Sa présence

AIMER

« Le fruit de l’esprit c’est l’amour… »

(Galates 5.23)

Lorsque nous habitions en plein Paris, un mendiant venait régulièrement s’installer sous nos fenêtres. De notre cinquième étage nous observions les allées et venues des passants toujours pressés et leurs réactions diverses nous intéressaient vivement. La plupart des gens défilaient sans prendre garde à ce pauvre homme que l’indifférence générale n’affectait guère ; il continuait de gratter son violon comme si les sous pleuvaient dans sa sébille. Cependant, de temps à autre, quelqu’un s’arrêtait brusquement après l’avoir dépassé de quelques pas ; il semblait réfléchir, hésitant, puis se décidait à plonger la main dans la poche ; il en tirait une pièce qu’il considérait un instant avant de la jeter dans la boîte, sans même daigner tourner la tête. Satisfait de son geste, il se hâtait de repartir. Apparemment sensible à la misère d’autrui, il oubliait une chose essentielle : celle de regarder le mendiant, de lui adresser un mot de sympathie ; bref, de lui témoigner un peu d’intérêt.

Peut-être ce généreux donateur était-il persuadé qu’il venait d’accomplir là une bonne œuvre et que ce beau geste d’amour lui revaudrait une meilleure place au ciel. Or, cet acte de générosité perdait beaucoup de sa valeur lorsqu’on le considérait du cinquième étage (et le cinquième étage n’est pas le ciel !) ; c’était en définitive de la charité sans charité, un geste accompli simplement pour apaiser une conscience momentanément alertée ou pour mériter quelque grâce d’En Haut. La vertu pratiquée sans amour n’est que du vice enrubanné.

Aimer !

Ce verbe tient beaucoup de place dans le Nouveau Testament. « C’est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu’ils ne parlent » (Paul Valéry). L’apôtre Paul l’appellera « le lien de la perfection » (Colossiens 3.14) ou « une voie par excellence » (1 Corinthiens 12.31).

Le terme d’amour est souvent sur nos lèvres mais en connaissons-nous vraiment le contenu ? Qui veut en acquérir la vraie notion doit s’approcher du Seigneur et méditer sa Parole dans un esprit d’obéissance. Près de lui, l’amertume, la rancœur ou la haine doivent déloger ; le chrétien a le choix : ou pardonner et bénir le méchant qui l’éprouve… ou s’éloigner de Dieu s’il estime que le prix de l’amour est trop élevé. Impossible de tenir devant le Père en cultivant de mauvais sentiments ou en nourrissant des projets de vengeance. C’est la croix… ou la valise, disait avec humour un cher ami qui n’est plus. Nul ne peut être uni à Christ sans désirer lui ressembler.

Trois constatations bibliques nous étonneront au sujet de l’amour :

1) Selon l’Écriture, c’est une erreur de croire que j’aime nécessairement lorsque je me montre aimable, généreux, serviable ou lorsque je me dépense sans compter dans une œuvre de charité. La déclaration de l’apôtre nous paraît excessive mais elle exprime la vérité : « Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » Autrement dit, il est possible de se dévouer et de tout donner aux démunis sans pourtant les aimer de l’amour de Dieu. L’illustration qui ouvre ce chapitre en est la preuve. Reconnaissons humblement qu’il n’est pas dans notre nature de travailler au bonheur du prochain, surtout sans contrepartie et en dépit de ce qu’il est ; aussi, que d’illusions se font tous ceux qui prétendent aimer !

2) La Bible nous apprend qu’on ne peut à la fois aimer et détester. C’est l’un ou l’autre. Un mari qui n’aime pas sa femme ne peut aimer ses enfants du véritable amour. Qui déteste sa concierge est incapable en même temps d’aimer son prochain, même s’il lui prodigue des marques d’affection. C’est ce que Jacques dit à sa façon : « De la même bouche sortent la malédiction et la bénédiction. Il ne faut pas qu’il en soit ainsi. La source fait-elle jaillir par la même ouverture l’eau douce et l’eau amère ? De l’eau salée ne peut produire de l’eau douce » (3.9-12). De la haine ne peut jaillir l’amour. Ce devrait être clair : si j’entretiens la rancœur, refuse de pardonner, vis égoïstement sans me pré- occuper des autres÷ c’est que je n’ai pas l’amour. Quiconque veut aimer doit être purifié de ces choses. Il n’y a pas d’amour sans purification. Ce point est d’importance. C’est pourquoi, en m’approchant de Dieu je m’expose à sa lumière et consens à ce qu’il sonde mon cœur pour le purifier (Retenir la promesse de 1 Jean 1.7).

3) Enfin, l’Écriture nous rappelle que l’amour n’est pas une production de l’homme, « une œuvre de la chair » mais « un fruit de l’Esprit » (Galates 5.22). Donc nous ne possédons pas cette vertu : il faut l’acquérir ou plutôt la recevoir. Il appartient à Dieu de me la communiquer puisque je ne peux aimer que de Son amour. Ma part est de vouloir fermement en être « revêtu » (Colossiens 3.14).

Suis-je conscient de manquer d’amour ? Ai-je réellement la volonté d’aimer comme il aime ? Il vaut la peine d’être fixé sur ces deux points.

Qu’est-ce qu’aimer, selon le Seigneur ?

Alors qu’est-ce qu’aimer ?

Il suffit de considérer le Père et le Fils pour en avoir une idée. Aimer c’est vouloir. C’est vouloir comme Dieu veut, lequel a formé le dessein de me racheter « selon le bon plaisir de sa volonté » (Éphésiens 1.5, 9, 11). Aimer, c’est vouloir le bien et le bonheur de l’autre, c’est travailler à sa joie, à son épanouissement et à son salut, en dépit de ce qu’il est et de ce qu’il fait. C’est prendre à cœur ses intérêts comme nous le conseille l’apôtre : « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts considère aussi ceux des autres » (Philippiens 2, v. 4). Un tel amour suppose que j’accepte mon prochain tel qu’il est avec ses qualités et ses défauts… sans pour autant l’approuver ou entrer dans son jeu bien entendu.

Quiconque vit dans la lumière du Seigneur ne dira plus, en parlant d’un frère qui lui a causé du tor : « J’attends qu’il répare et vienne me faire des excuses. Qu’il me demande pardon d’abord et je pardonnerai ensuite ! » Au contraire. Inspiré par Celui « qui nous a aimés le premier », il prendra l’initiative d’une éventuelle réconciliation « Dieu prouve son amour envers nous en ceci : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous » (Romains 5.8).

Certes, lorsque le tort subi est grave, douloureux, humiliant, tout l’être se révolte, crie à l’injustice, réclame le châtiment ; la haine envahit le cœur. Aussi s’exclame-t-on : « Pour moi, c’est impossible de pardonner ; on m’a fait trop de mal ! » Oui, impossible… à moins de recevoir une grâce du ciel, ici la capacité d’aimer le coupable à l’instar de Joseph qui accueillit et bénit ses frères malgré leur méfait ; un triste méfait qui lui valut treize années d’esclavage ou de prison. Puisque Dieu me demande impérativement de répondre au mal par le bien, j’accepte sa volonté et m’attends à lui, fermement décidé à la réaliser (Matthieu 5.44).

Éprouveriez-vous quelque réticence à admettre ce qui précède ? Alors ne manquez pas de méditer l’avertissement de Jésus, toujours valable : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes » (Matthieu 6.14). C’est sérieux !

Quiconque vit dans l’intimité du Père consent à bénir même celui qui l’éprouve. Bénir est notre vocation (« appelés à bénir » précise Pierre — 1 Pierre 3.9). Que faut-il entendre par ce terme dont le sens échappe à beaucoup ? Notez sa triple signification :

a) Bénir, c’est dire du bien de son prochain. C’est tenir à son égard un langage positif, favorable sans mettre en avant ses faiblesses. C’est relever ses qualités et mentionner les bonnes choses qui sont à son actif. « Par la langue nous bénissons » (Jacques 3.9 — ici, le contraire est : médire). N’oublions pas que Jésus est l’avocat ; il plaide notre cause alors que Satan, appelé l’accusateur des frères, rappelle et souligne à plaisir nos fautes. De ces deux personnes, de qui sommes-nous les émules ? De Christ ou de Satan ?

b) Bénir, c’est souhaiter le meilleur non seulement à nos amis mais aussi à ceux qui nous éprouvent. C’est aller jusqu’à implorer Dieu pour qu’il sauve et comble de ses biens celui-là même qui nous a fait du tort, sans qu’il en résulte nécessairement un avantage pour nous (ici, le contraire de bénir est : maudire). Le chrétien ne se contente pas de souhaiter : bonne année ou bon voyage, mais il intercède pour qu’il en soit ainsi. C’est conforme à l’Écriture. Cependant, Jésus va plus loin : « Priez pour ceux qui vous maltraitent » (Matthieu 5.44). Ne dites pas : « C’est impossible ! C’est trop difficile !… » ce serait invoquer des prétextes pour refuser d’aimer et de recevoir d’En Haut la capacité de « riposter par l’amour » !

c) Bénir c’est enfin et plus encore passer aux actes en payant de sa personne ; c’est travailler pratiquement au bien de l’autre, fût-il un persécuteur, et répondre ainsi à l’injonction du Fils de Dieu : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent » (Matthieu 5.44).

Tel chrétien a-t-il mal parlé de moi ? « Seigneur, par ta grâce, je veux l’aimer, aller vers lui, l’entourer, le réjouir, lui donner… Merci pour cet amour qui vient de toi. » « Celui qui vous a appelés est fidèle et c’est Lui qui le fera » (1 Thessaloniciens 5.24. Lire Hébreux 13.20-21). Gloire à Dieu !

Une fois de plus, Paul nous étonne. Il parle de l’amour comme d’un vêtement qu’il faut endosser : « Par-dessus tout, revêtez-vous de l’amour qui est le lien de la perfection » (Colossiens 3.14). Toutefois, comme il ne convient pas d’enfiler le vêtement neuf sans ôter d’abord le vieux, l’apôtre recommande au préalable à ses lecteurs de se « dépouiller du vieil homme et de ses œuvres » (v. 9) en précisant : « Renoncez à l’animosité, à la méchanceté, à la calomnie… » (v. 8). Donc, pas d’amour sans purification. En considérant de plus près le contexte, nous découvrons que l’amour est une Personne puisque le même apôtre nous exhorte à « revêtir Jésus » (Romains 13.14), à l’accueillir par la foi en lui donnant carte blanche sur notre vie.

Questions :

  1. Êtes-vous convaincu que, par nature, vous n’êtes pas porté à aimer, en particulier ceux qui vous éprouvent ? Avez-vous soif d’aimer selon Dieu ? De son amour ?
  2. Y a-t-il quelqu’un que vous détestez ? Vous a-t-on fait un grand tort dont le souvenir vous hante sans que vous parveniez à l’oublier ? Dans ce cas, êtes-vous résolu à pardonner et à bénir cette personne, sachant que Dieu vous en rendra capable ?
  3. Avez-vous demandé à Dieu de purifier votre cœur de toute amertume ou rancœur ? Pouvez-vous dire de telle personne qui vous éprouve : « Je l’aime de l’amour du Seigneur » ?

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