1. Dieu est le fondement de toute morale, car il est la source de tout bien. Sans Dieu, la vie morale ressemble à une pierre qui peut être très belle, mais qui n'en est pas moins froide et inanimée. Seul l'homme qui reste en communion ininterrompue avec Dieu peut progresser dans le bien et la vérité qui confèrent à son âme sa vraie beauté. Celui qui ne place pas sa confiance en Dieu ressemble à l'un de ces bancs de sable mouvants qui se trouvent ici un jour, là un autre jour, toujours à la merci des vents et de la violence de la tempête qui les met en mouvement, ne leur permettant pas de se fixer et de demeurer dans un lieu.
2. En vivant en la présence de Dieu, en apprenant à Le connaître, nous apprenons également à connaître notre nature et notre être. Privés de cette expérience nous demeurons dans l'ignorance de notre vrai moi. Le philosophe chinois Chuang Tou a dit : « je rêvais une fois que j'étais un papillon volant ici et là comme le font les papillons. Tout à coup je me réveillai et je me retrouvai moi-même. Maintenant j'ignore si j'étais bien un homme rêvant qu'il était un papillon ou si je suis en ce moment un papillon rêvant qu'il est un homme. Mais alors pensez bien à ceci : Si un homme n'a pas une connaissance sûre de ce qu'il est, comment sera-t-il capable d'établir une distinction entre ce qui est bon et mauvais, entre la vertu et le vice ?
3. Confucius a une étrange conception de la justice et de la morale. Un des princes régnant se vantait auprès de lui de la haute moralité qui régnait dans son état. « Chez nous, disait-il, vous trouverez des hommes intègres et droits. S'il arrivait, par exemple à un père de voler une brebis, son fils témoignerait contre lui. » Dans la partie du pays où je vis, répondit Confucius, nous avons une autre conception des choses. Un père cachera son fils et un fils son père et c'est de cette manière que la justice est établie.
Confucius a dit aussi : « un homme sans reproche à l'égard des grands principes de la conduite humaine peut être facilement excusé lorsqu'il s'agit de fautes peu importantes. » Comparez à cela l'enseignement du Christ qui a déclaré : « Celui qui est fidèle dans les petites choses, l'est aussi dans les grandes et celui qui est injuste dans les petites choses, l'est aussi dans les grandes » (Luc XVI, 10). L'enseignement que Confucius a donné sous une forme négative : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'il vous fut fait », le Christ l'a donné sous forme affirmative : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur vous-même d'abord » (Matthieu VII, 12). Il y a bien des actes qu'il n'est pas possible de faire sans commettre de péchés, mais il y en a tout autant qu'il n'est pas possible de laisser inaccomplis sans pécher. Ainsi par exemple, en n'aimant pas le Seigneur notre Dieu de tout notre cœur, de toute notre pensée et en n'aimant pas notre prochain comme nous-mêmes, nous péchons.
4. La vraie beauté spirituelle ne se trouve que dans l'amour illimitée, la gloire et la bonté de Dieu. Mais comme Dieu est présent partout dans sa création, son active participation se manifeste dans différentes formes de beauté physique. En d'autres termes, nous croyons pouvoir dire que dans le monde, dans la Création, la beauté physique n'est que le reflet ou l'image d'une beauté spirituelle intérieure cachée. Emerson ne disait-il pas : « Tout ce qui apparaît dans la nature correspond à un état d'esprit et cet état d'esprit ne peut être décrit que par l'image qui se présente à nous. » Carrit dit : « Elle (la beauté) est le sel sans lequel la vie serait insipide. » Cette beauté est en tous lieux la manifestation de la vérité et de la bonté : dans une fleur ou dans un fruit, dans une montagne ou dans un lac, dans la poésie ou dans la prose, dans la peinture, dans la musique ou dans les bonnes œuvres. Lorsque cette beauté réveille des sentiments endormis ou comprimés en nous, nous pouvons jouir, mais seulement dans les limites de notre capacité d'appréciation. Comme les prophètes au moment où ils allaient se mettre à prophétiser trouvaient dans la musique une source d'inspiration qui les aidait à révéler la vérité (I Samuel X, 5 ; XVI, 23 ; II Rois III, 15), nous éprouvons que la beauté de la musique dirige nos cœurs vers la vérité et pousse à l'adoration ceux qui sont capables d'en ressentir les effets.
5. Le rapport entre la morale et la beauté est fondamental, car à la source de la morale et de la beauté se trouve la vérité. C'est pourquoi ces deux choses se rencontrent chez tous ceux qui possèdent la vérité. La beauté, il est vrai, existe chez d'autres êtres animés et même dans des choses inanimées. Or, si ces attributs ne se trouvent pas chez l'homme qui est supérieur à toutes les autres créatures, c'est qu'en réalité il est inférieur aux créatures qui, par nature, lui sont inférieures, ainsi qu'aux choses inanimées. La faute en est au péché qui a travaillé en l'homme d'une manière invisible, avilissant sa vraie nature. L'action des belles et bonnes vies de ceux qui aiment la Vérité se fera sentir d'une manière visible ou invisible.
Un jour, me rendant au Tibet, je m'arrêtai dans un village. Les gens n'ayant pas de grandes habitudes de propreté, n'étaient pas lavés ; ils étaient très sales. Je remarquai un garçon qui m'examinait attentivement. Je le vis étendre les mains pour les comparer aux miennes. Il ne dit rien, mais au bout de peu de temps, je le vis disparaître pour aller se laver à un cours d'eau. Il revint et compara ses mains, lavées cette fois, avec les miennes. Sans que je lui parle, ce garçon avait été impressionné par la propreté de mes mains et immédiatement le désir était né en lui d'avoir aussi des mains propres. C'est ainsi que nos vies sanctifiées par le contact de notre Père Céleste exercent une influence silencieuse sur ceux qui nous entourent. Nous comprenons alors combien il est nécessaire que nos vies reflètent les vertus et la gloire de notre Père Céleste (Matthieu V, 16 ; I Pierre II, 9).