujours des résultats admirables.
Il s’agit donc d’exercer notre oreille intérieure; nous y parviendrons, une fois l’extrême jeunesse passée, par l’intermédiaire des yeux. Ce que Dieu a dit à d’autres a été écrit pour nous. Nous entendons par nos yeux; l’œil ouvre le chemin de l’oreille intérieure. Dieu se révèle dans son Livre; Il S’y révèle maintenant encore et, par lui, Il nous parle. Toute la question est là: apprendre a connaître Dieu. Il se manifeste à nous par Ses propres paroles et par celles de Ses messagers. Il se manifeste également par Son action parmi les hommes. Chaque fait, chaque expérience que nous trouvons dans la Bible reflètent l’image de Dieu; c’est par elle que nous pouvons le voir.
Il faut étudier la Bible, non pour elle-même, mais pour y trouver la connaissance de Dieu. Le but de cette lecture est non pas la Bible, mais Dieu révélé en elle. Tel ira à l’Université et suivra des cours sur la Bible; il augmentera ses connaissances, enrichira son vocabulaire, mais il pourra retirer de cette étude les idées les plus erronées sur Dieu. Tel autre suivra des cours de droit, étudiera les codes du premier des juristes; il obtiendra une compréhension claire et nette des actes de Moïse, mais, malgré tout, il pourra rester parfaitement ignorant de la nature de Dieu.
Une autre personne pourra se rendre à une école biblique, y devenir capable d’analyser et de synthétiser, d’esquisser le plan de telle ou telle partie de la Bible, d’exposer le contenu de divers chapitres; bref, elle pourra posséder toute une connaissance précieuse et indispensable et néanmoins être incapable de comprendre Dieu, de comprendre Son amour et Sa volonté admirables. Ce n’est pas le Livre que nous devons apprendre, mais Dieu par le Livre; ce n’est pas la vérité que nous devons saisir, mais, par l’intermédiaire de la vérité, Dieu lui-même, qui est la Vérité.
Nous trouvons dans 2Sa 23.9-10, un récit extraordinaire à propos d’un des vaillants guerriers de David. Il y eut un jour une attaque soudaine des Philistins contre le camp israélite. Les Philistins étaient l’ennemi héréditaire; le seul mot de Philistin frappait de terreur les Hébreux. Or, tous les hommes d’armes étaient absents. Seul, cet homme était là. Tranquillement et rapidement il saisit son épée et frappa en tous sens: en haut, en bas, à gauche, à droite; il fit terrible besogne, si bien que l’ennemi tourna les talons et s’enfuit. Et, détail curieux, les muscles de la main du héros devinrent si raides qu’elle resta attachée à la poignée de l’épée. L’homme et l’épée ne faisaient qu’un dans ce combat singulier contre l’ennemi héréditaire. Quand nous, à notre tour, nous serons tellement pénétrés par la Bible et par l’Esprit qui est en elle et la vivifie, que ceux qui nous entourent ne pourront pas faire la démarcation entre l’homme et l’Esprit de Dieu qui est dans l’homme, alors nous obtiendrons d’En-Haut le pouvoir surhumain de la prière pour mettre en fuite l’ennemi. Dieu et l’homme ne formeront qu’un dans l’action contre le mal.
Je désire donner quelques simples conseils en vue de l’étude de la Bible, et, ce faisant, montrer comment elle mène à Dieu. Ceci nous permettra de revenir sur des sujets déjà traités, car une partie de ce qui va suivre a déjà été exposée, sous un angle différent, il est vrai. Insistons tout d’abord sur la notion du temps. Nous devons mettre à part au moins une demi-heure par jour quand l’esprit est encore frais. Un esprit fatigué ne saisit pas facilement les choses. Il faut persister, persévérer dans cette lecture et garder l’esprit en repos et à l’abri de toute distraction.
Ce temps, de plus, devrait être consacré à la Bible elle-même. Si on consulte ou si on lit d’autres livres, ce qui est parfaitement légitime, que cela soit après la lecture de la Bible. Laissez Dieu vous parler directement plutôt que par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre. Abandonnez-vous tout d’abord à Lui; donnez au Livre par excellence la première place sur votre table, et donnez aux autres livres la seconde place.
De plus, lisez dans un esprit de prière, car c’est dans cet esprit que nous apprenons à prier. L’Ecriture ne révèle pas sa douceur et sa force à l’homme intelligent, mais uniquement à l’homme éclairé par l’Esprit. Ce qui nous ouvrira les portes de la vraie connaissance, ce sont nos facultés mentales naturelles illuminées par la claire lumière du Saint-Esprit. J’ai parfois demandé la signification de certains passages à un savant éclairé. Il m’expliquait les tournures orientales, faisait d’habiles distinctions philologiques, me donnait la traduction la plus exacte; mais il ne semblait pas connaître le simple sens spirituel des mots que nous discutions. J’ai posé les mêmes questions à un vieux serviteur de Dieu; il n’avait aucune idée de la langue hébraïque, mais il sentait immédiatement la profonde vérité spirituelle que les mots en question renfermaient.
Nos connaissances, si grandes et si développées soient-elles, seront toujours augmentées et approfondies par l’Esprit qui inspira les Saintes Ecritures.
Lisez avec réflexion. La lecture attentive est un art qui semble se perdre. Les journaux sont si nombreux, la littérature si abondante, que nous sommes devenus une race éclairée, mais non une race réfléchie. Le courant de nos connaissances est souvent très large; hélas! il n’a pas de profondeur. Luttez contre ce manque de profondeurs contre cette superficialité. Efforcez-vous de lire avec réflexion. La Bible renferme un mot très suggestif pour désigner ce genre de lecture: «méditer». Méditer, c’est répéter une chose dans son esprit, la tourner en tous sens, la digérer.
Il est étonnant de remarquer combien d’aliment la Bible fournit à la méditation, en comparaison d’autres livres. On peut méditer les œuvres de Tennyson, de Browning, de Longfellow; mais, soit dit sans vouloir diminuer ces nobles poètes qui sont mes auteurs favoris, ils ne nous donnent pas cette nourriture riche et abondante que nous trouvons dans la Bible. Le Livre de Dieu est unique par sa richesse et par sa fraîcheur. Il nous arrive de lire un passage pour la centième lois et de découvrir un nouveau sens que nous n’avions pas soupçonné.
Un autre conseil plus facile à donner qu’à suivre est de lire avec obéissance, c’est-à-dire, lorsque la vérité en appelle à notre conscience, de la laisser transformer notre vie et nos habitudes.
Obéissez à la lumière et vous l’augmenterez; —résistez-lui, vous amènerez la nuit.—Qui donc nous aidera à choisir notre voie—si nous perdons l’amour de la lumière. (Traduit de Joseph Cook)
Jésus nous donne la loi de la connaissance dans ses fameuses paroles: «Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu». {Jn 7.17} Si nous faisons ce que nous savons devoir faire, notre connaissance en sera accrue. Si nous savons ce que nous avons à faire, mais que nous hésitions et refusions d’obéir, notre vue intérieure s’obscurcira et disparaîtra; le sens de ce qui est droit s’émoussera et se perdra. L’obéissance à la vérité, voilà ce qui éclairera toujours notre esprit.
Il faut avoir un plan lorsqu’on lit, car, grâce à une idée directrice, les divers moments que nous passerons à lire la Parole seront groupés en un tout. Ayons un bon plan et tenons-nous-y. Il vaut mieux en avoir un assez bon, mais scrupuleusement suivi, qu’un excellent, mais appliqué sans régularité. Les nombreuses méthodes pour étudier la Bible peuvent être groupées sous trois rubriques générales: lecture rapide à travers toute l’Ecriture, étude limitée, étude textuelle.
Nous faisons tous, d’une manière plus ou moins approfondie, une étude textuelle de la Bible; par exemple, en méditant une phrase ou un verset, pour en exprimer la vraie et profonde signification. De même, nous nous livrons tous à l’étude limitée de telle ou telle partie des Saintes Ecritures quand nous étudions un caractère ou recherchons certains passages concernant le même sujet. Le nom le plus prétentieux donné à ces études est Théologie biblique; elles consistent à trouver et ordonner tout ce que la Bible nous enseigne sur n’importe quel sujet.
Pour ma part, je tiens à affirmer que la lecture rapide ou cursive est la base de toute étude biblique; c’est la méthode simple, naturelle, scientifique. Elle est à la portée de toutes les intelligences. Je crus un temps qu’elle convenait surtout aux étudiants, mais c’était une erreur; j’ai actuellement la ferme conviction que c’est la méthode par excellence et qu’elle s’applique à tout et à tous. Elle est à la base de toutes les études qui ont pour but de faire connaître le Saint Livre, et c’est elle qui nous donne la plus complète compréhension possible ici-bas de notre Créateur.
J’entends par lecture cursive une lecture rapide, insouciante des divisions en versets, chapitres ou livres; une lecture comme le serait celle d’une histoire telle que: «Le Siège de Pékin» ou «Histoire d’un amour inavoué». La Bible évidemment inspire un respect tout autre; mais ce que je veux dire, c’est qu’il faut la lire avec la même méthode que celle employée pour lire le premier livre venu; la lire pour savoir ce qu’elle renferme. Lu de cette manière, aucun livre n’est plus fascinant que la Bible.
Commencez tout d’abord par la Genèse et parcourez-la rapidement, en gros. N’essayez pas de tout comprendre; vous ne le pourriez pas. Ne vous en inquiétez pas pour le moment, mais allez de l’avant. N’essayez pas de vous souvenir de tout; n’y songez pas, mais retenez ce que vous pourrez; vous serez étonnés de ce dont vous vous souviendrez. Eh une demi-heure, vous lirez de dix à vingt pages, et, la fois suivante, vous recommencerez où vous en serez restés. Il suffira de quelques jours pour lire le livre de la Genèse en entier; tout dépendra des dispositions où vous serez et de votre manière de lire plus ou moins rapide. Toute la Bible est comprise dans la Genèse; c’est un livre admirable, fascinant. Rien que par ses anecdotes, ses intrigues, la rapidité de l’action, la beauté du langage, il dépasse infiniment tout livre humain.
Passons maintenant à l’Exode; c’est un livre semblable au précédent. Continuons notre lecture rapide, et abordons le Lévitique. Il ne faut pas essayer de le comprendre la première fois; vous n’y réussirez pas même à la centième, mais il est aisé d’en grouper le contenu. Ainsi, des chapitres parlent des offrandes, d’autres de la loi des offrandes; survient ensuite un incident; puis arrivent les prescriptions hygiéniques, et ainsi de suite jusqu’à la fin du livre. A travers toutes ces pages, nous apercevons l’image de Dieu et c’est là le point principal. Une seconde opération de cette lecture rapide consiste à réunir les différentes parties. Vous savez que l’ordre biblique n’est pas tout à fait chronologique; les livres de la Bible ont plutôt été classés d’après la matière qu’ils traitent. Nos esprits sont presque esclaves de l’ordre chronologique; ceux des Orientaux en usaient plus librement. Ouvrez votre Bible à la fin d’Esther et ensuite à la fin de Malachie. De la Genèse à Esther, c’est la partie historique, tandis que la deuxième partie est poétique et prophétique. Il y a évidemment de l’histoire dans la partie prophétique et des prophéties, de la poésie dans la partie historique; mais, en gros, la première partie est historique, la deuxième, poétique et prophétique. Les deux parties forment un tout, néanmoins; la deuxième peut s’intercaler dans la première; elle en fut retirée et mise à part lorsqu’on préféra la classification par genres à la classification chronologique.
La deuxième opération consistera à réunir, à introduire la poésie et la prophétie dans l’histoire. Faites ce travail par vous-mêmes, comme s’il n’avait jamais été fait. En somme, il a été fait mieux que vous ne pourrez le faire, car vous n’éviterez évidemment pas certaines erreurs; sûrement vous serez embarrassés devant certains passages et ne saurez où les situer. Qu’importe! Le but est de se pénétrer de la Bible, d’en faire une partie de vous-mêmes; elle doit devenir os de vos os, chair de votre chair, mentalement et spirituellement; il faut boire à sa source. De ce travail sortira une nouvelle vision de Dieu, qui transformera radicalement le lecteur pieux. Cherchez à obtenir le sens historique et, pour cela, prenez le recul suffisant pour juger ce que tel ou tel fait signifiait pour ces gens, lorsqu’il se produisit.
Continuez cette étude à travers le Nouveau Testament, mais sans essayer de faire des quatre Evangiles un seul récit, en en fondant tous les détails. Efforcez-vous plutôt d’obtenir une claire vision de l’activité de Jésus pendant ces quelques années, comme nous la font connaître les quatre évangélistes. Introduisez, aussi bien que vous pourrez, les lettres de Paul dans le livre des Actes. Vous vous rendez compte que cette méthode n’est pas à employer un mois, ni même une année, mais des années. L’étude limitée et l’étude textuelle découleront naturellement de cette rapide lecture. Et, pendant que vous ferez connaissance avec ce livre classique merveilleux, vous aurez sous les yeux le style le plus magique que nous possédions, et mieux encore, vous introduirez dans vos âmes une conception de Dieu nouvelle, large, profonde et touchante.
Il est vraiment stupéfiant de voir quelle lumière projettent certaines pages quand elles sont réintroduites dans leur place historique. Nous en avons un exemple Ps 3.6:
Je me couche et je m’endors;
Je me réveille, car l’Eternel est mon soutien;
J’ai reçu mon instruction religieuse dans une vieille Eglise où l’on chantait ce Psaume.
Je le savais par cœur. Enfant, je supposais que la nuit était venue et que David dormait; il avait fait sa prière, était allé au lit, et dormait alors paisiblement. Voilà ce que ces versets me suggéraient. Mais la première fois que je fis cette lecture rapide à travers la Bible, mes yeux furent attirés, comme le furent évidemment souvent les vôtres, par l’en-tête du Psaume:—Psaume de David à l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils.
Sans tarder, je revins au 2° livre de Samuel pour trouver le récit mentionné. Voici le tableau que j’obtins: David, un vieillard à cheveux blancs, nu-pieds, est accompagné de quelques serviteurs fidèles, et c’est Absalom, son fils favori, qui vient à la tête des forces nationales pour s’emparer du royaume et de la vie de son propre père. Cette nuit-là, le grand roi coucha sur la terre nue, ayant pour toit le ciel étoile, et pendant qu’il cherchait le sommeil, il pouvait presque entendre la marche pesante de l’armée qui, passant sur les collines, guettait son trône et sa vie.
Une question maintenant: Pensez-vous que vous auriez beaucoup dormi cette nuit-là? Plus d’un, sûrement, serait resté tristement éveillé et aurait pensé toute la nuit: «Pauvre homme que je suis, chassé de mon royaume, de ma maison, par mon propre fils que j’ai aimé plus que ma vie!»
— Avouons que nous n’aurions guère dormi.
David, lui, parlant dans la suite de cette nuit d’angoisse, écrivit ces mots:
Je me couche et je m’endors;
Je me réveille (sous-entendu raffermi), car l’Eternel est mon soutien.
Eh lisant ces vers, ma pensée fut alors celle-ci: Je n’aurai plus d’insomnies, car je me confierai en Dieu.
Vous voyez par cet exemple quelle leçon de confiance en Dieu découle de ce psaume lorsqu’on le remet à sa place historique. Cette leçon, que je n’ai jamais oubliée, me raffermit et me fortifia. Quel Dieu que Celui qui peut donner le sommeil dans de telles circonstances!
Nous avons une autre illustration de la même idée dans le Nouveau Testament. A la fin de l’épître de Paul aux Philippiens, nous voyons que Paul est couché dans la cellule humide d’une prison. Il fait nuit, il fait froid. Le dos du prisonnier saigne des coups qu’il a reçus; ses articulations sont douloureuses et ses pieds sont meurtris par les fers.
Mais ce n’est là qu’une partie des circonstances historiques de cette épître; voici maintenant le reste: Paul est prisonnier à Rome. S’il essaie de reposer son corps en changeant de position, une chaîne fixée à ses chevilles lui rappelle le soldat couché à ses côtés. Veut-il écrire un dernier mot d’amour à ses vieux et fidèles amis, une chaîne retient son poignet, et c’est avec mille peines qu’il réussit à écrire cette lettre aux Philippiens qui résonne encore du bruit des chaînes.
Quel est le mot qui, dans cette épître, reviendra plus souvent que tout autre?—Patience? Assurément il serait de saison.—Endurance? Ce mot serait encore mieux approprié. Toutefois, ce n’est ni l’un ni l’autre, mais bien plutôt un mot en contraste absolu avec le décor qui entourait Paul. La souffrance est comme un nuage qui ne sert qu’à faire ressortir l’éclat du soleil.—Joie, réjouissance, allégresse! Voilà le cantique qui remplit cette lettre aux Philippiens. Quel Maître admirable que ce Jésus qui inspire de telles paroles à son disciple souffrant à cause de sa fidélité!
Chaque fait, chaque événement que rapportent ces pages est un miroir qui reflète la perfection de l’amour divin.
Parole de Dieu, tu es mon appui
Pendant mon long pèlerinage.
Avec le sceptre d’or, je puis
Marcher en paix dans mon voyage:
Tout ce que mon Sauveur a dit
Est immuable comme Lui.
Parole du Père, tu es mon appui,
Toi qui es si douce et si pure
Et comme un invincible abri.
Tu es très forte et très sûre,
Toi, la charte de mon salut,
Sécurité de tout élu.
Sainte Parole, tu es mon appui;
La vérité, seule éternelle
Tu demeures quand tout finit,
Et ta beauté est immortelle.
Jamais tu ne me tromperas
Et toujours tu me soutiendras!
(D’après Frances Ridley Havergal.)