Commentaire sur les Actes des Apôtres

Chapitre X

10.1

Or à Césarée un homme nommé Corneille, centenier de la cohorte appelée Italienne,

Saint Luc explique maintenant une histoire digne de mémoire ; à savoir que Dieu a honoré un homme étranger et incirconcis par-dessus tous les Juifs, d’autant qu’il lui envoyé son Ange, et qu’à cause de lui il fait venir saint Pierre à Césarée, par lequel il soit instruit en l’Evangile. Mais en premier lieu, saint Luc montre quel homme était ce Corneille, pour l’amour duquel un Ange descend du ciel, et Dieu a parlé en vision à S. Pierre. Il était Centenier de la bande Italienne. Une bande était de mille hommes de pied, et avait un tribun par-dessus ; puis après il y avait des capitaines commis sur chacune centaine. Et en la légion il y avait le plus souvent cinq bandes. cette bande était appelée Italienne, d’autant que les Romains enrôlaient bien souvent des soldats de ceux qui étaient des provinces et confédérés ; mais ils prenaient la force de leurs armées de l’Italie. Corneille donc était Italien de nation, et était en garnison à Césarée avec ses cent soudards. Car les Romains avaient accoutumé de départir les garnisons de leurs gens de guerre en telle sorte, que chacune ville de renom eût sa garnison pour réprimer les émotions soudaines. Voici certes un exemple bien rare, et qui advient peu souvent, qu’un homme de guerre ait eu si grande amour envers Dieu, et affection à son service, et être si entier et si humain envers les hommes. Car alors quand les Italiens se transportaient aux provinces pour la guerre, ils y entraient comme loups affamés pour piller et gâter tout. Coutumièrement ils n’avaient non plus de religion que bêtes brutes, et n’avaient non plus de désir de suivre innocence que brigands. Ainsi donc les vertus de Corneille méritent tant plus grande louange, d’autant qu’en l’état militaire qui était pour lors fort corrompu, il n’a pas laissé toutefois de servir Dieu d’un bon zèle et saint, et a conversé entre les hommes sans faire tort à autrui. Et en ceci sa louange est grandement amplifiée, qu’ayant rejeté la superstition en laquelle il avait été né et nourri, il avait reçu le pur service du vrai Dieu. Car nous savons l’arrogance de laquelle les Italiens étaient enflés, et comment ils ont méprisé les autres. Et lors les Juifs étaient tellement méprisables et odieux à tous, que la vraie et pure religion était infâme et presque exécrable à cause d’eux. Il faut donc bien dire que Corneille avait une excellente sincérité, vu que rien de tout cela ne l’avait pu empêcher qu’il n’abandonnât ses idoles pour recevoir le vrai et pur service d’un seul Dieu.

D’autre part, il ne se trouvait chose entre les Juifs, qui le dut attirer au vrai service de Dieu. Car pour lors à grand-peine s’en trouvait-il de mille un qui eût quelque petite connaissance de la Loi. Et de fait, il n’y a nul doute que par un singulier privilège Corneille n’ait été enseigné du commencement par quelque fidèle serviteur de Dieu, qui lui ait exposé purement la Loi sans y mêler des traditions Pharisaïques. Mais puis que S. Luc lui donne beaucoup de titres excellents, il nous les faut noter par ordre. Il dit qu’il a été homme de bonne piété, et craignant Dieu : outre plus comme un bon père de famille il avait institué ses gens ; puis après il le loue de ce qu’il faisait beaucoup d’aumônes, et était plein de bonté envers tout le peuple ; finalement qu’il priait Dieu assiduellement. Or la somme est, que Corneille a été excellent en vertus, lesquelles consiste l’intégrité et rondeur des fidèles ; en sorte que sa vie était dressée entièrement selon la règle que Dieu nous ordonne. Et pour ce que la Loi est contenue en deux tables, saint Luc loue en premier lieu la piété et religion de Corneille ; puis après il descend à la seconde partie, à savoir qu’il a exercé les devoirs de charité envers les hommes. Ceci est bien bon à noter, d’autant que la forme de bien vivre nous est décrite en sa personne. Par quoi si nous voulons bien régler notre vie, ayons la foi et la religion pour notre fondement. Que si ce fondement nous est ôté, toutes les autres vertus ne sont autre chose que fumées. Or saint Luc met la crainte de Dieu et les prières comme fruits de la vraie religion, et certains témoignages de celle-ci, et à bond droit ; car la religion ne peut être séparée de la crainte et révérence de Dieu ; et nul ne peut être réputé fidèle, s’il ne reconnaît Dieu pour son Père et Seigneur, et s’il ne s’adonne de bon cœur à lui.

Toutefois sachons que la crainte qui est ici louée, est une crainte volontaire, quand les hommes pensant en eux-mêmes à bon escient que c’est qu’ils doivent a Dieu, se soumettent à lui d’un bon cœur et volontairement. Au surplus, pour ce que la plus grande partie du monde corrompt et déprave le service de Dieu par quelques petits fatras inventés à plaisir, saint Luc ajoute ici à bon droit, que Corneille priait assiduellement ; signifiant par cela qu’il n’a point seulement montré sa religion par cérémonies externes, mais aussi qu’il a servi Dieu spirituellement, en tant qu’il est exercé eu prières continuelles. Il faut en même temps observer l’assiduité des prières ; car de là nous recueillons qu’il ne s’est point acquitté froidement de prier à l’ordinaire et façon commune, mais qu’il a été attentif à bon escient à faire oraisons ù Dieu, ainsi que les continuels bénéfices de Dieu nous y invitent, et même nous y incitent ; et c’est où se doit montrer la vertu de la foi. Pour cette raison, qu’un chacun de nous s’exhorte soi-même à persévérer en prières à l’exemple de Corneille.

Avec toute sa famille. Nous ne devons passer légèrement cette louange, que Corneille a eu une Eglise en sa maison. Et de fait, un vrai serviteur de Dieu, et qui honorera son nom à bon escient, ne pourra souffrir que celui-ci soit banni de sa maison, en tant que cela dépend de lui. Car combien serait-ce fait au rebours, de maintenir son droit avec toute rigueur et obstination, en sorte qu’un homme ait sa femme, enfant, serviteurs obéissants, et cependant ne se soucierait si Dieu est méprisé en sa famille ? Il pourra bien advenir quelque fois, qu’un homme de bien et craignant Dieu n’aura pas sa femme en accord avec lui. Mais il nous faut étudier en toutes façons, que celui qui a la prééminence et autorité sur quelques autres, ou le gouvernement sur quelque famille, maintient à Dieu son honneur et domination ; il n’y a rien plus raisonnable que de consacrer à Dieu tout ce qui est à nous, comme nous-mêmes. Et pourtant si quelque homme craignant Dieu a des enfants mal obéissant à Dieu, ou sa femme mal morigénée, ou que ses serviteurs soient pervers et méchants, il ne faut point qu’il ferme les yeux, et qu’il souffre que sa maison soit polluée par sa lâcheté. Non seulement la diligence est louée en Corneille, mais la bénédiction de Dieu par laquelle il est advenu qu’il avait une famille qui lui était obéissante en la crainte de Dieu. Et ne faut omettre cette circonstance, à savoir qu’il avait instruit tous ceux de sa famille, sans avoir égard au danger, qui lui en pouvait advenir. Car la religion Judaïque était grandement haïe. Et aussi le citoyen Romain qui eût reçu quelque religion étrangère, ainsi qu’ils l’appelaient, ne demeurait point impuni. Par quoi, combien qu’aujourd’hui la pure profession de l’Evangile soit blâmée par tout au monde, et diffamée grandement, toutefois la timidité sera vicieuse, si pour cette haine injuste quelqu’un n’ose offrir à Dieu sa famille en sacrifice par sainte instruction.

Faisant aussi beaucoup d’aumônes, etc. En ce membre aussi il met une espèce pour le tout. Car comme nous disions naguère, que le service de Dieu est approuvé par les prières et oraisons, aussi maintenant quand il est fait mention de la charité, saint Luc choisit une espèce, pour montrer que Corneille était homme libéral et plein de bonté. Et de fait, notre religion doit tellement parvenir jusques aux hommes, qu’en étant bénins et justes, nous rendions témoignage que nous craignons et honorons Dieu. Ce mot d’aumône, qui signifie Miséricorde, a été transféré aux plaisirs et bénéfices externes, par lesquels nous subvenons aux pauvres, comme ainsi soit toutefois que miséricorde est proprement une affection intérieure du cœur. Car la vraie charité et bien ordonnée, procède de cette source, que les fâcheries et angoisses de nos frères nous émeuvent à pitié, Esaïe 58.7 ; que considérant l’unité qui est entre nous, nous les entretenions et en ayons soin ni plus ni moins que de notre propre chair ; et nous étudions à les secourir comme à nos propres membres. Il est vrai que quelque fois les hypocrites sont libéraux, ou pour le moins montrent quelque largesse ; toutefois quoi qu’ils fassent beaucoup, si est-ce que tout le secours qu’ils emploient après les pauvres ne sera pas digne du titre d’aumône. Car il nous faut retenir ce que dit saint Paul, que celui qui n’a point de charité, n’est rien ; voire quand il distribuerait toute sa substance aux pauvres, 1 Corinthiens 13.3. Apprenons donc de ce mot, que Dieu approuve notre charité, quand par compassion nous secourons à la nécessité des pauvres, et ouvrant nos entrailles, par manière de dire, nous leur distribuons les biens que nous avons reçus de la libéralité de Dieu.

Quant à ce que saint Luc dit que Corneille faisait des aumônes à tout le peuple, c’est autant comme s’il eût dit, communément à tous les pauvres qu’il rencontrait. Car il y avait des riches, auxquels il eût été absurde de donner. Au reste, s’employant si libéralement envers les Juifs, il donne a connaître quel consentement de religion il avait avec eux. Pour cette même raison saint Luc dit puis après, que toute la nation Judaïque lui rendait bon témoignage. Que si étant encore en ces rudiments si tendres, et vu même qu’il y avait tant de choses qui le pouvaient retarder, néanmoins il a été un miroir si excellent de prudhommie et sainteté ; quelle honte devrions-nous avoir, nous qui voulons être réputés docteurs de la religion Chrétienne, et cependant nous sommes si froids dans les exercices de piété ? Si une petite étincelle de foi a eu si grand pouvoir en Corneille, quelle vigueur au prix devrait avoir en nous la pleine lueur de science ? Mais nous glorifiant de Jésus-Christ à pleine bouche, combien la plus grande partie de nous sommes-nous loin de l’exemple de ce saint Personnage, en sorte qu’à grand-peine apercevra-t-on en nous je ne sais quelle ombre des vertus desquelles il était plein ? Car quelle paresse de prier y a-il en nous ? Combien sommes-nous nonchalants à exercer les œuvres de miséricorde ? Et qui pis est, il y en a plusieurs qui non seulement sont empêchés par leur chicheté et avarice de bailler libéralement de leur bien autant qu’il était convenable, mais sont tellement embrasés d’une cupidité enragée d’avoir des biens, et sont encharnés de telle cruauté, qu’ils ne font difficulté de ravir la substance des pauvres, et même dévorer leur chair.

10.2

pieux et craignant Dieu avec toute sa maison, qui faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu continuellement,

10.3

vit clairement dans une vision, environ la neuvième heure du jour, un ange de Dieu entrant vers lui et lui disant : Corneille !

S. Luc met le mot de Vision pour une espèce d’un oracle divin, afin que nous sachions que Corneille a été divinement amené à la foi de notre Seigneur Jésus. Mais pour ce que les hommes sont souvent abusés par quelques illusions qui se présenteront, S. Luc marque le temps pour ôter tout soupçon, à savoir neuf heures. Or on avait coutume en ce temps-là de diviser le jour en douze heures depuis le soleil levant jusques au soleil couchant. Dont il s’ensuit qu’il était lors grand jour quand l’Ange apparut, en sorte que la vision pouvait être évidente. Combien que les visions ont toujours eu certaines marques et comme sceaux pour assurer les serviteurs de Dieu que ce n’étaient point illusions. Car quand il leur est apparu par signes, il y a toujours eu des signes de certitude attachés, afin que les fidèles étant tout à fait attentifs à ceux-ci, ne pussent aucunement entrer en doute.

10.4

Et lui, ayant les regards fixés sur lui, tout effrayé, dit : Qu’y a-t-il, Seigneur ? Et il lui dit : Tes prières et tes aumônes sont montées en mémorial devant Dieu.

Saint Luc exprime nommément que Corneille était attentif, afin que nous sachions que ce n’a point été une imagination vaine, qui soit advenue comme à un homme endormi, ou songeant ailleurs. Cette frayeur de laquelle il a été saisi, est procédée d’un sentiment de la majesté Divine. Car aussitôt que les hommes conçoivent la présence de Dieu, il faut nécessairement qu’ils soient secoués, voire confus de crainte. Et quand sa parole ne nous engendre aucun ébranlement, il faut imputer cela à notre stupidité, d’autant que nous ne sentons et ne connaissons point que c’est Dieu qui parle à nous. Mais les fidèles, auxquels Dieu se manifeste en sa parole, tremblent aussitôt qu’ils l’entendent, comme dit Esaïe 66.2, 5. Au reste, le regard de Dieu leur est terrible, non point afin qu’ils demeurent toujours confus, et qu’ils soient engloutis de crainte ; mais seulement afin qu’ils se préparent par humilité à lui porter révérence.

Qui y a-t-il Seigneur ? Il apparaît assez par cette réponse que l’Esprit de Corneille a été touché de religion afin qu’il entendît que c’était à Dieu à qui il avait à faire. Il est donc mal mis en la traduction latine vulgaire : Qui es-tu, Seigneur ? Et il est vraisemblable que la leçon qui est là, est supposée ; vu que le texte Grec n’a point d’ambiguïté, qui ait pu tromper le traducteur ; et même tous les exemplaires Grecs s’accordent à cette lecture, Qui y a-t-il ? Et de fait, Corneille sentant bien que c’était Dieu qui parlait, se soumet à rendre obéissance ; comme aussi la réponse que fait l’Ange n’est autre chose que commandement.

Tes oraisons et tes aumônes. Pour autant qu’ils nous semble avis que, par manière de dire, Dieu a les oreilles sourdes, quand il ne nous donne pas tout incontinent ce que nous lui demandons, de là est tirée cette forme de parler, que nos oraisons parviennent jusques à lui, et qu’elles lui viennent en mémoire. Au surplus, l’Ange assigne cette cause pourquoi le Seigneur veut que Corneille ait pleine connaissance de son Evangile, à savoir qu’il a exaucé ses prières, et que ses aumônes lui ont été agréables. Dont nous pouvons recueillir, que les vertus et bienfaits non seulement sont agréables à Dieu, mais aussi sont ornés de ce loyer magnifique, qu’à cause d’eux Dieu nous enrichit de grâces plus amples ; selon ce qui est dit : Il sera donné à celui qui a. De même : Bien te soit, bon serviteur et fidèle, tu as été fidèle sur peu de choses, je te constituerai sur beaucoup, Matthieu 13.42 ; 25.23. Car le Seigneur élève ainsi les siens par un ordre continuel de ses dons, comme par certains degrés, jusqu’à ce qu’il les amène au plus haut. Mais les Papistes abusent doublement de ce passage. Car d’autant que Dieu a regardé aux prières et aumônes de Corneille, pour l’amener à la foi de l’Evangile, ils ont détourné ceci aux préparations qu’ils ont forgées ; comme si l’homme acquérait la foi par sa propre industrie et vertu, et prévenait la grâce de Dieu par les mérites de ses œuvres. D’avantage, ils recueillent en général que les bonnes œuvres sont tellement méritoires, que les grâces de Dieu sont augmentées à un chacun selon qu’il a mérité. Quant au premier, ils s’abusent trop puérilement, quand ils imaginent que les œuvres de Corneille ont été agréables à Dieu, avant qu’il fut illuminé par foi. Et certes il ne faut pas aller chercher loin la preuve pour réfuter leur ignorance et bêtise. Car il n’a rien pu obtenir par ses prières et oraisons, que la foi n’ait précédé, laquelle seule nous ouvre la porte pour faire oraison. Et saint Augustin considère ceci prudemment ; lequel se moquant de Pélagius, d’autant qu’il disait que l’homme obtenait la foi par oraisons, avant qu’il eût quelque foi ; Qui est celui, dit-il, qui cherchera le médecin, sinon qu’il ait été déjà en partie guéri ? Or la guérison est de la foi, laquelle nous enseigne de heurter à la porte. D’avantage, la crainte de Dieu et la piété qui était en Corneille, démontrent clairement qu’il était régénéré du saint Esprit. Car Ezéchiel attribue cette louange à Dieu seul, qu’il forme les cœurs des hommes à ce qu’ils le craignent et honorent, Ezéchiel 36.26. Et Esaïe dit, que l’Esprit de la crainte du Seigneur repose en Jésus-Christ, afin que nous entendions qu’il ne se pourra trouver en d’autres qu’en ses membres, Esaïe 11.2. C’est donc une chose plus que ridicule, de feindre ici un homme en la personne de Corneille, qui par le gouvernement et conduite de sa propre nature aspire à la vie bienheureuse. Et pourtant ils argumentent sottement, que par nos œuvres et mérites nous pouvons prévenir la grâce de Dieu.

Quant à la seconde erreur, quand ils imaginent qu’un chacun de nous obtient des grâces plus grandes selon qu’il a mérité ; cela peut être réfuté sans grande difficulté. En premier lieu, nous nions tout à plat qu’il y ait aucune bonne œuvre en nous, que Dieu ne nous l’ait conférée gratuitement. D’avantage, nous disons que le droit usage de ses grâces et dons procède de lui ; et que c’est une seconde grâce venant de lui, quand nous usons droitement de ses premiers dons. Tiercement, nous disons que nous ne méritons rien par nos œuvres et bienfaits, d’autant qu’ils sont toujours imparfaits et vicieux. Il est vrai que les bonnes œuvres nous acquièrent accroissement de grâce ; mais ce n’est pas par leur mérite. Car nos œuvres quelques bonnes qu’elles soient, ne peuvent être agréables à Dieu, si elles ne sont conjointes avec le pardon qu’elles obtiennent par le moyen de la foi. Par quoi il n’y a que la foi qui les met en estime. C’est en cette sorte que Corneille a obtenu plus pleine connaissance de Jésus-Christ par ses oraisons et aumônes. Mais ce qu’il a eu Dieu propice et favorable par ses aumônes et prières, cela dépendait déjà de sa foi. Or si les œuvres sont estimées par la foi, ce qu’elles sont agréables à Dieu vient pour ce qu’il nous pardonne les fautes, et non pas pour ce que nous méritions. Car d’autant que la foi ne trouve rien en nous qui mérite que nous soyons agréables à Dieu, elle emprunte de Jésus-Christ ce qui nous manque.

Or c’est bien tout au rebours que les Papistes ayant à chacun coup en la bouche le mot de Mérite, et ne cessant d’enfler les fous d’une vaine confiance, néanmoins ils n’apportent rien qui incite les hommes, et émeuve leurs affections à bien faire. Car ils laissent toujours les consciences en suspens ; ils commandent de douter si les œuvres sont agréables à Dieu ou non. Quand les cœurs sont saisis d’une telle frayeur, ne faut-il pas bien qu’ils se flétrissent en leur paresse et lâcheté ? Mais quant à nous, combien que nous ôtions tout mérite aux œuvres, toutefois en remontrant que le loyer leur est préparé, nous incitons les hommes par un fort bon aiguillon à bien vivre et saintement. Car quand nous avons cette certaine persuasion que nous ne perdons point notre peine, lors nous nous disposons d’un cœur joyeux à servir à Dieu. Or quant à ce que nous n’apercevons point aujourd’hui une plus grande abondance des dons du Saint Esprit, mais plutôt que la plus grande partie devient sèche, il faut imputer cela à notre ingratitude. Car tout ainsi que Dieu a couronné les prières et aumônes et la sainteté de Corneille de la précieuse perle de son Evangile ; aussi quand il voit que nous abusons malheureusement du trésor précieux de son Evangile, il y a juste cause pourquoi il nous réduise à une indigence affamée, et que finalement il nous fasse mourir de faim.

Toutefois on peut ici faire une question ; à savoir si la foi requiert une connaissance de Jésus-Christ, ou si elle se contente d’une simple et nue persuasion de la miséricorde et grâce de Dieu. Car il semble avis que Corneille n’ait du tout rien entendu de Jésus-Christ. Mais on peut prouver par preuves fermes, que la foi ne peut être séparée de Jésus-Christ. Car si on appréhende simplement la majesté de Dieu, nous sommes plutôt éblouis et accablés de sa gloire, que nous ne sentons aucun goût de sa bonté. Il faut donc que Jésus-Christ soit entre deux avant que l’Esprit de l’homme puisse concevoir que Dieu lui est propice. Et ce n’est point sans cause qu’il est appelé l’image de Dieu invisible, d’autant que le Père ne se montre point pour être vu de nous, sinon en la face de son Fils, Colossiens 1.15. D’avantage, comme ainsi soit qu’il est la voie, la vérité et la vie, quelque part que nous allions hors lui, nous serons de tous côtés enveloppés de filets d’erreurs et de tromperies, et rencontrerons la mort par tout, Jérémie 14.6. Or quant à Corneille, la difficulté en peut être facilement résolue. Nuls biens spirituels ne nous sont offerts, sinon en Jésus-Christ. Et principalement la régénération d’où provient-elle, sinon que nôtre vieil homme est crucifié, quand nous sommes greffés en la mort du Fils de Dieu ? Romains 6.5-6.

Que si Corneille a été participant de l’Eglise de Christ, il ne faut point que nous pensions qu’il fut du tout vide de la foi de celui-ci. Et de fait, il n’avait point tellement reçu le service du vrai Dieu, que les Juifs seuls adoraient, qu’il n’eut entendu en même temps quelque chose du Médiateur promis. Et combien qu’il n’eût qu’une connaissance obscure et enveloppée, si est-ce toutefois qu’il avait quelque connaissance. Quiconque venait pour lors en Judée, il ne se pouvait faire qu’il n’entendît quelque chose du Messie ; et qui plus est, quelque bruit de celui-ci était semé par les régions lointaines. Par quoi on doit mettre Corneille au catalogue des Pères anciens, qui attendaient leur salut du Rédempteur, qui n’était encore manifesté. Suivant ceci saint Augustin a dit improprement, que la foi de Corneille a été fondée par saint Pierre, vu qu’elle avait déjà ferme fondement. Combien que quant au point, S. Augustin s’accorde avec nous, lequel affirme ouvertement que Corneille ne pouvait prier, s’il n’eut été fidèle ; comme il en parle au livre de la Prédestination des saints, et en d’autres passages.

10.5

Et maintenant, envoie des hommes à Joppé, et fais venir un certain Simon, qui est surnommé Pierre.

Voici une grande bonté et support admirable de Dieu, qu’il ne commande point à Corneille de partir, mais d’envoyer gens à Pierre ; et que cependant il attende en repos en sa maison, et que Pierre pour l’amour de lui prenne le travail du chemin. Mais ne nous étonnons pas de ce que Corneille a été si humainement traité, vu que le Seigneur envoie tous les jours des Ministres de sa Parole presque malgré les hommes. Ainsi se manifeste-il le premier à ceux qui ne le cherchent pas, comme il dit Esaïe 65.1. Mais pourquoi est-ce que l’Ange ne fait plutôt cet office d’enseigner Corneille ? Car il semble que cela n’est guère raisonnable, qu’il résigne son office à un homme mortel. Car cette vision eût eu plus grande autorité, que quand l’Evangile lui est annoncé par la bouche d’un homme. Mais c’est que tout ainsi que Jésus-Christ se manifestant par vision à saint Paul, (Actes 9.6, 10) toutefois laissa la charge d’enseigner à Ananias, afin que par un tel exemple il confirmât le ministère de l’Evangile qu’il a commis à son Eglise ; aussi maintenant l’Ange quitte la place à saint Pierre, afin qu’il exécute la charge que Christ lui avait commise. Quiconque donc veut être disciple du Seigneur Jésus, et être illuminé par la clarté de la sagesse céleste, qu’il ne se fâche point de se rendre attentif et docile à la voix externe des hommes, de laquelle Christ se sert comme d’un instrument et organe, et à laquelle il veut que notre foi soit attachée. Et nous voyons de quelles façons horribles Dieu a puni l’orgueil furieux de ceux qui méprisant et rejetant la prédication, ont cherché des révélations du ciel. Car puis qu’il veut être entendu dans les hommes, on ne peut autrement qu’en le dédaignant mépriser ses Ministres, auxquels il a commis et donné sa Parole comme en garde. Cependant je confesse qu’on doit éprouver les esprits (1 Jean 4.1) à cette fin que nous n’écoutions pas sans discrétion tous ceux qui prétendent être Ministres de Jésus-Christ. Mais pour autant que la foi est par l’ouïe, Romains 10.17, nul ne parviendra à celle-ci, qui méprisera ou rejettera la prédication de la Parole.

10.6

Il est logé chez un certain Simon, corroyeur, qui a une maison près de la mer.

10.7

Et quand l’ange qui lui parlait s’en fut allé, ayant appelé deux de ses domestiques et un soldat pieux, d’entre ceux qui étaient attachés à sa personne,

Saint Luc raconte ici, combien l’obéissance de Corneille a été prompte. Car il ne diffère point seulement une minute de temps, qu’il ne fasse diligemment ce qui lui est commandé. Or cette promptitude si facile vient de ce qu’il ajouta foi à la promesse ; comme au contraire l’incrédulité est cause que nous sommes tardifs à obéir et suivre Dieu. Il est vrai que des Anges ne descendent point à nous du ciel, pour nous assigner et marquer quelques certains hommes ; mais cette voix de Jésus-Christ résonne aux oreilles de tous : Demandez, et on vous donnera ; frappez, et on vous ouvrira ; cherchez, et vous trouverez. Matthieu 7.7. D’où vient cela, qu’à grand-peine un ou deux de cent remuent le pied, et les autres en rampant et se bougeant lentement, avancent si peu, sinon d’autant que nous ne croyons pas à bon escient à la promesse ? Apprenons donc qu’il ne nous faut point différer au lendemain ; mais si tôt que nous aurons entendu la voix de Dieu, que chacun marche diligemment où il est appelé.

Il appela deux de ses serviteurs, etc. Corneille a récolté ce fruit et salaire de la diligence qu’il avait employée à instruire sa famille, qu’il a eu des serviteurs fidèles et gens de bien, qui ne s’épargnaient nullement pour lui faire service, et auxquels il se pouvait fier de toutes choses. Au contraire, le Seigneur punit coutumièrement, et à bon droit, les maîtres qui ne se sont jamais souciés d’instruire leurs familles. Car ceux qui n’ont tenu compte de former leurs gens à craindre Dieu, et à connaît ce que c’est de la vraie religion, à bon droit expérimentent que leurs serviteurs leur sont désobéissants et infidèles, et même craignent leur déloyauté.

Et un soldat, etc. D’autant que ce gendarme avait plus grande familiarité avec Corneille, il l’avait aussi instruit en la crainte de Dieu comme ses domestiques. Il faut ici se rappeler ce que j’ai touché ci-dessus, qu’il n’y a condition ni façon de vivre qui nous excuse de servir Dieu purement. Car l’état de la guerre était pour lors fort corrompu, d’autant qu’ayant délaissé la discipline ancienne, ils s’étaient abâtardis à une licence vilaine. Et nonobstant l’Esprit de Dieu rend ici témoignage de vraie religion à des soldats. Par quoi il ne faut point que ceux qui voudraient être exempts de toute droiture en quelque sorte que ce soit, demandent sous couverture de la guerre d’être privilégiés de ne servir point Dieu. S’ils allèguent qu’ils ne peuvent servir Dieu, d’autant qu’ils sont soldats, ils auront au dernier jour ces deux soldats pour témoins et juges compétents, par lesquels ils seront condamnés. Cependant aussi sont condamnés un tas d’esprits frénétiques, qui crient qu’il n’est licite aux Chrétiens de porter armes. Car ceux-ci suivaient les armes, et ne laissaient point de craindre et servir Dieu ; et en recevant Jésus-Christ, ils ne laissent point leur première façon de vivre, ils ne jettent point leurs armes comme dommageables, et ne renoncent point à leur état. Ce que Corneille déclare le tout au gendarme et à ses serviteurs, tend à cela, qu’il leur donne plus grand courage à parfaire le mandement, lequel ils voient plutôt être de Dieu que d’un homme. Or les ayant auparavant enseignés en la religion franchement et sans rien craindre, ce n’est pas merveille s’il ne fait point de difficulté maintenant de leur communiquer une si grande chose.

10.8

et leur ayant tout raconté, il les envoya à Joppé.

10.9

Or le lendemain, comme ils étaient en chemin et qu’ils approchaient de la ville, Pierre monta sur la terrasse de la maison pour prier, environ la sixième heure.

Comme S. Luc a expliqué que Corneille avait été exhorté par oracle divin d’appeler saint Pierre ; aussi explique-t-il maintenant une vision de l’autre côté, par laquelle il est commandé à saint Pierre de venir à Corneille. Dont il apparaît plus clairement que tout ceci a été gouverné par un conseil admirable de Dieu, et qui dispose Corneille à docilité, ou pour mieux dire l’embrase d’un grand désir d’apprendre, et de l’autre encourage saint Pierre, à ce qu’il soit volontaire à prendre la charge d’enseigner. Mais il nous faut noter les circonstances, par lesquelles saint Luc marque et propose plus notablement cette présente histoire.

Pierre monta sur la maison, etc. Car la retraite aide grandement à prier ; et ce que Christ lui-même n’a pas oublié de pratiquer, afin que l’Esprit étant mieux à délivre et détourné de toute fange, soit plus attentif à Dieu. Or les Juifs avaient une autre forme de bâtiments et édifices que nous n’avons pas aujourd’hui ; car ils avaient des terrasses ou galeries sur les toits. Les six heures étaient pour lors l’heure de midi. Et ne faut douter que saint Pierre n’ait fait cela selon qu’il avait coutume, à savoir qu’il s’était tiré lors à part pour prier. Car d’autant que nous sommes distraits à beaucoup et divers affaires presque tout le jour, et que nous ne cessons de nous tracasser, sinon que nous nous mettions une bride pour nous retenir, il est bon et utile que nous ayons quelques certaines heures dédiées pour prier. Non pas que nous soyons astreints aux heures ; mais afin que nous n’oublions l’exercice de prier, qui devait être mis en premier lieu devant toutes sollicitudes. Bref, il faut dire du temps comme du lieu ; à savoir que ce sont des remèdes pour subvenir à notre infirmité, lesquels si les apôtres ont estimé leur être propres et profitables, combien plus soigneusement les doivent pratiquer ceux qui se sentent paresseux et tardifs à prier ?

10.10

Or il eut faim et voulut prendre de la nourriture ; et pendant qu’on la lui apprêtait, il tomba en extase.

Pour ce que nous avons les esprits comme assoupis en terre, afin que saint Pierre fut fait capable de recevoir l’oracle, il a fallu que son Esprit fut comme remué de sa place, et ravi en haut. Et par ce moyen il a été préparé à recevoir ce divin oracle, quand il a été élevé pardessus tout le monde d’une façon non accoutumée. L’ouverture du ciel, selon mon jugement, a ici une autre signification qu’elle n’avait au chap. 7. Car il est dit là que le ciel fut ouvert à saint Etienne, afin qu’il vît la gloire de Jésus-Christ ; ici il semble à saint Pierre que notre ciel visible se fend, afin qu’il en sorte un linceul. Que si on demande comment il a pu voir un nombre infini d’animaux tout ensemble, la question est facile à résoudre. Car saint Luc dit, de toutes sortes de bêtes : d’autant qu’en cette vision il y avait diverses espèces de bêtes mélangées ensemble indifféremment. Il ne commence donc pas par la première espèce pour suivre le nombre jusques à la dernière. D’avantage, nous ne devons mesurer ce regard selon la façon des hommes ; car l’extase donnait d’autres yeux à S. Pierre. Mais avant que nous passions plus outre, il nous faut entendre quel a été le but de cette vision.

Il y en a aucuns qui en disputent plus subtilement que le passage ne requiert. Mon opinion donc est, qu’il est montré en général à S. Pierre, que la différence que Dieu avait mise anciennement, est maintenant ôtée. Or tout ainsi qu’il avait mis différence entre les bêtes, aussi ayant choisi un peuple à soi, il réputait profanes et immondes tous les Gentils, c’est-à-dire les autres nations. Maintenant en ôtant la différence entre les animaux, il montre par la conséquence, qu’il n’y a plus aucune séparation entre les hommes, comme il y avait anciennement, et que le Juif n’est différent du Grec. Par cela saint Pierre est exhorté qu’il n’ait plus en horreur les Gentils comme profanes et immondes. Or il ne faut point douter que Dieu n’ait voulu donner courage à S. Pierre, afin qu’il ne craignît point d’aller vers Corneille. Si est-ce que de tous autres peuples il en avait séparé un pour soi ; comme dit Moïse en son Cantique, Quand le Souverain divisait les nations, il met son cordeau en Jacob, etc. Deutéronome 32.8. Pourtant il l’appelait son héritage et sa possession. Selon cet ordre il n’eût point été licite à S. Pierre de porter l’alliance du salut éternel aux Gentils. Car cela était prendre le pain des enfants, et le jeter aux chiens, Mathieu 15.27 ; sinon que par aventure ils eussent reçu la Circoncision, et se fussent faits Juifs. Car tels qui se rendaient Juifs pouvaient librement être reçus. Pour cette cause quand les apôtres furent auparavant envoyés pour prêcher, il leur fut défendu d’aller vers les Gentils, Matthieu 10.5.

Or d’autant que la prédication de l’Evangile est une chose très sainte et de grande importance, saint Pierre ne devait sur ce sujet rien entreprendre d’un cœur douteux et chancelant. Afin donc qu’il fut certain de sa vocation, Dieu lui démontre ouvertement comme en un tableau, que la différence légale des choses mondes et immondes était ôtée et abolie ; dont il puisse recueillir que la paroi qui jusques alors avait fait division et séparation entre les Juifs et les Gentils (Ephésiens 2.14) était abattue maintenant. Or S. Paul dit que c’est un secret caché de tout temps, que les Gentils participent d’un même salut avec le peuple de Dieu, et sont insérés en un même corps, Ephésiens 3.6. Et pourtant S. Pierre n’eut jamais osé ouvrir la porte des cieux aux Gentils, si Dieu lui-même n’eut démoli et rompu la paroi, et par ce moyen n’eut donné entrée et chemin ouvert à tous. Il est vrai qu’il n’y eut jamais temps (comme j’ai dit naguère) auquel il ne fut licite d’admettre les Gentils au service de Dieu, moyennant qu’ils fussent circoncis ; mais tandis qu’ils demeuraient incirconcis, ils étaient aliénés de Dieu. Mais maintenant Dieu a communiqué à tout le monde le trésor de l’alliance de vie, lequel il avait donné en garde à un peuple comme un trésor tenu enclos. Dont nous pouvons recueillir que cette vision nous est grandement utile. Car vu qu’elle nous enseigne que la division qui était entre les Juifs et les Gentils, n’était seulement que pour un temps, c’est autant comme si Dieu prononçait du ciel, qu’il reçoit tous les peuples du monde en grâce ; afin qu’il soit le Dieu de tous. bref, nous y avons un clair témoignage du ciel, qui nous convie à l’espérance de la vie bienheureuse.

Mais quelqu’un pourrait objecter, que S. Pierre avait été instruit de cela auparavant. Car lui et les autres apôtres avaient eu ce mandement, de prêcher l’Evangile par tout le monde, Marc 16.15 ; Actes 1.8. Par quoi, ou il ne savait pas quelle était sa vocation, ou bien cette vision était superflue. Je réponds qu’il y a eu si grande difficulté en cette nouveauté, qu’ils ne s’y sont pu accoutumer du premier coup. Il est vrai qu’ils entendaient bien les Prophéties, et le commandement que Jésus-Christ leur avait donné de fraîche mémoire de la vocation des Gentils par l’Evangile ; mais quand c’est venu au fait, ils n’ont point laissé de demeurer en doute, comme interdits d’une chose non accoutumée. Par quoi il ne se faut étonner si le Seigneur confirme saint Pierre par un nouveau signe. Mais il nous faudra encore parler de ceci au chapitre suivant.

10.11

Et il voit le ciel ouvert, et une espèce de vase qui descendait semblable à une grande toile, tenue par les quatre coins, qui s’abaissait sur la terre ;

10.12

dans lequel il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel.

10.13

Et une voix s’adressa à lui : Lève-toi, Pierre, tue et mange.

La voix est descendue du ciel comme le linceul ; afin que S. Pierre connut que l’un et l’autre procédait de Dieu. Autrement le seul regard n’eut profité de rien, sinon que par cette voix Dieu eût purifié ce qui auparavant était immonde. Quant à ce qu’aucuns tirent une allégorie de ce mot de Tuer, comme si Dieu signifiait que les hommes lui sont sacrifiés par le glaive spirituel de l’Evangile, je n’y résiste point ; mais la simplicité me plaît mieux, que par ce mot Dieu veut abolir la Loi de la différence des bêtes, afin que pareillement il démontre qu’il ne rejette aucun peuple. Or si par ce mot tuer, on entend sacrifier, que signifiera ce mot, Mange ?

10.14

Mais Pierre dit : Nullement, Seigneur, car jamais je n’ai mangé rien de souillé et d’impur.

Cette réponse est faite, plus par forme de proposer à Dieu son commandement ancien, que non pas de refuser d’obéir à l’injonction présente. Car il a juste raison de craindre d’attoucher ce qu’il connaît lui être défendu par la Loi de Dieu. Et pourtant il oppose à Dieu la Loi que lui-même avait donnée, afin que témérairement il n’offense à rencontre. Il y avait quelque apparence de répugnance entre la vision et la Loi. Saint Pierre donc ne se hâte point ; mais il veut que le scrupule lui soit ôté, avant qu’il se recule de l’observation de la Loi. Toutefois on se pourrait étonner, de ce que saint Pierre fait plus de résistance à manger des viandes, qu’Abraham à tuer son propre fils. Car Abraham avait beaucoup plus de choses pour objecter à Dieu. Je n’ose pas dire qu’il est advenu à S. Pierre ce qui est trop commun aux hommes ; à savoir qu’ils s’arrêtent beaucoup plus aux choses externes et petites manières de faire, qu’aux principaux articles de la Loi. Je dirai plutôt ce qui est hors de tout différend, qu’Abraham eut une telle persuasion en son cœur, et qu’il fut incontinent garni d’une telle vertu du saint Esprit, qu’il a surmonté par une force magnanime et héroïque toutes les choses qui pouvaient retarder son cours ; mais quant à saint Pierre, l’Esprit de Dieu a travaillé tout bellement en lui. Dont nous sommes exhortés qu’il n’y a rien si petit qui ne nous mette en anxiété et doute, sinon que Dieu nous garnisse de conseil et constance pour surmonter tout tremblement. Toutefois S. Pierre fait saintement, et comme un homme craignant Dieu, quand étant ébranlé entre tant de pensées diverses, il n’ose rien attenter, qu’il ne connaisse plus ouvertement ce qu’il doit suivre. Ce mot de Commun, signifie ici profane. Car, comme il a été dit, pour ce que Dieu avait élu les Juifs pour son peuple particulier, il leur avait ordonné cette forme et manière de vivre, par laquelle ils fussent discernés des nations profanes. Tout ce donc qui était en usage entre les Gentils contre la règle de la Loi, ils l’appelaient commun ; pour ce qu’il n’y avait rien de saint ou pur, sinon ce que Dieu avait destiné pour l’usage de son peuple.

10.15

Et la voix s’adressa à lui encore pour la seconde fois : Ce que Dieu a purifié, toi ne l’appelle pas souillé.

Il est vrai qu’il est ici parlé des viandes ; toutefois cette sentence se doit étendre à toutes les parties de la vie. Il y a de mot à mot : Ne profane point ce que Dieu a purifié. Or le sens est, que ce n’est point à nous d’approuver et condamner quelque chose ; mais tout ainsi que nous subsistons et tombons sous le jugement de Dieu, aussi est-il lui-même le juge de toutes choses. Quant aux viandes, Dieu prononce qu’elles sont toutes pures et acceptables après l’abolition de la Loi. Si l’homme mortel s’élève à rencontre de cette sentence divine, voulant faire nouvelle différence des viandes, il s’attribue et ravit le droit et autorité de Dieu par une audace sacrilège. Voilà comment en ont fait ces anciens hérétiques, à savoir Montanus, Priscilien, les Donatistes, les Tatiens, et tous les Encratites. Depuis le Pape voulant recueillir toutes ces sectes maudites comme en un faisceau, a fait un édit touchant les viandes. Et ne faut point que les défenseurs de cette impiété gazouillent ici qu’ils n’attribuent point aucune immondicité aux viandes ; mais qu’on a défendu de manger chair certains jours, seulement pour réprimer la chair. Car vu qu’ils ont des viandes délicates, et en trop grande abondance et superfluité, et propres pour inciter à toutes ordures ; pourquoi est-ce qu’il ont en horreur de toucher du lard, comme si c’était une grande offense de le toucher, sinon d’autant qu’ils imaginent que tout ce qui est défendu par la Loi de leur idole, est immonde et souillé ? La tyrannie du Pape s’étend d’un même orgueil en toutes les parties de la vie. Car il n’y a rien en quoi il ne tende des filets aux pauvres consciences.

Mais quant à nous, ayant l’oracle céleste pour nous, et nous appuyant sur celui-ci, méprisons hardiment toutes les défenses de ce tyran barbare. Il nous faut toujours interroger la bouche du Seigneur, afin que de là nous arrêtions ce qui nous est licite et en liberté, vu qu’il n’a point été licite à saint Pierre même de faire profane ce qui était licite et permis par la parole de Dieu. D’avantage, ce passage sert pour réprimer l’arrogance des hommes, par laquelle ils prennent plaisir à juger a tort et à travers. Il n’y en a presque pas un qui ne se donne congé de prononcer jugement des faits d’autrui. Et comme nous sommes censeurs rigoureux et malins, aussi nous prenons plutôt les choses en mauvaise part. Ainsi nous ravissons à Dieu ce qui lui appartient. Pour corriger une telle audace, cette seule voix doit suffire, qu’il ne nous est point licite de faire ceci ou cela immonde ou profane ; mais que cette puissance et autorité appartient à Dieu seul. Au reste, il est aussi montré par ces paroles, que les Juifs n’ont point été le saint Peuple de Dieu, pourtant qu’ils fussent excellents de leur propre dignité ; mais c’était à cause de la seule grâce de l’adoption divine. Maintenant depuis que Dieu a appelé les Gentils en la participation de son alliance, tous ont un droit égal.

10.16

Or cela se produisit jusqu’à trois fois ; et aussitôt le vase fut enlevé dans le ciel.

Ce que la vision est advenue par trois fois, a servi de confirmation, afin que saint Pierre n’eut plus aucune doute, ni anxiété, ni scrupule en son Esprit. Dont nous recueillons qu’il fallait bien que l’observation de la Loi fut profondément enracinée en son cœur. Or si on demande pourquoi Dieu l’a laissé ainsi en perplexité, jusques à ce que par ce qui s’en ensuivit il vint à entendre la cause de la vision ; je n’aperçois point d’autre raison, sinon qu’étant tout étonné il ne s’avisa pas de demander ce que voulait dire cela. Combien qu’il l’a connu assez à temps, puisque les messagers de Corneille sont venus un peu après pour en être les expositeurs. Finalement, le vaisseau se retira au ciel, afin que saint Pierre fut plus certain que ce message procédait de Dieu.

10.17

Or, comme Pierre était incertain en lui-même sur ce que pouvait bien signifier cette vision qu’il avait eue, voici, les hommes envoyés par Corneille, s’étant enquis de la maison de Simon, se présentèrent à la porte,

S. Pierre avait été enseigné non seulement par la vision, mais aussi par la parole de Dieu ; et toutefois en voyant il ne voit point, jusques à ce que le saint Esprit lui en soit expositeur ; ce qui est certes un beau miroir de notre tardiveté. Et toutefois il s’en faut encore beaucoup que nous approchions de S. Pierre. Car tant s’en faut que nous entendions promptement ce que Dieu veut, ou à quel propos il parle à nous, qu’à grand-peine nous suffit-il quand on nous l’a exposé par plusieurs fois. Mais il nous faut aussi noter ce que saint Luc ajoute, à savoir que S. Pierre a pensé attentivement sur la vision. Car ç’a été un signe de sainte révérence, qu’il n’a point laissé échapper la vision par mépris. Et pourtant quand il a frappé à la porte, Dieu lui a ouvert. Mais quant à nous, c’est une juste punition de notre lâcheté, que nous ne profitons mieux en la parole du Seigneur ; vu que nous sommes si froids à nous en enquérir.

10.18

et appelant ils s’informaient si Simon, surnommé Pierre, logeait là.

10.19

Et comme Pierre réfléchissait sur la vision, l’Esprit lui dit : Voici des hommes qui te cherchent ;

10.20

mais lève-toi, descends, et va avec eux, sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés.

L’Écriture use souvent de ce mot (sans rien douter), quand elle veut exprimer quelle doit être l’obéissance de la foi. Ainsi saint Paul louant la foi d’Abraham (Romains 4.19) dit qu’il ne douta point quand Dieu lui promettait semence, combien qu’il fut amorti et caduque. Et en Romains 14.23, où il traite des viandes, il condamne les consciences qui sont en doute. Or Douter, c’est proprement débattre d’un côté et d’autre, à savoir quand nous amassons des raisons opposées l’une à l’autre, et sommes poussés tantôt à penser d’un, tantôt d’un autre. Au contraire, il nous faut suivre Dieu, non point d’un esprit douteux et flottant, mais arrêté et constant. En somme, le Seigneur veut que nous lui portions un tel honneur, qu’aussitôt que nous l’aurons entendu parler, nous ne débattions plus que c’est que nous devons faire ; mais que sans plus plaider nous soyons résolus de faire ce qu’il nous commande. Et de fait, sa volonté mérite bien que nous chassions tous brouillards, et la prenions pour une sûre lumière qui nous montre le chemin, et que mettant fin à toutes répliques, nous domptions tous nos sens à lui rendre prompte obéissance. Ce que nous pouvons encore mieux recueillir de ce qui vient après au texte. Car la raison est ajoutée pourquoi il n’est point licite à saint Pierre de suspendre son jugement comme en une chose incertaine ; d’autant que Dieu est auteur de cette affaire. Car c’est autant comme s’il était dit, que nous nous devons contenter de la seule volonté de Dieu, à ce que nous obéissions à son commandement. Au reste, nous sommes aussi par ceci exhortés de l’autre part, que les consciences ne seront point autrement paisibles, en sorte que les hommes fassent en sûreté ce qu’ils font, sinon qu’étant enseignées par la parole de Dieu, elles s’assurent qu’elles n’entreprennent rien que sous sa conduite, et par son commandement.

10.21

Et Pierre étant descendu vers ces hommes, dit : Me voici, je suis celui que vous cherchez ; quel est le motif pour lequel vous êtes venus ?

S. Luc explique maintenant combien saint Pierre a été prompt à rendre obéissance ; puis après, qu’il a finalement entendu par les hommes envoyés, à quel propos la vision lui avait été révélée. Car il entend dire qu’il est appelé par Corneille qui était homme Gentil, lequel il eût estimé profane, et ne méritant point qu’il lui parlât familièrement, si son jugement n’eut été corrigé par cette voix : N’estime point commun et profane ce que Dieu appelle pur et acceptable. Or c’est être vraiment sages, quand nous dépouillant de toute présomption, et corrigeant toute opiniâtreté, nous sommes tellement ravis de l’autorité de Dieu, et qu’elle possède tellement nos esprits, que nous ne tenions rien pour bon ni droit, sinon ce qu’elle commande.

10.22

Ils dirent : Corneille, centenier, homme juste et craignant Dieu, et de qui toute la nation des Juifs rend un bon témoignage, a été divinement averti par un saint ange de te faire venir dans sa maison et d’écouter ce que tu diras.

Les serviteurs de Corneille ne louent point leur maître par ambition ni par flatterie ; mais afin que S. Pierre craigne moins de conférer familièrement avec lui. Et la cause pourquoi ils disent qu’il a bon témoignage de tous les Juifs, c’est afin que S. Pierre sache que ledit Corneille n’est point contraire à la vraie et pure religion. Car les superstitieux se vantaient être adorateurs de Dieu, combien qu’ils servissent les idoles. Mais Corneille ne pouvait avoir pour témoins de sa religion et de la révérence qu’il portait à Dieu, les Juifs qui retenaient le service du vrai Dieu, sinon qu’il eût fait profession avec eux de servir et honorer le Dieu d’Abraham. Or comme c’était ici un exemple non vulgaire, aussi saint Pierre en devait être grandement ému. Toutefois ils se fondent principalement sur cet argument, pour lui faire trouver bon ce qu’ils demandent : Que tout cela est gouverné par le commandement de Dieu ; comme s’ils lui disaient, que ce n’est pas tant un homme mortel qui l’appelle, que Dieu lui-même qui l’avait ainsi commandé par un Ange. Et S. Pierre aussi étant vaincu par l’autorité de Dieu, ne délibère plus, mais fait entrer ces gens au dedans, afin qu’il se mette bientôt en chemin avec eux. Aussi faut-il que nous acquiescions paisiblement à Dieu, et ne reste plus rien après avoir connu sa volonté, sinon que nous courions hâtivement où il nous appelle. Les autres choses n’ont point besoin de déclaration.

10.23

Pierre les ayant donc fait entrer, les logea. Et le lendemain s’étant levé, il partit avec eux, et quelques-uns des frères de Joppé l’accompagnèrent.

Il est vraisemblable que les gens envoyés de par Corneille, étaient arrivés sur le soir ; car ils n’étaient pas encore entrés en la ville à midi ; joint aussi que la vision réitérée par trois fois, n’était pas une chose qui se peut faire en un moment. S’étant donc reposés et délassés la nuit, ils se mettent en chemin pour retourner. Au reste, c’a été un devoir d’humanité, ce qu’aucuns des fidèles (lesquels il est vraisemblable avoir été à cela députés par toute l’Eglise) se mettent avec S. Pierre pour lui tenir compagnie, et le conduisent jusques à Césarée. Or quant à eux, ce qu’ils entreprennent ce voyage avec S. Pierre, c’est pour lui faire honneur, et montrer leur bonne affection envers lui ; mais cependant le Seigneur les amène, afin qu’il les ait pour témoins de sa grâce. Ainsi ils rapportent une bonne récompense de leur serviabilité, quand ils voient pour la confirmation de leur foi que le Royaume de notre Seigneur Jésus s’étend jusques aux Gentils.

10.24

Et le jour suivant, ils entrèrent à Césarée. Or Corneille les attendait, ayant assemblé ses parents et ses amis intimes.

S. Luc loue la bonne affection de Corneille non seulement en cet endroit, qu’il attendait d’un grand désir la venue de S. Pierre, mais aussi d’autant qu’il a voulu avoir ses amis familiers et parents pour compagnons de sa foi. Ceci certes n’était point sans danger, d’appeler une grande compagnie de gens pour recevoir une nouvelle religion ; et il y avait assez de raisons, sous la couverture desquelles il se pouvait flatter. Car il ne lui était point commandé d’en appeler d’autres pour lui faire compagnie ; mais plutôt il avait été choisi seul pour être fait participant d’un si grand bien. Mais il considéra en soi-même combien il était obligé de procurer la gloire de Dieu et le salut de ses frères ; il connut que c’eut été une chose inique et inhumaine, comme de fait elle eût été, de chercher son profit particulier sans avoir égard aux autres ; il estima que c’eut été une vilaine lâcheté d’enfouir sous terre le trésor de l’Evangile. Il a donc fait ce que Dieu requiert de tous les siens par Esaïe et Michée ; à savoir qu’un chacun prenne ses frères par la main pour les inciter et les exhorter à la foi. Corneille donc nous a montré par son exemple, que quand Dieu se manifeste à nous, il ne faut pas que nous étouffions la lumière de cette connaissance par notre paresse ou crainte, mais plutôt il nous faut donner ordre que notre foi reluise devant les autres pour leur montrer le chemin. Car l’héritage du Royaume des cieux n’est pas tel, que la moindre portion nous en décroisse, quand plusieurs seront reçus à la participation de celui-ci ; mais plutôt l’accroissement de ceux qui hériteront avec nous, augmentera notre gloire.

D’avantage, il nous faut noter combien Corneille est loin de toute ostentation. Car il appelle les autres, afin qu’il les ait compagnons d’école, étant lui-même prêt d’apprendre. Ceci est la vraie étude et affection de piété, quand avec le zèle on aperçoit une telle simplicité, que nous n’ayons nulle honte de dépendre de la bouche de Dieu. Car à la vérité il y en a plusieurs qui sont poussés d’ambition à s’employer volontiers à enseigner les ignorants. Et on connaît le vice en leur sot babil, quand ils prennent plaisir à toujours parler, et veulent être seuls entendus. Au contraire, tous devaient avoir ce but de s’assujettir eux-mêmes et tout le monde à Dieu, à ce que, lui seul soit éminent, les hommes étant domptés à vraie humilité. Celui que Dieu a doué de faculté et grâce d’enseigner, qu’il ne fasse difficulté de s’employer à enseigner ses frères ; moyennant qu’il n’y ait point de vanterie et de vaine convoitise de vouloir apparaître. Celui qui n’a point ce don de pouvoir enseigner les autres, qu’il se contienne dedans ses bornes, et ne passe point sa mesure. Que les uns et les autres ne briguent point les postes de maîtres ; comme nous y sommes exhortés Jacques 3.1 ; mais que les uns édifient tellement les autres, que tant les savants que les ignorants n’aient point de honte d’être abaissés.

Toutefois on fait ici une question : Quels cousins ou parents pouvait avoir Corneille en Judée, vu qu’il était étranger, et n’était là allé que pour le fait des armes pour quelque temps ? Or tout ainsi que je n’affirme rien sur ceci, aussi je reçois ceci comme plus probable, qu’il y en avait aucuns en sa bande qui lui étaient parents. Car les parents et familiers se mettaient volontiers ensemble sous une même enseigne. Et ne faut point douter que les cousins de Corneille n’aient été bien aise d’être de sa bande, comme ainsi soit qu’il eût cent hommes sous sa charge.

10.25

Et au moment où Pierre entra, Corneille, étant allé au-devant de lui, se jetant à ses pieds, se prosterna.

Il y a ici un mot Grec qui signifie montrer quelque honneur et révérence en ployant le genou, ou baissant la tête, ou par quelque autre geste. On demande ici, à savoir si saint Pierre a refusé cette adoration seulement par modestie ; ou bien s’il réprouve cela comme une chose du tout illicite. Que le fait de Corneille déplaise à S. Pierre, il apparaît par la raison qu’il ajoute, Lève-toi, car je suis homme aussi. Car on peut recueillir de ces paroles, qu’il y avait quelque chose Divine en cette révérence, qu’il transférait à un homme mortel l’honneur qui appartient à Dieu seul. Et toutefois il n’est point croyable que Corneille ait mis S. Pierre au lieu de Dieu. Car s’il a transféré à un homme l’honneur dû à Dieu, où est cette crainte de Dieu et religion, de laquelle il a eu ci-dessus tant bon témoignage ? Quant à moi, je pense qu’il ne s’est rien moins proposé que de dépouiller Dieu de son honneur légitime pour le bailler à un homme ; mais comme ainsi soit qu’il voulut porter quelque singulier honneur à un Prophète et apôtre de Jésus-Christ, il s’est abaissé à une révérence excessive, et ainsi a péché en passant mesure. Car à grand-peine pourrait-on exprimer par paroles, combien il est facile de tomber en superstition, quand on fait quelque honneur aux ministres de Jésus-Christ, lequel ait la moindre apparence d’adoration Divine. Car par mégarde nous tombons facilement où nous n’avons nullement pensé. Il y aurait moins de danger envers un Roi ou de grands seigneurs de ce monde. Car celui qui se prosterne en humilité devant un Roi, il s’arrête dedans les limites d’un honneur civil et terrien. Quant aux ministres de Jésus-Christ, il y a autre raison. Car comme leur office est spirituel, aussi si quelqu’un se jette à leurs pieds pour les adorer, cet honneur a quelque chose de spirituel. Car il nous faut retenir la distinction qui est entre l’adoration civile, de laquelle les hommes usent entre eux pour garder l’ordre politique, et celle en laquelle il y a quelque religion, ou laquelle regarde directement l’honneur de Dieu. Comme aussi nous devons retenir et garder la distinction qui est entre les lois qui sont données pour le gouvernement temporel, et celles qui astreignent les consciences. Car il y a certains ignorants qui s’abusent grandement, pensant que l’agenouillement est totalement et simplement condamné par ce qui est ici dit. Mais la vérité est telle que j’ai dite. Corneille ne salue point ici son Roi ou supérieur d’une façon politique ; mais il est ravi en admiration voyant S. Pierre, et lui porte honneur comme si Dieu était là présent. Ainsi, comme s’oubliant soi-même, il porte plus de révérence à un homme qu’il n’est de besoin. Comme j’ai déjà dit, il n’avait rien moins délibéré que de ravir à Dieu son honneur, de le dépouiller, et d’en revêtir un homme mortel. Mais quand la révérence et honneur qu’on fait aux hommes, contient quelque chose mêlée et enveloppée avec l’honneur de Dieu, incontinent survient un vice sans qu’on y pense, que celui qui est honoré en l’honneur de Dieu, est élevé par-dessus le degré des hommes.

Les Papistes laissant là cette distinction, empoignent seulement un membre. Car ils ne traitent entre eux que de l’adoration religieuse. Et afin qu’ils fassent découler une partie de celle-ci aux créatures sous une couverture honnête, ils la divisent en trois, en Latrie, Dulie, et Hyperdulie. Et ils attribuent bien la Latrie à Dieu seulement ; comme s’ils disaient que l’adoration d’honneur est due à Dieu seul. Quant à l’adoration de Dulie, ils l’attribuent indifféremment aux saints trépassés et à leurs os, aux images et peintures. Et quant à l’Hyperdulie, ils l’assignent à la vierge Marie, et à la croix, en laquelle Jésus-Christ a été pendu, sans faire mention qu’en parlant ainsi ils montrent ici une ignorance plus que puérile, combien y en a-t-il d’entre eux qui entendent cette sotte distinction ? Et Je ne parle point seulement du commun populaire, mais des plus grands et plus savants qui soient entre eux. Il faut donc que tous leurs services divins soient infectés et corrompus de superstition perverse, vu que sans considération ils brouillent et mêlent les créatures avec Dieu. Mais S. Luc ne explique pas ici que Corneille ait porté honneur de Latrie à S. Pierre. Il use seulement du mot général d’Adoration ; et ajoute que toutefois il a été repris, pour autant qu’il exaltait un homme plus que de raison. Certes si cette nouvelle doctrine de l’adoration de Dulie avait lieu, S. Pierre devait avertir Corneille, qu’il ne passât outre la Dulie. Mais pour ce qu’il n’y a aucune adoration, à laquelle on annexe quelque religion et quelque regard de l’honneur de Dieu, qui délaisse à Dieu son honneur sauf et entier, quelque nom qu’on lui puisse donner ; à cette cause saint Pierre s’est contenté de cette raison, qu’il est homme. Mais je désirerais bien de savoir des Papistes, si saint Jean a été si hébété et stupide, de ravir à Dieu la Latrie pour la donner à un Ange ? Penseraient-ils bien cela ? Il est bien certain que rien ne l’a incité à adorer l’Ange, qu’une révérence excessive et inconsidérée, et même en l’honneur de Dieu, la gloire duquel resplendissait en l’Ange. Et toutefois son fait est condamné. Afin donc que ce qui appartient à Dieu, lui soit rendu, que l’adoration et révérence spirituelle, en laquelle il y a quelque religion, lui demeure entière.

10.26

Mais Pierre le releva, lui disant : Lève-toi, moi-même aussi je suis un homme.

10.27

Et s’entretenant avec lui, il entra. Et il trouve beaucoup de personnes réunies,

10.28

et il leur dit : Vous savez combien c’est chose illicite pour un Juif de se lier avec un étranger ou d’aller chez lui ; mais pour ce qui me concerne, Dieu m’a montré que je ne dois appeler aucun homme souillé ou impur.

Il semble bien que cette préface n’est guère amiable, et est plutôt pour aigrir les cœurs des assistants, que de les attirer, quand ils aient dire qu’ils sont réputés si immondes, que leur compagnie et propos souillent les saints, ce qui ne pouvait être dit sans grand outrage contre eux. Mais il fallait nécessairement que saint Pierre commençât son propos par là, afin qu’ils ne le soupçonnassent point d’avoir mauvaise conscience, de dire qu’il fut là venu contre la coutume ordonnée par les Pères, comme contempteur de la Loi. Mais quand il affirme qu’il est envoyé de Dieu, un tel soupçon est ôté et purgé. Joint qu’il adoucit très bien par ces paroles ce scandale qui était déjà enraciné dedans leurs cœurs pour le désaccord ancien entre les Gentils et les Juifs ; en sorte qu’il ne pouvait plus proprement donner ouverture à son propos. Car il prononce que ceux qui avaient été réputés immondes jusques alors, sont maintenant purifiés ; tellement qu’ils ont maintenant une communication mutuelle avec les fidèles et sains. Au reste, quant à ce qu’il dit qu’il n’est licite à un homme Juif de s’adjoindre avec un étranger ; il nous faut observer que cela n’est point procédé tant de la Loi, que d’une observation et manière de faire des Pères. Il est vrai que Dieu leur avait défendu de se marier, ou de s’attacher par alliance avec les Païens et Gentils ; (Deutéronome 7.3) mais il n’y a passage qui leur défendît de manger et de boire avec eux, ou de trafiquer ou communiquer avec eux. Mais afin que la conversation ou trop familière fréquentation ne les attirât à faire ce qui leur était défendu, ils gardaient la coutume que leurs Pères leur avaient laissée, de n’avoir fréquentation quelconque avec les étrangers. Il n’est point ici besoin de disputer si une telle tradition liait les consciences. Car S. Pierre ne montre point ici de propos délibéré ce qui est licite selon Dieu, mais ce qui était communément en usage.

Que je ne considère aucun, etc. Il démontre plus clairement la somme et le but de cette vision, rapportant aux hommes ce qui avait été dit des viandes. Au surplus, quant à ce qu’il dit que nul n’est immonde, il ne le faut entendre de chacune personne à part. Car il est certain que tous les incrédules sont pollués d’immondicité de conscience ; en sorte qu’ils souillent, voire par le seul attouchement, les choses qui autrement sont pures. Saint Paul aussi dit que leurs enfants demeurent immondes, jusques à ce qu’ils soient purgés par foi, 1 Corinthiens 7.14. Bref, s’il est ainsi que la seule foi purifie les cœurs des hommes (Actes 15.9) il faut dire que l’incrédulité les profane. Mais saint Pierre fait ici seulement comparaison entre les Juifs et les Gentils ; et d’autant que la paroi est rompue (Ephésiens 2.14) et que par ce moyen l’alliance de vie et de salut est maintenant commune aux uns et aux autres ; il dit qu’il ne faut estimer étrangers ceux qui sont participant de l’adoption Divine. Il nous faut aussi noter ce qu’il ajoute, qu’il est venu sans contredit. Car c’est le saint silence de la foi, quand ne murmurant point contre Dieu, nous recevons paisiblement ce qu’il nous commande, en chassant bien loin toutes raisons contraires qui se peuvent présenter.

10.29

C’est pourquoi aussi je suis venu sans faire d’objections, quand vous m’avez envoyé chercher. Je demande donc pour quel sujet vous m’avez fait venir.

10.30

Et Corneille dit : Il y a, à cette heure, quatre jours que j’étais en prière dans ma maison, à la neuvième heure ; et voici, un homme se présenta devant moi en un vêtement éclatant,

Pour ce que cette réponse de Corneille ne contient rien qu’une répétition simple de l’histoire, il ne sera point besoin de nous arrêter longuement en cette. Il veut dire en somme, que ce qu’il a fait appeler saint Pierre, c’a été par le commandement de Dieu.

J’étais à jeun. Plusieurs exemplaires Grecs ont : Que j’étais assis. Le traducteur Latin ancien a omis ce mot, à jeun. Ce que je pense avoir été fait par inadvertance ou négligence ; car il est expressément mis en tous les livres Grecs. Au reste, il est ici fait mention expresse de jeûne, afin que nous sachions que Corneille n’a point prié froidement, ni par forme d’acquit ; et avec ce afin que la vision ait moins de soupçon. Car le cerveau d’un homme qui est à jeun, quand la sobriété est modérée, ne reçoit pas facilement les illusions qui viennent de fantasmes. Corneille donc signifie que l’Ange lui est apparu, lors qu’il était bien attentif à prier, et avait l’entendement délivré de tous empêchements, lesquels ont accoutumé de nous rendre sujets à fantasmes et imaginations extravagantes. A ceci aussi se rapporte la circonstance du temps ; que cela advint qu’il était encore grand jour, à savoir trois heures avant le soleil couchant.

Un homme se présenta devant moi. Il appelle homme celui qu’il savait bien être un Ange de Dieu. Mais la sainte Écriture a accoutumé de transférer à Dieu ou aux Anges le nom de la forme visible, sous laquelle ils apparaissent, Genèse 18.2, 22 ; 19.1. Ainsi Moïse appelle indifféremment maintenant Anges, maintenant hommes, ceux qui apparurent à Abraham, étant vêtus de corps humains. Ce vêtement reluisant a été un signe de la gloire céleste, et comme une enseigne de la majesté Divine, qui devait reluire en l’Ange. Les Evangélistes rendent témoignage qu’il y avait une telle splendeur au vêtement de Jésus-Christ, quand il fut transfiguré en la montagne sainte, et là manifesta sa gloire à trois de ses disciples, Matthieu 17.2 ; Marc 9.2. Ils en disent autant des Anges qui ont été envoyés pour témoigner de la résurrection de Jésus-Christ. Car tout ainsi que notre Seigneur s’accommode jusques-là à notre infirmité, qu’il commande à ses Anges de descendre sous la forme de notre chair ; aussi sème-t-il sur eux quelques rayons de sa gloire, afin que ce qu’il leur a commis de nous commander soit reçu en plus grande certitude et révérence.

On fait ici une question ; à savoir si ce corps était un vrai corps et naturel ; et si ce vêtement était un vrai vêtement ; ou bien si une telle apparence seulement a été proposée devant les yeux de Corneille. Or combien qu’il ne soit pas grandement nécessaire de connaître ceci, et qu’à grand-peine en pourrait-on affirmer quelque chose pour certain ; toutefois s’il nous en faut dire quelque chose par conjecture, il me semble plus probable, que Dieu à qui appartient de créer toutes choses, donna un vrai corps à l’Ange, et en même temps lui donna un vêtement magnifique et reluisant de toutes parts ; mais qu’aussitôt que l’Ange eût fait son ambassade, son corps et ses accoutrements furent réduits à néant, et lui remis en sa première nature ; et que toutefois il n’a été sujet à aucune infirmité humaine cependant qu’il a été vu en forme d’homme.

10.31

et dit : Corneille, ta prière est exaucée, et tes aumônes ont été rappelées en mémoire devant Dieu.

10.32

Envoie donc à Joppé, et fais venir Simon, qui est surnommé Pierre ; il est logé dans la maison de Simon, corroyeur, près de la mer.

10.33

J’ai donc aussitôt envoyé vers toi, et toi tu as bien fait de venir. Maintenant donc nous sommes tous présents devant Dieu, pour entendre ce qui t’est commandé par le Seigneur.

Afin que saint Pierre soit plus prompt et plus volontaire à enseigner, Corneille affirme que lui et les autres seront dociles et prêts à rendre obéissance à Dieu. Car c’est une chose qui sert grandement à inciter celui qui est ordonné pour enseigner, à ce qu’il s’emploie plus joyeusement pour instruire les auditeurs, quand il attend un certain fruit de son labeur. Ce qu’il dit, devant Dieu, peut être entendu en deux sortes ; ou que ce soit comme un serment solennel ; ou bien que Corneille proteste simplement, que cette compagnie est assemblée en sa maison ni plus ni moins que s’ils étaient devant la face de Dieu, afin qu’ils reçoivent aussi bien la voix d’un homme, comme si elle procédait de la propre bouche de Dieu. Or qu’on choisisse lequel on voudra, la fin sera toujours même. Car Corneille pour donner mieux à connaître de quelle rondeur il y procède, proteste qu’il a Dieu devant ses yeux, lequel il n’est licite d’abuser par dissimulation. Et de fait, toutes les fois que la parole de Dieu nous est proposée, ce sentiment doit entrer dedans nos cœurs, et les émouvoir à bon escient ; à savoir que nous n’avons point affaire avec un homme mortel, mais que Dieu est là présent qui nous appelle. Car de ce regard de Dieu vient que nous concevons une majesté en la Parole, et l’écoutons en toute révérence. Toutefois il semble avis que Corneille fait ici follement de se porter garant pour les autres en une chose de si grande importance. Car qui est-ce qui sera capable de répondre pour la foi d’autrui ? Mais pour ce qu’un chacun d’eux avait promis de rendre obéissance, à bon droit il se confie qu’ils ont une telle affection. Et ne faut douter que déjà auparavant la chose leur étant révélée, ils n’eussent promis d’être obéissant à ce qui leur serait dit, et qu’encore lors un chacun ne ratifiât ce qu’un seul avait dit.

Pour ouïr tout ce qui, etc. voilà que c’est la vraie foi, quand on ne reçoit point la parole de, Dieu seulement à demi, mais quand on s’assujettit entièrement à celle-ci sans rien réserver. Et toutefois il y a bien peu d’exemples au monde d’une telle foi pleine et universelle. Car la plus grande partie des hommes, comme s’ils avaient fait marché avec Dieu, ne s’assujettissent autrement à sa doctrine, sinon en ce qu’elle leur est plaisante ; que s’ils rencontrent quelque chose qui ne leur plaise, ou ils le méprisent hardiment, ou le rejettent. Au surplus, Corneille discerne prudemment entre Dieu et l’homme. Car il fait Dieu auteur de la doctrine, et ne laisse rien à l’homme que le ministère et ambassade. Tu nous auras, dit-il, disciples attentifs et obéissant en toutes les choses que Dieu t’a commandées ; en sorte que lui seul domine, et toi, que tu sois seulement ministre ; que lui seul parle, mais par ta bouche. Et de fait, Dieu ordonne à tous ses serviteurs en la personne d’Ezéchiel de le faire ainsi : Prends, dit-il, la parole de ma bouche, et tu la leur annonceras de par moi, Ezéchiel 33.7.

10.34

Et Pierre, ouvrant la bouche, dit : En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes,

Nous avons déjà dit par ci-devant, que l’Ecriture use de cette forme de parler, quand elle signifie qu’on a tenu quelque propos grave et de conséquence. Il est dit au chap. 5 de S. Matthieu, que Jésus-Christ ouvrit sa bouche voulant faire un sermon à ses disciples, et traiter de choses de grande importance. Connue si on disait en Français : Il se mit à parler, c’est à savoir, ayant déjà bien pensé à ce qu’il devait dire.

En vérité j’aperçois. Le mot Grec qui est ici mis signifie comprendre ou recueillir par raisons, signes, et conjectures. Corneille était Gentil de nation ; toutefois Dieu exauce ses prières et oraisons ; il daigne bien lui communiquer la clarté de l’Evangile ; il lui destine particulièrement un Ange. Par cela S. Pierre reconnaît que tous ceux qui vivent saintement et innocemment sont agréables à Dieu sans acception de personnes. Car auparavant étant préoccupé de cette opinion, que Dieu aimait seulement les Juifs, comme aussi ils étaient seuls élus d’entre tous les peuples, il ne pensait point que la grâce et bonté de Dieu puisse parvenir jusques aux autres. Il est bien vrai qu’il n’était point si lourd de penser que pour ce mot de Gentil la piété et innocence de vie fut rejetée ou condamnée ; mais d’autant qu’il s’arrêtait simplement à cela, que tous ceux qui étaient incirconcis, étaient étrangers au Royaume de Dieu et profanes, il s’enveloppait et embrouillait sans y penser en cet erreur tant absurde, que Dieu rejetait le pur service fait à sa majesté, et la vie sainte, quand la Circoncision n’y était point conjointe ; pour ce que le prépuce était cause que les Juifs étaient dégoûtés de toutes les vertus des étrangers. Par cet exemple nous sommes exhortés combien nous nous devons garder de nous laisser préoccuper de fols jugements, lesquels nous ferment le chemin à droitement juger.

Au reste, il nous faut noter ce qu’emporte le mot de Personne. Car plusieurs s’abusent en celui-ci, l’exposant généralement que nul n’est préféré à un autre. Ainsi Pélagius anciennement niait qu’aucuns fussent élus de Dieu, et les autres réprouvés ; d’autant qu’il n’y avait nulle acception de personnes envers Dieu. Mais il faut entendre par ce mot l’état extérieur ou l’apparence, et tout ce qui est autour de l’homme qui lui peut acquérir ou ôter faveur. Les richesses, la noblesse, les dignités et honneurs acquièrent crédit et faveur à l’homme ; la pauvreté, l’ignominie, la basse condition et toutes telles choses le rendent méprisable. Pour cette raison, Dieu défend bien souvent d’avoir égard aux personnes, d’autant qu’il ne se peut faire que le jugement soit droit toutes les fois que les regards extérieurs empêchent le juge de peser la cause. En ce passage le mot de Personnes se rapporte à la nation ; et le sens est, que le prépuce n’empêche point que Dieu n’ait pour agréable, et n’approuve la justice et bonne vie en un homme Gentil. Mais il pourrait sembler à ce compte que le respect des personnes a eu lieu envers Dieu pour un temps. Car quand il a choisi les Juifs pour son peuple, laissant là les Gentils, n’a-il pas eu égard aux personnes ? Je réponds qu’il ne faut point chercher la cause de cette différence dans les hommes, mais qu’elle dépend entièrement du secret conseil de Dieu. Car ce qu’il a adopté Abraham pour sien, et lui a donné son alliance plutôt qu’aux Egyptiens, il l’a fait sans être nullement provoqué par aucun respect externe ; mais toute la cause résidait en son conseil admirable. Et pourtant Dieu ne fut jamais attaché aux personnes. Toutefois la difficulté n’est point encore résolue. Car on ne peut nier que la Circoncision n’ait plu à Dieu, en sorte qu’il réputait de son peuple ceux qui portaient sur eux cette marque de sanctification. Mais nous pouvons aussi répondre promptement à ceci, que la Circoncision a été après la grâce de Dieu, vu qu’elle était un signe de cette grâce. Dont il s’ensuit qu’elle n’en a point été la cause. Cependant elle était tellement gage de l’adoption gratuite aux Juifs, que le prépuce n’empêchait point Dieu de recevoir en la société d’un même salut ceux des Gentils qu’il voulait. Mais la venue de Christ a eu ceci de nouveau et spécial, que Dieu ayant rompu la paroi a reçu indifféremment tout le monde, Ephésiens 2.14. Et c’est ce que signifient ces paroles, en toute nation. Car tandis que la semence d’Abraham a été le sacré héritage de Dieu, il pouvait sembler que les Gentils fussent du tout bannis de son Royaume ; mais après que Christ a été manifesté aux hommes, l’alliance de la vie éternelle a commencé d’être commune également à tous.

10.35

mais qu’en toute nation, celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable.

Sous ces deux membres est comprise toute la pureté et sincérité de vie. Car la crainte de Dieu n’est autre chose que piété et religion. Et la justice est une équité et droiture, laquelle les hommes gardent entre eux, se donnant garde de nuire à autrui, et s’étudiant de profiter à tous. Tout ainsi que la Loi de Dieu, qui est la règle de bien vivre, consiste en ces deux parties ; aussi nul ne pourra faire qu’il soit approuvé de Dieu, sinon qu’il adresse là toutes ses œuvres ; et n’y aura rien de ferme et assuré en tous devoirs d’humanité sinon que la vie des hommes soit fondée en la crainte de Dieu. Au demeurant, il semble que ce passage attribue la cause de salut aux mérites des œuvres. Car si les œuvres nous donnent grâce envers Dieu, elles nous acquièrent semblablement la vie, laquelle réside en l’amour de Dieu envers nous. Il y en a d’autres aussi qui empoignent ce nom de Justice, pour prouver que nous sommes justifiés par les œuvres, et non point gratuitement par la foi. Mais ce dernier argument est trop frivole. Car nous avons déjà montré que ce mot de Justice ne se prend point pour l’entière observation de la Loi ; mais qu’il est restreint à la seconde table et aux devoirs de charité. C’est donc une justice, non point générale, par laquelle l’homme est réputé juste devant Dieu, mais une prudhommie et innocence, laquelle regarde les hommes, quand on rend à un chacun ce qui lui appartient.

Il ne reste donc plus que l’autre question ; à savoir si les œuvres nous rendent agréables à Dieu. Pour l’explication de laquelle il nous faut noter en premier lieu, qu’il y a double regard de Dieu à aimer les hommes. Car comme ainsi soit que nous naissions tous enfant de colère (Ephés.2.3) tant s’en faut que Dieu trouve rien en nous qui soit digne de son amour, que plutôt toute notre nature le provoque à nous haïr. Pour cette raison S. Paul prononce que tous lui sont ennemis, jusqu’à ce qu’ils lui soient réconciliés par Jésus-Christ, Romains 5.6, 8. Ainsi donc la première acception de Dieu, par laquelle il nous reçoit en grâce, est entièrement gratuite. Car il ne peut encore avoir aucun égard à nos œuvres, quand toutes sont vicieuses et perverses, et se sentent de leur origine. Or ceux que Dieu a adoptés pour ses enfants, il les régénère aussi par son Esprit, et reforme son image en eux ; dont procède ce second regard. Car Dieu ne trouve point lors l’homme nu, et vide et destitué de toute grâce ; mais reconnaît aussi son œuvre, voire soi-même en lui. Par quoi Dieu a les fidèles pour agréables, d’autant qu’ils vivent saintement et justement. Aussi nous ne nions pas que les bonnes œuvres des saints soient agréables à Dieu ; mais il est ici question d’une autre chose, à savoir si l’homme prévient la grâce de Dieu par ses mérites, et si lui-même s’insinue en l’amour de celui-ci ; ou bien, vu qu’il est seulement digne de haine, si du commencement il est aimé gratuitement et sans aucun regard des œuvres. Or comme ainsi soit que l’homme délaissé en son naturel ne puisse apporter autre chose que matière de haine, il faut nécessairement qu’il soit gratuitement aimé sans ses mérites et œuvres. Dont il s’ensuit que Dieu est cause à soi-même de ce qu’il nous aime, et qu’il est provoqué par sa miséricorde et bonté gratuite, et non pas par nos mérites.

D’avantage, il nous faut observer qu’encore que les fidèles soient agréables à Dieu après la régénération avec leurs bonnes œuvres et pour le respect de leurs œuvres, nonobstant cela ne se fait point par le mérite de l’œuvre. Car la pureté des œuvres n’est jamais si parfaite, qu’elles plaisent à Dieu sans pardon gratuit. Et qui plus est, vu qu’elles ont toujours quelque vice ou souillure mêlée parmi, elles sont dignes d’être rejetées. Ainsi donc, la propre dignité des œuvres ne fait point qu’elles soient dignes d’être prisées, mais c’est la foi qui emprunte de Jésus-Christ ce qui défaut aux œuvres.

10.36

C’est la parole qu’il a envoyée aux fils d’Israël, en annonçant la paix par Jésus-Christ. Lui est le Seigneur de tous.

On expose ce texte en beaucoup de sortes ; toutefois le sens que j’ai donné me semble le plus propre. Je prends donc ce membre pour une préface ; à savoir touchant cette œuvre tant mémorable que Dieu a faite envers les enfants d’Israël, en annonçant la paix par Jésus-Christ. Après cela la narration est ajoutée ; et finalement S. Pierre montre en la conclusion de son propos, à quelle fin Jésus-Christ a été manifesté au monde. Or ce n’est point sans raison qu’il commence par ce récit, que Dieu a envoyé la parole aux enfants d’Israël. Or selon la façon de parler des Hébreux, le mot de Parole est ici mis pour la chose. Il était lors bien grand bruit de l’alliance éternelle laquelle Dieu avait contractée avec ce peuple. Il n’y avait rien plus commun entre les Juifs que ceci, à savoir que le Rédempteur avait été jadis promis aux Pères, qui devait remettre en bon état les choses qui étaient ruinées. Ceux aussi qui avaient familièrement conversé avec les Juifs, savaient bien cela. Saint Pierre donc afin qu’on lui ajoute plus de foi, avant que passer outre, proteste de ne parler de chose inconnue ou nouvelle ; mais de la restauration de l’Eglise, laquelle dépendait de l’alliance éternelle de Dieu, et laquelle était à l’heure magnifiquement accomplie, et mêmement était entre tous grandement renommée.

Annonçant paix par Jésus-Christ. Saint Pierre montre ici quelle était cette chose, de laquelle le bruit était tant répandu ça et là ; à savoir telle que par elle la paix serait établie. Je prends ici ce mot de Paix, pour la réconciliation faite entre Dieu et les hommes, laquelle toutefois contient en soi la vraie et parfaite félicité de l’Eglise. Car tout ainsi qu’il y a une horrible confusion et un profond abîme quand il y a désaccord et séparation entre Dieu et nous ; semblablement aussitôt que l’amour paternel de Dieu reluit et éclaire, il recueille son Eglise de la dissipation, et voit-on renaître, une vraie béatitude et félicité. Voici donc ce que veut dire saint Pierre, que Dieu s’est montré propice à son peuple en Jésus-Christ son Fils ; et a reçu derechef en grâce les enfants d’Abraham, lesquels on pensait qu’il eût rejetés pour un temps, afin qu’il établît un état florissant et prospère entre eux. Or tout ainsi que saint Pierre fait Dieu auteur de cette paix ; aussi met-il Jésus-Christ au milieu, comme gage de cette paix, afin qu’elle soit ferme et stable. Il conjoint expressément la paix avec la prédication, d’autant que c’est le seul moyen par lequel le fruit de la réconciliation acquise par le Fils de Dieu parvient jusques à nous. En cette sorte saint Paul après avoir montré que Jésus-Christ est notre paix, ajoute incontinent après, qu’il est venu pour annoncer la paix à ceux qui étaient près, et à ceux qui étaient loin.

10.37

Vous savez ce qui s’est passé dans toute la Judée, en commençant par la Galilée après le baptême que Jean a prêché :

Ce sermon de saint Pierre contient principalement deux membres. Car en premier lieu il explique l’histoire ; puis après il descend au fruit de l’histoire. Car comme ainsi soit que l’avènement du Fils de Dieu au monde, sa mort et résurrection soient la matière de notre salut ; Jésus-Christ ne peut être autrement proposé en salut, sinon que nous entendions premièrement qu’il a vêtu notre chair humaine, qu’il a tellement conversé entre les hommes, que cependant il a bien montré par certains témoignages qu’il était vraiment Fils de Dieu ; et finalement qu’il a été crucifié, et est puis après ressuscité par la vertu admirable de Dieu. D’autre part, afin que la connaissance de l’histoire ne soit froide et inutile, il nous faut en même temps enseigner la fin pourquoi il est descendu de la gloire céleste au monde, pourquoi il a souffert la mort de la croix tant ignominieuse devant les hommes, et maudite même par la bouche de Dieu. 11 faut semblablement enseigner la cause de sa résurrection, de laquelle on recueille l’effet et le fruit de toutes ces choses ; à savoir que Jésus-Christ a été anéanti afin qu’il nous remît en bon état et entier, nous qui étions perdus ; qu’avec notre humanité il a en même temps vêtu un amour fraternel envers nous ; que prenant sur soi nos infirmités, il nous a déchargés du pesant fardeau de celles-ci ; qu’il a effacé nos péchés par le sacrifice et oblation de sa mort, afin qu’il nous rendît le Père propice et favorable ; qu’ayant obtenu victoire sur la mort, il nous a acquis la vie éternelle ; qu’entrant au ciel il nous y a fait pleine ouverture ; que toute la vertu du Saint Esprit a été répandue sur lui, afin qu’il nous enrichît de son abondance. S, Pierre garde cet ordre d’enseigner, quand il commence par la sainte histoire de l’Evangile ; et puis après il montre ce que la descente de Christ en terre, sa mort et résurrection nous ont apporté. Premièrement il raconte que Jésus de Nazareth s’est manifesté après le baptême de Jean. Car vu que Jean-Baptiste était destiné à cela par le conseil de Dieu, qu’il réveillât les cœurs du peuple à attendre le Messie, il ne fallait pas que S. Pierre omît cette partie. Il avait été estimé Prophète excellent de Dieu ; et pourtant son autorité servait grandement à faire ajouter foi à Jésus-Christ, principalement à l’endroit des pauvres simples gens, et qui n’étaient pas fort avancés en la connaissance de salut. Il nous faut noter cette façon de parler, que Jean a prêché le baptême. Il est vrai que sous ce mot de baptême S. Luc comprend tout le ministère de Jean-Baptiste ; mais cependant il montre que ce n’a point, été une figure muette et vide de doctrine. Et de fait, voici le principal en tous Sacrements, que la parole de Dieu qui est engravée en ceux-ci, reluise étant prêchée haut et clair. Ce qui nous doit faire avoir en plus grande détestation la profanation horrible qu’on voit en la Papauté ; qu’ensevelissant la prédication, ils enchantent les Sacrements, disons seulement quelques paroles dessus, comme feraient des Magiciens.

10.38

concernant Jésus, qui était de Nazareth, comment Dieu l’a oint d’Esprit saint et de puissance, lui qui est allé de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le diable ; parce que Dieu était avec lui.

Il l’appelle ainsi, non pas qu’il y fut né, mais pour ce qu’il est sorti de là pour exécuter son office ; et aussi pour ce que par un commun usage il était ainsi surnommé. Il dit qu’il a été oint du Saint Esprit et de vertu, c’est-à-dire de la vertu du Saint Esprit. Car la puissance qui était grande et excellente en Jésus-Christ, ne venait d’ailleurs que du Saint Esprit. Ainsi donc le Père céleste en oignant son Fils, l’a garni de la vertu de son Esprit. Saint Pierre ajoute incontinent après, que cette vertu s’est montrée aux miracles. Combien qu’il en exprime notamment une espèce, à savoir que Christ a rendu témoignage qu’il était muni de la vertu du Saint Esprit, pour user de bénéfice envers le monde. Car il ne fallait pas qu’une vertu épouvantable de Dieu se montrât en lui ; mais telle qu’elle attirât le monde par un goût gracieux de bonté et de grâce bénigne à l’aimer et désirer.

Quant au mot d’Onction, c’est une métaphore et similitude assez commune, quand il est question des dons et grâces du Saint Esprit ; ici elle est accommodée à la personne de Christ ; pour ce qu’en cette sorte le Père l’a consacré Roi et Sacrificateur. Or nous savons que sous la Loi l’huile était un signe solennel de consécration. Quand il dit que Jésus a cheminé, cela se prend pour le cours de sa vocation ; comme s’il disait qu’il s’est acquitté de sa charge au temps qui lui était préfixé. C’est une similitude prise de ceux qui font quelque voyage, qui continuent de cheminer, jusques à ce qu’ils soient venus au lieu destiné. Combien que en même temps il donne à entendre qu’en trois ans il a couru et bouclé tout le pays de Judée, tellement qu’il n’y a eu petit coin qui n’ait senti de ses bénéfices.

Qui étaient oppressés du diable. Ceci aussi a été un témoignage plus évident d’une puissance divine en Jésus-Christ, que non seulement il guérissait les hommes des maladies vulgaires, mais aussi il donnait remède et guérison aux maux désespérés. Vrai est que toutes les maladies sont autant de verges par lesquelles Dieu nous châtie ; nonobstant quand notre bon Dieu nous châtie doucement selon sa bonté paternelle, il est dit alors que c’est de sa main qu’il nous bat et frappe ; mais dans de graves et dures punitions et les fléaux, il y applique Satan, comme ministre de son ire et bourreau. Et c’est une distinction qu’il nous faut bien retenir. Car ce serait une grande absurdité de dire, que celui qui a la fièvre, ou quelque autre sorte de maladie commune, fut tourmenté du diable ; mais la fureur enragée, le transportement d’Esprit, et autres maux qui sont comme monstrueux, sont proprement attribués à Satan. Selon laquelle raison l’Écriture appelle Démoniaques les hommes transportés, qui sont agités d’une si grande violence qu’ils semblent être presque convertis en bêtes.

Car Dieu était avec lui. Saint Pierre note en bref à quel but tendaient les miracles et vertus faites par la main de Jésus-Christ ; à savoir, pour lui acquérir autorité envers les hommes, qui contemplaient Dieu comme présent. Et ceci a été le vrai usage des miracles ; comme il a été déjà dit par plusieurs fois ; et comme nous verrons encore ci-après en lieux propres. Car il nous faut tenir à cette maxime, que c’est déroger à la majesté de Dieu, si nous ne recevons et avons en révérence ceux dans lesquels Dieu met des signes et des marques qu’ils sont ses serviteurs. Ainsi, puisque les miracles ont montré évidemment que Christ était venu du ciel, sa dignité est exaltée par-dessus tout ce qu’on peut juger d’un homme.

10.39

Et nous, nous sommes témoins de toutes les choses qu’il a faites, tant au pays des Juifs qu’à Jérusalem, lui qu’ils ont même fait mourir, le pendant au bois.

Afin qu’on ajoute foi à ses paroles, il dit ouvertement que lui et ses compagnons ont vu de leurs propres yeux toutes les choses qu’ils enseignent de Jésus-Christ, et qu’ainsi ils parlent de choses toutes certaines, et qu’ils savent assurément. Un peu après il prend ce mot de témoin, en un autre sens divers, quand il dit que certains témoins ont été ordonnés de Dieu. Car il signifie que les apôtres ont été comme personnes publiques, et qu’ils ont été spécialement ordonnés et choisis à cela, à savoir d’amener et attirer les hommes à la foi de Jésus-Christ par leur prédication. En cette sorte saint Paul dit au chapitre 15 de la première aux Corinthiens : Nous serions trouvés faux témoins de Dieu, si Jésus-Christ n’était ressuscité des morts. Et déjà ci-dessus nous avons entendu de la bouche de Christ : Vous me serez témoins en Judée, en Samarie, et en Jérusalem. Mais maintenant il se nomme témoin, seulement quant à l’histoire, pour ce qu’il a vu lui-même de ses yeux les choses que Jésus-Christ faisait. Au reste, il touche ici la mort seulement en un mot, pour ce qu’elle était notoire à tous. Mais il s’arrête plus longuement en la résurrection, d’autant qu’elle était beaucoup plus douteuse, et que la connaissance de celle-ci est de plus grande importance pour notre foi.

Si quelqu’un demande pourquoi Dieu n’a montré manifestement son Fils à tous incontinent après sa résurrection ; je réponds que combien que nulle raison n’apparaîtrait, toutefois le seul conseil de Dieu doit suffire à gens modestes et sobres ; en sorte que sans contredit, ils se tiennent pour tout assurés que ce que Dieu a ordonné et décrété, est très bon. Néanmoins il ne nous faut point douter que ce ne soit par un très bon conseil que Dieu a ainsi mesuré la chose. Car la certitude de la résurrection a été approuvée par fermes témoignages, et en assez grand nombre. Or il était bon et utile pour exercer la foi des fidèles, de croire plutôt à l’Evangile qu’à ses propres yeux. Touchant les méchants et ennemis manifestes de Jésus-Christ, ils n’étaient pas dignes que le Seigneur Jésus les admît à regarder la gloire de sa résurrection, vu qu’ayant été convaincus par tant de fois, ils ne s’étaient jamais soumis à Dieu. Combien que même quant à ceci ils en ont été suffisamment convaincus par le rapport des soldats qu’ils avaient loués pour garder le sépulcre, ce que je dis, laissant les autres raisons qu’on pourra prendre en l’Harmonie (des quatre évangiles). Ayons donc ceci pour tout arrêté, que les apôtres ont été ordonnés et choisis par un saint décret de Dieu, afin que par leur témoignage la vérité de la résurrection demeurât ferme. Quiconque n’acquiesce point en cette approbation, qu’il arrache s’il peut, et renverse ce décret inviolable de Dieu, lequel nous est ici proposé par saint Pierre. Mais quant à nous, si nous voulons avoir Dieu pour certain garant de notre foi, apprenons de nous contenter des témoins lesquels il a ordonnés et prédestinés devant la création du monde, et puis après les a produits quand il en a été temps.

10.40

Dieu l’a ressuscité le troisième jour, et il a permis qu’il fût manifesté,

10.41

non à tout le peuple, mais aux témoins qui avaient été auparavant choisis de Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui, après qu’il fut ressuscité des morts.

On voit bien par ceci, quel soin et égard Jésus-Christ a eu à notre rudesse ; vu que pour l’amour de nous il s’est abaissé si bas, qu’étant déjà plein de gloire céleste, il a toutefois bu et mangé comme homme mortel. Par quoi il ne faut point que nous nous plaignions que la résurrection de Christ soit obscure ou douteuse. Car pourtant a-t-il permis que ses disciples fussent tardifs et difficiles à croire, afin qu’étant mieux confirmés ils nous ôtassent tout scrupule de doute. Mais plutôt il nous faut mettre peine que notre malignité et ingratitude n’obscurcisse une si grande douceur et bénignité du Fils de Dieu envers nous. Au reste, quand l’Écriture explique que Jésus-Christ a mangé, un tas d’esprits curieux font une question, qu’est devenue cette viande-là. Mais il est facile de répondre à cela ; que tout ainsi qu’elle avait été créée d’un rien, aussi a-elle été facilement réduite à néant par la vertu Divine de Jésus-Christ. La viande qui est prise pour la nourriture du corps, se digère, et puis après est distribuée par les membres pour la nourriture du corps ; mais aussi nous savons que Jésus-Christ a pris cette viande pour nourrir notre foi ; et que c’en a été le seul usage, auquel aussi elle a été consumée. Or ceux aussi qui pensent que Jésus-Christ ait seulement fait semblant de manger, s’abusent grandement. Car de quoi eût profité un le semblant ? Et je ne vois point pourquoi il faille chercher de tels subterfuges. Car quand nous disons que Jésus-Christ n’a point été contraint de manger par nécessité qu’il eût, mais qu’il a seulement voulu pourvoir à l’infirmité de la foi des siens, nous coupons broche à toutes imaginations frivoles des hommes.

10.42

Et il nous a ordonné de prêcher au peuple, et d’attester que c’est lui qui a été établi par Dieu comme juge des vivants et des morts.

Il commence ici à traiter du Royaume de Jésus-Christ, quand il dit que Christ est ressuscité, afin qu’il juge une fois le monde. Car par un même droit la domination du ciel et de la terre, et le perpétuel gouvernement de l’Eglise lui sont attribués. Il dit qu’il sera juge des vivants et des morts, pour ce que quand les morts seront ressuscités, les autres aussi qui seront lors survivant seront changés en un moment ; comme saint Paul enseigne en 1 Corinthiens 15.51-52 et en 1 Thessaloniciens 4.17. Ce mot Testifier est d’importance ; d’autant que comme les hommes sont enclins à incrédulité, la simple prédication de l’Evangile aurait moins d’efficace et vigueur, si le Seigneur ne la ratifiait par protestations et comme adjurations véhémentes. Et principalement il n’y a personne de nous qui ne sente plus qu’il ne serait de besoin, combien il est difficile tant d’élever par-dessus les cieux pour espérer la venue du Seigneur Jésus, nos esprits qui sont empêtrés dans les pièges des choses de ce monde, que de les tenir arrêtés en cette méditation assiduelle, vu que par leur inconstance ils ne cessent d’être transportés çà et là.

10.43

C’est de lui que tous les prophètes rendent le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom la rémission des péchés.

Saint Luc touche en bref la somme de tout le sermon de saint Pierre, comme il a été dit. Et pourtant il ne s’arrête guère à montrer le fruit de cette histoire. Sachons donc qu’il ne explique pas ici tous les propos que saint Pierre a tenus, mais seulement il montre de quelles choses il a traité. Or il nous faut ici considérer trois choses ; à savoir que c’est le propre office de Jésus-Christ d’abolir les péchés, et par ce moyen réconcilier les hommes à Dieu ; que nous obtenons la rémission des péchés par foi ; et que cette doctrine n’est point nouvelle ou forgée récemment, mais que déjà de fort longtemps elle a eu tous les Prophètes de Dieu pour témoins. Quant au premier point, si Dieu nous est apaisé en n’imputant point les péchés et offenses, il apparaît par cela qu’il a tout le genre humain en haine, jusques à ce qu’il commence à lui plaire par le pardon gratuit. Et pourtant nous sommes tous condamnés de péché, lequel nous assujettit à l’ire de Dieu, et nous rend coupables de mort éternelle. Et pour ce que nous sommes destitués de justice en nous-mêmes, nous sommes enseignés de recourir à la miséricorde et bonté gratuite de Dieu, comme au seul remède et franchise unique. Or quand il dit que les fidèles et croyants reçoivent rémission des péchés, il montre tacitement une opposition, ou plutôt correspondance qui est entre Dieu et eux. Car il faut nécessairement que Dieu l’offre de soi-même, afin que puis après les fidèles la reçoivent. Et quand il dit qu’elle est donnée par le nom de Jésus-Christ, il signifie que par le moyen du seul Seigneur Jésus nous retournons en grâce avec Dieu ; à savoir d’autant qu’il l’a apaisé une fois par sa mort ; ou bien (comme on dit communément) que c’est moyennant Christ seul, et sans aucuns autres moyens, que nous obtenons rémission des péchés. Satan n’a jamais peu ôter du cœur des hommes le sentiment de leur péché, et qu’ils sont coupables, de sorte que toujours ils ont eu quelque souci de demander pardon à Dieu. Mais comme ainsi soit qu’il n’y eût qu’un seul moyen pour obtenir pardon, les pauvres misérables étant séduits par les illusions de Satan, se sont forgé de merveilleux labyrinthes, par les circuits desquels ils n’ont cessé de se travailler et tracasser en vain. Et voici la première erreur qui les a détournés du droit chemin, à savoir qu’ils se sont efforcés de mériter le pardon qui est offert gratuitement, et lequel est reçu par la foi seule. Puis après on a inventé un nombre infini de purgations, par lesquelles on a pensé satisfaire à Dieu. Il est vrai que la source de celles-ci est venue de la parole de Dieu ; mais en lieu que Dieu en commandant aux Pères les sacrifices et oblations, et les cérémonies des purifications, figurât Jésus-christ, les hommes aveugles et profanes laissant là Jésus-Christ derrière, et suivant une ombre vaine, ont corrompu et abâtardi tout ce qui était de Dieu en ces purgations. Par quoi, quand il est question de toutes les purgations desquelles les Gentils ont jamais usé depuis le commencement du monde, et celles desquelles les Turcs et les Juifs usent aujourd’hui, on les peut opposer à Jésus-Christ comme choses du tout contraires. Les Papistes ne sont point meilleurs, sinon qu’ils arrosent leurs satisfactions du sang de Jésus-Christ ; mais en ceci ils font trop à rebours, que ne se contentant point du seul Seigneur Jésus, ils s’amassent de tous côtés dix mille moyens de purgations. Par quoi, quiconque désire être participant de la rémission des péchés, qu’il ne se détourne de Jésus-christ tant peu que ce soit. Quand nous entendons qu’en croyant on reçoit la rémission des péchés, il nous faut entendre quelle est la vertu et la nature de la foi ; comme il est certain que saint Pierre a traité amplement comment il faut croire à Jésus-Christ. Or ce n’est autre chose, sinon le recevoir d’une droite affection de cœur, tel qu’il nous est proposé et offert en l’Evangile. Ainsi la foi dépend des promesses.

Nonobstant il semble bien que S. Pierre procède mal, vu que de deux choses principales que Christ nous a apportées, il n’en explique que l’une. Car ici il ne fait nulle mention de la repentance et nouvelle vie, laquelle on ne doit laisser passer en la somme de l’Evangile. Mais la réponse est facile, que la régénération de l’Esprit est comprise sous la foi, comme aussi elle est l’effet de celle-ci. Car nous croyons au Fils de Dieu, en partie afin qu’il nous réconcilie et remette en la grâce du Père par l’imputation gratuite de justice ; en partie afin qu’il nous sanctifie par son Esprit. Et nous savons que notre bon Dieu nous adopte pour ses enfants à cette condition, qu’il nous gouverne par son saint Esprit. Saint Pierre donc s’est contenté de montrer comment les hommes qui de leur nature étaient aliénés de Dieu, retournent en grâce avec lui.

Quant au troisième membre, il n’est pas besoin de raconter tous les passages des Prophètes, où ils proposent Jésus-Christ pour Médiateur, lequel obtenant pardon pour nos péchés, nous rende Dieu propice et favorable. Mais c’est comme ils ont toujours accoutumé d’enseigner, et comme la règle de leur doctrine, de ramener tous les fidèles a cette alliance qu’il avait faite avec Abraham, interposant le Médiateur. Au reste, c’est un article duquel la connaissance est bien nécessaire ; que la grâce qui a été finalement manifestée en Jésus-Christ, c’est celle même que la Loi et les Prophètes proposaient en espérance aux Pères. Et principalement ceci a grandement servi à Corneille et ses semblables, qui étaient abreuvés de la révérence de la Loi et des Prophètes, afin qu’ils sachent que ce qui avait été attesté par les oracles des Prophètes, était de fait et à la vérité accompli en Jésus-Christ. Afin donc que les ministres de l’Eglise aient une forme d’enseigner accordante avec les Prophètes, qu’ils tâchent de magnifier Christ par leur prédication, qu’ils témoignent assiduellement que c’est de lui seul de qui il faut attendre la justice, laquelle consiste en la rémission gratuite des péchés. Et c’est bien une autre antiquité que toute celle que les Papistes montrent, quand au lieu de ce grand prix du sang de Jésus-Christ ils mettent en avant avec grande vanterie leurs inventions puantes de leurs satisfactions.

10.44

Comme Pierre prononçait encore ces mots, l’Esprit saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole.

Maintenant Dieu renferme par un nouveau miracle, que la doctrine de son Evangile est aussi bien commune aux Gentils qu’aux Juifs. Et même ceci est un sceau excellent de la vocation des Gentils. Car Dieu n’eût jamais conféré les grâces de son Esprit aux Gentils, si ce n’eût été pour donner à connaître qu’eux aussi étaient reçus en participation de son alliance. Il est vrai que les dons desquels S. Luc fait mention, sont différents de la grâce de régénération ; toutefois il ne faut nullement douter que Dieu n’ait par ce moyen scellé tant la doctrine de S. Pierre, que la foi et religion de ceux qui l’avaient entendu parler. Il explique qu’ils ont tous reçu le Saint Esprit ; comme nous avons vu ci-dessus, qu’ils étaient tous bien disposés à apprendre et rendre obéissance. Or ce signe visible nous représente comme en un tableau de quelle efficace est la prédication de l’Evangile, et quel organe c’est de la puissance Divine. Car comme encore S. Pierre parlait, il a répandu son Esprit, pour montrer qu’il n’envoyait point les docteurs pour battre l’air d’un son inutile de paroles, mais afin qu’il travaille puissamment par leur voix, et la vivifie par la vertu de son Esprit au salut des fidèles. Suivant cela saint Paul rappelle aux Galatiens, qu’ils ont reçu le saint Esprit par l’ouïe de la foi, Galates 3.2. Et il dit ailleurs, qu’il est ministre de l’Esprit, et non point de la lettre, 2 Corinthiens 3.6.

Il est vrai qu’il y a déjà longtemps, qu’il n’y a plus de don des langues ni autres semblables en l’Eglise ; mais l’Esprit d’intelligence et de régénération dure et durera toujours ; lequel le Seigneur conjoint avec la prédication externe de l’Evangile, afin qu’il nous entretienne en la révérence de sa Parole, et remédie aux rêveries pernicieuses, desquelles on tas d’esprits fantastiques s’enveloppent, quand laissant là la Parole, ils forgent je ne sais quel Esprit volage et errant. Au surplus, il n’adviendra pas toujours que tous ceux qui aient la parole d’un homme, reçoivent en même temps le saint Esprit ; et peu souvent aussi les Ministres rencontrent de tels auditeurs que trouva saint Pierre, qui soient d’une même volonté et accord à suivre Dieu. Toutefois Dieu fait que tous les élus sentent en eux un consentement entre la parole externe et la vertu secrète du saint Esprit.

10.45

Et tous les fidèles circoncis, qui étaient venus avec Pierre, furent dans l’étonnement de ce que le don du Saint-Esprit était répandu aussi sur les païens.

Il appelle fidèles ceux qui toutefois étaient encore détenus en une erreur perverse. Ainsi advient-il que le Seigneur ne repurge pas du premier coup ses fidèles de toutes taches d’ignorance, lesquelles toutefois n’obscurcissent point devant Dieu la louange de la foi, d’autant que pardonnant les ignorances qui y sont, il la tient pour agréable comme si elle était du tout pure et nette. Mais c’est merveilles, que combien qu’ils sachent que S. Pierre fut envoyé de Dieu, néanmoins ils sont maintenant étonnés comme d’une chose nouvelle, voyant que Dieu conférait la grâce de son Esprit à ceux auxquels il avait voulu que Jésus-Christ fut déjà annoncé. Mais cela procède du soudain changement ; que comme ainsi soit que Dieu eût jusques à ce jour séparé de son peuple les Gentils comme étrangers et profanes ; maintenant il leur fait une même grâce, et les élève à un même degré d’honneur. Combien que nous sommes en même temps exhortés par cet exemple, combien il est difficile de nous dépêtrer des erreurs que nous avons une fois conçues ; et principalement quand nous y avons été longuement détenus.

10.46

Car ils les entendaient parler en langues et magnifier Dieu.

Il exprime quels dons du saint Esprit ont été répandus sur eux, et en même temps il dénote l’usage ; à savoir qu’ils ont reçu diversité de langages, afin qu’ils louent Dieu en plusieurs langues. On peut aussi recueillir de ce passage, que la diversité des langages n’a point été seulement donnée pour la nécessité, quand il fallait prêcher l’Evangile aux gens de pays étrangers, et qui avaient autre langage que les Juifs ; mais aussi pour ornement et magnificence de l’Evangile. Mais depuis l’ambition a corrompu ce second usage ; comme ainsi soit que plusieurs aient transféré à pompe et ostentation ce qu’ils avaient reçu pour montrer magnifique l’excellence de la sagesse céleste ; comme S. Paul reprend aigrement ce vice chez les Corinthiens. Par quoi ce n’est pas de merveille si bientôt après Dieu a ôté a son Eglise ce don qu’il lui avait fait, et n’a permis qu’il fut plus longtemps corrompu par l’abus des hommes.

10.47

Alors Pierre reprit : Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ceux-ci, qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous ?

Saint Pierre déduit ici un argument de la chose signifiée au signe qui la signifie. Car comme ainsi soit que le baptême soit une dépendance de la grâce spirituelle, celui qui a reçu le saint Esprit est en même temps idoine à recevoir le baptême. Et c’est l’ordre légitime, que le ministre admette et reçoive au signe externe ceux que Dieu a attesté être ses enfants par le gage et les arrhes de son Esprit. En cette sorte la doctrine et la foi tiennent la première place. Or quant à ce qu’aucuns hommes ignorants infèrent de ceci, que les enfants ne doivent être reçus au baptême, il n’y a nulle raison en cela ni apparence. Je confesse bien que ceux qui sont étrangers à l’Eglise, doivent être enseignés avant que le signe d’adoption leur soit conféré ; mais quant aux enfants des fidèles qui naissent en l’Eglise, je dis qu’ils sont domestiques du Royaume de Dieu dès le ventre de la mère. Et qui plus est, je rejette contre ceux-là l’argument même qu’ils font contre nous tout à rebours. Car puis qu’ainsi est que Dieu a adopté les enfants des fidèles avant qu’ils naissent, je conclus par cela qu’il ne les faut point frauder du signe externe. Autrement les hommes présumeront de leur ravir ce que Dieu leur a octroyé et donné. Et quant à la grâce manifeste du saint Esprit, il n’y a nul inconvénient si en ceux-ci elle vient après le baptême. Or tout ainsi que ce passage ne favorise nullement à leur erreur ; aussi repousse-t-il vivement la folle superstition des Papistes, lesquels veulent attacher la grâce du Saint Esprit aux signes, et la pensent faire descendre du ciel par leurs conjurations ; comme les sorciers pensaient anciennement tirer la lune de sa place par leurs charmes. Or au contraire, puis que saint Luc explique que ceux qui n’avaient reçu encore le baptême, ne laissaient point d’être doués de la grâce du Saint Esprit, il montre bien que l’Esprit n’est point enclos au baptême. Finalement, il nous faut noter que pour conférer le baptême, les apôtres se sont contentés d’eau seulement. Et plût à Dieu que ceux qui sont venus puis après, eussent retenu et gardé cette simplicité, et qu’on n’eût point amassé deçà et delà tant de fatras, desquels le baptême est farci en la Papauté. Ils ont ajouté l’huile, le sel, le crachat et le cierge ; et pensent bien que la dignité du baptême est bien réparée par tels fatras. Mais plutôt ce sont autant de souillures puantes et ordures infectes, lesquelles corrompent la vraie et naïve ordonnance de notre Seigneur Jésus-Christ.

10.48

Et il ordonna qu’ils fussent baptisés au nom de Jésus-Christ. Alors ils le prièrent de demeurer quelques jours avec eux.

Il n’a point été nécessaire que le baptême ait été administré par la main de saint Pierre ; (comme saint Paul aussi atteste qu’il ne baptisa à Corinthe que bien peu de gens, 1 Corinthiens 1.14 car d’autres Ministres pouvaient bien faire cet office. Quant à ce qu’il dit, au nom du Seigneur, cela ne doit être restreint à la forme, comme nous avons dit au chapitre III. Mais pour ce que Christ est le but propre du baptême, à cette cause il est dit que nous sommes baptisés en son nom. Finalement, quand saint Luc dit que Corneille et ses parents prièrent saint Pierre de demeurer quelques jours, il loue le désir qu’ils avaient de profiter. Il est vrai qu’ils avaient reçu le Saint Esprit ; mais ils n’avaient point encore tellement profité, qu’ils n’eussent besoin d’être confirmés. A leur exemple aussi, toutes les fois que l’occasion de profiter se présente à nous, il nous en faut user diligemment ; et ne soyons point enflés de présomption qui nous ferme l’entrée d’avancer en la doctrine.

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