Le démon, voyant son ardeur et voulant l’entraver, fit paraître sur son chemin l’image d’un grand bassin d’argent. Antoine, comprenant la ruse de l’ennemi, s’arrêta, et voyant le démon sous la figure de ce bassin, il le confondit en lui disant : « D’où peut venir ce bassin en ce désert ? Il n’y a pas même de sentier en ces lieux, on n’y voit la trace d’aucun voyageur, et d’ailleurs celui qui l’aurait perdu n’aurait qu’à revenir sur ses pas et, en cherchant, il l’eût certainement retrouvé ; puisque ce lieu est désert, c’est là une ruse du démon. Satan, tu n’arrêteras pas mon zèle par un artifice ; que cet argent périsse avec toi. » Continuant toujours de marcher, il vit cette fois non la ressemblance de l’or, mais de l’or véritable jeté sur le chemin. Soit que ce fût le démon qui le lui présenta, soit que ce fût une plus grande puissance pour éprouver le généreux athlète, et pour montrer qu’il ne faisait aucun cas de l’or, il ne l’a pas dit lui-même et nous n’en savons rien, excepté que ce qu’il vit était de l’or. Antoine fut étonné de la grande quantité ; mais passant par-dessus comme si c’était du feu, il s’en éloigna sans même retourner la tête et se hâta de fuir jusqu’à ce qu’il fût hors de la vue de ce lieu.