Nous avons donné, en partie, l’explication de cette parabole, à propos de celle qui précède, et montré quel rapport existe entre elles. Nous voyons ici quelqu’un qui cherche la vraie sagesse, au lieu de la rencontrer simplement, par hasard, comme celui qui trouve le trésor. « Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. » Le but de ses efforts est de les trouver ; il s’agit donc d’une intention positive, d’une recherche persévérante. Celui qui fait cette recherche a un but très précis, auquel il consacre toute son énergie, étant assuré que l’homme n’a pas été créé pour la vanité, qu’il doit y avoir un trésor de paix pour lui, un bien qui satisfera tous les besoins de son cœur ; il ne veut se donner aucune relâche, jusqu’à ce qu’il ait trouvé ce bien. Il ne sait pas, au début, que ce bien est unique, car il cherche plusieurs belles perles, mais il l’apprendra plus tard. On doit se rappeler, pour bien apprécier notre parabole, la valeur des perles dans l’antiquité ; elles coûtaient des sommes considérables. Ayant quelquefois des défauts qui en diminuaient le prix, il était nécessaire que le marchand fût habile, perspicace, pour ne pas se laisser tromper. Il y a beaucoup de perles de qualité inférieure, mais le marchand de la parabole cherche de « belles » perles, et représente celui qui se propose un but élevé, longtemps avant de trouver la perle de grand prix. Ne recherchant pas le plaisir, ou le gain ou une position élevée dans le monde, il recherche la sagesse, il est un admirateur du beau dans la nature ou dans l’art, et pense y trouver la satisfaction de ses désirs. « Mais ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en est allé, et a vendu tout ce qu’il avait, et l’a achetée. »
Qu’est-ce que cette « perle de grand prix ? » On a répondu de diverses manières à cette question ; toutes ces réponses peuvent se résumer en une seule. Soit que la perle représente le royaume de Dieu dans le cœur, ou la connaissance de Christ, ou Christ lui-même, c’est toujours, au fond, la même chosek. Le marchand, après avoir trouver cette perle excellente, « s’en est allé et a vendu tout ce qu’il avait, et l’a achetée. »
k – Origène renvoie ici à Matthieu 17.5-8 ; 2 Corinthiens 3.10. Saint Augustin compare Christ à la perle.
Nous avons déjà vu ce que signifie l’action de vendre ; pour comprendre le sens du mot acheter, ici, il faut comparer Ésaïe 55.1 ; Matthieu 25.9-10 ; Apocalypse 3.18, et Proverbes 23.23 : « Achète la vérité et ne la vends pas, » acquiers-là à n’importe quel prix et que rien ne puisse t’en séparer. Chrysostome fait ressortir l’opposition entre la perle unique que le marchand trouve et les nombreuses perles qu’il cherchait. Le même contraste se retrouve ailleurs : Marthe s’inquiète de beaucoup de choses ; Marie a trouvé la seule chose nécessaire (Luc 10.41, 42). Il n’existe qu’une seule perle semblable (quoique chacun puisse l’obtenir ) puisque la vérité est une, comme Dieu est Un ; et la vérité acquise rend l’unité au cœur de l’homme, cette unité que le péché a détruite. Le cœur, après avoir été comme un miroir brisé en une foule de fragments, chaque fragment réfléchissant un objet particulier, a retrouvé son unité et reproduit l’image de Dieu. C’est en Dieu seul que la créature intelligente peut trouver son centre et son vrai repos, selon la parole d’Augustin : « Seigneur, tu nous as faits pour Toi, et notre cœur est agité jusqu’à ce qu’il repose en Toi. »
Avant de quitter cette parabole, il peut être utile de mentionner une interprétation assez étrange. D’après elle, le marchand qui cherche de belles perles serait Christ lui-même. L’Église des élus est la perle de grand prix ; pour l’acquérir, Christ a quitté tout ce qu’il avait, s’est dépouillé de sa gloire divine et a pris la forme de serviteurl. Ou encore, la perle est le royaume des cieux, mais, Christ est le marchand qui, pour nous acquérir ce royaume, s’est fait pauvre, achetant cette perle pour nousm.
l – Salmeron applique cette interprétation à la parabole précédente : « L’homme qui a trouvé le trésor, c-à-d l’Église des élus, c’est Christ Lui-même, Lui qui a vendu tous ses biens pour gagner le grand trésor que son les saints. »
m – Ainsi Drexelius : « Qui est le véritable marchand, sinon Christ le Seigneur ? Lui qui a donné le prix infini de son sang précieux. En vérité, il est allé et a vendu toutes choses : sa réputation, son sang, sa vie, afin de pouvoir acheter le Ciel pour nous.