Que votre oui soit oui. Que votre non soit non. Ce qu’on y ajoute vient du malin. Abstenez-vous de menaces …
Nous venions de quitter la capitale et le train avait déjà atteint son régime de croisière. En face de moi, une jeune maman se débattait avec son gamin joufflu qui refusait de tenir en place malgré l’abondance des illustrés dont il était pourvu. L’enfant – quatre à cinq ans – régnait dans le compartiment. Il grimpait tel un fou sur la banquette avec ses grosses chaussures pour en redescendre aussitôt, jouant des pieds et des coudes sans égard pour les voisins immédiats occupés à parer les coups. De temps à autre et pour changer un peu, il s’en prenait à la porte à glissière qu’il manœuvrait nerveusement en la faisant grincer, puis se ruait dans le couloir pour réapparaître et rejoindre sa place en trombe. Mes compagnons de voyage souriaient avec indulgence, sans doute pour s’éviter le désagrément d’exprimer leur mécontentement. La mère « ne vivait pas ». Les bonbons, les supplications n’apaisaient pas son « petit ange », pas plus que les menaces dont elle usait abondamment. Tout son répertoire y passait :
— Voyons Thomas ! Si tu tires la porte une fois de plus, je t’administre une fessée devant tout le monde.
— Ne mets donc pas les pieds sur la banquette sinon j’appelle le contrôleur qui te grondera.
— Si tu continues à t’agiter, tu seras privé de goûter …
La dame avait l’imagination fertile pour allonger la liste des châtiments à venir, mais le gosse se comportait comme si cette pluie de menaces signifiait en réalité : « Vas-y mon gars ! Fais le fou. Perturbe le compartiment … Je te donne raison et je crie pour la forme ».
Thomas poursuivait son petit jeu parce qu’il savait sa mère incapable de mettre à exécution une seule de ses paroles. Les menaces gratuites sont, par excellence, les armes inefficaces des parents impuissants. Or, menacer sans sévir, c’est mentir. Et qui pourrait prendre au sérieux un menteur ? Un enfant ? Surtout pas.
Imitez cette maman et vous perdrez, comme elle, toute autorité. Vos paroles seront sans effet et votre enfant éprouvera un malin plaisir à vous ridiculiser devant les autres. Votre impuissance éclatera aux yeux de tous et le jour viendra où votre rejeton vous méprisera sans vergogne. Non, si vous promettez une fessée, donnez-là ; sinon qu’il n’en soit pas question. Ne mentez pas à votre enfant.
D’ailleurs, que vos menaces soient exceptionnelles. Votre fils ou votre fille devrait savoir une fois pour toutes que vous exigez d’être obéi et qu’il lui en couterait de ne pas obtempérer.
Les parents impuissants commettent une autre erreur aux résultats identiques : celle de promettre à tout bout de champ des gâteries ou des cadeaux afin d’obtenir des bribes d’obéissance :
— Si tu te tiens tranquille, je t’achèterai des glaces comme tu les aimes …
— Si tu vas te coucher sans grogner, je te conduirai demain au zoo …
— Si tu manges ta soupe, je te permettrai d’aller jouer tout à l’heure avec tes copains …
Déplorable méthode aux résultats peu convaincants. Là encore, l’enfant n’est pas dupe. Il obtiendra de tels parents, – il le sait fort bien – tous les cadeaux promis, même en faisant l’inverse de ce qui lui est demandé. Il ira au zoo, non lorsque maman en décidera mais quand, lui, exigera la visite. Il recevra son gâteau, ira se coucher ou mangera une orange quand il le jugera bon et sans qu’il ait besoin de se soumettre un seul instant. C’est maman qui devra obéir car ses menaces, lui, il les exécute.
N’abusez pas des promesses. Surtout, ne monnayez jamais l’élémentaire obéissance : elle doit être exigée. L’enfant obtempérera non pour recevoir un cadeau mais parce que des parents responsables doivent être obéis. Si vous parlez de récompense, que ce soit pour inciter votre fils à poursuivre une tâche difficile dans laquelle il se trouve déjà engagé, pour l’aider à renoncer à des joies légitimes, pour l’encourager à se donner aux autres. Pas pour exécuter un ordre.
Quoiqu’il en soit, « que votre oui soit oui et votre non, non ». Si vous avez promis ou menacé, exécutez-vous. Tenez parole et vous y gagnerez en autorité. Votre souci de passer aux actes vous rendra prudent lorsque vous serez tenté d’énoncer une promesse ou un avertissement. Les parjures sont plus nombreux qu’on ne croit, même parmi les chrétiens. « N’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en actions et avec vérité » (1 Jean 3.18).
LES PARENTS S’INTERROGENT