Déjà la plupart des membres du concile étaient arrivés à Constance, lorsque deux hommes ennemis l’un de l’autre et aussi éloignés par le rang que par le caractère, un pape et un simple prêtre excommunié, Jean XXIII et Jean Hus, s’acheminaient tous deux au concile, remplis de sinistres pressentiments.
L’équipage du pontife ayant versé sur une montagne du Tyrol d’où la vue s’étendait sur Constance et sur son lac, cette chute parut à Jean XXIII de fâcheux présage. « De par Satan, dit-il, me voici tombé ! Que ne suis-je plutôt demeuré à Bologne ! » Et regardant la ville dans la vallée : « Je le vois bien, reprit-il, voici la fosse où l’on prend les renards. » Il comprenait, en effet, que, l’extinction du schisme étant l’objet principal du concile, il fallait, pour atteindre ce but, que les trois hommes entre lesquels la chrétienté se partageait fissent place à un nouveau pontife dont l’élévation parût être l’expression du vœu général. Aussi feignit-il de convoquer de bonne foi le concile, afin de s’assurer le droit de le dissoudre.
Les tristes pressentiments de Jean Hus n’étaient ni moins forts ni moins fondés ; il ne négligea aucun moyen de légitime défense, mais son cœur ne faiblit pas. Il fit d’abord connaître hautement sa résolution de rendre à Constance témoignage pour sa foi. Peu de jours avant son départ, dans un écrit affiché aux portes du palais, il annonce qu’il part pour se justifier devant le concile : « Afin, dit-il, que, si quelqu’un me soupçonne d’hérésie, il s’y transporte et fasse voir, en présence du pape et des docteurs, si j’ai jamais tenu et enseigné aucune opinion fausse et erronée. Si on peut me convaincre d’avoir enseigné quelque doctrine contraire à la foi chrétienne, je ne refuse pas de subir toutes les peines encourues par les hérétiques, mais j’espère que Dieu n’accordera pas la victoire à des infidèles, à des hommes qui outragent la vérité. »
Hus publia ensuite qu’il était prêt à rendre compte de sa foi devant l’archevêque et son clergé ; puis il demanda hardiment un certificat d’orthodoxie à celui-là même qui, par sa charge, devait être plus ardent à le condamner, à l’évêque de Nazareth, grand-inquisiteur du diocèse de Prague. Il est aussi difficile de comprendre qu’impossible de nier qu’il obtint ce qu’il demandait : l’attestation de l’inquisiteur, dont il fut dressé par-devant notaire un acte authentique, portait en substance ce qui suit : « Nous faisons savoir à tous par ces présentes que nous avons souvent conversé avec l’honorable maître Jean Hus, bachelier en théologie de la célèbre Université de Prague, que nous avons eu plusieurs entretiens sérieux avec lui sur les saintes Écritures et sur d’autres matières, et que nous l’avons reconnu pour un fidèle et bon catholique, ne trouvant en lui jusqu’à ce jour ni mal ni erreur. Nous attestons de plus que ledit Jean Hus a déclaré qu’il était prêt à rendre raison de sa foi devant l’archevêque et son clergé contre quiconque se présenterait pour l’accuser d’erreur ou d’hérésie, mais qu’il ne s’est présenté personne pour soutenir l’accusation. En foi de quoi nous lui avons délivré cette lettre scellée de notre grand sceau. Donné à Prague, le 30 août 1414. »
Armé de cet écrit, Hus se présente à l’abbaye de Saint-Jacques, où les barons et l’archevêque de Prague étaient assemblés pour les affaires du royaume. Là il supplie l’archevêque de déclarer hautement s’il l’accuse ou s’il le soupçonne d’hérésie, et, dans le cas contraire, il le conjure de lui donner un témoignage public dont il puisse faire utilement usage dans son voyage à Constance. L’archevêque répond qu’il n’est point à sa connaissance que J. Hus soit coupable d’aucun crime ni d’aucune faute ; il l’invite cependant à se purger de l’excommunication qu’il a encourue.
[L’attestation de l’évêque de Nazareth et le langage de l’archevêque sont prouvés par la lettre que les barons de Bohême adressèrent à Sigismond après la mort de Jean Hus.]
Peu de jours après, Hus demande à être introduit dans une assemblée générale du clergé de Prague présidée par l’archevêque ; il offre d’établir son innocence par l’Écriture, par les saints canons et par les Pères ; mais on rejette sa demande, et il n’est point admis.
[La découverte faite à Prague, il y a peu d’années, d’un manuscrit de Pierre Maldoniewitz a fait supposer à tort que Jean Hus avait été juridiquement entendu à Prague avant son départ pour Constance. Voyez à la fin du Livre 2 volume une dissertation à ce sujet, Note E.]
Il faut conclure de ce qui précède que les prélats redoutaient un nouvel éclat dans Prague, et qu’ils comptaient sur le concile pour leur faire raison de Jean Hus. S’ils se montrèrent faciles dans l’attestation qu’ils donnèrent touchant ses doctrines et sa conduite, peut-être cédèrent-ils à l’influence de la cour ou au secret désir de lui rendre facile le chemin de Constance, d’aplanir tous les obstacles qui auraient pu différer son départ ou ralentir sa marche.
Au mois d’octobre de l’année 1414, Hus fit ses adieux à la chapelle de Bethléem, qu’il ne devait plus revoir, à ses amis et à ses disciples. Il laissa derrière lui son fidèle Jérôme ; leurs adieux furent touchants. « Cher maître, lui dit Jérôme, sois ferme ; soutiens intrépidement ce que tu as écrit et prêché, en t’appuyant sur les saintes Écritures, contre l’orgueil, l’avarice et les autres vices des gens d’Église. Si cette tâche devient trop rude pour toi, si j’apprends que tu es tombé dans quelque péril, j’irai, je volerai aussitôt à ton aide. »
Les avis prudents ne lui manquèrent pas dans ces moments pour lui si décisifs : plusieurs l’avertirent et l’invitèrent à ne point mettre sa confiance dans le sauf-conduit impérial. « Sigismond, lui dirent-ils, vous livrera à vos ennemis, et vous serez condamné. » Jérôme avait trop bien compris les périls du voyage, et, après avoir promis de rejoindre son ami, il ajouta : « Si je vais à Constance je ne crois pas que j’en revienne. » Un bon cordonnier, André Polonius, joignit à ses adieux ces paroles tristes et touchantes : « Que Dieu soit avec vous ! C’est à peine si je puis espérer que vous reviendrez sain et sauf, très cher maître Jean, qui vous attachez avec tant de force à la vérité. Que le roi, non celui de Hongrie ·, mais que le Roi des cieux vous comble de tous ses biens pour la véritable et excellente doctrine que j’ai apprise de vousa. »
a – Le roi de Hongrie était alors l’empereur Sigismond.
Hus quitta Prague, muni d’un sauf-conduit du roi Wenceslas, et il reçut en route celui qu’il avait demandé à l’empereur Sigismond, et qui était ainsi conçu : « Sigismond, par la grâce de Dieu roi des Romains, etc. ; à tous princes ecclésiastiques et séculiers, etc. ; et à tous nos autres sujets, salut. Nous vous recommandons d’une pleine affection, à tous en général, et à chacun de vous en particulier, l’honorable maître Jean Hus, bachelier en théologie et maître ès-arts, porteur des présentes, allant de Bohême au concile de Constance, lequel nous avons pris sous notre protection et sauvegarde et sous celle de l’empire, désirant que vous le receviez bien et le traitiez favorablement, lui fournissant tout ce qui lui sera nécessaire pour hâter et assurer son voyage, tant par eau que par terre, sans rien prendre ni de lui ni des siens aux entrées et aux sorties, pour quelque cause que ce soit, et vous invitant à le laisser librement et sûrement passer, demeurer, s’arrêter et retourner, en le pourvoyant même, s’il en est besoin, de bons passeports, pour l’honneur et le respect de la majesté impériale. Donné à Spire, le 18 octobre de l’an 1414, le 3e de notre règne comme roi de Hongrie et le 5e comme roi des Romainsb. »
b – Voir la note F à la fin du Livre 1.
Jean Hus était accompagné de plusieurs nobles barons, de Henri de Latzemboch, Wenceslas Duba et Jean de Chlum. La vie de ce dernier offre un pur modèle de l’amitié la plus touchante et la plus dévouée, et son nom est, aux yeux de la postérité, inséparable de celui de Jean Hus.
La haine cependant ne s’endormait pas, et son explosion, pour être différée, n’était que plus à craindre. Les ardents ennemis de Hus, Étienne Paletz et Michel Causis, ancien curé d’une église de la vieille Prague, l’avaient précédé à Constance, et, avant qu’il eût comparu devant ses juges ils avaient déjà conjuré sa perte.
Il ne se fit point illusion sur sa situation périlleuse, et les précautions mêmes qu’il prit avant son départ prouvent qu’il avait mesuré toute l’étendue du danger. Plusieurs lettres d’adieu qu’il écrivit à ses amis de Prague confirment ce fait.
« Mes frères, leur dit-il, ne pensez pas que j’affronte d’indignes traitements pour aucune fausse doctrine… Je pars, je vais avec un sauf-conduit du roic au-devant de mes nombreux et mortels ennemis… Je me confie tout entier dans le Dieu tout-puissant et dans mon Sauveur, j’espère donc qu’il exaucera mes ardentes prières, qu’il mettra la prudence et la sagesse en ma bouche, afin que je leur résiste, et qu’il m’accordera son Saint-Esprit pour me fortifier dans sa vérité, de telle sorte que j’affronte d’un cœur intrépide les tentations, la prison, et les souffrances d’une mort cruelle. Jésus-Christ a souffert pour ses bien-aimés ; faut-il donc nous étonner qu’il nous ait laissé son exemple afin que nous souffrions patiemment nous-mêmes toutes choses pour notre propre salut ? Il est Dieu, et nous sommes ses créatures ; il est le Seigneur, et nous sommes ses serviteurs ; il est le maître du monde, et nous sommes de chétifs mortels ; il n’a besoin de rien, et nous sommes destitués de tout ; il a souffert, pourquoi ne souffririons-nous pas, surtout lorsque la souffrance est pour nous une purification ? … Ainsi donc, mes bien-aimés, si ma mort doit contribuer à sa glorification, priez pour qu’elle vienne promptement et pour qu’il m’accorde de supporter tous mes maux avec constance ; mais s’il vaut mieux, dans l’intérêt de mon salut, que je retourne parmi vous, prions Dieu pour que je revienne sans tache de ce concile, c’est-à-dire pour que je ne retranche rien de la vérité de l’Évangile, afin de laisser à mes frères un bel exemple à suivre. Peut-être donc ne reverrez-vous plus mon visage à Prague ; mais si la volonté du Dieu tout-puissant daigne me rendre à vous, avançons alors d’un cœur plus ferme dans la connaissance et dans l’amour de sa loi. »
c – L’empereur Sigismond, n’étant point encore couronné, était appelé, selon l’usage, roi des Romains.
Dans une autre lettre que Hus adresse en partant au prêtre Martin, son disciple, il parle de lui-même avec la plus grande humilité ; il s’accuse comme d’autant d’infractions graves d’avoir porté avec plaisir des vêtements somptueux, et consumé des heures dans les occupations frivoles. Il ajoute ces instructions touchantes :
« Que la gloire de Dieu, le salut des âmes et le travail te préoccupent, et non la possession des bénéfices et des héritages… Prends garde à ne point orner ta maison plus que ton âme, et donne surtout tes soins à l’édifice spirituel. Sois pieux et humble avec les pauvres, et ne consomme pas ton bien en festins. Si tu n’amendes pas ta vie et ne t’abstiens des vêtements somptueux et des superfluités, je crains que tu ne sois gravement châtié comme je le suis moi-même, moi qui ai fait usage de telles choses, séduit par la coutume et troublé par un esprit d’orgueil. Tu as connu mes prédications et mes exhortations particulières dès ton enfance ; il est donc inutile que je t’écrive davantage ; mais je te conjure, par la miséricorde de Notre-Seigneur, de ne me suivre dans aucune des vanités où tu m’as vu tomber. Il termine en faisant quelques legs, en disposant comme par testament de plusieurs effets qui lui ont appartenu ; puis, sur le couvert de sa lettre, il ajoute ces mots prophétiques : « Je te conjure, ami, de ne point rompre ce cachet avant d’avoir acquis la certitude de ma mort. »
Un progrès intérieur se manifeste dans ces lettres dignes en tout d’être mises en parallèle avec les saints écrits des plus célèbres Pères de l’ancienne Église. L’âme de Hus, toujours si droite et si pure, paraît avoir gagné en douceur et en patience ; dans ce qu’il écrit ou dans ce qu’il dit, il n’y a plus rien de l’emportement du fougueux sectaire qu’entraîne au delà des bornes le bruit excitant et tentateur des acclamations populaires. Il est presque seul désormais au milieu d’étrangers ou d’ennemis ; son âme n’écoute plus que la voix secrète qui lui parle dans le for intérieur ; elle s’affermit et s’épure en se repliant sur elle. Soit qu’en face d’un extrême péril l’homme s’élève naturellement au-dessus de lui-même, soit aussi qu’aux approches de la dernière heure la grâce divine opère dans le cœur du juste avec plus d’efficace, Hus, depuis son départ de Prague jusqu’à sa mort, se montra aussi grand par la patience, par la résignation ; par la douceur évangélique, qu’il l’avait été jusqu’alors par la pureté de ses mœurs, par sa piété profonde, par sa droiture et sa fermeté ; un jour plus favorable éclaira son beau caractère et en découvrit des faces nouvelles, jusqu’alors demeurées dans l’ombre.
Rien ne troubla son voyage, durant lequel il goûta pour la dernière fois la satisfaction de voir sa parole applaudie. Comme il attaquait l’abus de certaines pratiques du culte plus que les pratiques mêmes, les conséquences extrêmes de certaines doctrines plus que les doctrines, les vices des ecclésiastiques enfin plus que l’institution même du clergé, ses paroles trouvèrent aisément faveur auprès du peuple et des prêtres des campagnes, qui avaient eux-mêmes beaucoup à souffrir du despotisme et de l’avarice des dignitaires de l’Église. Les prélats et les docteurs comprenaient l’immense portée des deux points capitaux sur lesquels Jean Hus s’écartait de la doctrine orthodoxe, et qui étaient l’incapacité spirituelle des prêtres simoniaques ou impies, et l’appel aux Écritures plutôt qu’à l’Église ; mais les conséquences de ces deux principes étaient au-dessus de la portée du vulgaire, et la multitude ne voyait dans Jean Hus qu’un homme d’une vie sainte, d’une parole apostolique, et qui était en butte à la fureur des prêtres parce qu’il avait flétri leur hypocrisie et leur avarice. Partout sur sa route il trouva même accueil, même faveur, et dans une de ses lettres il raconte ainsi lui-même quelques incidents de son voyage.
Il écrit le 20 octobre, de Nuremberg, à ses amis de Prague : « Sachez que, depuis le jour où j’ai quitté la Bohême, j’ai voyagé à cheval et à visage découvert. A mon approche de Pernau, le curé m’attendait avec ses vicaires ; lorsque j’entrai il but à ma santé une coupe de vin ; lui et les siens écoutèrent ma doctrine avec un esprit de charité, et il me dit qu’il avait toujours été mon ami. Tous les Allemands me virent avec plaisir dans la nouvelle ville. De là nous nous rendîmes à Weyden, où nous tînmes une grande foule dans la surprise, et lorsque nous fûmes venus à Saltzbach, je dis aux consuls et aux anciens de la ville : Je suis ce Jean Hus dont vous avez sans doute entendu dire beaucoup de mal ; me voici ; assurez-vous de la vérité en m’interrogeant moi-même. Après beaucoup de questions, ils ont parfaitement accueilli tout ce que je leur ai dit. Nous avons ensuite traversé Inspruck, et nous passâmes la nuit dans la ville de Lauff, où le curé, grand juriste, est venu avec ses vicaires. J’ai conféré avec lui, et il a aussi très bien reçu mes paroles. Nous vînmes ensuite à Nuremberg, où des marchands qui nous précédaient avaient publié mon arrivée, ce qui fit que le peuple se tenait sur les places, regardant et s’informant qui était Jean Hus. Avant le dîner, le curé Jean Héluvel m’écrivit qu’il voulait s’entretenir longuement avec moi ; je l’invitai à venir, et il vint ; puis les citoyens et les maîtres se rassemblèrent dans le désir de me voir et de m’entendre. Me levant de table aussitôt, j’allai au-devant d’eux, et comme les maîtres voulaient conférer en secret, je leur dis : Je parle en public ; que ceux qui veulent m’entendre m’écoutent. Et de ce moment jusqu’à la nuit, nous avons discuté en présence des consuls et des citoyens… Maître, m’ont-ils dit, tout ce que nous venons d’entendre est catholique ; nous avons enseigné ces choses depuis beaucoup d’années, nous les avons tenues pour vraies et les tenons encore pour telles. Certes, vous reviendrez de ce concile avec honneur… Sachez que je n’ai point encore rencontré d’ennemis, et que, partout où je m’arrête, je suis très bien accueilli. Il n’y a point contre moi d’inimitié plus forte que celle de quelques hommes venus de Bohême. Que vous dirai-je de plus ? Les seigneurs Wenceslas et Jean de Chlum en usent pieusement et noblement avec moi : ils sont comme les hérauts et les avocats de la vérité, et avec eux, Dieu aidant, tout va bien… Nous arriverons de nuit à Constance, dont le pape Jean approche. Nous pensons qu’il suit l’empereur à la distance de soixante milles. »
On voit par cette lettre et par quelques autres que, presque partout, les populations se portèrent au-devant de Jean Hus. Les magistrats eux-mêmes lui firent cortège dans les villes, et cet empressement général fut à la fois un hommage rendu à son caractère et une éloquente protestation contre la corruption du clergé.
Hus arriva le 3 novembre à Constance ; il descendit chez une pauvre veuve qu’il compare à celle de Sarepta, qui reçut Elie ; mais si elle lui offrit une retraite ; elle ne put lui assurer un asile. Cependant il ne fut pas inquiété durant plusieurs jours. Les barons Jean de Chlum et Henri de Latzemboch notifièrent son arrivée au pape, et lui déclarèrent que Jean Hus était muni d’un sauf-conduit de l’empereur : Jean XXIII les reçut gracieusement et répondit : « Quand même Jean Hus aurait tué mon propre frère, j’empêcherais de tout mon cœur qu’on ne lui fît aucune injustice pendant le temps de son séjour à Constance. On prétend même qu’il leva l’excommunication de Jean Hus et l’invita seulement à s’abstenir de paraître aux messes solennelles, pour ne donner lieu ni au scandale ni aux agitations populaires.
Jean Hus parlait donc et agissait avec assez de liberté dans les premiers jours ; plein de confiance dans son sauf-conduit, il soutenait ses doctrines de sa parole et de sa plume, et disait la messe dans une chambre de son logis, où la foule accourait pour le voir et l’entendre. Il espérait qu’il lui serait permis de prêcher en public, et il avait préparé à cet effet deux sermons qui nous ont été conservés dans ses œuvres ; ils témoignent de sa prudence. Hus y fait profession de croire ce que croit l’Église catholique ; il s’appuie sur la tradition, et cite les principaux Pères ; il soutient cependant que les saintes Écritures bien entendues sont la véritable règle de la foi, et que cette règle suffit au salut ; il ajoute, en ce qui touche les doctrines sur l’efficacité de la régénération, que, la foi chrétienne renfermant nécessairement tous les actes d’obéissance et d’amour, un homme en péché mortel n’est chrétien que de nom, et ne saurait réciter le Symbole sans mentir. Il exhorte l’Église à la paix et à l’union. Quant à la corruption, au luxe et à la simonie du clergé, son langage est beaucoup plus modéré que celui des principaux prédicateurs de l’époque, et, sur certains points, ses propositions sont beaucoup moins hardies que les leurs. Il est hors de doute que Jean Hus s’était proposé de se concilier les esprits par ces deux discours, et lui défendre de les prêcher, c’était annoncer d’avance la volonté de le perdre.