L’origine de l’Essénisme. — Les Esséniens vivent séparés du monde et forment une secte. — Toutes leurs coutumes s’expliquent par le désir de réaliser la pureté légale ordonnée par le Lévitique. — L’emploi de leurs journées. — L’Essénisme n’est d’abord que l’exagération du Pharisaïsme. — Les Esséniens deviennent des mystiques et des ascètes. — Leurs livres. — La formule de leur serment. — Les « noms des anges. » — Leur doctrine de l’âme et du corps. — Ils étaient de véritables gnostiques. — Que devinrent-ils ? — Les rapprochements essayés entre le Christianisme et l’Essénisme sont superficiels. — Les Esséniens et les premiers chrétiens. — Parallèle entre le Pharisaïsme et l’Essénisme.
Il semble que toutes les manifestations religieuses possibles se soient fait jour à cette époque extraordinaire. Il en est une entre autres, qui devait se produire tout naturellement ; nous voulons parler d’un essai d’accomplissement aussi parfait que possible de la Loi de Moïse. Il s’est trouvé en effet, dans ce siècle d’exaltation, des « Juifs parfaits, accomplissant toute la Loi, » il s’est trouvé des hommes pour concevoir, et, chose plus surprenante encore, pour essayer de réaliser cet idéal ; nous voulons parler des Esséniens.
[On n’est pas d’accord sur l’étymologie du mot Essénien. Vient-il de l’araméen Sahah, baigner, comme le veut M. Grætz, ou de Asah, guérir, comme l’affirment Baur et M. Nicolas ; ou encore de Hachah, se taire, garder un silence mystérieux, comme le croit M. Réville ?]
On a beaucoup discuté sur leur origine. On a voulu en faire tantôt des Juifs Bouddhistes, tantôt des Juifs Hellénistes. On a essayé de faire sortir l’Essénisme du Judaïsme Alexandrin. Mais les Esséniens sont bien antérieurs à Philon et aux thérapeutes, à supposer que les thérapeutes aient jamais existé. Si l’origine de l’Essénisme est inconnue, c’est qu’il est né naturellement et spontanément au sein du Judaïsme palestinien après la Restauration ou, plus exactement encore, au sein du Pharisaïsme. L’Essénisme n’est autre chose, à notre avis, qu’un Pharisaïsme poussé aux extrêmes, allant jusqu’à la folief, au point de vue religieux, bien entendu ; les Esséniens ne s’occupaient pas de politique.
f – Josèphe, qui fait de l’Essénisme, une troisième secte, après celle des Pharisiens et celle des Saducéens, ne peut pas passer pour une autorité.
Celui qui serait allé au commencement du premier siècle de notre ère, vers l’an 28 ou 29 par exemple, et alors que Jésus prêchait en Galilée, visiter les bords de la mer Morte, aurait aperçu de longs bâtiments non loin du rivage, du côté de l’Orient et dans l’oasis d’En-gaddi. C’est là que les solitaires Esséniens avaient établi leur communauté religieuse. En entrant dans ces grandes maisons, et en observant de près les mœurs de ces moines aux longs vêtements blancs, on ne leur aurait trouvé de prime abord, rien de commun avec le Judaïsme. Ils vivent entièrement séparés du monde. Jamais on ne les voit monter à Jérusalem et au Temple ; ils ont horreur des sacrifices sanglants qui y sont offerts. Le sang versé leur est en abomination.
Ils réprouvent la guerre. Les préoccupations patriotiques des Pharisiens et de leurs compatriotes leur restent étrangères.
Mais ces différences sont plus apparentes que réelles. Si les Esséniens n’ont point de passions politiques, c’est que leurs pratiques religieuses les absorbent tout entiers. Leur principe politique est celui-ci : obéir aux puissances qui viennent de Dieug. Cependant ils restent attachés de cœur à la cause nationale.
g – Ils semblent avoir été en faveur auprès d’Hérode le Grand. Jos. D. Bell. Jud., ii, 8, 3 et suiv.
Ils sont avant tout préoccupés d’observer la Loi de Moïse ; de l’observer strictement, et, en particulier, de mettre en pratique la pureté légale telle que le Lévitique l’a réglementée.
Nous croyons qu’ils avaient été d’abord des Chasidim, comme les Pharisiens. Frappés des désordres et de l’impiété de leur temps, ils avaient gémi comme eux, de la décadence d’Israël. Et puis, plus ardents encore dans leur piété, il était venu un jour où la synagogue elle-même ne leur avait plus suffi. Ils s’étaient alors associés pour tenir entre eux des réunions religieuses ; on les avait appelés les Ébions.
Peu à peu ils avaient formé une véritable secte séparatiste. Ces associations étaient fréquentes alors et se formaient très facilement. Quelques-uns, du reste, n’allèrent pas jusqu’au bout de leur principe et restèrent Ébions. Josèphe nous en parle ; ils vivaient dans le monde et ne renonçaient pas au mariage.
Pour résumer ce qui précède, les Esséniens étaient orthodoxes au point de devenir sectaires. [Leur mouvement avait été assez semblable a celui du Darbysme parmi les protestants du xixe siècle ; et leur position vis-à-vis des Pharisiens était assez analogue à celle qu’occupent aujourd’hui les Darbystes vis-à-vis des croyants orthodoxes restés membres de l’Église.] La religion juive, le Temple étaient souillés à leurs yeux. Presque tous les prêtres étaient Saducéens et cela suffisait pour les éloigner. Si donc ils n’allaient plus au Temple, c’était par un besoin de fidélité à leur foi religieuse. Le sanctuaire n’était fréquenté à leurs yeux que par des Israélites dégénérésh.
h – Neander, Kirchengeschichte, t. I, p. 20. Du reste, ils y envoyaient encore des offrandes non sanglantes, disent Josèphe et Philon.
Tel fut le point de départ de l’organisation de l’Essénisme ; elle se compliqua bientôt par la force des choses. Le premier venu ne pouvait atteindre à la pureté parfaite. Il fallut un noviciat. On en fixa la durée à un an. On le fit suivre de deux années d’épreuves au bout desquelles le nouveau membre de la secte prêtait un serment. On en vint enfin à admettre quatre degrés de pureté ; et si deux Esséniens de classes différentes se touchaient eu se rencontrant ce contact était une souillure pour celui de la classe supérieure. Chacun d’eux devait alors prendre un bain pour se purifier. Tout cela était logique.
Les personnes qui voudront se donner la peine de recueillir les quelques détails que nous ont conservés sur les Esséniens, Josèphe, Pline, Philon et les Pères de l’Églisei, verront qu’il est facile de les expliquer tous par cette préoccupation dominante que nous avons déjà signalée : réaliser la pureté légale ordonnée par le Lévitique, et, d’une manière générale, observer la Loi. La première chose à faire pour y arriver, n’est-elle pas de se garder avec soin de tout ce qui est impur et souillé ? Or, tout ce qui est dans le monde peut passer pour tel. Il faut donc sortir du monde et vivre sous une discipline commune. Là, dans l’oasis d’En-gaddi, on peut jouir de la solitude la plus profonde et se livrer aux pratiques les plus rigoureuses du Mosaïsme ; on trouve dans cette retraite des dattes en grand nombre ; et les dattes, aliment pur, formeront la base de la nourriture de ces Juifs fidèles. Ils ne vont pas dans les villes ; c’est, dit Hippolyte, pour ne pas passer sous les statues qui ornent les portes. Ils refusent de se servir de pièces de monnaie ; n’est-ce pas pour obéir au commandement : « Tu ne te feras pas d’images taillées (Exode 20.4). » Ils ne se marient pas ; c’est dans la crainte de ne pouvoir accomplir toutes les pratiques auxquelles Moïse a soumis les personnes mariées. Tous se considèrent comme prêtres. Pourquoi ? parce que Moïse a dit : « Vous serez un peuple de prêtres (Exode 19.6), » et s’ils s’abstiennent de vin, c’est que cette boisson est défendue aux prêtres lévitiques dans l’exercice de leurs fonctions (Lévitique 2.8-9).
i – Jos. D. Bell. Jud., ii, 8 ; Ant. Jud. passim. Hist. nat., v. 17. Traité De vita contemplativa. Épiph. Adv. Hær, xix, 1 et 2. Hippolyte, Φιλοσοφουμένα.
Le peu que nous savons de l’existence de ces solitaires confirme ce que nous venons de dire. Levés avant le soleil, ils adressent une prière à Dieu, comme les prêtres de service au temple. Puis ils vaquent à leurs occupations. La plupart cultivent la terre, et on sait que Moïse avait voulu faire de son peuple un peuple d’agriculteurs. A onze heures, l’Essénien se plonge dans l’eau froide. Il est nu et ne porte qu’une ceinture de toilej. Tous se réunissent ensuite dans la salle commune ; ils s’asseyent ; le silence le plus profond règne dans l’assemblée. Ils mangent du pain et un des aliments autorisés par la Loi. La prière commence et termine le repas. Puis le travail est repris jusqu’au soir, où un second repas semblable au premier les réunit de nouveau. Le sabbat est rigoureusement respecté ; les aliments sont préparés la veille. Jamais ils ne se servent d’huile pour s’oindre le corps dans la crainte qu’elle ne vienne d’un pressoir païen, ou, n’ait été faite avec des fruits dont on n’a pas donné la dîme.
j – Ces ablutions, ces baptêmes comme on disait, jouaient un certain rôle dans les pratiques religieuses des Juifs au premier siècle.
On peut comprendre d’après les pratiques de l’Essénisme combien était absolu le respect du Juif du premier siècle pour le Mosaïsme. Les Esséniens ne se sont séparés du monde que pour accomplir la Loi, et leurs moindres singularités s’expliquent par la rigueur de ces observances.
L’Essénisme n’est donc, si l’on peut s’exprimer ainsi, que le superlatif du Pharisaïsme ; mais, pour atteindre leur but, ses adhérents ont dû renoncer au monde et se condamner à la vie monastique, et alors ce monachisme et cet ascétisme n’ont pas tardé à produire, comme c’est toujours le cas, des doctrines mystérieuses et des spéculations tout à fait étrangères au Mosaïsme. Pour expliquer l’origine de ces spéculations, il n’est point nécessaire de recourir au Bouddhisme, ni même aux doctrines des Alexandrins. Le mysticisme philosophique des Esséniens est né spontanément sur les bords de la mer Morte ; il n’a été qu’une conséquence très naturelle de la vie retirée qu’on y menait.
Les solitaires s’occupaient beaucoup de l’origine du monde. Ils lisaient et relisaient sans cesse la Thorah, et le premier chapitre de la Genèse était pour eux l’objet de recherches sans fin. Si leur discipline était rigoureuse, si l’Essénien devait une soumission aveugle à son supérieur, si chaque maison de l’ordre était administrée par un conseil élu au scrutin secretk, il ne faut voir là que des nécessités inséparables de la vie commune. Si peu à peu les Esséniens furent amenés à exiger un serment d’admission, si leur secte prit des allures mystérieuses, c’est que les communautés religieuses ont cru souvent, et avec raison, qu’en s’entourant de mystère, elles en imposeraient au peuple et revêtiraient à ses yeux un certain prestige. Ce système réussit aux Esséniens. On leur témoignait le plus grand respect. Ils passaient pour des prophètes à l’abri « des embûches de Satan. » On les disait aussi exorcistes et médecins, deux fonctions qui n’allaient pas l’une sans l’autre ; et il est probable qu’ils se chargeaient, comme les Rabbis et les Pharisiens de guérir les malades et de chasser les démons. Ils connaissaient quelques plantes médicinales. Ils possédaient des talismans et des pierres magiques. Nous savons le nom d’un de leurs livres de médecine, le Sefer Refuot (Livre de recettes) qui passait pour aussi ancien que Salomon.
k – On ne pouvait refuser d’en faire partie. C’était une obligation, ce n’était pas un honneur.
La formule du serment qui était exigé du jeune Essénien à son entrée dans la communauté nous a été conservée. On lui faisait solennellement promettre d’observer les coutumes de la secte, de transmettre à ses successeurs les traditions reçues, de garder le secret sur les livres de la communauté et sur « les noms des anges. » Les trois premières promesses se comprennent aisément. La quatrième seule est obscure. Qu’est-ce que les noms des anges ? Les Esséniens avaient donc une doctrine importante sur les anges où leurs noms jouaient un certain rôle. Nous n’en savons pas davantage. Ne serait-ce pas tout simplement la doctrine pharisienne des anges, telle que nous l’avons exposée plus haut et qu’ils auraient exagérée en la développant, suivant en cela leur procédé constant. Qu’ils aient cru à une série d’êtres intermédiaires entre Jahveh et l’humanité et que chacune de ces séries eût reçu un nom spécial, il n’y aurait là rien de surprenant. Cette tendance était générale à leur époque. Il est certain que leur mysticisme les portait à tourner leurs regards vers le monde invisible. Et comme ils ne prononçaient point le nom de Dieu et attribuaient avec tous leurs contemporains des vertus magiques et mystérieuses aux consonnes sacrées JHVH, ils s’occupaient d’autant plus des esprits et du monde des esprits. S’ils attachaient une réelle importance aux noms des anges, c’est qu’alors le nom, le mot, passait pour avoir une valeur en lui-même. Les Samaritains, au lieu de dire Jahveh disaient toujours Chem, le nom. C’est ainsi que commença la foi aux formules magiques. Elle se conserva dans l’Église chrétienne ; on avait des formules au moyen âge pour évoquer le diable ou pour le chasser. Aujourd’hui encore, c’est en prononçant une formule que le prêtre catholique opère le miracle de la transsubstantiation. Les Esséniens prononçaient sans doute en guérissant ou en prophétisant certaines phrases cabalistiques où entraient les noms des anges.
Allant aux extrêmes en toutes choses et tirant de la théologie juive ses dernières conséquences, ils se trouvaient devancer leur époque et être, un siècle trop tôt, de véritables gnostiques. La matière était, à leurs yeux, la source du mal, et le corps était la prison de l’âme. Ils disaient que les âmes avaient existé avant les corps à l’état d’esprits purs. Elles, viennent de l’éther le plus Subtil (ἐκ τοῦ λεπτοτάτου αἰϑέρος) et ont été attirées vers la matière par une sorte de séduction. Pendant cette vie terrestre, elles soupirent après la délivrance, elles désirent ardemment voir se briser le lien qui les rattache au mal. La mort amènera avec elle ce moment impatiemment attendul. L’esprit rentrera dans son domaine en remontant dans les airs ; le corps retournera au sien en se mêlant à la poussière de la terre. Ils repoussaient donc aussi énergiquement la doctrine de la résurrection du corps, qu’ils affirmaient celle de l’immortalité de l’âme.
l – Jos. D. Bell. Jud, ii, 8, 11. Ils plaçaient le séjour des élus au delà de l’Océan. Voilà encore une idée essentiellement juive. Jos., id., Livre d’Énoch, xvii, 4 et suiv.
On le voit, ils étaient dualistes et ascètes. Ils disaient comme les Grecs : σῶμα σῆμα (ce corps est un tombeau). C’est sous l’influence de la vie monacale que ces hommes, qui étaient les plus stricts de tous les Juifs, se transformaient peu à peu en ennemis de l’Hébraïsme, qui n’avait rien d’ascétique. On sait que la plus douce joie de l’ancien Hébreu était de se reposer dans sa vigne et sous son figuier, entouré de nombreux enfants. L’abondance des bénédictions temporelles était pour lui le signe évident de la protection divine. Combien différent était l’Essénien, qui mangeait le plus frugalement possible, s’imposait le célibat, et ne songeait qu’au moyen de se délivrer des liens du corps.
Nous n’avons point parlé de leurs espérances messianiques. Josèphe ne les mentionne pas ; mais ce silence est intentionnel. Il est probable qu’elles étaient aussi ardentes que celles de leurs contemporains. En général, les pratiques de l’ascétisme favorisaient beaucoup la foi en l’apparition prochaine du Messie. L’histoire du vieillard Siméon, d’Anne, fille de Phanuel, celle de Jean-Baptiste lui-même en sont la preuve.
Comme tous les partis extrêmes, l’Essénisme n’exerça point d’influence sur les masses. On respectait les Esséniens, mais on ne les imitait pas. Le Talmud et le Nouveau Testament les passent sous silence. Ils étaient peu nombreux, quatre mille seulement, disent Philon et Josèphe, et ils disparurent en 70, dans la ruine de l’État juif. Il est probable qu’ils périrent pour la plupart victimes de leur attachement à la Loi. Nous savons qu’ils se laissèrent mener au supplice plutôt que de toucher aux mets interdits. Quelques-uns, sans doute, plusieurs peut-être, se firent chrétiens.
Les rapports du Christianisme naissant et de l’Essénisme sont difficiles à déterminer. Il est seulement certain que, du vivant de Jésus, le Christianisme et l’Essénisme vécurent séparément. Les rapprochements essayés entre la prédication de Jésus et les doctrines esséniennes sont superficiels. On a remarqué que l’Essénisme prêchait le mépris des richesses et qu’après avoir demandé un serment à ses initiés, il le leur interdisait ensuite formellement. Si nous trouvons dans l’enseignement de Jésus des préceptes semblables, il ne faut voir dans les uns comme dans les autres que des idées courantes de la société juive au premier siècle. L’idée fondamentale de l’Essénisme : la purification devant Dieu s’obtenant par des pratiques extérieures, était fortement combattue par Jésus.
Si les Esséniens ne sont pas même nommés dans les Évangiles, n’allons pas chercher trop loin les motifs de ce silence. L’Évangile ne parle que des partis religieux que Jésus a rencontrés sur son chemin et des solitaires, enfermés dans un couvent, devaient passer un peu inaperçus aux yeux du Rabbi de Nazareth. Il prêchait aux foules, au grand jour, dans un langage simple et populaire ; et ces moines de la mer Morte, ne pensant qu’à leurs baptêmes et à leurs ablutions, lui paraissaient sans doute de fort inoffensifs ennemis. Ils n’étaient que des Pharisiens se condamnant eux-mêmes à mort : le suicide du Judaïsme conséquent.
Quant aux Esséniens mariés et vivant dans le monde, Jésus les a certainement rencontrés. Il dut les voir passer plus d’une fois en vêtements blancs dans les rues de Jérusalemm. Tout nous porte à croire qu’il est souvent question d’eux dans les Évangiles, sous le nom de ces Pharisiens, qui ne mangent pas sans s’être lavés les mains jusqu’au poignet, qui se plongent dans l’eau en revenant de la place publique, qui lavent les coupes, les vases de bronze et les lits (Marc 7.3-4). Ce sont là les Esséniens du premier degré, sorte de tiers-ordre placé entre le Pharisaïsme ordinaire et l’Essénisme rigoureux. Ils formaient le clergé séculier, tandis qu’au bord de la mer Morte vivait le clergé régulier.
Après la mort de Jésus, il se fit, nous l’avons dit, une sorte de rapprochement entre le Christianisme et le Pharisaïsme. Un rapprochement semblable dut s’opérer entre le Christianisme et l’Essénisme. Certains détails des premiers chapitres du livre des Actes semblent l’indiquer. Il en est de même d’un important fragment de l’Évangile de Luc (ch. 9 à 18) qui forme un véritable Évangile des pauvres ou des Ébions et que nous croyons le plus ancien des Évangiles écrits. Jacques, le chef de l’Église de Jérusalem, avait sans doute subi l’influence essénienne.
D’autre part le Gnosticisme et la Cabbale furent le prolongement naturel du côté spéculatif et mystique de l’Essénisme.
L’Essénien, trop conséquent avec sa religion, n’était qu’un rêveur. Le Pharisien, beaucoup plus intelligent que lui, est resté dans les limites où il était possible de fonder une œuvre durable. Cette œuvre a duré en effet ; nous l’avons encore aujourd’hui sous les yeux. Elle a survécu à toutes les destructions, à la ruine du Temple, à la dispersion du peuple, à d’horribles persécutions. Le Pharisien a compris quelle forme devait revêtir la religion de ses Pères pour ne pas périr. L’Essénisme, au contraire, n’était qu’un Pharisaïsme exagéré, quelque chose d’étrange et d’absolu qui ne pouvait vivre longtemps.