Analyse du parler en langues

Chapitre 12

Les expériences

Avant d’aborder le sujet des expériences, nous prions vivement le lecteur de se référer aux pages 29 à 35, (Section – Empêché de voir) du chapitre 2 et de les relire attentivement. Ce qui maintient le plus de gens dans la croyance en la permanence et l’actualité du don des langues, c’est moins le fruit d’une connaissance biblique que l’argument, décisif selon eux, des expériences.

Souvenons-nous de la réponse de ce pasteur confronté à la Bible : “Je ne peux pas renier une expérience”. C’est ce que m’a répondu une femme catholique à qui je présentais la Bible : “Je reviens de Lourdes, ce que j’y ai vu me suffit”. De même, et au mépris des enseignements de la Bible, des amis pentecôtisants m’ont adressé une fin de non-recevoir au nom d’“évidences” qui les satisfont. C’est ce qu’on appelle le subjectivisme ou la théologie de l’expérience, plaie de notre siècle qui, telle une lame de fond, emporte avec elle une partie du peuple de Dieu. Sans doute est-on là devant une réaction à un rationalisme desséchant et mortel. À un christianisme cérébral répond maintenant un christianisme mystique où la doctrine naît de l’expérience, des émotions, des visions, de l’exaltation, du sentiment de bien-être, etc. D. Cormier, que j’ai déjà cité, a écrit : “Nous vivons dans un monde où on ne croit plus à la vérité absolue mais en des vérités relatives, subordonnées à l’expérience humaine. On met davantage l’accent sur l’expérience que sur la doctrine”. Nous en profitons pour poser la question : Que vaut une théologie dite de l’expérience qui heurte de front la Parole de Dieu ? À qui faut-il obéir ? À ce qui se déguise en ange de lumière ou à Dieu ?

Rien n’est plus sujet à caution que le sable mouvant des expériences. Que penser de cet ami qui, irrité de se voir sans cesse ramené sur le terrain des Écritures, s’est écrié : “Mais enfin ! J’ai entendu une prophétie en langue et elle s’est réalisée dans ma vie !”. Pour lui, le ciel avait parlé. En sommes-nous sûrs ? Car le ciel, et ça on en est sûr, a parlé dans la Bible, et cette expérience y est contredite. Entre une expérience qui dit que, par une langue, le ciel parle aux hommes, et la Bible qui précise le contraire, il faut faire un choix. À qui faut-il donner raison ? Job a résolu ce dilemme quand il a dit : “J’ai fait plier ma volonté à ta Parole” (Job 23.12).

Qu’est-ce que ça prouve ?

L’expérience se rencontre partout dans la vie, mais elle ne prouve pas grand-chose. En effet, il arrive aussi à l’horoscope de ne pas se tromper, et des milliers de gens sont prêts à en témoigner. Madame Soleil, la grande voyante française décédée récemment, savait dire des choses extraordinairement vraies parfois. Jeanne Dixon, la voyante Américaine, avait prédit l’assassinat du président John F. Kennedy, et une autre l’attentat contre le président R. Reagan. Les parois de la chapelle de Notre-Dame de la Garde à Marseille sont couvertes de plaquettes de reconnaissance attestant des exaucements de prières. Les béquilles et les prothèses suspendues dans la grotte de Lourdes accréditent la doctrine mariale de la médiation de Marie. Cela aussi, c’est de l’expérience. Le radiesthésiste qui indique le lieu d’un objet perdu à des centaines de kilomètres de là, rien qu’en passant son pendule sur une carte routière, ou qui diagnostique exactement une maladie sans ausculter le patient, cela aussi, c’est de l’expérience. Des milliers de gens de nos jours, se ruent sur les bracelets et autres bijoux magnétiques ; certains attestant d’un “plus” dans leur vie, leurs relations, leur santé, leurs affaires, etc. Des multitudes ont de plus en plus recours à ces pratiques parce que la réalité des expériences les empêche de comprendre le langage biblique et de voir le côté occulte et divinatoire de ces choses.

La Bible aussi rapporte quantité d’anti-expériences et nous met en garde contre elles. Car si c’est le Saint-Esprit qui parle là où il y a tant soit peu de vérité, dans quelle catégorie faut-il classer celle d’Actes 16 où une jeune fille, douée d’un extraordinaire “don” de prophétie, se met à suivre deux hommes qu’elle n’a jamais rencontrés et, pendant trois jours, crie à qui veut l’entendre, qu’ils sont des serviteurs de Dieu et qu’ils annoncent la voie du salut ? Cela aussi c’était de l’expérience enrobée de paroles évangéliques. Mais c’était un démon qui parlait et Paul lui a fait vider les lieux. Tant que cette servante pouvait dire ces vérités, elle était dans l’erreur. Ce n’est qu’une fois délivrée de ces “expériences”, et incapable de les reproduire, qu’elle fut dans la vérité. De l’expérience ! Pharaon en avait tant qu’il en voulait. Ses magiciens changeaient l’eau en sang, faisaient proliférer les grenouilles et changeaient les bâtons en serpents. C’était du vrai, de l’authentique, mais qui se cachait derrière ? Authentique aussi l’expérience de ces femmes en Jérémie 44.17-18 : “…quand nous offrions de l’encens à la reine du ciel. alors nous avions du pain pour nous rassasier, nous étions heureux, et nous n’éprouvions point de malheur. Et depuis que nous avons cessé d’offrir l’encens à la reine du ciel et de lui offrir des libations, nous avons manqué de tout…”. Quel rapport accablant pour la loi de Dieu ! L’expérience donnait raison à ces femmes contre la Bible ! Mais qu’est-ce qui détermine qu’une chose est selon Dieu ? Le témoignage même vécu ou l’autorité souveraine des Écritures ?

Démystification

Il est temps de démystifier certaines expériences qui ne sont autre chose que des dérapages de l’Écriture. Tel, par exemple, ce jeune chrétien dont les parents disent que, lorsqu’il descendait de sa chambre après être resté devant Dieu en langue, il était un peu comme Moïse qui redescendait de la montagne, transfiguré par la présence de Dieu. Alléchant témoignage mais qui ne cadre pas avec l’Écriture qui est mise à mal plusieurs fois :

  1. Il n’avait édifié que lui-même, contrairement au but de tout don.
  2. Son expérience-signe n’avait pas fait signe à “ce peuple”.
  3. La pratique privée des langues est inconnue dans le Nouveau Testament.
  4. Cela était perçu par des parents croyants comme signe de la spiritualité de leur fils, alors que le vrai signe était destiné aux non-croyants.
  5. Il s’était exprimé en langues inexistantes.
  6. Il n’avait tenu aucun compte de l’enseignement divin sur la cessation du don.

Cela fait déjà beaucoup de coups de pied donnés dans la Bible. Mais, le résultat, dira-t-on ? Ne sait-on pas que les religions orientales à caractère mystique en donnent autant et souvent plus ? N’est-il pas écrit en Ézéchiel 8.14 que des femmes, à la porte du temple de Jérusalem, étaient plongées dans une dévotion qui leur arrachait des larmes ? Nul doute qu’elles en ressentaient un bienfait et un allégement intérieur, mais c’était une idole abominable appelée Thammuz qui les faisait accéder à cette extase.

Le Père Chiniquy ne témoigne-t-il pas que dans sa vie de prêtre, les moments les plus sublimes, il les a vécus agenouillé en adoration devant l’hostie. Il en était transporté et comme transfiguré. Après sa conversion à Jésus-Christ, cette sublimation issue de l’abominable doctrine de la transsubstantiation, lui est apparue comme une idolâtrie. Et pourtant, quelle élévation, quelle exaltation devant son Bon Dieu en mie de pain, et quel témoignage de cette expérience !

Jeunes convertis, un ami et moi, lors d’un camp biblique en Alsace, nous nous sommes mis, le temps d’un après-midi, en marge de la discipline du camp, dans le désir sincère d’évangéliser le bourg voisin. Au Nom de Jésus-Christ nous avons vécu une escapade anodine et glorieuse. Nous croyions avoir fait des exploits. Sur le chemin du retour, nous étions rayonnants et légers dans notre démarche, comme portés par des anges. Du haut de notre euphorie, nous jugions le directeur du camp, pourtant homme de Dieu et d’expérience, comme ne comprenant rien à rien. Notre béatitude était notre justification. Nous étions si sûrs de nous ! N’était-ce pas du ressenti et du vécu ? Mais cette exaltation n’a pas duré et il ne nous a pas fallu longtemps pour lui coller une autre étiquette que celle de l’extase, de la révélation ou de la spiritualité. Ce n’était qu’une surchauffe mystique émotionnelle très éphémère, qui fut bientôt suivie de vague à l’âme et d’un sentiment d’échec et de frustration.

Les états d’âme élevés n’augurent rien de bon quand c’est le serpent d’airain, même biblique, qui les inspire. Depuis quand l’intensité émotive, même religieuse, est-elle synonyme de vérité et de spiritualité ? Il sera toujours vrai que Dieu préfère l’obéissance aux sacrifices (1 Samuel 15.22). Aujourd’hui surtout, où tant d’expériences psychiques et mystiques se substituent à la simple foi obéissante et la Parole de Dieu, il faut crier avec le prophète : “À la loi et an témoignage !” (Ésaïe 8.20).

La Bible nous met en garde contre la tentation de vivre par la vue, à coups de miracles, de signes, de visions et d’expériences. Ceux qui s’engagent sur cette voie dangereuse, seront une proie facile pour l’Antichrist qui vient précisément avec “toutes sortes de miracles, de signes, de prodiges mensongers et avec toutes les séductions de l’iniquité”. (2 Thessaloniciens 2.9) Son esprit satanique est à l’œuvre aujourd’hui, et son chemin est préparé dans le cœur de ceux qui, tout en se réclamant du Christ, se placent sur son terrain de prédilection.

Diagnostic et remède

Et dans l’immédiat, que de perturbations spirituelles ! Plusieurs m’ont dit leur désarroi. L’exercice de ce “don” n’était qu’une façade qui masquait la réalité d’une faillite spirituelle et morale quasi-totale. Leur glossolalie était une sorte de compensation à une vie d’échec. Ils restaient superficiels tout en ayant l’air de démontrer le contraire. Mais ils en avaient besoin pour se faire signe à eux-mêmes et ainsi se revaloriser à leurs propres yeux et aux yeux des autres. Ceux qui s’adonnaient le plus fréquemment à cette pratique, étaient atteints d’une affligeante instabilité dont ils souffraient en secret, sans oser le dire et sans en deviner la cause. Ils devaient toujours doubler la mise pour ne pas perdre la face devant les autres et pour se sécuriser vis-à-vis d’eux-mêmes. Ils tournaient en rond autour de leurs expériences, comme pris dans un cercle vicieux. Le sable mouvant des expériences mystiques – pour ne les appeler que de ce nom – les conduisait à une vie de hauts et de bas et à des sautes d’humeur imprévisibles : tantôt dans la joie, tantôt dans l’accablement. Le diagramme de leur vie était en dent de scie : assurés de leur salut aujourd’hui et en doutant le lendemain ; encensant leur pasteur le mois d’avant et le dénigrant le mois d’après changeant d’assemblée comme on change de chemise.

Le chemin qui conduit à la délivrance est le suivant : d’abord s’assurer que l’on est bien né de nouveau, que les choses anciennes sont passées et que toutes choses sont devenues nouvelles par la foi au Seigneur Jésus, seul Sauveur et seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Ensuite, faire comme le bon roi Ézéchias qui mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, c’est-à-dire apporter l’erreur d’appellation biblique et ses conséquences dans une pleine confession, tout en se réclamant du sang de Jésus-Christ (1 Jean 1.7, 9). Dieu, qui a pardonné à Israël son déraillement biblique, pardonnera aussi celui-là. La foi doit alors saisir le plein pardon et la pleine délivrance de ces forces psychiques et de leur influence déstabilisante. Aux pieds de Jésus, l’instable Légion, l’homme aux cris inarticulés, l’abonné des montagnes russes (Marc 5.5) qui finissait toujours par se retrouver en bas, trouve paix, repos, bon sens, et la puissance de présenter à ceux qui le voient et l’écoutent, un témoignage enfin cohérent.

Que l’Esprit Saint qui conduit dans toute la vérité et qui délivre de toute aliénation, libère aussi ceux qui sont encore retenus captifs de la très séduisante mais très dangereuse théologie de l’expérience.

Ray H. Hugues, surintendant de l’Église de Dieu pentecôtiste de Cleveland a écrit : “Toute expérience qui ne rentre pas dans le cadre de l’Écriture doit être stigmatisée comme fausse, si impressionnante qu’elle soit”. Si un tel homme sait dire de si bonnes choses, et en même temps admettre dans sa vie et dans son mouvement des “expériences impressionnantes” dont il ne peut discerner qu’elles n’entrent pas dans le cadre des Écritures, c’est que manifestement :

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