Le feu du réveil

XI. L’INUTILITE D’EFFORTS SPASMODIQUES

Avant de développer le sujet de ma dernière lettre, je veux attirer l’attention de mes frères sur un mal qui me semble avoir profondément attristé l’Esprit de Dieu, et qui représente actuellement un véritable obstacle au réveil. J’y ai déjà fait allusion dans une précédente lettre. Je veux à présent en parler d’une manière plus précise. Ce mal est le suivant: on a accablé les hommes de réveil de préjugés défavorables. Cela a profondément attristé l’Esprit de Dieu. Il me semble que l’on n’a pas suffisamment réfléchi au fait qu’un esprit influencé par des préjugés ne peut pas avoir de communion avec Dieu. Il ne peut donc être exaucé dans ses prières, ni recevoir la grâce indispensable pour vivre d’une manière qui honore Dieu. On ne peut nier le fait que l’Eglise, d’un bout à l’autre de notre pays, est pleine de toutes sortes de préjugés. Ces préjugés anéantissent la piété des églises et empêchent de le réveil. Bien souvent, les serviteurs de Dieu, certainement sans le vouloir, ont eux-mêmes injecté ces préjugés dans l’esprit des membres de leurs églises. Ils les ont ainsi coupés de la communion avec Dieu. Ces chrétiens ont perdu toute capacité d’ouverture spirituelle. Ils ont déjà leurs idées préconçues. Ils refusent d’entendre de leurs deux oreilles pour juger ensuite. Dans certaines Eglises, ces préjugés touchent un grand nombre de domaines. L’abolition de l’esclavage, la réforme morale, les hommes et les mesures de réveil, les séries de réunions, la Nouvelle ou l’Ancienne Ecole de Théologie, la sanctification ou l’anti-sanctification, tout cela a fait l’objet de grands préjugés. Il importe peu que ces préjugés soient pour ou contre la vérité. Il suffit qu’il y ait préjugé. Il suffit que l’esprit soit orienté dans une certaine direction, et se ferme à toute autre éventualité, pour que l’âme soit effectivement coupée de Dieu.

Un préjugé est le fait d’avoir une idée préconçue sur un certain sujet. Une idée préconçue est exactement ce que Christ veut interdire. Le Seigneur ne veut pas nous empêcher s’avoir une opinion ferme, ni un jugement définitif sur certains cas, questions ou personnages sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer. Mais Il ne veut pas que nous jugions sans avoir examiné chaque cas d’une manière objective, complète et charitable.

Certains serviteurs de Dieu, d’un tempérament combatif, ne se rendent pas compte, en fait, qu’ils poussent leurs assemblées, par leurs prédications, à avoir une foule de préjugés qui produisent tout autre chose qu’une réelle piété. J’ai été souvent choqué d’entendre les préjugés exprimés par les serviteurs de Dieu eux-mêmes, et par les chrétiens de toutes dénominations.

Frères, si nous voulons un réveil parmi les chrétiens, nous devons nous méfier de toute tendance à les pousser à avoir des préjugés, dans n’importe quel domaine. Ils sont déjà assez enclins naturellement à avoir des préjugés et à porter des jugements subjectifs. Ce n’est pas la peine de les pousser, par nos prédications, à avoir un état d’esprit aussi impie. Arrêtons de les mettre en garde contre telle ou telle chose, de dénoncer l’anti-esclavagisme, la réforme morale, la colonisation, ou toute autre chose, dans un esprit et d’une manière qui crée des préjugés! Il se peut que nous pensions rendre service à Dieu. Il se peut que nous nous réjouissions de voir le zèle de nos assemblées pour ce que nous croyons être la vérité. Nous voulons peut-être former et maintenir nos chrétiens dans l’orthodoxie. Nous voulons qu’ils soient enflammés de zèle, au point de parcourir la terre et la mer pour faire des prosélytes à leur image. Mais nous apercevrons qu’ils auront fait de leurs convertis des enfants de la géhenne deux fois plus qu’eux- mêmes.

D’autres chrétiens que ceux dont je viens de parler me semblent être tombés dans une erreur diamétralement opposée. Ces chrétiens, au lieu de prétendre qu’il ne faut employer aucun moyen spécial pour convertir les pécheurs et sanctifier l’Eglise, semblent être tout-à- fait certains qu’aucun résultat ne pourra être obtenu sans programmer de longues séries de réunions. Ils veulent utiliser les méthodes les plus excitantes. Ils semblent dépenser tous leurs efforts à organiser ces séries de réunions. Ils consacrent presque tout leur temps à déployer une énergie intense, et à programmer des réunions pendant une petite partie de chaque année. Mais, le reste du temps, il ne font que peu d’efforts pour intéresser les chrétiens à la foi, pour sanctifier l’Eglise et convertir les pécheurs. Il me semble que ces chrétiens n’ont absolument pas compris quelle était la seule méthode propre à développer sainement la foi chrétienne. Ils rejoignent en cela le premier groupe dont j’ai parlé, et ces auxquels ils semblent s’opposer.

Certes, je pense qu’il est certainement très utile d’organiser une série de réunions, pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Les circonstances peuvent même l’exiger. Mais, d’une manière générale, il me semble plus sain pour la foi et le développement spirituel des chrétiens d’organiser toute l’année, d’une manière régulière, des réunions d’enseignement et de prière. Il faut que ces réunions soient assez fréquentes pour soutenir l’attention des chrétiens, mais assez étalées dans le temps pour ne pas les perturber dans leurs tâches ordinaires ou nécessaires. Il faut laisser aux chrétiens le temps de faire les choses qu’il leur est indispensable de faire.

Après avoir acquis de l’expérience en matière de réveils, j’ai adopté une pratique qui me semble avoir été également adoptée par les serviteurs de Dieu et les Eglises travaillant pour le réveil. Nous avons ajouté aux réunions du dimanche un certain nombre de réunions pendant la semaine. Mais leur nombre doit être tel que chacun puisse aisément y assister. Personne ne doit être gêné dans l’exercice normal de ses fonctions dans ce monde. Nous nous en sommes tenus à cela. J’ai assisté à de puissants réveils en zone rurale, en plein milieu des récoltes. Je me suis rendu compte que ces réveils pouvait continuer tant que le nombre des réunions permettait aux fermiers d’assurer leurs récoltes, sans aller au-delà. On a commis une erreur majeure ces dernières années. Les Eglises qui cherchent le réveil interfèrent de manière abusive, pendant un certain temps, avec tous les devoirs ordinaires de la vie domestique, commerciale, agricole et industrielle. Ils transforment en dimanche chaque jour de la semaine, pendant une longue période ininterrompue. A tel point qu’il est ensuite nécessaire de ne plus tenir de réunions pendant longtemps, à l’exception de celles du dimanche. Les chrétiens ont alors tellement négligé leurs affaires courantes, et pendant si longtemps, qu’ils doivent ensuite faire de grands efforts pour rattraper leur retard dans ce domaine. Ces efforts sont à la mesure des efforts qu’ils ont faits pour rattraper leur retard spirituel pendant ces longues séries de réunions. Ils vont d’un extrême à l’autre. Ils assistent à une réunion par jour pendant une longue période. Puis ils passent à une autre période où ils n’ont plus qu’une réunion du dimanche, à laquelle presque personne ne se rend. Ils alternent des périodes où ils vont presque tout le temps à des réunions, et des périodes où ils ne vont plus à aucune réunion, excepté au culte du dimanche. Il me semble qu’une telle attitude manque complètement de sagesse. Les résultats qu’elle produit démontrent aux Eglises qu’une telle démarche n’est pas saine. Il vaut mieux organiser des réunions régulières pendant toute l’année. Chacun pourra ainsi satisfaire à ses obligations séculières et professionnelles.

Comme l’intérêt des hommes est de plus en plus attiré par toutes sortes de sujets, il nous revient, dans la même proportion, d’accroître la fréquence et l’urgence de nos appels. Nous devons arriver à fixer leur attention sur ce grand sujet du salut. Les hommes de ce monde font de plus en plus d’efforts pour attirer l’attention de leurs semblables sur des sujets mondains. Nous aussi, nous devons, dans une proportion au moins égale, multiplier les moyens propres à retenir l’attention des hommes sur des sujets spirituels. Cela me semble être une loi de l’esprit humain.

Il ne faut pas prétendre qu’un réveil dépend uniquement de la souveraineté de l’Esprit de Dieu. Il est faux de dire que nous ne devons pas utiliser de moyens spéciaux pour le produire. Ces moyens sont nécessaires pour permettre à l’Esprit d’accomplir Son oeuvre. Il faut les utiliser en abondance, si nous voulons que Dieu accomplisse le résultat que nous désirons. Les serviteurs de Dieu ont compris à leurs dépens qu’en organisant de longues périodes spéciales de réunions, pour obtenir un réveil, ils n’ont fait que pousser de plus en plus les Eglises à s’engager dans une excitation spasmodique et temporaire. Ils se concentrent sur les périodes de l’année où les gens n’ont pas beaucoup d’autres choses à faire. Ou ils ne prennent pas en considération ce que les chrétiens doivent faire, et ils leur demandent de faire des efforts prolongés. Les chrétiens assistent alors jour et nuit à des réunions, pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Puis ils abandonnent ensuite complètement tout effort.

Au lieu de cela, les Eglises devraient faire des efforts réguliers. Elles devraient chaque jour faire le nécessaire pour retenir l’attention des gens. Elles devraient contrebalancer l’attirance que le monde exerce sur eux, attirance qui met en danger leur âme.

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