Le mot Halléluiah signifie littéralement : « Louez Jah, ou Jéhovah ; » mais la particule Hallél, ou « louange » dénote en même temps la pureté de la voix ou du son, comme si pour célébrer convenablement les merveilles de Jéhovah et pour raconter ses exploits il était nécessaire de s’exprimer avec l’accent le plus pur, le plus élevé, le plus joyeux. Le mot « Halléluiah » signifie donc : « Elevez la voix pour chanter hautement et distinctement les louanges du Dieu Fort ! » Servez-vous de cette langue qui est votre « gloire, » et de la voix qui vous est donnée pour exalter celui dont le nom est Jah, l’Etre des êtres, le Je suis duquel procèdent « toutes choses dans le ciel et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les Trônes ou les Dominations, ou les Principautés, ou les Puissances ; car de lui, par lui et pour lui sont toutes choses. A lui soit gloire éternellement ! » Halléluiah ! « Louez le Dieu Fort à cause de sa sainteté ; louez-le à cause de cette étendue qu’il a faite par sa force. Louez-le de ses grands exploits ; louez-le selon la grandeur de sa majesté. Louez-le avec le son de la trompette ; louez-le avec la musette et la harpe ; louez-le avec le tambour et la flûte ; louez-le sur l’épinette et sur les orgues ; louez-le avec les cymbales retentissantes ; louez-le avec les cymbales, de cris de réjouissance. Que tout ce qui respire loue l’Eternel. Halléluiah ! » (Psaumes 149)
Les questions que nous aurons maintenant à examiner touchant le « cantique, » sont celles-ci : Pourquoi doit-il être chanté ? Qui doit le chanter ? En quel lieu et combien de temps ?
1° Pourquoi doit-il être chanté ? A cause de Jéhovah lui-même, pour les actes qu’il a accomplis et pour les discours qu’il a prononcés en notre faveur. Célébrer le nom de Dieu comme font les païens, sans savoir ce que signifie ce nom, c’est folie et moquerie ; c’est ni plus ni moins « comme l’airain qui résonne, ou comme la cymbale retentissante. » Mais prononcer ce nom dans le sentiment de l’excellente grandeur, de la bonté, de la sainteté et de l’amour qui s’y rattachent, c’est là le louer véritablement ; c’est aussi de toutes les occupations la plus noble et la plus digne. Nous sommes abondants dans la louange, nous mettons de la ferveur dans nos alléluia en proportion de ce que nous jouissons des grandes choses que nous révèle ce nom. Pour le Dieu inconnu, il n’y a rien qui nous engage à le louer ; mais la connaissance de ce que Dieu est ou de ce qu’il y a en Dieu, produit en nous un sentiment mêlé de respect, de gratitude et de joie. Nous sommes quelquefois saisis d’admiration à la vue d’un objet qui en impose, comme un paysage, des montagnes, le vaste océan dont la majesté commande le respect. Nos impressions ainsi réveillées, se traduisent par la parole ou même par le mouvement du corps. De même, la vue de Jéhovah, tel qu’il s’est révélé dans sa parole, appelle nos alléluia. Le sentiment profond de mes besoins et de mes nombreux péchés me fait tomber à genoux, et, les mains jointes, je crie incessamment vers Dieu ; je ne fais alors que prier. Mais si, oubliant ce que je suis en moi-même, je prends une vue plus large, plus élevée de Dieu, mon âme se pénètre d’admiration, je me laisse dominer, non plus par le sentiment du besoin, mais par celui de la majesté et de l’immense amour de Dieu ; dès lors mon cœur s’élève en haut par des désirs ineffables, ma prière se change en louange et mes profonds gémissements en des alléluia inexprimables. Nous voyons en Dieu celui qui a créé le ciel et la terre, la mer, les astres du firmament, les montagnes, les fleuves et les forêts ; et alors nous l’adorons. Nous voyons en lui la parfaite sagesse, la toute-puissance, la vérité et la justice ; et alors nous l’exaltons. Nous voyons en lui le Dieu de miséricorde et de bonté, le Dieu qui a aimé le monde tellement qu’il a donné son Fils unique, le Dieu de pardon, de compassion et de toute grâce ; et alors nous le bénissons. Tout ce qu’il est et tout ce qu’il a, tout ce qu’il a fait et tout ce que sa Parole nous dit de lui, est si excellent et si parfait ; sa personne est si glorieuse et si aimable, que l’on se demande avec étonnement : Pourquoi ce silence qui règne tout autour de nous ? Pourquoi une seule voix reste-t-elle muette ? Et à mesure que nous fixons notre attention pour mieux l’approfondir, à mesure que nous sondons davantage ses richesses incompréhensibles dans la personne de son bien-aimé Fils, nous nous écrions : « Qui ne te craindra, qui ne te louera et ne glorifiera ton nom, Eternel ! »
Cet Evangile que nous annonçons est la proclamation du glorieux caractère de Dieu. C’est le témoignage qu’il se rend envers lui-même, c’est aussi celui que nous lui rendons. En vous l’annonçant, nous vous déclarons l’excellente grandeur de Dieu, les merveilles qu’il a accomplies, l’amour infini et tout gratuit qu’il vous a témoigné, afin qu’en entendant cette bonne nouvelle vous la receviez et donniez gloire à votre Dieu par un cantique de louange, lequel chaque jour de votre vie doit rendre plus profond, plus mélodieux et plus véhément.
2° Qui doit chanter le cantique ? Il devrait être chanté par tout ce qui existe. « Que tout ce qui respire loue l’Eternel ! Louez l’Eternel. » Cependant, nous savons qu’il n’en est point ainsi. Il y a des voix qui le chantaient autrefois, et qui ne le chantent plus maintenant ou qui ne le chanteront jamais plus. Je veux parler des « anges qui n’ont point gardé leur origine, mais qui ont abandonné leur propre demeure. » Il y a des voix qui auraient pu le chanter, mais qui ne le feront jamais ; — ce sont les âmes perdues qui se sont précipitées dans un abîme de ténèbres et de malheur éternel. Il y a encore maintenant bien des personnes qui pourraient le chanter si elles le voulaient bien, car notre appel leur est ainsi adressé : « Ne voulez-vous pas venir aussi pour adorer ? » Quoi qu’il en soit, il y a des voix innombrables qui le chantent. Il y a d’abord les anges élus qui nous sont représentés dans le livre de l’Apocalypse comme des bienheureux qui célèbrent les louanges du Dieu Tout-Puissant (Apocalypse 5.11-12). « Leur nombre est de plusieurs millions, et ils disent à haute voix : L’Agneau qui a été mis à mort est digne de recevoir puissance, richesses, sagesse, force, honneur, gloire et louange. » Voilà comment ils magnifient l’Eternel sur les hauteurs des cieux, et si de leur voix sublime ils prononcent ainsi « Alléluia, » ce n’est pas seulement alors qu’ils contemplent les harmonies du beau séjour des cieux qu’ils n’ont jamais abandonné, mais aussi pendant que leur regard s’abaisse sur cette terre pour voir le Fils de Dieu portant nos iniquités (bien qu’ils n’aient point de part à son sacrifice), et pour apprendre à connaître par le moyen de l’Eglise la merveilleuse sagesse de Dieu. Il y a aussi ceux qui ont été rachetés d’entre les hommes, cette « grande multitude que personne ne peut compter. » On voit ceux-ci paraître sur une mer de verre ou sur la montagne de Sion, et comme les habitants de la nouvelle Jérusalem, ils chantent avec de saints transports le cantique de l’Agneau : « Seigneur, tu es digne de recevoir gloire, honneur et puissance ; car tu as créé toutes choses : c’est par ta volonté qu’elles existent et qu’elles ont été créées. » Et encore : « Le salut est de notre Dieu, qui est assis sur le trône, et de l’Agneau » (Apocalypse 4.11 ; 7.10). Mais le cantique serait en quelque sorte incomplet s’il n’était chanté que par ces deux ordres de créatures, savoir, les anges élus et ceux qui ont été rachetés d’entre les hommes ; c’est pourquoi nous lisons : « J’entendis aussi toutes les créatures qui sont au ciel, et sur la terre, et sous la terre, et dans la mer, et toutes les choses qui y sont, disant : A celui qui est assis sur le trône, et à l’Agneau, soit louange, honneur, gloire et force, aux siècles des siècles ! » (Apocalypse 5.13)
Ainsi, le nombre des créatures qui, dans le ciel et sur la terre, doivent s’unir en chœur pour exalter le nom de Dieu, dépasse tous les calculs, toutes les conjectures de l’homme. Ce sont des myriades d’hommes et d’anges élus ; et qui peut compter le nombre de ceux qui doivent être créés et qui ajouteront leur cantique d’action de grâces à celui de la grande multitude ? car nous ne sommes que « les prémices de ses créatures » (Jacques 1.1-18). Chaque partie de la création rendra à Dieu la louange qui lui appartient ; tant les êtres animés que les êtres inanimés, tous lui rendront hommage ; le plus infime corpuscule dans le monde matériel aura quelque bonne chose à dire de lui. Mais excelleront dans le chant de la louange ceux qui l’auront le mieux connu, — ceux qui auront le mieux apprécié ses bienfaits ou qui auront lu sur la croix ses titres glorieux, reconnu la plénitude de sa grâce, — ceux qui n’ont pas seulement regardé la rédemption comme accomplie pour les autres ; mais qui l’ont acceptée pour eux-mêmes.
Mais il est cependant une autre voix sublime dont nous pouvons dire qu’elle aura du retentissement parmi tant d’autres qui loueront dans un parfait accord le Dieu tout-puissant. C’est la voix de celui qui donnait le ton à celle de ses disciples lorsque, sur la terre, ils chantaient le cantique de louange, selon qu’il est écrit : « Et quand ils eurent chanté le cantique, ils s’en allèrent à la montagne des Oliviers. » C’était là, sans doute, l’hymne de la Pâque dont les expressions abondent dans les Psaumes. Mais c’est toujours la voix de celui qui dit : « Je te louerai dans l’Eglise, ou au milieu de la grande assemblée. » Combien sera magnifique et glorieux cet alléluia qui se prépare pour le jour de notre triomphe, alors que Jésus-Christ lui-même, paraissant au milieu des saints glorifiés, conduira ce grand chœur de voix ! car il est toujours le maître-chantre, et sa voix est bien la note dominante du cantique. L’oreille n’a point entendu ce chant triomphal auquel doit prendre part celui qui, après avoir donné à son Eglise l’esprit de prière, ou de supplication et d’intercession, la vêtira du manteau de louange.
Puis donc que nous professons d’appartenir à cette multitude de rachetés qui loueront Dieu incessamment, n’est-il pas convenable que nous cultivions cet esprit de louange et d’adoration ? « Rendez grâces à Dieu pour toutes choses, car c’est la volonté de Dieu en Jésus-Christ à notre égard. » Montrons par nos louanges que nous sommes reconnaissants envers ce Dieu qui nous a aimés et qui nous a adoptés pour ses enfants ; nous montrerons aussi par là le prix que nous attachons au bon pays de la promesse, à l’héritage incorruptible que nous sommes assurés de posséder bientôt et dont la foi nous révèle chaque jour l’excellence. Dieu veut que par nos louanges nous lui rendions témoignage devant les hommes, afin qu’ils apprennent à connaître son amour, et qu’en le connaissant, ils soient rendus participants des mêmes privilèges et de la même espérance. Car le plus indigne d’entre les hommes n’a pas autre chose à faire pour obtenir le salut et la paix, sinon qu’il apprenne à connaître le parfait amour de Dieu que nous célébrons par nos louanges. C’est en croyant à cet amour ineffable que nous devenons les fils et les filles du Dieu tout-puissant.
3° Où doit-on chanter le cantique ? C’est dans le ciel que le chantent et que l’ont toujours chanté les créatures qui n’ont jamais péché. Le ciel est le lieu où Jéhovah a toujours été exalté. Là, toutes les voix sont à l’unisson ; aucune discorde ne vint jamais troubler l’harmonie qui y règne. Les accents joyeux qui s’y font entendre, de siècle en siècle, deviennent toujours plus profonds, plus retentissants, à mesure que Dieu accomplit ses desseins et que les Principautés et les Puissances apprennent par le moyen de l’Eglise, la sagesse infinie de Dieu…
Ce cantique aurait dû être chanté sur la terre ; mais à peine les premiers accents de cette mélodie s’étaient fait entendre au sein de la création, à peine une voix céleste eut-elle célébré les œuvres glorieuses de Jéhovah que l’harmonie fut troublée, et le chant cessa. Le péché imposa le silence, et brisa la lyre qui rendait ces sons harmonieux. On n’entendit jamais plus l’alléluia résonner en Eden. Toutefois, c’est l’intention de Dieu que le cantique soit encore chanté sur la terre, et chanté d’une manière plus sonore et plus élevée que jamais. Dieu reformera la lyre, il rétablira le parfait accord, et il fera chanter le cantique sur un ton plus distingué, plus doux et plus ferme ; aussi, l’usurpateur ne fera plus entendre le bruit de la discorde, il ne portera plus le trouble ou la désolation dans la terre ravie. Nous avons plusieurs expressions de ce cantique qui s’appliquent à différents cas. Lors qu’un pécheur est délivré du présent siècle mauvais, il entonne aussitôt le cantique ; il ne fait d’abord que bégayer la louange, mais plus il avance dans la connaissance de Dieu, plus il s’enracine dans son amour, et plus son cœur s’épanouit, plus aussi sa langue devient déliée pour célébrer avec ferveur le nom de son Dieu. Nous voyons que Dieu, après avoir dressé un tabernacle dans le désert, rassemble le peuple qui doit le célébrer, et ordonne à ceux qui avaient été désignés pour cela de chanter l’alléluia dans ses parvis. Lorsque plus tard ils sont dans le temple, sous Salomon, nous voyons que Dieu en ordonne ainsi d’une manière plus expresse encore, comme le prouve 2 Chroniques 5.13 : « Et il arriva que tous ensemble sonnant des trompettes, et chantant, et faisant retentir tous d’un accord leur voix pour louer et célébrer l’Eternel, élevant donc leur voix, etc. » Siècle après siècle, Israël apprit à dire alléluia ; et maintenant l’Eglise dira à son tour le cantique, et elle doit le chanter dans chaque pays et dans chaque lieu de son exil. Alléluia est le mot qui doit être sur les lèvres de tous les rachetés ; c’est la voix qui chaque dimanche, retentit dans une multitude d’assemblées.
Mais il y a d’autres lieux et d’autres scènes où cette voix se fait entendre. Elle est comme le refrain de l’hymne qui déclare que la miséricorde du Seigneur est de tout temps (Psaumes 111 et 136) ; mais elle fait écho surtout dans les scènes des derniers jours. Elle s’élève comme un chant triomphal en mémoire de la chute de Babylone (Ésaïe 25.1-2), comme l’hymne par laquelle Israël, aux derniers jours, célébrera son pardon et sa délivrance (Ésaïe 12.1), comme le cantique de louange que les fidèles chanteront au pays de Juda quand leur ville sera rebâtie (Ésaïe 26.1). C’est le cantique des rachetés qui apparaissent avec l’Agneau sur la montagne de Sion (Apocalypse 16.1), de cette multitude victorieuse qui apparaît encore sur la mer de verre (Apocalypse 15.3), de cette troupe céleste qui proclame la ruine de la grande prostituée (Apocalypse 19.1) ; c’est le cantique que l’Eglise chante en attendant la venue du Seigneur (Psaumes 96 et 98) ; c’est le cantique qui sera chanté sur la nouvelle terre (Psaumes 150). Partout où l’Eternel manifeste sa présence ; partout où il se montre le grand Jéhovah, comme dans les événements qui amèneront la chute des empires, ou dans les scènes milléniales qui leur succéderont, on entonne le cantique, on chante alléluia !
Il est cependant un endroit, le seul sans doute où les accents joyeux ne se font jamais entendre, à savoir le lac de feu. La voix de la mélodie y reste dans le silence ; on y entend plutôt des cris de détresse, la voix du désespoir, des grincements de dents, et cela pendant toute l’éternité. O homme de Dieu ! est-ce que ton âme est remplie de reconnaissance dans la pensée que tu n’entreras jamais dans cet abîme de malheur, et que tu n’es plus exposé à la seconde mort ? Il est écrit : « Les morts ne te loueront point, ni ceux qui descendent dans la fosse. » La louange n’y est donc pas connue. Et toi, ô homme pécheur ! Peux-tu penser sans frémir que le seul endroit dans tout l’univers où des cris lugubres seront au lieu du chant de l’allégresse, sera ta demeure à toujours. O ténèbres ! ô désolation ! ô malheur épouvantable d’une telle demeure ! C’est un lieu où l’on ne connaît de Dieu que sa colère ; un lieu qui sert de réceptacle à tout le mal qu’il soit possible d’imaginer, et où il y a absence complète du bien ; un lieu où aucune expression de joie ne viendra jamais animer un regard, et où, au contraire, il y aura le spectacle horrible des méchants qui se lamenteront, et dont le partage sera l’ignominie et d’affreux tourments !
Mais, si étrange que cela puisse paraître, la louange retentira jusque dans le voisinage de ce lieu maudit. Il est dit que les rois de la terre qui ont commis fornication avec la grande prostituée, et qui ont vécu dans les délices, pleureront sur son sort ; ils se battront la poitrine quand ils verront la fumée de son embrasement, tandis que le ciel se réjouira à cause d’elle. Alors la voix d’une grande multitude proclamera le salut en disant : Alléluia ! (Apocalypse 19.1-6) Cet alléluia des armées célestes sera comme la réponse à ces cris de douleur qui se feront entendre pour ainsi dire aux portes de l’enfer. Peut-on se faire un tableau plus sombre et plus terrible que celui-ci ? Lamentations au dedans, alléluia au dehors ! Blasphèmes au dedans, louanges au dehors. Je ne dis pas que les alléluia soient à cause des tourments des damnés, mais à cause de la justice de Dieu qui, en accomplissant des choses terribles, vengera enfin ses élus.
4° Combien de temps chantera-t-on le cantique ? Sans cesse, aux siècles des siècles, éternellement. Il fut un temps où il n’existait pas de cantique, parce qu’il n’y avait personne pour le chanter. Celui à qui appartient toute louange existait, mais il n’y avait encore aucune créature pour le célébrer.
La louange a donc eu un commencement, tandis qu’elle n’aura pas de fin. Depuis qu’elle a rompu le silence, la voix de la mélodie a retenti de siècle en siècle. Il y aura toujours des créatures, des voix, des instruments qui ne vieilliront point, et qui ne garderont jamais le silence. Le chant de l’allégresse sera éternel. Il y aura bien des changements dans les chanteurs, et bien des variations dans les airs ; des voix nouvelles et des sujets nouveaux viendront s’ajouter aux autres ; mais l’alléluia lui-même sera éternel. Il est consolant d’y penser, car le cantique éternel fera plus que compenser l’opprobre dont on a couvert le nom de Jéhovah, et les blasphèmes qui l’ont accompagné pendant les âges qui se sont écoulés sur cette terre. Les hommages qu’il recevra lui feront oublier assurément tout le reste. Les profanations du temps actuel s’effaceront devant l’éternel alléluia. Ce n’est pas louer Dieu pendant un jour, pendant un siècle, mais à jamais. Dieu prépare maintenant des sujets, il se choisit des instruments, il accorde les voix ; quand toute cette œuvre sera accomplie on commencera de chanter, non plus des fragments ou quelques strophes du cantique, mais le cantique dans sa plénitude. Le chant ne deviendra jamais languissant, les voix ne seront jamais discordantes ; il n’y aura pas d’interruption. C’est une chose infiniment précieuse que cet alléluia, qui est pour l’universalité des êtres et pour un temps infini.
Que déjà ici-bas nous nous appliquions à chanter les louanges du Seigneur ! Il faut que « son cantique soit avec nous de nuit » (Psaumes 42.8), car « Dieu nous donne de quoi chanter même pendant la nuit » (Job 35.10). C’est le prélude de ce qui arrivera quand les rachetés de l’Eternel retourneront et viendront en Sion avec des chants de réjouissance. Ne nous lassons pas de chanter le cantique nouveau, chacun en particulier et tous ensemble ; répétons cet alléluia, dont retentiront bientôt les nouveaux cieux et la nouvelle terre.
« Chantez à l’Eternel un nouveau cantique ! » Tel est l’appel qui sera fait incessamment aux bourgeois des cieux. C’est le cri d’exhortation qui rassemblera tous les élus, comme en Israël c’était le son des trompettes qui rassemblait les habitants de Jérusalem aux jours des fêtes solennelles pour célébrer le Dieu Fort. Alors les rachetés de Christ prendront leurs harpes et s’uniront au concert pour chanter l’hymne de la victoire. Cette voix du ciel sera « comme le bruit des grandes eaux, et comme le bruit d’un grand tonnerre ; et j’entendis une voix de joueurs de harpes qui jouaient de leurs harpes » (Apocalypse 14.2).
Dans la ville d’or, chacun entendra résonner une parole comme celle-ci : « Chantez à l’Eternel un nouveau cantique ; » et chacun obéissant au signal répondra par un alléluia !
Dans nos concerts, joints aux concerts des anges,
Nous chanterons le cantique nouveau ;
Nos harpes d’or, nos voix et nos louanges,
Rendront l’honneur et la gloire à l’Agneau.
Tandis que nous traversons une terre étrangère, puissions-nous faire éclater nos voix pour magnifier notre Dieu. Excitons-nous les uns les autres à cela. Que nous soyons de ceux « qui vont de force en force, » en nous exhortant ainsi : « Chantons à l’Eternel, qui est notre force. » De cette manière, quoique faibles par le nombre, nos voix seront entendues bien loin. Nous devons former comme une société philharmonique dont le chant sacré surprend le monde au milieu de ses amusements frivoles, et l’oblige à se demander avec étonnement d’où peuvent venir ces accents sublimes.
Notre cantique a égard au passé, au présent et à l’avenir. Toutefois, il faut se rappeler que nous ne recevons ici-bas que les prémices de l’Esprit, les arrhes de l’héritage, en attendant « la rédemption de la possession qu’il a acquise, à la louange de sa gloire ; » mais ceci est déjà un sujet bien digne du cantique nouveau. C’est beaucoup, assurément, que de pouvoir dire de nos nombreux péchés qu’ils sont pardonnés, et de nos espérances qu’elles sont vivifiées, tellement que le chemin de l’exil nous devient facile. Mais il y a les joies que nous goûtons actuellement et celles que nous goûterons ci-après, la précieuse communion dont nous jouissons maintenant, et l’assurance que nous avons d’une communion plus entière et plus intime pour le temps avenir. N’avons-nous pas raison de nous écrier : « Réjouis-toi avec chant de triomphe, fille de Sion ! Jette des cris de réjouissance, ô Israël ! Réjouis-toi, et t’égaye de tout ton cœur, fille de Jérusalem ! » (Sophonie 3.14)
N’est-il pas vrai que, dans peu de temps, nous chanterons le cantique d’action de grâces avec des « lèvres pures » (Sophonie 3.9a), et avec un cœur qui ne sera plus partagé ? L’air humide et froid du désert met en désaccord nos voix, et fait que les cordes de notre harpe manquent de vibration ; mais quand les choses vieilles seront passées, il n’y aura plus lieu de se plaindre de ce défaut d’harmonie ou de l’imperfection de l’instrument ; le parfait accord sera rétabli :
a – Est-ce que ce passage ne ferait pas allusion à la confusion des langues ? Un jour, Dieu rétablira ce qui existait avant la tour de Babel, c’est-à-dire qu’il rétablira parmi les hommes le parfait accord dans le langage et dans les sentiments.
De Canaan……
Combien alors il sera beau
D’écouter l’harmonie
Du chœur sacré, louant l’Agneau,
Sur un thème nouveau !
Quand, notre voix unie
A cette symphonie,
Nous offrirons tous à la fois
Notre hymne au Roi des rois !
Oh ! quel parfait bonheur ! etc.
Voici ce que nous lisons dans les écrits de saint Augustin au sujet de la cité céleste : « Un amour plein et parfait y règne, parce que Dieu y est tout en tous. Ils le contemplent sans cesse, et en le contemplant, ils brûlent d’amour pour lui ; ils aiment et ils louent, ils louent et ils aiment. Chacune de leurs œuvres est un cantique de louange, qui ne coûte aucun travail, qui n’a ni fin ni imperfection. Je serais heureux, oui véritablement heureux, si, après la dissolution de ce corps, j’étais trouvé digne d’entendre le chant mélodieux des habitants de la cité céleste. Je serais bien honoré et trop heureux si j’étais jugé digne de chanter moi-même le cantique, d’avoir ma place à côté de mon Roi, mon Dieu, mon Chef, et de le voir dans cette gloire dont il parle lui-même quand il dit : « Père, mon désir est, touchant ceux que tu m’as donnés, que là où je suis, ils y soient aussi avec moi » (Jean 17.24). « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; » et encore : « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père. »b
b – Voyez le 25me chapitre de ses Méditations dont nous avons extrait les lignes ci-dessus.
« Quand la perfection sera venue, ce qui est en partie sera aboli » (1 Corinthiens 13.10). Alors, nous n’entendrons plus de reproche comme celui-ci : « Est-il possible que vous n’ayez pu veiller une heure avec moi ? » « Quoi ! vous n’avez pu me louer pendant une heure entière ? » Nous ne serons plus fatigués, nous ne nous laisserons plus appesantir. Nos yeux ne seront point incommodés par l’éclat d’une telle gloire, nos oreilles ne seront point blessées par le son de la louange, et nos lèvres ne se dessécheront point en chantant le cantique de Moïse et de l’Agneau.
Notre cantique sera tel, que les anges pourront l’écouter, mais sans pouvoir s’y joindre. Israël, dans ses plus beaux jours, c’est-à-dire dans le siècle à venir, ne pourra point s’élever à la hauteur de ce cantique. Nous avons nous-mêmes de la peine à le comprendre aussi longtemps que nous sommes en deçà de la résurrection. C’est le cantique d’une délivrance complète, d’une grande victoire, d’une bourgeoisie céleste, d’un triomphe final, d’une joie éternelle. Nous le chantons ici-bas, sur les rives de Babylone, et nous oublions le lieu de notre exil ; nous le chantons peut-être au milieu des rochers escarpés d’Édom, ou pendant que nous séjournons dans quelque ville impure, ou que nous traversons quelque sentier raboteux de ce monde ; mais nous le chanterons bientôt dans le Paradis céleste, et sur les bords du fleuve qui sort du trône de Dieu et de l’Agneau. Déjà il y a quelque chose dans le cantique qui vous charme ; ce sera bien autre chose, quand la perfection sera venue. C’est un délice que de chanter en vue de la gloire future ; mais le délice sera bien plus grand lorsque nous chanterons au sein même de cette gloire. Ce cantique a un sens profond et revêt un caractère de sublime grandeur, même quand il est chanté par une poignée de chrétiens dispersés, dans une petite réunion, au sein de la famille, ou autour de la table du Seigneur ; mais il sera magnifique, grandiose au delà de toute expression quand il sera chanté en chœur par la multitude innombrable des rachetés. Jésus lui-même conduira le chant royal soit qu’il paraisse dans la nuée, ce pavillon de gloire, lorsque d’abord il recevra dans les airs son Eglise ravie ; soit qu’il se montre dans la sainte Cité, lorsque, ensuite, il la fera asseoir avec Lui à son banquet.