Toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet, et ayant fermé la porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret, et ton Père, qui te voit dans le secret, te récompensera, publiquement.
Dans les paroles de notre texte, Jésus-Christ, préoccupé des erreurs pharisaïques répandues comme des miasmes impure dans l’atmosphère de son temps, a voulu, avant tout, flétrir cette piété tout extérieure, cette dévotion formaliste qui s’affiche, s’étale, avide du regard des hommes plus que du regard de Dieu et qui n’est que le pompeux déploiement du néant. Mais les paroles de Notre Sauveur ont aussi une portée positive : il prescrit le recueillement, la prière secrète ; il institue le culte individuel ; il nous invite à dresser en l’honneur de Dieu, au-delà de l’autel des adorations publiques dans l’assemblée de nos frères, au-delà de l’autel du foyer domestique, un autel solitaire dans le fond même du cœur et de la vie.
C’est dans ce sens que nous entendrons et que nous développerons aujourd’hui devant vous, mes frères, la parole, de Jésus-Christ vous montrant d’abord la nécessité du recueillement et de l’adoration individuelle, ensuite la récompense publique que le Seigneur réserve à la prière secrète.
Tout tend, de nos jours surtout, à nous répandre au dehors. A d’autres époques, il y avait place pour les longues méditations, pour l’étude de soi-même et pour la recherche des choses d’en haut. Mais aujourd’hui, il y a comme une universelle conspiration contre la vie intérieure. Le mouvement de la vie est si rapide et si intense, la sphère de chacun de nous, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, s’est tellement agrandie et compliquée, qu’en vérité, tout nous distrait, tout nous dissipe, tout nous disperse, tout travaille à nous faire sortir de nous-mêmes, comme cette force du monde matériel qui tend à projeter les corps hors de leur centre ; et lorsque, dans de trop rares instants, nous rentrons dans notre for intérieur, le retentissement du dehors nous poursuit jusque dans la solitude, et notre repos lui-même n’est que le reflet de nos agitations.
Il y a là un sérieux péril. Et s’il ne se produisait pas une réaction énergique et continue contre cette tendance, comme dans le monde physique une autre force que celle qui nous éloigne de nous-mêmes ne venez pas nous y ramener, — en vérité, il y aurait de quoi regretter tout le mouvement de la civilisation contemporaine ; car nous l’aurions payé bien cher, nous l’aurions payé au prix de la véritable dignité, de la véritable valeur de la vie humaine.
En effet du sein de cette agitation permanente, on touche à tout et l’on n’embrasse rien. On jette et on épargne, pour ainsi dire, son être moral en mille directions, au lieu de se concentrer en un courant unique et puissant. L’individualité, ce secret de la force, ce ressort des caractères, va s’usant et s’affaiblissant ; on ne pense plus par soi-même, on n’est plus que le servile copiste de ce qui se dit ou se fait autour de nous, et l’on ressemble, comme on l’a justement observé, à ces monnaies banales dont l’empreinte s’efface dans une circulation incessante. En un mot, on est emporté dans le tourbillon, on s’agite, on se travaille, mais on ne vit pas, Quels sont les hommes qui ont vécu ? Ce sont ceux qui ont eu une pensée, une volonté, un but déterminés. Ceux-là se sont repliés sur eux-mêmes, comme dans une forteresse bien armée et bien approvisionnée. De là ils se sont jetés dans la mêlée humaine avec un dessein arrêté, avec une idée, un sentiment, une passion qui les possédait, exerçant l’influence au lieu de la subir, dominant les circonstances au lieu de se laisser dominer par elles. Ces hommes-là seuls ont vécu.
Ainsi donc, même à un point de vue purement humain, il faut que la réflexion précède et prépare l’action, il faut que la vie intérieure soit la source féconde de la vie extérieure. A combien plus forte raison pour la vie chrétienne, pour la vie spirituelle, qui, si elle doit se déployer au dehors en activité, en fruits, en œuvres, doit, avant tout, naître et se former au dedans ; — pour la vie spirituelle, que le monde non seulement ne crée point, mais tend sans cesse à affaiblir et à détruire — pour la vie spirituelle, plante céleste et délicate que l’Esprit seul peut faire germer et fleurir en nous ! Ce n’est que dans le recueillement et la prière solitaire, que nous pouvons rentrer en nous-mêmes, et arriver à cette sincérité absolue, à cette situation vraie vis-à-vis de nous-même et vis-à-vis de Dieu, qui est le premier pas vers le royaume des cieux. Là seulement, loin de la fascination du monde visible, le monde invisible et Dieu descendent vers nous et nous montons vers eux. Là seulement s’éprouvent les saintes douleurs de la repentance, et les saintes joies du pardon. Là seulement, tout intermédiaire, tout obstacle étant supprimé entre nous et Dieu, nous pouvons goûter le don céleste et les puissances du siècle à venir.
Vous donc qui voulez vivre de la vie cachée avec Christ en Dieu, sachez vous ménager, au milieu même de la vie la plus occupée, des heures de recueillement et de retraite. Mon frère, ma sœur, entre dans ton cabinet, fermes-en la porte à toute distraction du dehors, et là, prie ton Père : prie ton Père ! Voilà la différence entre l’homme simplement sérieux et le chrétien. Le premier réfléchit, médite se recueille. Le second réfléchit, médite, se recueille… mais il prie ! Après s’être recueilli, il se tourne vers Dieu, il le cherche, il s’appuie sur lui, il implore sa lumière et sa force. Sa solitude est une auguste société avec le Père des esprits : son monologue est un dialogue entre l’enfant de la poudre et le Dieu des cieux !
Et quelle ressource religieuse, pourrait remplacer cet ineffable commerce entre l’âme et son Dieu ?
Ce malade, dont les jours sont sans repos et les nuits sans sommeil, à qui confiera-t-il ses douleurs, ses faiblesses, ses découragements, ses longs ennuis ? à qui portera-t-il sa plainte monotone — si ce n’est à ce Pasteur d’Israël qui ne sommeille jamais, qui ne sera jamais fatigué de l’entendre et auquel il peut dire comme David : Tu enverras ta gratuité durant le jour et ton cantique sera avec moi durant la nuit ?
Cet homme en perplexité, appelé à prendre une décision qui engage son avenir, celui des siens et la gloire de Dieu elle-même, et qui n’aperçoit pas sa route… à qui demanderait-il la lumière et la force, si ce n’est à Celui pour qui l’inconnu est connu, les ténèbres lumière, l’avenir présent, et qui le soutient par ces paroles consolantes : Le cœur de l’homme délibère de sa voie, mais Dieu conduit ses pas. Je te rendrai avisé, je t’enseignerai le chemin que tes pas doivent tenir ?
Et cette âme froissée, n’ayant personne à qui s’ouvrir ici-bas, enlevez-lui ces confidences qu’elle peut faire à ce Souverain Sacrificateur, qui a été tenté comme nous en toutes choses, et vous lui aurez enlevé ce qui lui donne encore la force de vivre !
Mais ce sont là ce qu’on pourrait appeler, les solennités du culte individuel, car il a ses grands jours comme le culte public et le culte domestique… Mais quoi ! ô mon âme, te faudra-t-il la pression de circonstances exceptionnelles pour te rapprocher de Dieu et t’amener à ses pieds ? Quoi ! ne pourras-tu, sans occasion impérieuse, te tourner vers lui, comme la fleur cherche le soleil, ou l’enfant le sein de sa mère ? Et, s’il faut absolument des dons pour te révéler le Donateur suprême, n’en tombe-t-il pas sur ton sentier, chaque jour, une rosée assez abondante, pour que, comme la rosée des campagnes, descendue du ciel, elle remonte au ciel, et qu’elle entretienne : au fond de ton cœur une adoration permanente ?
Aussi les saints hommes de Dieu de tous les temps, ont-ils uni aux prières avec leurs frères, aux prières de circonstance, la prière habituelle et personnelle.
Si un Abraham intercède en des jours solennels pour Sodome et Gomorrhe, si partout où il dresse sa tente, il dresse avec les siens un autel au Seigneur, il cherche, seul, la présence de Dieu sous les chênes de Mamré.
Si un David invoque son Dieu avec une ferveur redoublée aux jours de son crime et de son repentir auprès de la couche où meurt son jeune enfant, à la veille d’une bataille… que sont la plupart de ses psaumes, si ce n’est l’expression, et comme l’épanchement de ses prières solitaires et permanentes ?
Si un Daniel, aux approches de la délivrance de son peuple, cherche à faire requête avec le jeûne, le sac et la cendre, nous le voyons à Babylone prier régulièrement trois fois par jour en ouvrant ses fenêtres du côté de Jérusalem.
Parlerai-je de saint Paul, nous laissant voir dans ses Épîtres la trace si marquée de ces prières presqu’incessantes, dans lesquelles il fait continuellement mention de ses frères de Rome, de Corinthe, de Philippes, d’Éphèse — ou de saint Pierre, rendant à Dieu son culte matinal sur la terrasse de Joppe, entre l’infini de la mer et l’infini des cieux ?
Après les serviteurs, parlerai-je du Maître lui-même ? Voyez, le soir est venu, les ombres de la nuit enveloppent les plaines et les monts de Galilée. Jésus s’est dépensé, de l’aube du jour à son déclin, dans le soulagement de toutes les misères. Va-t-il chercher un lieu où reposer sa tête fatiguée ? Non, mes frères, il monte sur la montagne et il prie ! Il prie ! O profondeur, ô mystère de la prière du Fils ! Mais, si cette prière lui est nécessaire, que sera-ce donc pour nous ?…
Et cependant, qu’ils sont rares ceux qui se recueillent et qui prient ! Dès les premiers moments du jour, l’activité terrestre nous saisit comme une proie : affaires ou plaisirs, soucis de toute sorte, courses, visites, lectures, conversations, s’emparent de nous et dévorent toutes nos heures, jusqu’au moment où l’esprit et le corps épuisés se laissent tomber dans un lourd sommeil. Et l’on recommence le lendemain cette vie haletante, sans recueillement et sans prière. Dans l’Église, même prédominance, croissante et abusive, de la vie, extérieure sur la vie intérieure ! On s’empresse aux prédications, plus désireux d’entendre une parole éloquente que d’édifier son âme, on court de réunion en réunion, de comité en comité, on s’occupe avec un intérêt souvent superficiel d’une foule d’œuvres chrétiennes, on prend une part légitime sans doute mais périlleuse aux grandes luttes actuelles… Mais où sont les âmes qui cherchent et cultivent la présence de Dieu ? Où sont les Marie assises aux pieds de Jésus-Christ, écoutant sa parole ? Où sont les Moïse, les Aaron et les Hur, priant sur la montagne, tandis que Josué croise le fer dans la plaine ? Et ne sont-ce pas ceux qui sont le plus engagés dans la mêlée brûlante qui doivent le plus prier, pour qu’il leur soit donné de combattre avec les seules armes de Dieu : la vérité et la charité ? Hélas ! le Seigneur ne pourrait-il pas dire aux chrétiens de nos jours : Est-il possible que vous n’ayez pu veiller une heure avec moi ?… Il faut reprendre au monde et rendre au Seigneur cette heure sainte ! Il faut comprendre enfin que rien ici-bas ne peut remplacer ce tête-à-tête de l’âme avec son Dieu : ni prédication, ni réunion intime, ni visite chrétienne, ni lecture édifiante ! Entre dans ton cabinet, et, ayant fermé fa porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret. Et le Seigneur ajoute : Ton Père qui te voit dans le secret te récompensera publiquement. C’est là, mes chers frères, ce qui me reste à vous dire.
Au flanc des Alpes, sous la voûte bleuâtre d’un glacier, dont les couches profondes résistent depuis des siècles à l’action des rayons du soleil, une source coule goutte à goutte. L’onde obscure qu’elle épanche se précipite du haut de la montagne à travers les rochers et les précipices. Elle parcourt une longue vallée, fleuve étroit et fangeux encore. Elle rencontre un lac où elle se purifie et semble s’endormir. Elle en ressort, fleuve majestueux et d’un limpide azur, baignant sur son passage de vastes cités ou d’humbles hameaux. Et tandis qu’une faible portion de ses eaux fertilise mille jardins, alimente mille industries, le fleuve porte entre ses larges rives des barques légères ou de pesants navires, jusqu’à ce qu’enfin il se perde par mille bras dans la vaste mer, après avoir été sur tout son parcours un agent puissant de circulation, de fécondité et de vie.
Mais d’où vient le fleuve aux nappes abondantes ? N’est-ce pas de la source cachée dans les cavernes du glacier ? Que la source vienne à tarir et le fleuve s’arrête entre ses rives désolées.
Vous l’avez compris, mes frères, la source, c’est la prière secrète, alimentée sans cesse par les eaux du ciel. — Le fleuve, ce sont les bénédictions visibles et publiques, attirées par cette prière et manifestées dans la vie du chrétien.
N’avez-vous jamais admiré, chez cette femme chrétienne, le calme supérieur avec lequel elle traverse les difficultés, les peines, les tentations, les écueils de chaque journée ? Forte et sereine, elle sait se garder de toute domination, de toute violence et faire régner dans son intérieur, en même temps que l’ordre et le travail, je ne sais quelle atmosphère de paix solide et bien fondée. Elle fait du bien à son mari tous les jours de sa vie et jamais du mal. Elle élève ses enfants dans la crainte de Dieu, dans la soumission et le respect envers leur père et leur mère. Elle se livre au dehors et au dedans à une activité prodigieuse, mais sans agitation et sans fièvre. On vient vers elle, et à la vue de cet intérieur si bien ordonné, de ces devoirs si bien remplis, on se fait du bien à l’âme, et on se demande avec envie, le secret de tant d’énergie et de sérénité. — Celle-ci est bien faible peut-être, délicate, maladive, et on dirait à la vue de son fardeau : il est plus grand qu’elle ne peut le porter. Mais elle le porte cependant ; peu à peu les difficultés se dénouent, les montagnes s’aplanissent ; elle fait dans l’infirmité ce que tant d’autres ne font pas dans la force. Dans sa maison, elle surveille, dirige et charme son intérieur ; au dehors même, elle s’occupe avec une sympathie ingénieuse et efficace du pauvre, du malade, de l’affligé. Quel est donc son secret, dites-vous ? Son secret, comme celui de sa compagne, plus forte mais non plus fidèle, c’est la prière solitaire. L’une et l’autre, dès le matin, se sont approchées du Seigneur, elles ont cherché sa face, elles lui ont présenté leurs devoirs et leurs tentations, et c’est avec Lui qu’elles sont entrées dans la tâche et dans les périls de la journée. — Voilà leur secret, il n’y en a pas d’autre : Prie ton Père qui voit dans le secret. Et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra publiquement !
Regardez cet homme, ouvrier ou magistrat, se livrant à l’humble travail de l’atelier ou aux nobles occupations de la vie publique. Que de difficultés, petites ou grande vont se rencontrer sur ses pas !
Que de tentations vont surgir ! Que d’occasions s’offriront à lui de s’enfler ou de s’abattre, de s’irriter contre les hommes et les choses ! Mais il reste calme, ferme, toujours fidèle à Dieu et à sa conscience. Le succès ne l’éblouit point, l’épreuve ne le trouble point. Dans les heures critiques et obscures, il voit son chemin et le suit sans hésiter. Au foyer domestique comme dans la société de ses frères, il est pour ceux qui l’entourent un homme de bon conseil, une force et une lumière… D’où lui vient donc cet esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force qui conduit tous ses pas, cette paix qu’il éprouve et qu’il communique, et ce secours qui ne lui manque jamais dans le temps convenable ? — D’en haut, par la prière. Si vous pouviez suivre cet homme dans le secret, vous le verriez, dès le matin, cherchant dans la solitude la présence de Dieu, et s’entretenant avec lui face-à-face, nouveau Moïse, comme un ami avec son ami. C’est là qu’il se prépare aux éventualités de chaque jour. C’est là qu’il reçoit chaque jour de son Dieu ce mot consolateur : ma grâce te suffit ! et il recueillera à toute heure les fruits de sa prière secrète : Prie ton Père qui est dans ce lieu secret, et ton Père qui te voit dans le secret te le rendra publiquement !
Parfois, c’est sur un théâtre plus vaste qu’apparaissent les bénédictions de la prière solitaire ; et la publicité de la récompense est plus manifeste et plus éclatante. Aux jours les plus difficiles de la guerre de l’Indépendance américaine, Washington, général improvisé, montrait un sang-froid et une supériorité militaire qui commandaient l’admiration. Un observateur superficiel aurait pu attribuer ses succès à la seule prudence humaine, à l’intuition du génie, à cette exaltation patriotique qui fait sortir du sol des héros et des légions, ou au hasard des batailles. Mais l’histoire raconte que, campé en un lieu qu’on appelait la Forge de la Vallée, Washington se dirigeait seul tous les matins vers un bouquet d’arbres à une certaine distance du camp. Des officiers eurent un jour la curiosité de le suivre. O surprise le libérateur de l’Amérique fléchissait le genou devant l’Eternel des armées ! La prière, telle était donc l’inspiration de ce grand général, de ce grand citoyen ! — Contemplez maintenant sa noble patrie, s’élevant en si peu d’années à une prospérité merveilleuse, offrant le spectacle d’une nation fortement assise sur la base des institutions les plus libres qui soient sous le soleil, contemplez-la traversant cette crise formidable dont le monde entier a suivi les tragiques péripéties, en ressortant toute meurtrie, mais glorieuse, et purifiée de la lèpre de l’esclavage. — Et puis, souvenez-vous des prières de Washington, souvenez-vous des prières antérieures de ces Puritains qui ont fondé la république du Nouveau-Monde au cri de Dieu et liberté ! — et dites-nous si vous ne voyez pas là dans toute son étendue la réalisation de la promesse du Sauveur : Prie ton Père qui est dans le lieu secret, et ton Père qui est dans le secret te le rendra publiquement !
Dans toute son étendue, ai-je dit ? Non. Ici-bas nous n’apercevons que quelques-uns des effets de la prière. Que sera-ce dans l’éternité ? C’est là, quand tous les voiles seront levés, et quand tous les secrets seront découverts, quand les pleines clartés de la vue auront remplacé les obscures lueurs de la foi, c’est là qu’apparaîtront toutes les bénédictions de la prière solitaire.
Pauvre frère, malade ou infirme, condamné à une inaction douloureuse, qui ne peux plus travailler pour ce qui t’est le plus cher, l’avancement du règne de Dieu, tu crois peut-être que tu fatigues la terre d’un poids inutile et tu te demandes pourquoi le Seigneur te laisse encore ici-bas ? Pourquoi, mon frère ? Pour prier ! Pour te livrer au travail à genoux, comme l’appelait une femme chrétienne. Prie pour ton âme, afin qu’il te soit donné de rendre jusqu’à la fin un bon témoignage. Prie pour l’âme de ceux qui te sont chers. Prie pour ce cœur que la grâce de Dieu presse et qui ne se rend pas. Prie pour cette intelligence égarée, qui en égare tant d’autres ! Prie, dans ces temps difficiles, pour l’Église et pour ses conducteurs ! Prie et ne te lasse point… et là-haut tu contempleras des fruits inattendus, merveilleux de tes prières !
Pasteur obscur d’une obscure paroisse, tu dis peut-être avec découragement : à d’autres les succès et les bénédictions, pour moi ma force est perdue, j’ai travaillé sans fruit… Mais ton cabinet est un cabinet de prière. C’est là que tu présentes sans cesse au Dieu de Jésus-Christ ton œuvre qui te semble stérile, et ton champ où ne blanchit aucune moisson. Prie, mon frère, avec confiance ! Prie pour toi-même et pour ton troupeau ! Prie pour les serviteurs auxquels le Maître a confié des postes plus apparents, mais plus dangereux pour leur âme ! Prie avec persévérance et avec foi !… Et le dernier jour dira peut-être que tu as plus fait par tes humbles prières pour le règne de Dieu, que le docteur plein de savoir, et que le prédicateur le plus distingué par son éloquence !
Chrétiens, ne serons-nous pas humiliés d’abord, et puis relevés par ces merveilleuses promesses ? Ne voudrons-nous pas attirer par nos prières, sur nous, sur notre famille, sur notre Église, sur notre patrie, ces grâces sans nombre que Dieu nous cachera peut-être dans le temps, mais qu’il nous révélera dans l’Éternité ? Ne voulons-nous pas, dès aujourd’hui et chaque jour, dérober à la tyrannie des affaires, au tourbillon de la vie extérieure, à l’inertie ou à la frivolité, une heure régulière pour le recueillement et l’adoration ?
Il se fit dans le ciel un silence d’environ une demi-heure, lisons-nous dans le livre de l’Apocalypsea. Ce silence est bien rare, a dit un philosophe chrétien dans le ciel des âmes. Qu’il ne soit pas rare pour nous, mes bien-aimés frères ! Sachons faire silence pour écouter Dieu. Et dans ce silence sacré, parle-nous, Seigneur ; fais plus, descends toi-même vers nous ! Et donne-nous de recueillir de cette communion assidue, pour nous et pour nos frères, grâce sur grâce pour le temps et pour l’éternité !
a – Apocalypse 8.1.
Amen.