I. — Tous les commentateurs qui regardent le livre d’Habakuk comme ayant été composé après le règne de Jojakim, c’est-à-dire au temps de l’invasion la plus terrible des Chaldéens ou pendant l’exil, voient, dans le passage Habakuk 1.2-4, une description des ravages opérés par les Chaldéens. Le prophète, selon eux, ne se propose qu’une seule chose : annoncer, de la part de l’Éternel, la punition qui attend ce peuple grossier et pillard. Mais, comme cela ressort de notre étude, tel n’est point le sens à donner à ces trois versets.
Le prophète a, sous les yeux, le spectacle plus triste encore, d’un peuple qui avait fait alliance avec le Dieu de ses pères, et qui s’est éloigné de ce Dieu ; d’un peuple qui, pour pouvoir s’adonner plus librement au péché, a foulé aux pieds la loi qu’il avait reçue, cette loi éternelle, dictée jadis sur le Sinaï et gravée par Dieu lui-même dans le fond des consciences. C’est le règne de l’injustice et de la violence ; la discorde se lève partout ; le juste est opprimé ; de là les plaintes du prophète à l’Éternel (2-4).
A ces plaintes, l’Éternel répond qu’il va faire une grande œuvre ; il va employer, comme instrument de sa justice, le Chaldéen, cette nation impétueuse, avide de rapines et de dévastations, cette nation puissante qui parcourt l’étendue de la terre ; il va la faire venir sur Juda, et Juda recevra son châtiment. Le jugement est prononcé ; mais ces hordes étrangères, obéissant à leur orgueil et à leurs faux dieux, emportées par leur soif de ravages, feront ce qui est mal, et se rendront coupables aux yeux de l’Éternel (Habakuk 1.5-11).
Ces dernières paroles de Jehovah cachaient en elles une promesse de délivrance. Cependant, le prophète n’a pas encore compris cela ; aussi, l’irritation contre son peuple fait-elle place en lui à des sentiments de crainte. Voyant déjà, dans l’avenir, ces violences auxquelles se livreront les Chaldéens, il demande à l’Éternel, si Lui, Dieu juste, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal, permettra que cette puissance dévastatrice, qui s’adore elle-même, agisse arbitrairement, s’Il permettra qu’elle remplisse son filet indéfiniment, pour le vider et le remplir encore (Habakuk 1.12-17).
II. — Le prophète attend avec impatience la réponse divine. Placé sur la forteresse prophétique, il reçoit enfin la parole de l’Éternel, parole se rapportant, il est vrai, à un avenir encore bien éloigné, mais qui cependant, s’accomplira certainement un jour (Habakuk 2.1-3).
Le prophète alors, éclairé par l’Esprit de Dieu, comprend que le Chaldéen, à son tour, tombera sous les coups de la justice d’en Haut ; et l’Éternel, par son intermédiaire, prédit la chute du méchant. Quant au juste, la vie lui est assurée, car sa fidélité à son Dieu sera pour lui une source de vie, mais pour le méchant, les nations se moqueront de lui, et lui crieront : Malheur ! (Habakuk 2.4-6).
Malheur à celui qui a dépouillé les peuples, car il sera dépouillé (Habakuk 2.6-8).
Malheur à celui qui n’écoute que son avarice, car il a amassé la honte sur sa maison et a péché contre lui-même ! (Habakuk 2.9-11).
Malheur à celui qui emploie la violence et le crime ; sa gloire n’est que néant devant la gloire de l’Éternel ! (Habakuk 2.12-14).
Malheur à celui qui, pour assouvir ses instincts grossiers, n’emploie que des moyens honteux ; l’opprobre qu’il a versé sur les nations, retombera sur lui ! (Habakuk 2.15-17).
Malheur, enfin, à celui qui met sa confiance dans la pierre et le bois, car ces idoles ne pourront le sauver ! (Habakuk 2.18-19).
Mais, si ces idoles sont mortes, Jehovah règne dans son saint temple ; que toute la terre se taise et tremble devant lui (Habakuk 2.20).
III. — Le prophète connaît maintenant tout l’avenir ; il sait que la colère divine se manifestera ; c’est pourquoi, dans un élan de son âme, il supplie l’Éternel de se souvenir de sa justice et de sa compassion, au milieu même de sa colère (Habakuk 2.2-3).
Puis, il voit l’Éternel arrivant, comme autrefois, pour la délivrance de son peuple. Il le montre, au milieu de l’agitation des éléments, s’avançant sur son char de victoire pour sauver son peuple maltraité, et écraser le méchant (Habakuk 2.3-15).
Alors, le ravissement se brise, et le prophète reprend conscience des maux qui attendent son peuple et son pays, et qui doivent nécessairement précéder cette grande délivrance. Une nouvelle frayeur le saisit (Habakuk 2.16-17).
Mais cette frayeur ne dure pas ; la confiance en son Dieu fait bientôt disparaître toute angoisse, et le prophète termine par un chant de triomphe (Habakuk 2.18-19).
Cette analyse nous montre, d’une manière claire, deux grands moments dans la prophétie d’Habakuk, un premier moment, se rapportant à la punition de Juda et à l’élévation des Chaldéens, un second, se rapportant à l’abaissement des Chaldéens, et par suite, à la délivrance de Juda. Ces deux moments sont renfermés dans les deux premiers chapitres, mais le prophète couronne son œuvre par un sublime cantique, dans lequel il célèbre la puissance de l’Éternel, qui fait courber les nations devant Lui.
Avant de passer, cependant, à une appréciation de l’ouvrage d’Habakuk, nous en retracerons ici le plan, sous forme de tableau, en nous bornant à en indiquer les grands traits :
Chap. 1
- [1-4] – Plainte du prophète (état moral de Juda).
- [5-11] – Réponse de l’Éternel (description des Chaldéens).
- [12-17] – Réplique du prophète en faveur de son peuple.
Chap. 2
- [1-2] – Attente du prophète.
- [2-3] – Nouvelle réponse de l’Éternel.
- [4-19] – Prédiction contre les Chaldéens.
- [20] – Hommage à l’Éternel.
Chap. 3
- [1-2] – Prière du prophète à l’Éternel.
- [3-15] – Arrivée de l’Éternel pour délivrer son peuple.
- [16-17] – Nouvelles angoisses du prophète sur les maux prochains de Juda.
- [19-20] – Confiance, chant de triomphe.