L’épître de Jacques en 25 sermons

Les deux sagesses

Y a-t-il parmi vous quelque homme sage et intelligent : qu’il montre par une bonne conduite et par ses œuvres une sagesse pleine de douceur. Mais si vous avez un zèle amer et un esprit de contention dans vos cœurs, ne vous glorifiez point, et ne mentez point contre la vérité. Car ce n’est point là la sagesse qui vient d’en haut ; mais elle est terrestre, sensuelle et diabolique. Car partout où il y a ce zèle amer et cet esprit de contention, il y a du trouble et toutes sortes de mauvaises actions. Mais pour la sagesse qui vient d’en haut, premièrement elle est pure, puis paisible, modérée, traitable, pleine de miséricorde et de bons fruits ; elle n’est point difficultueuse, ni dissimulée. Or, le fruit de la justice se sème dans la paix pour ceux qui s’adonnent à la paix.

Jacques 3.13-18

    Mes frères,

L’homme de Dieu qui a écrit ces paroles a l’esprit aussi pénétrant qu’il a le sens pratique développé. Il veut que la religion ne se traduise pas seulement par des paroles, mais se prouve par la vie ; il est l’ennemi déclaré de toute doctrine stérile. Il a combattu déjà l’ignorance où sont ses lecteurs touchant la foi chrétienne dont ils ne possèdent que la contrefaçon dans leur foi toute théorique, et il a rappelé que la foi véritable ne se sépare pas des œuvres qu’elle doit produire. Il s’est élevé aussi contre leurs inconséquences de langage et leur a prouvé que le leur n’est qu’une corruption du vrai langage chrétien, car la bouche qui bénit Dieu ne saurait maudire les hommes, faits à son image. Dans le passage qui doit nous occuper aujourd’hui, il les met en garde contre l’erreur dont plusieurs d’entre eux, sans doute, sont, victimes, en se flattant d’avoir acquis une sagesse et une intelligence qu’ils croient divines, mais dont ils trahissent l’origine par l’usage même qu’ils en font, et qui n’ont, à tout prendre, rien de commun avec la sagesse et l’intelligence que Dieu donne. Il y a la vraie sagesse et il y a une fausse sagesse. Jacques emploie les paroles de notre texte à nous en faire connaître le principe, la nature et les résultats. C’est à les développer pour chacun de ces deux objets de son enseignement, qu’avec l’aide de Dieu nous ferons servir cette étude.

I

La lecture des saintes Écritures, l’esprit porté à la méditation, une certaine science du cœur humain, la charge qu’ils revêtaient peut-être, leur âge et leurs expériences faisaient croire trop aisément à certains chrétiens connus de Jacques qu’ils possédaient une sagesse que rien n’était capable de confondre et qui, ne pouvant être trouvée en défaut, devait faire autorité. Ces sages ou ces prétendus sages avaient sans doute une conduite irréprochable. Ils ne se retranchaient pas, en tout cas, derrière un silence plein de dédain, mais ils exerçaient une activité. Bien plus, cette activité, ils la déployaient au profit du règne de Dieu sur la terre et pour l’édification et l’affermissement de l’Église. Ne méritent-ils pas dès lors l’approbation de Dieu ; ne sont-ils pas dignes du sympathique intérêt de son peuple ? Oui, s’il ne manque pas une chose à leur sagesse, la douceur. Mais si cette lacune existe, elle rend inutile tout le reste et anéantit toutes leurs prétentions.

Ils enseignent, ces hommes-là ; ils enseignent les grandes vérités évangéliques ; ils s’adressent au pécheur et lui font connaître sa misère, en même temps qu’ils lui annoncent le salut accordé en Jésus-Christ. Tout est vrai dans leur prédication, dans leur doctrine tout est correct ; mais si l’on cherche en vain dans leurs discours cette douceur qui communique un irrésistible attrait aux appels que l’Évangile fait entendre, atteindront-ils leur but ? Ils exhortent, ces sages, mais sentent-ils bien que leurs exhortations ne porteront des fruits, soit dans l’assemblée publique, soit dans le secret des entretiens intimes, que si elles sont faites dans un esprit exempt d’amertume et dans un langage empreint de douceur ? Et s’ils l’ignorent, comment se comportent-ils donc quand ils discutent et n’ont plus devant eux des auditeurs silencieux ou humiliés, mais des hommes dont la foi n’est point encore affermie et qui exposent leurs doutes ou même opposent leurs objections. C’est bien ici qu’il ne faudrait épargner ni le temps ni la patience. Leurs arguments ne porteront coup que s’ils ne négligent pas celui qui, mieux que tout autre, va droit au cœur, la douceur. En toutes ces choses, c’est par leur douceur qu’ils devraient montrer leur sagesse ; ils seraient sûrs alors de réussir et de toucher les cœurs, et certains de les convaincre après les avoir vaincus, cette douceur, il faudrait la chercher auprès du Dieu qui est amour.

Mais s’ils ne la possèdent pas, par quoi la remplacent-ils ? Par ces manifestations étranges d’une sagesse prétentieuse et hautaine que Jacques nomme le zèle amer et l’esprit de parti. Certes, l’ardeur ne leur manque pas et ils ne laissent échapper aucune occasion de faire valoir leur intelligence ; mais leur langage est froid, leurs discours sont cassants ; il y a dans leur parole une sévérité si grande, dans leurs réprimandes un ton si tranchant qu’ils semblent travailler bien plutôt à se faire craindre eux-mêmes qu’à fléchir les cœurs à la loi de Dieu. Ils n’éprouvent ou ne laissent jamais voir la moindre satisfaction et quand même on leur démontrera que leurs procédés ne produiront pas les effets qu’ils en attendent, ils s’obstineront à n’en pas changer, parce que c’est leur sagesse qui les a imaginés.

D’où procèdent ce zèle amer et cet esprit de parti ? Assurément ce n’est pas d’en haut, mais c’est de leur propre cœur. Leur sagesse paraît donc dès maintenant condamnée ; elle va l’être irrévocablement. Quand l’on ne cherche pas sa sagesse en Dieu, ce n’est pas à Dieu que l’on s’efforce de conduire les cœurs. On le croit ; on le proclame ; mais l’on se séduit soi-même. Ce n’est plus la sagesse qui est un moyen d’avancer le règne de Dieu, vain prétexte de l’agitation humaine, c’est au contraire le règne de Dieu qui devient pour l’homme l’occasion longtemps attendue de faire étalage de sa sagesse. Serait-ce donc la sagesse d’en haut, celle qui, non contente de n’en pas venir, n’y conduit pas, et se propose uniquement pour but la gloire éphémère d’une créature périssable ?

Ah ! ne vous vantez pas, zélés docteurs, de posséder la vraie sagesse. Vous ne seriez pas seulement dans une profonde erreur, vous vous rendriez coupables d’un grave mensonge. « Ne vous glorifiez point de la vérité et ne mentez point contre elle. » Considérez plutôt, pour achever de vous éclairer sur les origines de votre sagesse en en découvrant maintenant la nature, considérez ce qui se passe autour de vous dans ce monde auquel vous songez avec l’amertume de l’esprit de parti et que vous détestez, moins parce qu’il n’appartient pas à Dieu que parce qu’il ne partage pas votre manière de voir. Comparez votre langage au sien, vos procédés aux procédés de ces hommes qui ne s’irritent pas plus que vous quand leurs intérêts mondains sont compromis, et convenez que Jacques a raison de taxer votre sagesse de terrestre. Il n’y a rien en vous qui attache et élève, rien qui dépasse le niveau des sacrifices les plus ordinaires ; tout ce que vous faites, d’autres le font qui n’ont point besoin pour cela de professer votre foi. Votre sagesse est moins encore que terrestre, elle est charnelle. La puiseriez-vous dans l’être intérieur renouvelé par l’esprit de Dieu ? Ne tentez pas de nous en convaincre. Vous enseignez, vous exhortez, vous discutez ; mais c’est votre intérêt personnel qui vous y pousse et dans ce travail qui ne répond pas même à vos goûts, vous n’êtes soutenus que par votre amour-propre. Et si malgré tout, ce sentiment persistait en vous que quelque force surnaturelle vous fait agir et vous communique ce zèle auquel votre amour du bien-être ne trouve point son compte, ne croyez pas que cette force vienne de Dieu ; Jacques vous déclare qu’elle est diabolique et que l’esprit des ténèbres, qui a déjà ruiné en vous l’œuvre divine, est seul capable de vous l’inspirer.

D’ailleurs, mes frères, qu’ont réussi à produire ces hommes que l’écrivain sacré met en garde contre la fausse sagesse ? S’ils consentent à y réfléchir, les résultats de leur activité ne leur permettront aucun doute sur son inspiration et sur sa nature. Ils ont occasionné du trouble, en eux d’abord, qui, travaillant seuls et sans un secours supérieur, ne peuvent goûter aucune paix et ne connaissent pas la sérénité d’une âme qui se dépense au service de Dieu et attend tout de Lui. Ils ont ensuite provoqué du trouble autour d’eux, en ces cœurs qu’ils ont comprimés peut-être dans leur premier élan et éloignés ainsi, plus encore qu’ils ne l’étaient, de Celui auquel il fallait les conduire. Est-ce la sagesse d’en haut qui cause tant de trouble et entraîne encore à sa suite toute sorte de mal, la défiance envers tous ceux qui désormais parleront de Dieu, la défiance envers Dieu lui-même que l’on identifie injustement avec ses ministres indignes, la défiance envers tous les esprits sincères, la défiance universelle et l’incrédulité ?

Que tout cela est tristement vrai. Comme ces causes et ces effets s’enchaînent bien dans la vie ainsi que nous le montre Jacques. Mais ne nous hâtons pas de condamner avec lui, avant de nous demander si nous ne tombons pas sous le coup de ses accusations. Ces docteurs-là, avec leur fausse sagesse, ils se trouvent partout, et il n’est pas nécessaire pour les découvrir de songer à quelque ministère spécial ; il n’est besoin que de s’arrêter à ce ministère personnel, mais bien réel que Dieu a confié à tout homme et qu’il doit exercer dans son entourage immédiat, ministère d’enseignement pour répandre la vérité, d’exhortation pour y ramener, de lutte même pour la défendre. Or parmi tous les hommes qui se flattent de faire valoir la vérité chrétienne, en est-il un seul qui échappe à cette large et redoutable application ? Vieillards à l’égard de la jeunesse, parents près de vos enfants, maîtres devant vos serviteurs, amis envers vos amis, jeunes gens à côté de vos émules, ne serait-ce pas cette fausse sagesse qui vous a souvent dirigés ? A tous ces traits de la prétendue sagesse, n’avez-vous pas reconnu la vôtre ? Votre douceur est-elle éprouvée ? N’est-elle pas au contraire absente de vos paroles, étrangère à votre conduite ? La sagesse des meilleurs n’est-elle pas cette pitoyable sagesse qui, malgré les efforts qu’elle déploie, ne réussira pas à donner le change et trahit son origine et sa nature par les résultats fâcheux qu’elle produit.

II

A cette sagesse-là, mauvaise par nature et redoutable par ses résultats, parce qu’elle est fausse dans son principe, Jacques oppose la vraie sagesse, celle qui vient d’en haut. Quel attrayant tableau il en trace, et combien sont aimables les expressions qui la décrivent.

Avant tout elle est pure. Habile à s’enrichir de tout ce que le monde lui offre de connaissances utiles, elle évite tout ce qui est entaché de souillure ; elle fuit le péché et s’abstient même de toute apparence de mal ; elle ne méritera jamais les reproches de ceux qu’elle cherche à amener au bien, et personne ne pourra la réduire au silence, quand elle recommande la vertu, sous prétexte qu’elle fut un jour ou l’autre complaisante pour le désordre. — Avec cette pureté, elle n’a rien de farouche, et lorsqu’elle est à l’œuvre, elle enseigne, elle exhorte, elle discute d’une manière si tranquille, que ce que Jacques relève en second lieu chez elle, c’est son caractère paisible. Elle ne prend pas à son service les grands moyens ; elle agit constamment, mais sans fièvre, sans emportement, de sorte que ceux qui sont soumis à son influence, subissent son charme loin d’éprouver pour elle aucune aversion. Sachant qu’elle est paisible, nous ne sommes point étonnés d’apprendre qu’elle est modérée. La sagesse dédaigneuse des grands moyens n’a pas davantage recours aux grands mots. Elle ne dit pas le plus pour faire accepter le moins ; elle ne se permet pas d’exagérations, elle connaît la vérité et s’y tient strictement. Elle inspire ces quatre Évangiles si vrais, si sobres que Dieu nous a donnés et qu’il a marqués du sceau de sa sagesse, tandis qu’elle s’est retirée de ces livres étranges qui s’ornent du même titre et voulaient prétendre au même crédit tout en faisant du Sauveur des hommes le héros d’aventures absurdes. Pure, paisible, modérée, la vraie sagesse est encore traitable. Bien qu’elle puisse être sûre d’elle-même puisqu’elle vient de Dieu, et sans doute parce qu’elle est sûre d’elle-même, elle consent à écouter les raisons que l’on oppose à ses enseignements et ne s’irrite pas à la première objection qu’on lui présente. Elle rayonne à nos yeux dans la personne de Jésus s’entretenant avec Nicodème, répondant aux Juifs qui l’interrogent, amenant peu à peu par ses paroles à la connaissance de la vérité ses disciples ignorants. Ah ! qui ne sentira pas en face de ce ministère si patient, si débonnaire, que la vraie sagesse est encore pleine de miséricorde ? C’est un besoin pour celui qui la possède d’être compatissant envers ceux que Dieu a placés sur son chemin. Quand elle a vaincu elle ne triomphe pas méchamment et le sourire qui accompagne ses victoires lui gagne bien des cœurs et fait souvent des adversaires d’hier les amis d’aujourd’hui.

L’auteur sacré se serait arrêté ici que nous comprendrions sans peine les fruits excellents que doit porter cette sagesse vraiment divine. Mais aux résultats de la prétendue sagesse, à ce trouble qu’elle suscite, à ces maux qu’elle enfante, il a hâte d’opposer les fruits de la sagesse d’en haut. Ces fruits, nous ne nous arrêterons pas à les énumérer tous ; admirons-en quelques-uns dans la reconnaissance de Marie-Madeleine, dans la conversion de Zachée, dans le repentir du brigand, dans toute l’œuvre de celui qui a été fait sagesse pour nous, dans ce ministère si court, mais fécond, parce qu’il a été inspiré par une sagesse miséricordieuse.

Mais ce besoin de paix, cette bonté de cœur, cette modération de langage, cela peut-il bien s’accorder avec une entière fermeté de principes et une parfaite sincérité de conduite ? Jacques, traitable lui-même, a prévu l’objection et y répond en signalant encore les deux caractères distinctifs de la sagesse d’en haut. Vous demandez si, telle qu’elle vient de vous être décrite, elle s’accommode bien d’un solide attachement à des principes arrêtés ? Certainement. Cette sagesse est décidée. La douceur avec laquelle elle s’exprime ne l’oblige pas à rien abandonner de ses convictions, car la douceur n’est pas l’ennemie jurée d’une résolution énergique. Rappelez-vous Pierre et Jean traduits devant le Sanhédrin et sommés par lui de renoncer à leur ministère de prédication. Font-ils aux menaces qu’ils entendent le sacrifice de leur devoir ? Ils donnent à leurs juges cette réponse si douce dans sa teneur, si ferme par la décision qu’elle exprime : « Voyez vous-mêmes s’il est juste d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. »

Cette sagesse qui ne tait rien par timidité, ne tait rien à plus forte raison par hypocrisie ; elle est sincère, et nous fournit la preuve que la douceur n’exclut pas la franchise. Recourons pour nous en convaincre aux souvenirs de l’apostolat de Saint-Paul. Quand il comparaît devant Félix, rien ne lui serait plus aisé que d’obtenir sa liberté. Il n’aurait qu’à employer le langage hypocrite de son accusateur Tertulle. Mais le serviteur de Dieu ne se laisse pas séduire par les conseils d’une prudence toute charnelle ; il n’y a rien dans son attitude qui doive flatter le redoutable païen, et même quand il se présente devant lui pour la seconde fois, en lui parlant de justice, de continence et de jugement, il lui tient un langage qui pouvait consommer sa ruine et qui doit paraître insensé à tous les sages selon le monde. Ah ! il n’y a que la sagesse d’en haut qui sache unir à cette droiture inflexible, à cette franchise sans réticence la douceur et l’esprit de paix.

L’esprit de paix : pour qui désire sincèrement travailler ici-bas à l’œuvre de Dieu, tout est là. De tous les avantages de la vraie sagesse, celui qui l’emporte sur les autres, c’est son inspiration paisible. Voilà sous l’empire de quelle conviction l’auteur sacré résume tout ce qu’il a dît à ce sujet par cette parole : « Le fruit de la justice se sème dans la paix pour ceux qui s’adonnent à la paix. » Ne perdons pas de vue pour la bien comprendre que ces chrétiens auxquels Jacques s’adresse ont la prétention de travailler à affermir, sinon à établir la justice de Dieu, dans le milieu où ils se trouvent. Voilà pourquoi il passe brusquement du moyen que déploie l’homme dans son activité, la sagesse, au but qu’il se propose, la justice. Eh bien, nous reconnaîtrons avec lui qu’il est inutile de chercher à semer le fruit de cette justice au moyen de cette sagesse terrestre qu’il a combattue, et cela dans quelque domaine que ce soit. Ni dans l’église, ni dans l’école, ni dans la société, ni dans la famille, nulle part les efforts de la sagesse humaine n’aboutiront à des résultats bienfaisants et durables. Pour travailler à une œuvre qui est une œuvre de paix, la première condition que nous devons remplir, la voici : c’est que nous soyons des hommes de paix et que nous agissions dans un esprit de paix.

Mes frères, est-ce bien la sagesse dont nous avons fait preuve ? Et jusqu’où n’atteindra pas notre confusion quand nous apprendrons que nous sommes plus coupables encore que les premiers lecteurs de l’épître de Jacques ? S’ils ne connaissent pas le vrai ressort de la sagesse, la douceur, et s’ils ne pratiquent pas cette vertu, du moins sont-ils d’accord avec l’écrivain sacré sur deux principes. La sagesse doit prendre corps dans des actes. Que le sage montre ses œuvres. Elle ne peut pas se réfugier dans un silencieux et égoïste recueillement. Or, dans l’infinie variété des hommes qui se flattent d’être des sages, combien n’y en a-t-il pas dont la sagesse consiste dans le détachement universel, dans l’absolu désintéressement de tout ce qui se fait autour d’eux ? Ils sont dans l’erreur ; le sage doit agir. A ce premier principe, Jacques en ajoute un autre : Que le sage montre ses œuvres par une bonne conduite. Nul ne sait jusqu’à quel point cette parole devait troubler la conscience de ces prétendus sages dont il a été question. Chacun sait en revanche de quelle indulgence jouissent parfois de nos jours ceux que le monde considère comme sages et comme intelligents. Il semble qu’ils ne soient pas responsables de leurs actes, eux qui le sont plus que d’autres. Parce qu’ils possèdent les dons de l’intelligence, quelques-uns se croient permis les plus honteux écarts et les plus graves désordres. Il est vrai que la complaisance du monde ne s’étend guère à ceux, qui font profession de christianisme. Quand ils sont surpris en flagrant délit d’inconséquence, leur inconduite et leurs égarements font plus de tort à la cause qu’ils croient servir que ne lui en firent jamais les attaques les plus passionnées ou les persécutions les plus cruelles.

Toutefois, reconnaissons-le, si cette sagesse qui sait se répandre en une activité continuelle et bienfaisante est rare, elle se rencontre cependant. Nous pourrions nommer ici bien des hommes, que nous avons béni Dieu souvent d’avoir donnés à son église, et qui, dans leur pensée et dans leurs actes, ont reflété cette sagesse dont la vie de Jésus-Christ est la parfaite expression. Nous disons cela pour laisser à la vérité tous ses droits, mais nous rendons toute gloire au Dieu qui communique sa sagesse et demeure ici comme partout le dispensateur souverain des biens dont l’homme jouit. Dès lors, s’il y a eu don en faveur de quelques-uns, si la source s’est ouverte pour ces privilégiés de l’amour divin, c’est qu’elle est ouverte pour nous encore et que Dieu nous convie au partage de ses grâces. Jacques lui-même nous en donne l’assurance. Il semble vouloir nous décourager en prononçant un jugement sévère contre la fausse sagesse et en nous désignant les hauteurs en apparence inaccessibles où il place la sagesse divine, mais n’a-t-il pas dit aussi : Si quelqu’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui la donne à tous libéralement, et elle lui sera donnée ? Douteriez-vous, quelque profond qu’il dût être, qu’un changement pût s’accomplir pour vous ? Voyez-le donc accompli dans la personne de Saul de Tarse devenu l’apôtre Paul. Qu’était la sagesse du pharisien, sinon celle qui nous est dépeinte comme la sagesse de ce monde. Du zèle, il en a, vous le savez et ce zèle est plein d’amertume ; la violence inspire ses démarches ; il croit servir Dieu en persécutant l’Église. Dieu l’arrête, et le persécuteur transformé en apôtre devient l’un des représentants les plus authentiques de cette sagesse qui est pure, paisible et traitable. Mais n’attendons pas, mes frères, que le changement se produise nécessairement en nous comme il s’est produit en cet homme. Saul était aveugle ; Dieu a dû venir à lui. Nous avons au contraire des lumières qui lui manquaient ; sa parole même et son exemple sont une lumière pour nous. C’est pourquoi demandons sans tarder, demandons avec ferveur cette sagesse pleine de douceur, à laquelle seule il appartient d’accomplir ici-bas la justice de Dieu, et elle nous sera donnée. Amen !

Paul Ecuyer

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