Anwoth, 12 février 1632
Je ne sais, Madame, si vous ne me trouverez pas indiscret d’importuner si souvent votre seigneurie. Mais connaissant en partie vos épreuves, j’ai besoin d’avoir de vos nouvelles. Vous vivez au milieu d’une société distinguée, mais le monde qui vous courtise est un adorateur bien tardif, Madame, car vous avez déjà engagé votre foi à un autre. La pompe dont s’entoure cet adorateur si empressé, si vain de lui-même, si coupable, ne saurait séduire votre âme, car dès longtemps elle est à Christ. Je connais votre réponse, vous lui direz : Vous avez trop attendu, je suis liée à Christ ; je ne puis me reprendre, je veux remplir fidèlement mes engagements avec Lui. Gardez les prémices de votre amour, tenez-vous à l’union contractée avec votre aimable époux, notre bien-aimé Jésus, c’est le plus beau des fils des hommes, la rose de Saron, la plus belle fleur du jardin de votre Père céleste, il n’en est point de semblable à Lui. Je ne donnerais pas un de ses sourires contre tous les royaumes. Que les autres, s’ils le veulent, acceptent leur ciel dans cette vie, ne leur portez pas envie, Madame, repoussez loin de vous toutes choses, hormis une seule, Christ. Votre époux à vous est Christ, n’en acceptez aucun autre. C’est à la fois une humble et glorieuse ambition. Qu’avez-vous à faire avec ce misérable monde ? Votre époux désire que vos regards ne se portent que sur lui seul.
Qu’est-ce donc qui vous oppresse, Madame ? Elle est grande, la miséricorde qui vous a été faite dès votre jeunesse ; elle est comme une enceinte plantée autour de vos affections, afin qu’elles ne se dispersent pas loin du Seigneur. Prendrait-il ainsi soin de vous si vous n’étiez pas son enfant ? Si vous tentiez de vous révolter, Il vous enchaînerait. Tenez-vous en repos, vous êtes le froment qui croît dans le champ du Seigneur (Matthieu 13.25-38), et comme telle, vous serez foulée dans son aire et passée au travers de son crible (Amos 9.9), comme Jésus, le prince du salut, l’a été, afin que vous deveniez du pain excellent dans la maison du Seigneur. Puisse-t-Il vous bénir et vous séparer de la balle que le vent chasse au loin !
Je suis persuadé que l’obstacle qui vous retient se brise peu à peu ; si vous connaissiez ce qui vous attend, vous vous réjouiriez de vos tribulations. Croyez-vous que ce soit un faible honneur que d’être devant le trône de Dieu et de l’Agneau, vêtue de blanc, conviée au souper des noces de l’Époux, conduite à la fontaine des eaux éternelles, d’en voir la source qui est Dieu lui-même et de boire de cette eau rafraîchissante et pure qui sort du Roi des rois ; de poser votre main pécheresse sur l’arbre de vie, d’y cueillir un des fruits du paradis céleste de Dieu en Jésus-Christ, qui est votre vie, votre Sauveur ? Que votre cœur s’élève donc, qu’il tressaille de joie ; votre Roi vous cherche, Il vous conduira dans la maison de son Père. C’est bien de toute mon âme, Madame, que je vous remets aux soins du Seigneur, qui pourvoira lui-même à tout ce dont vous aurez besoin. Je me recommande à vos prières en vous assurant que je ne vous oublie pas non plus.