Constantin Auguste : Aux Églises.
« LA prospérité dont nous jouissons, m'ayant fait reconnaître très-clairement la grandeur de la bonté de Dieu envers nous, j'ai cru que le principal soin que je devais prendre, était de faire en sorte que les Enfants bienheureux de l'Église Catholique fussent unis par le lien d'une même foi, d'une charité sincère, et d'une piété uniforme envers Dieu. Mais parce qu'il n'y avait point de moyen plus convenable de s'assurer de la possession d'un si grand bien, que de faire examiner les matières de la Religion par tous les Évêques, ou au moins par le plus grand nombre, j'en ai assemblé le plus grand, qu'il m'a été possible, et j'ai assisté à leur assemblée comme un d'entre vous. Car je n'ai garde de dissimuler le sujet de ma joie, qui est que je suis comme vous, et avec vous, serviteur de Jésus Christ. Tous les points concertés, ont été examinés très-exactement jusques à ce que la doctrine, qui plaît à Dieu, qui tend à la réunion des esprits, et qui ne laisse pas le moindre sujet de division, ait été très-clairement reconnue.
La question touchant la célébration de la fête de Pâques ayant été ensuite agitée, on a jugé tout d'une voix, qu'il était fort à propos qu'elle fût célébrée au même jour dans toute l'étendue de l'Église. Que pouvons-nous faire de plus conforme à la bienséance, et à l'honnêteté, que d'observer tous de la même sorte, cette fête, où nous avons tous reçu l'espérance de l'immortalité ? On a jugé que c'aurait été une pratique indigne de la sainteté de l'Église, de la solenniser selon la coutume des Juifs, qui ont les mains souillées, et l'esprit aveuglé par leurs crimes. Nous pouvons rejeter leur usage, et en faire passer aux siècles à venir, un qui est plus raisonnable, et qui a été suivi depuis le jour de la Passion du Sauveur jusques ici. N'ayons donc rien de commun avec la nation des juifs, qui est une nation ennemie. Nous avons appris de nôtre Maître une autre voie, et l'on tient une autre route dans notre sainte Religion. Demeurons-y tous, mes très-chers frères, et nous éloignons d'une société aussi infâme qu'est celle de ce peuple. Il n'y a rien de si ridicule que la vanité, avec laquelle ils se vantent que nous ne saurions célébrer cette fête comme il faut, si nous n'en apprenons la méthode dans leur école. Que peuvent savoir des hommes qui, depuis qu'ils se sont rendus coupables de la mort du Seigneur, ne se conduisent plus par la lumière de la raison, mais sont emportés par la fureur de leurs passions. Ils sont si éloignés en ce point là-même de la vérité, qu'il arrive souvent, qu'ils célèbrent deux fois la fête de Pâques dans la même année. Quel sujet aurions-nous de suivre leur égarement ? Car jamais nous ne consentirons à célébrer deux fois dans la même année la fête de Pâques. Mais quand nous n'aurions pas toutes les raisons que je viens de dire, la prudence ne laisserait pas de vous obliger à souhaiter que la pureté de votre conscience ne fût salie par l'observation d'aucune coutume qui ait rapport à celles d'une aussi méchante nation que la Judaïque.
Il faut de plus considérer, qu'il n'est nullement que les membres, bien que répandus en divers lieux, ne laissent pas d'être mus par le même esprit, et conduits par la même volonté de Dieu. Que votre sainteté considère avec sa sagesse ordinaire, combien ce serait une chose fâcheuse et contraire à la bienséance qu'aux mêmes jours les uns gardassent le jeûne, et les autres fissent des festins. Le dessein de la divine providence est que cette diversité de discipline soit abolie, et que l'uniformité soit introduite, comme je me persuade que vous le reconnaissez de vous-mêmes. Ainsi cet abus devant être corrigé, afin que nous n'eussions plus rien de commun avec les parricides qui ont fait mourir nôtre Maître, et la coutume observée par toutes les Églises de Midi, de Septentrion et d'Occident, et par quelques-unes mêmes d'Orient, étant très-raisonnable, tous ont jugé qu'elle devait être généralement reçue et j'ai promis que vous vous y conformeriez. Embrassez donc volontairement l'usage, qui est établi à Rome, en Italie, en Afrique, en Égypte, en Espagne, en Gaule, en Angleterre, en Achaïe, dans le Diocèse d'Asie, et de Pont, et en Cilicie. Considérez non seulement que le nombre de ces Églises-là est plus grand que celui des autres, mais encore que leur usage est appuyé sur de solides raisons ; et que nous ne devons rien avoir de commun avec le parjure des Juifs. Pour employer moins de paroles, je vous dirai que tous les Évêques ont été d'avis de célébrer la fête de Pâques au même jour. Il ne doit point y avoir de différentes pratiques dans une si grande solennité, et le plus sûr est de suivre l'usage, qui éloigne de la société de l'erreur, et du crime.
Ce qui étant ainsi, obéissez avec joie à cet ordre, car ce qui est ordonné par les Évêques dans les Conciles, n'est ordonné que par la volonté de Dieu. Lorsque vous aurez fait savoir à vos très-chers frères ce que je vous écris, vous résoudrez ensemble d'observer au même jour la très-sainte fête de Pâques ; afin que quand je vous irai trouver, comme je le souhaite avec passion depuis longtemps, je puisse la célébrer avec vous, et me réjouit de ce que la cruauté du diable a été surmontée par la puissance de Dieu, et de ce que la paix et la vérité de notre Religion règnent par toute la terre. Je prie Dieu, mes très-chers frères qu'il vous conserve. »