Anwoth, 19 septembre 1632
Très chère dame en Christ notre Seigneur,
Vous n’ignorez pas dans quel dessein le Seigneur a éprouvé votre âme ; lors même que la route vous a paru ténébreuse, elle ne vous a pas moins conduite à la gloire. Vous avez entrevu l’entrée du sépulcre, mais votre Sauveur bien-aimé n’a pas jugé bon de vous y laisser pénétrer avant que vous eussiez encore un peu combattu dans son armée. Ce qu’il exige de vous à cette heure, c’est que vous renforciez votre armure de telle sorte que ni Satan ni le monde ne puissent la briser. Vous n’avez rien de commun ni avec l’un ni avec l’autre, et quand l’un des deux viendra pour se disputer votre âme, vous les repousserez en disant : Vous venez trop tard, il y a longtemps que mon âme est liée à un autre, elle est à mon cher Jésus et je désire lui demeurer fidèle. Que votre cœur ne se trouble point lorsque vous entendez dire que le monde adresse ses injures à ceux qui sont en Christ. Le monde vous hait et vous maltraite parce que le Seigneur vous a mise à part. Un voyageur en pays non civilisé doit s’accommoder d’un mauvais gîte, d’une nourriture insuffisante, d’un lit dur et des rudes propos d’un hôte grossier ; mais qu’est-ce qu’une journée ? demain il poursuivra sa route sans plus s’inquiéter de ces ennuis passagers. Une belle matinée s’approche, l’étoile du matin va se lever et nous ne sommes pas éloignés de notre demeure. Une fois arrivés, qu’importe la misère des tentes qui nous auront abrités durant cette misérable vie. Notre demeure n’est pas ici-bas ; il est un lieu où nous serons reçus à bras ouverts par Celui qui nous attend. C’est alors que, revêtue de la robe nuptiale, la tête couronnée et toujours en présence de votre très cher Seigneur et Rédempteur, vous suivrez votre bien-aimé Jésus partout où Il ira ; vous ne songerez guère alors au temps actuel, vous vous réjouirez, et nul ne vous ravira votre joie.
Nos heures ici-bas s’écoulent rapidement, nous touchons au jour du Seigneur. Jusqu’à ce que ce moment arrive, Il daigne vous accorder de petites distractions. Il est vrai que vous ne le voyez pas tel qu’Il vous apparaîtra un jour. « Debout, derrière le mur, votre bien-aimé regarde à la croisée » (Cantique des cantiques 2.9). A peine l’apercevez-vous. Mais alors vous verrez face à face le plus beau des fils des hommes. O joie suprême ! quel aliment préparé à nos âmes ! puissions-nous, dès à présent, être affamés de Christ, et plus d’une fois tout oublier pour Lui. Ne craignez rien, le repas du Seigneur sera servi à temps.
Tenez toujours votre cœur en éveil dans l’attente de ce bel été qui n’aura point de fin, car pendant l’hiver de votre vie, qui durera aussi longtemps que vous serez dans ce corps, les rayons lumineux de Christ éclairent sa Parole, ainsi que vos prières, vos pensées et le chemin de la cité d’en haut. Oui, ici-bas nous vivons dans le jeûne et l’abstinence, nous goûtons à peine les mets du Seigneur ; ce n’est pas que Jésus soit avare de ses biens, mais nos estomacs sont délicats et nos cœurs endurcis. Mais voici venir la grande fête en laquelle nous serons au large, parés et élevés pour recevoir notre Seigneur. Viens donc, cher Jésus, nos âmes sont affamées de ta présence, elles soupirent après Toi. Pendant le voyage, aidez-vous de I’Époux, ne repoussez aucune des petites douceurs qu’Il daignera vous accorder. Mais, chère dame, n’achetez aucune des délicatesses dont Christ vous environne au prix du péché, et ne jeûnez pas au détriment de votre corps affaibli. Souvenez-vous que vous habitez une maison qu’Il vous a louée. Faute de soin, n’en laissez pas tomber en ruine les vieilles murailles, ce serait offenser le Seigneur. Votre corps est la demeure terrestre de l’Esprit-Saint. Si donc vous aimez ce doux hôte, vous soignerez sa demeure de boue. C’est à Lui qu’il appartient de détruire l’enveloppe, souhaitez-Lui alors la bien-venue. C’est un grand péché d’affaiblir le corps par le jeûne, d’ébranler une seul pierre ou une des moindres pièces qui en composent l’édifice. Car la maison n’est pas à nous, tant que l’Époux est encore avec nous : faites donc en sorte de pouvoir toujours vous réjouir en Lui.
Je m’occupe aussi de vos magistrats. Mais Celui qui est vêtu de lin a déjà inscrit leurs noms dans les cieux ; priez et acceptez joyeusement sa volonté. Dieu tient conseil dans le ciel, et le décret qui en émanera sera tout de miséricorde pour vous. Quant à la fondation de votre ville avec un saint ministère, demeurez l’œil fixé sur la moisson du Seigneur : je vous promets que, dès cette vie, Dieu donnera à votre âme tout ce qui lui est bon, eu égard aux enfants de Christ que vous deviez nourrir. Vous saurez un jour combien j’ai prié, afin que miséricorde fût faite à ceux qui aiment la Jérusalem vivante. Si Dieu les place au milieu de ses enfants, qu’ont-ils de plus à attendre ? il en sera ainsi, j’espère. Veuille le Seigneur Jésus être avec votre esprit.