Échec à la dépression

REPOS ET ABANDON

D’ordinaire, l’entourage cherche à protéger celui qui souffre, comme une mère poule, son enfant. Ce réflexe est bien naturel mais complique sérieusement la tâche du visiteur car il serait intolérable pour les proches qu’à l’issue de l’entretien, « leur » malade soit « culpabilisé » au point de s’humilier d’avoir trop longtemps accepté la défaite. Aussi, proteste-t-on avec quelque aigreur devant la « victime » qu’on voudrait rassurer : « Vous n’allez pas nous faire croire que les déprimés ont assez de force de caractère, assez d’énergie en eux-mêmes pour refaire surface en un tournemain ! »

Naturellement non. Ils sont incapables – je dis bien incapables – de balayer leurs angoisses ou d’oublier leur lassitude. Nul ne peut changer son état d’âme avec de simples résolutions ou de la bonne volonté. C’est pourquoi, loin de conseiller : « Secouez-vous, prenez la vie du bon côté, ne pensez pas à vos échecs … », j’exhorte plutôt le patient à céder la place à Jésus-Christ : « Cessez vos efforts et vos tensions inutiles. Vous ne pouvez surmonter votre mal. Cette lutte sans lendemain vous usera et vous retomberez plus bas. Ce n’est pas vous mais Dieu – et lui seul – qui opèrera la délivrance. A lui, tout est possible. Confiez-vous donc à son action sans vouloir essayer d’émerger vous-même. Sachez que Dieu ne commencera son œuvre en vous que lorsque vous aurez cessé de vous débattre ».

Je traitais ce sujet lorsqu’un homme s’approcha de moi :

– Il est facile à vous de prêcher la joie, mais lorsqu’on est dans le trou noir, eh bien ! on y reste. Si vous étiez à ma place …

– Expliquez-vous, lui dis-je.

– Il y a deux ans de cela. Je revenais de mon travail sifflotant sur ma bicyclette, heureux d’aller retrouver les miens pour la soupe. Je grimpe au deuxième étage, j’introduis la clé dans la serrure, j’ouvre la porte et … reste cloué sur place. Mon appartement était entièrement vidé de mes meubles et … personne dans la pièce. Ma femme était partie, emmenant mon garçon et tout le mobilier avec. Rien ne me laissait supposer ce malheur. Voici deux ans que je suis sans nouvelle des miens et j’ignore où ils sont. Alors, la joie ! Vous m’avez compris.

– Votre douleur est grande et je la respecte. Ce n’est pas moi qui vous reprocherai de pleurer. Je me garderai même de vous demander d’essayer de changer votre tristesse en joie. C’est impossible. Et d’ailleurs, vous en êtes déjà convaincu.

– J’aime vous l’entendre dire.

– Mon cher ami, vous avez besoin d’un cadeau du ciel. Dieu connaît votre épreuve et considère votre souffrance avec une immense compassion. Pourquoi ne vous accorderait-il pas, maintenant, son secours ? Sa paix et sa joie malgré cette douloureuse séparation ? Non une joie exubérante de mauvais aloi, mais une paix sereine, un vrai don du ciel qui vous redonnerait courage et goût à la vie ?

N’est-ce pas le langage qu’on tient au pécheur en quête de salut ?

– Renoncez à vos œuvres méritoires, à vos multiples efforts visant à obtenir la faveur divine. Vous ne feriez que retarder ou éloigner à jamais l’indispensable rencontre avec le Sauveur. Venez à lui tel que vous êtes sans chercher à vous améliorer. C’est parce que l’homme est indigne de mériter quoi que ce soit, donc incapable de « gagner le ciel », que Dieu en est descendu en la personne de Jésus, venu tout exprès pour « chercher et sauver ce qui était perdu ». C’est parce que nous ne pouvons effacer le passé qui nous condamne que le Christ a donné sa vie sur la croix « tant le péché du monde ». Il s’est chargé de nos imperfections pour nous communiquer sa perfection. C’est pourquoi le Seigneur appelle tout homme à « entrer dans le repos de ses œuvres » (Hébreux 4.10, 11) afin de recevoir gratuitement le pardon et la vie.

De son côté, le croyant, soucieux de sanctification, devra, lui aussi, connaître une expérience humiliante mais nécessaire, celle de découvrir qu’il est incurable, donc incapable de se transformer à l’image de Christ. Paul le reconnaît lorsqu’il s’écrie :

« Ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi … Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas … Misérable que je suis. Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Romains 7.17-23)

En vérité, ma sanctification est une personne : la personne de Jésus (1 Corinthiens 1.30). Simpson disait : « J’ai prié longtemps pour avoir la sanctification. Parfois je pensais l’avoir reçue et une fois même j’en eus la sensation. Je m’y cramponnai désespérément par crainte de la perdre et demeurai éveillé toute la nuit de peur de la laisser échapper. Et naturellement, « cela » disparut à la première occasion … Et lorsqu’enfin je détournai les yeux de « ma » sanctification et de l’expérience que j’en avais faite pour les fixer seulement sur Christ en moi, je trouvai au lieu d’une expérience fugitive, le Christ dépassant de beaucoup le besoin du moment, le Christ possédant tout ce dont je pourrais avoir besoin et qui m’était donné à l’instant même et pour toujours. Quel repos ce fut de le voir ainsi ! … » (Lui-même).

Ce message est encore vrai pour les malades qui nous occupent. Eux aussi doivent en finir avec une lutte stérile qui les désespère et ne mène à rien. Eux aussi doivent s’abandonner à Celui-là seul qui peut changer la tristesse en joie. Le patient n’est pas appelé « à faire » quelque chose – il ne le peut – mais à tendre les mains pour recevoir la délivrance, les yeux fixés non sur la délivrance mais sur Jésus LA DÉLIVRANCE.

Cependant, ne nous méprenons pas sur le sens de ce dernier conseil. Mettre un terme à ses vains efforts, ou, selon l’Écriture, « entrer dans le repos de ses œuvres », ne signifie pas : attendre passivement l’intervention du ciel. Paul ne rappelle-t-il pas à ses lecteurs que nous sommes « ouvriers avec Dieu » (1 Corinthiens 3.9) ? (notez que l’ordre d’entrer dans le repos est précédé d’un verbe à l’impératif : efforcez-vous – ou empressez-vous – preuve que le croyant n’est nullement passif). Dieu exige que nous soyons ses collaborateurs et, dans une certaine mesure, les artisans de notre victoire. Ceci contredirait-il cela ? Non. Au risque de me répéter – mais c’est trop important pour ne pas y revenir – voici comment je puis être, quoique dans le repos, le collaborateur de mon Maître :

  1. D’abord en me désolidarisant de Satan. Pour ce faire, je dénonce l’action de l’Adversaire en moi, je refuse d’être son jouet et donne pleinement raison au Seigneur en réclamant avec force sa joie et un plein équilibre maintenant, conformément à sa volonté.
  2. Ensuite, en renonçant à agir par ma propre force. Plus moi mais Christ qui vit en moi.
  3. Enfin, en me livrant au divin Libérateur. J’accepte de me confier à ses soins tel un grand blessé qui s’abandonne au chirurgien. Condition nécessaire pour que l’opération ait lieu et réussisse. Ce dernier point sera développé dans les chapitres suivants.

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