Voici maintenant le temps favorable (2 Corinthiens 6.2)
L’avez-vous noté ? La plupart des gens, chrétiens ou non, ont la fâcheuse tendance à vivre, soit dans le passé, soit dans l’avenir, comme si le moment présent ne comptait pas, n’était pas digne d’être vécu. Pour eux, le présent semble n’être qu’un point de passage fugitif, un point de contact sans réel intérêt entre le passé et l’avenir.
Au fond, l’homme n’attend rien ou fort peu de choses du présent. C’est demain qu’il sera pleinement satisfait, et encore ! Il le sera s’il fait fortune, ou réussit à améliorer son sort. Trop de chrétiens ont ce travers : C’est demain, seulement demain qu’ils connaîtront une existence qui correspondra à leurs aspirations les plus profondes, à condition qu’ils s’y emploient activement et sans désemparer.
Il y a certainement une explication à cela. Le souvenir des erreurs du passé, des lâchetés, des négligences, des chutes répétées… semble interdire à quiconque de croire qu’il est en mesure aujourd’hui même d’entrer « dans les gras pâturages », autrement dit de vivre pleinement en nouveauté de vie. « Pensez donc, s’exclamera-t-on ! Ce n’est pas en un instant, donc maintenant, que les choses vont changer. Nos progrès sont tellement lents, si peu visibles ! Ce qui nous taraude et nous désespère, c’est le fait que nous retombons dans les mêmes travers. Alors comment voudriez-vous que tout soit renouvelé d’un coup ! Soyons lucides : La vie abondante, sera pour demain quand on aura, au prix d’efforts soutenus, atteint des sommets spirituels. Pas avant » !
Ainsi raisonnent la plupart des croyants. Tout est pour demain : la réconciliation, le repos de Dieu, la plénitude de l’Esprit, la paix qui surpasse toute intelligence, la sainteté… La vie selon Dieu à laquelle aspire tout chrétien viendra certes, mais quand on aura fait de substantiels progrès dans la foi, et après des journées de jeûne, de prières, de méditation de l’Ecriture, lorsque, lorsque… Autrement dit, aux calendes grecques !
Le moment est venu de tourner résolument le dos à notre passé pourvu qu’il ait été réglé humblement devant Dieu ; cessons de le rappeler à l’instar de l’apôtre (Philippiens 3.14), car ce passé nous incite à douter du Tout-Puissant, au lieu de tendre les mains vers Celui qui « peut » et voudrait tant opérer son œuvre en nous dès maintenant. Le dicton est bien vrai qui déclare : Demain, mène à la ville jamais.
Et l’avenir !
En ce qui concerne l’avenir, la sagesse veut qu’on le laisse à Dieu : « il aura soin de lui-même ». D’ailleurs, ne nous leurrons pas : demain ne sera bon que si le présent est bon. Il n’y aura des progrès demain que si j’en fais aujourd’hui. Ma vie de prière ne s’affermira demain que si je prie maintenant. Si nos aujourd’hui sont mal vécus, l’avenir le sera aussi. Je ne serai sauvé demain que si je le suis aujourd’hui.
La Bible ne renvoie jamais à demain ; elle use de l’impératif qui appelle à une action immédiate qui réclame la foi, toute notre confiance au Fils de Dieu. Par exemple, elle dit : « Soyez réconciliés » – « soyez remplis de l’Esprit » « Pardonnez », etc. C’est donc aujourd’hui le jour de l’obéissance.
Comme je ne suis pas sûr de vivre demain, c’est bien aujourd’hui que je devrais expérimenter, ou plus exactement « recevoir », par la foi la plénitude de la vie, l’abondance promise par le Dieu tout-puissant. Oublierions-nous que c’est le présent qui est habité par le Seigneur et que c’est le présent, notre présent, qu’il veut remplir de Sa présence. Seule, l’éternité, qui est de fait un présent sans fin, devrait nous attirer. « Le moment actuel qu’il convient de vivre intensément, dit Kelly, devrait contenir tout ce qui est nécessaire à la complète satisfaction de nos aspirations les plus profondes ». Et c’est vrai parce que « nous avons » (non pas : nous aurons), nous avons tout pleinement en Jésus-Christ (Colossiens 2.10). Donc, il ne tient qu’à nous d’être riches des biens de Dieu, de les posséder aujourd’hui même, d’en vivre par la foi.
Savez-vous pourquoi Israël erra 40 ans dans le désert ? Simplement parce qu’il refusa d’entrer en Canaan alors qu’il se trouvait à Kadès, à la porte du pays promis ; rien ne l’empêchait de franchir la frontière quand il en reçut l’ordre. Mais parce qu’il « lança des espions dans l’avenir », imaginant un futur redoutable et sans espoir, saisi de panique, il regimba contre Dieu et contre Moïse, se montrant incrédule à l’égard de Celui qui avait promis protection et succès. Et ce fut la révolte aux conséquences désastreuses. Au lieu de considérer le présent qui était sans obstacle, il dramatisa l’avenir. Le rappel de ce fait douloureux est suivi d’un avertissement solennel qui nous concerne tous : « Si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur… mais efforcez-vous « aujourd’hui » d’entrer dans le repos de Dieu, dans le « repos de vos œuvres » afin de goûter à la plénitude de Dieu (Hébreux 4.10).
L’une de mes filles avait 3 ou 4 ans et nous étions à table pour le repas de midi. Ma femme avait déposé dans son assiette un morceau de viande que je m’apprêtais à découper en petits carrés lorsque l’enfant s’interposa brusquement : elle prit fièrement le couteau en me disant :
— Papa, je sais faire !
— Mais non ma petite ! Tu ne peux pas…
— Si, laisse, je sais faire.
Et sur le champ, elle tenta de découper son petit beefsteak en tenant bien maladroitement un couteau trop grand pour sa petite main. Je la laissai faire cependant, persuadé qu’elle n’y parviendrait pas ; elle avait une leçon à apprendre.
Au bout d’un moment, n’y arrivant pas, déçue, en larmes, elle me tendit le couteau en grognant :
— Papa, j’peux pas ! Fais-le…
Tant que ma fille voulait agir je ne pouvais l’aider ; elle m’empêchait de faire pour elle ce qui n’était pas à sa portée. De même pour le chrétien. Aussi longtemps qu’il prétend par lui-même satisfaire le Seigneur, il arrête Son bras et se montre incapable de réaliser ce qui est juste et bon. « Que le Dieu de paix… vous rende apte à toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté » (Hébreux 13.20-21). Autrement dit : Dieu commence quand nous avons fini. Trop de personnes sont si remuantes et bruyantes dans leur désir de faire quelque chose pour le Maître, qu’elles ne ne l’entende pas les supplier de le laisser agir. A. Murray a écrit : « Consentez à ce que vos œuvres propres prennent fin. Livrez votre moi pour qu’il meure avec le Christ. Vous êtes ensevelis avec lui, en Lui vous vivez. Selon ses paroles même, « haïssez votre vie » propre, perdez-là. Abandonnez vos vains efforts et demeurez prosternés devant Lui comme n’étant rien »…
Est-ce à dire que je doive attendre passivement que Dieu fasse tout en moi ? Non ! L’enfant de Dieu ne se croise jamais les bras. Il a toujours son rôle à jouer, sa tâche à accomplir… s’il veut que Dieu agisse et le rende capable de vivre pour lui plaire.
Luc nous rapporte, dans son évangile, un épisode de la vie de Jésus qui nous aidera à comprendre ce qui précède (Luc 5.1-7). Le voici :
« Comme Jésus se trouvait au bord du lac de Génésareth enseignant la foule qui se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, il vit au bord du lac deux barques, d’où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. Il monta dans l’une de ces barques qui était à Simon… et de la barque il enseignait la foule. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je jetterai le filet. L’ayant jeté, ils prirent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque de venir les aider. Ils vinrent et ils remplirent les deux barques, au point qu’elles enfonçaient ».
C’était donc bredouilles que Simon et ses collègues avaient regagné la berge ; et pourtant, le poisson ne manquait pas dans le lac ! Et pourtant ces pêcheurs étaient des hommes de métier expérimentés, travailleurs, dotés d’un bon matériel. Alors pourquoi leur échec et, plus tard, pourquoi cette pêche exceptionnelle ? Uniquement parce que la présence de Jésus dans la barque a fait merveille, cependant elle ne pouvait opérer sans les pêcheurs eux-mêmes qui ne sont pas restés inactifs. « Sur la parole de Jésus », ils ont obtempéré, acceptant d’obéir à un charpentier dont ils ont perçu l’exceptionnelle autorité. Ils n’ont pas dit : « à quoi bon ? » ou « d’ailleurs, il est incompétent, n’étant pas du métier » ! Ils sont allés jeter leur filet « en pleine eau », et c’est alors que se produisit l’extraordinaire.
Quelle leçon ! Ici, Jésus permet l’inefficacité des moyens pour mettre en évidence l’efficacité de sa présence. Sans le Christ, notre vie est stérile. Elle le sera encore si nous n’obéissons pas, si nous ne passons pas aux actes. Mais, que le Seigneur demeure et agisse en nous, et nous voilà portant « beaucoup de fruits », notre part – il y en a une – étant « de demeurer en Lui » (Jean 15.5). Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu.
« Que le Dieu de paix vous rende capable de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté et fasse en vous ce qui lui est agréable, par Jésus-Christ auquel soit la gloire aux siècles des siècles » (Hébreux 13.20-21).
Alors pourquoi avons-nous « traîné » si longtemps dans « le désert » sans connaître la vie abondante promise par Dieu ? Certainement parce que nous n’avions pas encore touché le fond de nous-mêmes, c’est-à-dire accepté une bonne fois pour toutes, l’idée que notre vieille nature ne pourra jamais, jamais satisfaire Dieu (Romains 8.5-8). Elle ne peut œuvrer pour Sa gloire. Il faut donc en finir avec ce Moi encombrant, totalement impuissant à bien faire. Dieu nous ordonne de le tenir crucifié. Livrons-le au Christ afin qu’il meure. Sans prétendre dire : « c’est Moi qui dois me sanctifier. C’est Moi qui dois changer mon caractère. Moi qui dois être fervent. Moi qui… Moi… Moi Je… » Celui qui se met ainsi en avant, en vérité se détourne de Dieu, le traite comme si l’on ne devait rien attendre de Lui. Attitude orgueilleuse qui l’attriste profondément.
Sur quoi doivent porter mes efforts.
Que doit-on faire pour plaire réellement au Seigneur afin qu’il agisse et manifeste sa puissance ? D’abord…
a) Oublier le passé et le donner à Dieu. Résolument. « Oubliant ce qui est en arrière, dit l’apôtre, je me porte en avant… » (Philippiens 3.13).
b) Marcher dans la lumière, c’est-à-dire, se tenir toujours plus près de Dieu par la prière, la lecture de Sa Parole, la participation effective à la vie de l’Eglise. Ainsi j’apprendrai à Le mieux connaître, Lui le Seigneur et, à mieux me connaître, ce qui n’est pas rien. Eclairé par le Saint-Esprit, il me révèlera ce qui lui déplaît et l’attriste dans mon comportement de tous les jours. Devant lui, sans réticence, j’avouerai tout péché conscient en l’abandonnant et me montrerai reconnaissant pour son pardon. Poussé par lui, je me donnerai aux autres, veillant à accomplir toutes choses pour sa gloire.
c) Accepter alors, sur le champ, la purification par le sang de la Croix. Je demanderai sans cesse à Dieu, avec foi, qu’il « purifie ma conscience des œuvres mortes (les œuvres serviles du moi) afin que je sois apte à servir le Dieu vivant » (Hébreux 9.14).
d) « Dépouillé » des œuvres de la chair, selon l’Ecriture, je « revêtirai le Christ ». Comment cela ? En gardant mes regards sans cesse tournés vers lui et en m’appropriant par la foi son œuvre en moi. Je veux lui donner carte blanche pour qu’il agisse en moi ; le Seigneur veut enrichir ma vie présente en la remplissant du sentiment de sa présence. C’est devant Lui que je serai satisfait, guidé et vainqueur. C’est Lui ma vie, la vraie.
Un jeune homme nouvellement converti, mais qui devait devenir un enfant de Dieu exceptionnel, déclara lors d’une réunion de jeunesse qu’il fallait tout abandonner avant que Dieu puisse agir en nous. C’est alors qu’un vieux chrétien, connu pour sa consécration, crut bon d’intervenir. S’adressant au jeune homme, il lui dit : « Si j’ai bien compris, d’après toi, on ne peut vivre selon Dieu, aujourd’hui même, car il faut d’abord se préoccuper d’abandonner quelque chose. Eh bien, j’ai appris qu’il convient de « prendre » d’abord avant de lâcher quoi que ce soit. » Avant de rejeter des scories d’un lingot d’or, on doit d’abord se saisir de cet or, le prendre dans ses mains. Je suis venu au bout de moi-même jadis, lorsque j’enseignai des enfants. Ils étaient ce jour-là si remuants et si désagréables, si peu disposés à écouter, que j’allais m’emporter lorsque je me suis tourné vers Jésus-Christ pour le supplier : « Seigneur, sois mon doux et patient caractère ».
Frappé par ce témoignage, le jeune chrétien devait dire : « A partir de ce moment là, j’ai décidé de vivre comme ce frère aîné, disant constamment à Jésus : « Sois cela en moi ; sois ce que tu veux que je sois ».
Nous ferons bien d’imiter ce croyant. Comme lui, avec une foi toute simple, nous dirons suivant les circonstances : Seigneur sois ma patience, sois ma bonté, sois ma confiance, sois mon secours… Et il ne manquera pas de combler ce besoin. Ce qui n’ira pas sans lutte et sans persévérance. A l’instar de l’apôtre, ne craignons pas d’affirmer : « C’est Christ qui vit en moi… Je vis dans la foi du Fils de Dieu. J’ai tout pleinement en Lui… » (Galates 2.20 ; Colossiens 2.10).
Après tout, Jésus ne demande que ce qu’il promet de faire en nous. Dans la tentation, il est notre secours. Dans la faiblesse notre force. Dans la peine, notre joie. Dans la perplexité, notre assurance. Dans le succès notre humilité. Notre part consiste à recevoir, à nous approprier ses grâces, à compter sur lui pour obtenir l’aide nécessaire au bon moment (1 Thessaloniciens 5.23-24 ; Hébreux 4.16 et 13.20-21).