Les gens autoritaires sont éprouvants. Sourds à toutes protestations, étonnés qu’on les formule, ils imposent leur loi autour d’eux et exaspèrent leur entourage. Ne les imitons pas mais veillons à respecter la liberté des autres. Ils nous en seront reconnaissants.
Les belles-mères – c’est connu sous tous les cieux – n’ont pas bonne presse, surtout celles qui croient avoir reçu de Dieu la mission de veiller étroitement sur le nouveau foyer. Pensez-donc : la jeune épouse est tellement inexpérimentée !
Alors pleuvent les conseils :
— Mais non, Françoise ! Ce n’est pas assez deux kilos de sucre pour tant de fruits. Il en faut au moins quatre si vous voulez réussir votre confiture.
— Françoise, vous devriez choisir le bleu pour votre jupe. Cette couleur convient mieux à votre teint.
— Françoise… soyez plus ferme avec vos enfants. Un jour, ils vous domineront.
— Françoise, dites à votre mari qu’il ne devrait pas acheter maintenant sa nouvelle voiture : vous venez d’entreprendre des réparations coûteuses et je crains que vous ne soyez à court. A votre place, j’attendrais…
— Françoise, et si vous veniez passer l’été avec nous au bord de la mer ? Ainsi nous pourrions nous occuper de vos enfants… et profiter de votre voiture pour les déplacements.
A moins que les jeunes époux ne s’égarent sur le plan moral ou spirituel – dans ce cas nous avons le devoir de les avertir affectueusement – bannissons résolument toute réflexion qui irrite inutilement et surtout creuse un fossé entre enfants et beaux-parents. Rien n’est plus agaçant que de se savoir perpétuellement contrôlé, que d’être même en mesure de prévoir à l’avance « la remarque désobligeante » de maman (ou de papa). Pas de cela ! Conduisez-vous en « beaux-parents » modèles, vous aurez tout à y gagner. Pour ce faire, soyez positifs, toujours soucieux de relever ce qui est bon, digne d’être admiré, sujet de joie pour l’autre. Ne vous lassez pas d’encourager. Discrètement, bien sûr ! Gardez pour vous les remarques négatives. De ce côté, que rien ne transpire. Et puis, restez sensibles aux réactions des « jeunes » et prenez au sérieux les plaintes qu’ils formulent à votre endroit. Ne soyez pas toujours « fourrés » dans la maison de vos enfants. Attendez plutôt qu’ils vous rendent visite : ils ne tarderont pas à vous réclamer et à se plaindre que vous n’allez pas assez les voir. Sachez qu’une présence trop assidue finit par encombrer.
Surtout n’accumulez pas les conseils, mais attendez qu’on les sollicite. Laissez la jeune femme organiser sa maison comme elle l’entend ; accordez-lui la joie de placer les meubles où bon lui semble, de coller le papier peint qu’elle a choisi avec amour. Les fautes de goût n’ont jamais tué personne. Après tout, le jeune ménage appartient à une autre génération et l’un des conjoints vient d’un milieu différent du vôtre. Ce qui signifie : autres besoins, autre vision des choses, autre mentalité. C’est pourquoi, respectez la totale indépendance du jeune foyer. C’est une cellule qui a sa vie propre et dans laquelle vous n’avez pas voix au chapitre. Ceci doit être clair… et accepté une bonne fois pour toutes. Attendez qu’on sollicite votre opinion pour la formuler sinon, abstenez-vous de la donner. « Ils » viendront d’autant plus vous consulter que vous veillerez à leur laisser les mains libres. C’est difficile… mais indispensable pour que s’établissent de bons rapports entre vous.
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Les parents ont raison qui exigent de leurs enfants en bas âge soumission totale sans qu’il soit nécessaire de fournir des explications. C’est la période de l’existence où le « gosse » doit être dominé. Il a besoin de sentir au dessus de lui une autorité car il est sécurisant pour lui de se savoir dirigé. Malheureusement, certains oublient que l’enfant grandit, devient adolescent puis adulte. Inconscients de cela, ils continuent de le traiter comme « un petit ». C’est grave. D’où les suites fâcheuses : mécontentement, reproches, tension plus ou moins sourde, explosion et… parfois rupture. A mesure que passent les années doivent évoluer l’autorité et s’adoucir la tutelle. Le père ne devrait-il pas accorder progressivement la liberté à son fils ou à sa fille et les traiter, une fois adultes en être responsables, donc libres de leurs mouvements et de leurs initiatives, de leurs options et de leurs actes, particulièrement lorsqu’ils ne lui sont plus à charge. Surtout, n’obligez pas votre fille de vingt cinq ou trente ans à se plier encore à la discipline et au rythme de la vie familiale sous prétexte qu’elle est célibataire. N’en faites pas votre bonne qui gardera les plus jeunes pendant que vous sortirez en ville. Ne lui imposez pas non plus vos amitiés, je veux dire, ne lui faites pas obligation de rester à la maison pour tenir compagnie aux gens de « votre » génération. Vous ne pouvez lui demander de vivre comme une fille de quinze ans.
Si d’aventure, elle manifeste le désir d’avoir sa vie propre, son « chez soi » à quelque distance de chez vous, n’en faites pas un drame. N’est-ce pas légitime après tout ? Des confidences de demoiselles de trente ou quarante ans m’ont démontré que l’on se préoccupe fort peu – ou maladroitement – du bonheur de ceux qu’on prétend aimer.
Le moment, pour votre fils, est-il venu de choisir une profession, de se former en vue d’un métier particulier ? Là encore, respectez sa liberté. Dirigez discrètement ses recherches. Et si vous pensez qu’il se fourvoie et s’engage dans une mauvaise voie, avertissez-le. Sans brusquerie et sans crier au scandale. Soulignez les côtés négatifs du métier choisi, relevez- en les dangers pour la vie spirituelle ou le foyer.
Eclairez-le, c’est votre devoir mais ne l’empêchez pas d’accéder à un emploi auquel il aspire, de viser une situation qui répond à ses goûts et à ses qualifications. Il est toujours désastreux de s’engager à contre-cœur dans une voie qu’on ne souhaite pas suivre, d’accomplir toute sa vie un métier qu’on n’aime pas et pour lequel on n’est pas fait.
Il y a des pères qui insistent auprès de leur fils pour qu’il reprenne, ou plutôt s’engage dans l’affaire de famille. C’est bien si le fils le désire. S’il manifeste quelque réticence, n’insistez pas. Respectez sa liberté. Et s’il entre « dans la boîte » n’attendez pas d’être à bout de souffle, à plus de quatre vingts ans pour confier les rennes de l’entreprise à votre rejeton. Il y a des fils qui s’exaspèrent et rongent leur frein parce qu’ils atteignent la cinquantaine sans jamais avoir eu l’occasion de s’exprimer ou de prendre quelque initiative destinée à rénover une affaire qui en est encore aux méthodes du siècle passé.
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Trop de parents veulent convertir leur enfant, de gré ou de force. Souvent par orgueil afin de pouvoir déclarer aux amis : « Vous savez, tous mes enfants sont convertis ». Je souhaite que toute maman puisse tenir ce langage et c’est un grand cadeau de Dieu lorsque les nôtres s’engagent derrière le Seigneur. Mais on ne peut « forcer » une décision.
Je pense à des mamans qui me disent :
— M. Adoul, parlez à mon enfant. Depuis quelque temps, il ne veut rien entendre lorsque nous lui parlons de Jésus… »
J’accepte de m’entretenir avec le fils ou la fille mais précise que je n’ai rien d’un convertisseur.
Le jour convenu, je vois la maman sermonner son fiston devant moi :
— « Tu sais, j’ai demandé à M. Adoul de te parler car tu es un rebelle. Tu refuses de donner ton cœur au Seigneur alors que tu as entendu plusieurs fois son appel. Et puis, je demande à M. Adoul de te secouer et de te montrer combien ton cœur est noir… » Et autres paroles maladroites qui humilient l’enfant et, du même coup, rendent l’entretien impossible, et d’autant plus difficile que la maman reste à nos côtés pour voir « si je parlerai comme elle le désire et réussirai à le gagner ». Gare à moi si j’échoue !
Alors j’ai une folle envie de dire au garçon : « Viens, nous allons faire une partie de boules ».
Ne donnez jamais l’impression à vos enfants que vous voulez leur imposer votre foi, les convertir malgré eux. Criez plutôt au Seigneur pour qu’il se révèle à eux le moment venu. Laissez-les libres dans ce domaine et ils vous en sauront gré.
Cependant, ne tombons pas dans le travers opposé. En effet, sous prétexte de respecter la liberté de leurs enfants, des parents chrétiens déclarent naïvement : « Moi, je ne parle pas de Dieu aux miens et ne leur demande nullement d’assister à un service religieux quelconque le dimanche matin. Je me refuse d’exercer sur eux la moindre pression et de les influencer en matière de foi. Lorsqu’ils seront en âge de se déterminer, ils choisiront eux-mêmes librement et lucidement leur religion… »
Que voilà du beau langage ! De tels parents – s’ils sont chrétiens ? – oublient deux choses : D’abord, que les athées n’ont pas semblables scrupules. Qui le leur reprochera ? – Et puis que l’homme doit être placé devant plusieurs objets, plusieurs enseignements pour fixer librement son choix. Parce que faussement respecté, le jeune homme ignorera tout de la foi lorsqu’il se rendra au collège ou à l’université. Là, il côtoiera des copains déjà endoctrinés, il entendra des professeurs chevronnés qui ne se priveront pas de lui inculquer – et avec brio – des idées extrémistes, en tous cas négatives en ce qui concerne l’Evangile. Privé du bon enseignement conforme à l’Ecriture, l’adolescent ne pourra librement choisir la « voie du Seigneur » pour la raison bien simple qu’il ne la connaît pas. Aussi tombera-t-il comme un fruit mûr dans les théories en vogue sans pouvoir discerner le vrai du faux. Les responsables ? Le père et la mère chrétiens, faussement scrupuleux qui ont ignoré ou négligé la recommandation de l’apôtre : « Pères, élevez vos enfants en les instruisant selon le Seigneur » (Ephésiens 6.4). Ne laissons pas aux autres le soin d’enseigner la bonne parole à ceux qui nous sont confiés.
Cependant, instruire ne signifie nullement « endoctriner » et ce ne sera jamais un nouvel endoctrinement qui viendra à bout des idées reçues car il ne s’agit pas d’opposer une meilleure doctrine à une autre jugée erronée et dangereuse. Beaucoup de croyants convaincus tombent dans ce piège : ils cherchent à faire triompher leur point de vue sous prétexte qu’ils sont dans le vrai. Faire pression sur l’autre, user de son ascendant ou de son éloquence pour entraîner quelqu’un derrière soi est une faute parce que nous ne sommes pas appelés à faire de nouveaux endoctrinés mais des disciples de Jésus-Christ. Notre mission est d’annoncer, avec enthousiasme sans doute, une personne qui a joué un rôle immense dans notre vie. Quiconque l’accueille voit et comprend. Jésus-Christ – car il s’agit de lui – est Lumière, Sagesse et Vérité. Une lumière qui balaie nos obscurités et nous libère de leur emprise.
Parlant de la secte « Moon », le pasteur D. Furter écrit : « Ce viol des consciences nous invite à regarder chez nous et à nous poser des questions sur nos méthodes pour communiquer l’Evangile alors que nous devons tenir cette gageure : « en sauver de toute manière quelques-uns » et sauvegarder entièrement la liberté de leur décision. Des hommes perdus nous entourent, des enfants grandissent dont nous désirons ardemment le salut, l’amour du Seigneur nous presse d’évangéliser et pourtant nous avons le devoir évangélique de nous imposer des limites dans la prédication, la cure d’âme, les missions d’évangélisation, le travail auprès des jeunes et des enfants…
Notre angoisse devant ce mourant qui n’a pas encore accepté Christ ou ce jeune qui perd pied ne nous autorise pas à arracher une conversion par la pression verbale et psychique, l’exploitation de la fatigue du malade. Dans le tête-à-tête avec une personne qu’un problème fait souffrir, nous aurons assez de patience et de tact pour ne pas extirper un secret qui pèse. La confession sera libre. Nous attendrons… ou nous consentirons à ne pas savoir. Avec les jeunes, nous veillerons à ne pas fabriquer des ambiances artificielles ou tout au moins à en profiter pour susciter des décisions alors que les participants sont plus ou moins « aliénés » par le climat et perdent le sens du réel. Quant aux enfants qui ne demandent qu’à nous croire, n’abusons pas de leur candeur. Eux aussi on droit à la liberté et nous devons la respecter.
« L’Evangile est l’immortelle semence de la liberté » écrivait A. Vinet. La seule contrainte légitime est celle de l’amour, et l’amour respecte toujours l’autre et sa personnalité.
Bénéficiaire de cette liberté, nous devons en témoigner dans notre manière de communiquer l’Evangile et également dans le ministère d’édification car nous avons aussi à sauvegarder la liberté des chrétiens ! Puissions-nous toujours trouver l’équilibre entre l’exigence de la conquête et celle du respect de l’autre ». (1).
(1) Journal « Pour la Vérité » mars 1976.
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Il est bouleversant de noter combien Dieu est soucieux de notre liberté. Jamais il ne s’impose à nous, alors que Satan cherche à nous assujettir. Le Seigneur appelle, invite avec insistance sans pour autant nous obliger à le servir. Il le prouve en désignant Pierre et non l’ange pour annoncer la Bonne Nouvelle à Corneille. (2) Pourquoi cela ? Parce qu’une prédication venant des anges forcerait la conviction. Il y aurait contrainte par l’évidence. Or, le cœur et la conscience doivent être touchés et c’est la raison pour laquelle Dieu a jugé bon d’utiliser ses rachetés pour annoncer aux perdus l’Evangile de la grâce.
(2) Actes 10.
L’Apocalypse nous rappelle que le Christ « frappe à la porte » sans chercher un instant à l’ouvrir. Il n’entre pas dans notre vie sans notre consentement, malgré nous, bien qu’il soit le Roi des rois. Et lorsque nous paraissons disposés à le suivre, gagnés… il nous dit, comme jadis à ses disciples : « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller » ? (3)
(3) Jean 6.67.
C’est parce que Dieu nous laisse libre que l’apôtre répète à ses lecteurs : « Donnez-vous vous-même à Dieu. Offrez vos corps en sacrifice… » (4) Dieu a payé cher – très cher – notre rachat ; il est juste, raisonnable, qu’en retour nous nous abandonnions à Lui. Un client qui vient de régler le prix d’un objet ne s’attend-il pas à ce que le marchand lui remette cet objet ? N’est-ce pas logique ?
(4) Romains 6.13 et 12.1.
On raconte qu’au temps de la traite des noirs, un homme riche vit passer des esclaves enchaînés qu’on menait au marché. Trafic abominable qui le bouleversa. En bout de chaîne, le négrier frappait à tour de bras un vieillard épuisé de fatigue qui ne pouvait plus faire un pas. Emu, l’homme riche s’approcha de la brute pour lui dire en montrant le malheureux du doigt :
— Celui-ci, combien ?
Lorsqu’il eut réglé le prix exigé, le marchand libéra l’esclave et, le regard mauvais, lui lança :
— Voilà ton patron.
Et le triste convoi reprit la route.
Apeuré, le vieillard attendit les ordres de son nouveau maître qui le regardait avec compassion.
— Tu es libre, déclara l’homme. Tu peux retourner chez toi, j’ai payé pour ta libération…
Alors, surpris, le vieillard comprit qu’il ne pourrait atteindre son village, d’ailleurs entièrement détruit et déserté. Sans aucun doute il périrait en chemin et puis… où aller ? Ne valait-il pas mieux qu’il se donnât à quelqu’un qui l’aimait ?
Alors, brusquement, il se jeta aux pieds de son bienfaiteur et lui dit, suppliant : « Je ne te quitterai pas. Je t’appartiens pour toujours et suis volontairement ton esclave. Auprès de toi je serai heureux car je sais que tu m’aimes. Ce sera le meilleur pour moi et je te servirai pour te dire ma reconnaissance… ».
Notre Seigneur veut être aimé et servi délibérément, sans contrainte. C’est sa gloire. Alors, suivons ses traces en respectant la liberté de ceux qui ont affaire à nous.