La conclusion doit être vive et animée, pleine de belles et grandes figures, aboutissant à émouvoir les passions chrétiennes, comme sont l’amour de Dieu, l’espérance, le zèle, la repentance, la condamnation de nous-mêmes, le désir de nous corriger, la consolation, l’admiration des biens éternels, l’attente de la félicité, le courage et la constance dans les afflictions, la fermeté contre les tentations, la reconnaissance envers Dieu, le recours à lui par la prière, et tels autres semblables mouvements.
Il y a trois sortes de mouvements : les violents, les tendres, et les élevés. Les violents sont par exemple, l’indignation, la crainte, le zèle, le courage, la fermeté contre les tentations, la repentance, le mépris de nous-mêmes, etc. Les tendres sont, par exemple, la joie, la consolation, la reconnaissance, la prière, etc. Les élevés sont, l’admiration de la majesté divine, ou des voies de sa providence, l’admiration de la gloire de son paradis, l’attente de ses biens, etc.
Il y a quelques passions chrétiennes qui peuvent être excitées, ou par une voie tendre, ou par une voie violente. Et telle est la repentance, pour laquelle on peut employer des motifs extrêmement tendres et touchants, comme ceux qui sont pris de l’amour et de la bonté que Dieu nous a témoignée, et que nous avons traitée si indignement. On y peut aussi employer les mouvements violents, comme la censure, la représentation du nombre et de l’énormité des péchés qui règnent au milieu de nous, l’horreur de notre ingratitude, la frayeur des jugements de Dieu qui nous menacent, la justice de ses verges et de ses châtiments qu’il a déployés sur nous etc. Telle est aussi la fermeté contre les tentations ; car on peut employer pour cela les mouvements tendres, comme sont la représentation de la vanité des promesses et des espérances du monde, qui ne sont que de fausses et trompeuses images ; la considération du misérable état où tombent ceux qui abandonnent leur première vocation ; celle de la dignité d’enfants de Dieu à laquelle il nous a appelés ; celle des biens éternels que nous attendons pour le prix de notre persévérance ; celle de la joie dont un homme de bien est rempli, quand il a remporté quelque belle victoire sur les tentations. On y peut aussi employer les mouvements violents, comme sont l’aspiration d’une sainte fierté, pour soutenir les efforts du monde ; le mépris de ses desseins et des forces qu’il déploie contre nous ; l’espérance ou plutôt l’assurance inviolable que nous avons, que toutes les puissances de la terre, jointes ensemble, ne nous sauraient ébranler. Ce qui est le mouvement de saint Paul sur la fin du chapitre huit des Romains :
Qui est-ce qui nous séparera de la dilection de Christ ? Sera-ce oppression, ou angoisse, ou persécution, ou famine, ou nudité, ou péril, ou nudité ? Ainsi qu’il est écrit, nous sommes livrés à la mort pour l’amour de toi tous les jours, et sommes estimés comme des brebis de la boucherie. Au contraire, en toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni puissances, ni choses présentes, ni choses à venir, ni hautesse, ni profondeur, ni aucune autre créature, ne nous pourra séparer de la dilection de Dieu, qu’il nous a montrée en Jésus-Christ notre Seigneur.
La conclusion doit être diversifiée, je veux dire qui ne se faut pas contenter d’y émouvoir une seule passion chrétienne, il faut en toucher plusieurs, et donner à chacune une juste longueur de discours, afin de donner lieu à la passion de s’exciter. Il ne faut pourtant pas y demeurer trop longtemps, mais lorsqu’on sent que l’on a produit son effet, il faut passer à une autre passion. Ainsi la conclusion doit être composée, pour le moins, de quatre ou cinq réflexions que l’on puisse faire naturellement sur le texte ; soit qu’elle soit générale sur tout le texte, soit qu’elle soit particulière sur les parties auxquelles on l’a divisé. Et s’il se peut, il faut mettre ces réflexions dans un tel ordre, que les moins fortes et les moins sensibles soient les premières ; et les plus fortes, les dernières, afin que le discours aille toujours en croissant. Je crois pourtant que ce serait un vice, que de finir par un mouvement trop violent, comme sont ceux de la crainte, ou de l’indignation, ou d’une griève censure. Il vaut mieux finir par un mouvement tendre, ou bien par un mouvement élevé. On peut et on doit même tâcher de mêler dans une même conclusion de différents mouvements, c’est-à-dire, de violents, de tendres, et d’élevés, afin que l’on puisse remuer plusieurs passions de divers genres.
La conclusion aime quelquefois les exemples, les similitudes, les sentences courtes et fortes, les subtilités d’une belle imagination ; et en un mot elle peut quelquefois n’être ni si chaste, ni si bien réglé, que le corps de la tractation où il faut être plus juste. Ainsi il n’y aura point de mal quand un prédicateur dans la conclusion s’abandonnera au feu de son esprit, pourvu qu’avec tout cela il ne dise rien d’extravagant, ni de trop emporté ; rien qui sente trop l’enthousiasme, où la déclamation.