Méditations sur la Genèse

XI
L’Alliance de Dieu avec Noé

Genèse 8.15 à 9.17

I

La première chose que fit Noé, après sa merveilleuse délivrance, fut de rendre grâces à l’Eternel. Il bâtit un autel et offrit un holocauste. Lorsque le Seigneur nous a délivrés d’un grand danger ou d’une tentation, n’est-ce pas notre premier devoir de rendre grâces ? L’holocauste, où la victime est consumée tout entière sur l’autel, est l’image de l’absolue consécration que Dieu attend de notre reconnaissance. Cette consécration est l’œuvre de son Esprit, qui descend en nous et y allume le feu de l’amour divin.

Le sacrifice de Noé fut agréable à Dieu. « L’Eternel flaira une odeur d’apaisement. » C’est au cœur qu’il regarde, et non pas à la fumée montant de l’autel ; c’est du cœur plein d’amour et de foi de Noé et des siens qu’arrive jusqu’à lui ce parfum agréable. Non que l’homme fût changé, et que ses tendances naturelles fussent meilleures qu’auparavant. Après comme avant le déluge, l’imagination du cœur de l’homme est mauvaise dès sa jeunesse. » Cette corruption est trop profonde pour pouvoir être guérie par le châtiment : elle ne le sera que par une œuvre de l’amour divin, la réconciliation. Le bon plaisir de Dieu, sa patience, ses promesses, ne se fondent donc pas tant sur le sacrifice de Noé que sur le Rédempteur à venir et sur son parfait sacrifice. L’holocauste de Noé est une image du sacrifice de Jésus. C’est en vue de ce dernier que Dieu supporte avec patience et épargne la race coupable : « Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme. »

II

L’humanité commençait une carrière toute nouvelle ; sous bien des rapports, la terre n’était plus la même qu’auparavant ; il fallait à l’homme de nouvelles institutions et de nouvelles promesses. L’air était devenu plus froid et plus rude, comme après un grand orage ; la terre, dévastée par les eaux, était plus malaisée à cultiver ; les animaux n’obéissaient plus à l’homme comme aux jours d’Adam, et lui-même, sans cesse aux prises avec l’âpre nature, risquait de tomber dans la barbarie. De là les nouveaux commandements. « Que toutes les bêtes de la terre vous craignent et vous redoutent ; que tout ce qui se meut et qui a vie vous serve de nourriture. » Il semble qu’avant le déluge l’homme ne se fût nourri que de végétaux et de lait, c’est-à-dire des aliments qui suffisent encore aujourd’hui dans les climats chauds. Mais ce n’est pas seulement aux animaux que l’homme doit inspirer désormais de la crainte. Un ordre sévère est établi au sein de l’humanité elle-même. « Quiconque répandra le sang de l’homme, son sang sera aussi répandu par l’homme. » C’est un âge de fer qui commence, et, pour mettre des bornes à la brutalité de l’homme, il faut la peine de mort et une autorité armée du glaive. Le pouvoir paternel avait d’abord été le seul ; mais à mesure que l’humanité se multiplie, naît de ce pouvoir, par une direction divine, la puissance plus redoutable et plus sévère des juges et des magistrats. Sans cette discipline, la société retomberait bientôt dans les débordements d’avant le déluge.

L’alliance est accompagnée d’une promesse : « Je ne détruirai plus tout ce qui vit, comme je l’ai fait. Tant que la terre durera, les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront point. » Nous vivons tous de cette promesse : jour par jour, Dieu fait lever encore son soleil sur les bons et sur les méchants et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Les terribles bouleversements qui, aux jours du déluge, firent de notre terre un vaste champ de ruines, ont pris fin pour toujours. La patience de Dieu permet que les moqueurs s’en aillent disant qu’il n’y a point de jugement, que tout demeurera en l’état où il est dès le commencement, que le monde est éternel. Mais un jugement par le feu attend les chrétiens infidèles des derniers temps (2 Pierre 3.3-13). Nous ignorons de quelle nature sera ce feu ; mais, comme le feu nous fait souffrir plus que l’eau, il est certain que ce dernier jugement sera plus terrible que celui du déluge. Dieu n’en reste pas moins fidèle à sa promesse. Même alors, ni la terre, ni l’homme qui l’habite, ne sera exterminé. Dieu conserve, purifie, perfectionne l’œuvre de ses mains ; il ne la détruira pas. La terre et la vie terrestre subsisteront, affranchies de la malédiction, dans le glorieux règne du Christ, — selon ce mot du Psaume : « Tu renouvelles la face de la terre » (Psaumes 104.30) ; — et, dans le règne de mille ans même, « ne doivent point cesser semailles et moissons, froid et chaud, été et hiver, jour et nuit. »

Dieu met son arc dans la nuée, en signe de son alliance immuable avec tous les êtres vivants. A plusieurs reprises, il donne à Noé l’assurance qu’aucun déluge ne viendra plus ravager la terre. Il sait combien notre cœur est tremblant et découragé, quand il a vu de près ses jugements, et il nous console comme une mère console son enfant ; il fait oublier à Noé les cruelles angoisses qu’il vient de traverser, par l’apparition de cet arc qui doit en tout temps nous rappeler que le châtiment est passé et que Dieu a pour nous des pensées de paix. Qu’avant le déluge l’arc-en-ciel eût déjà paru ou non, peu importe. Quoi qu’il en soit, il est le mémorial de la bonté divine qui nous convie à la repentance, et il atteste qu’après le jugement le Seigneur fait briller de nouveau le soleil de sa grâce.

III

Tout cela nous parle enfin des choses à venir. Qui ne pressent qu’un grand jugement approche pour les peuples chrétiens ? Il arrivera aussi certainement que le déluge vint pour le vieux monde ; mais il passera de même, et « les temps du rafraîchissement viendront de la part du Seigneur » (Actes 3.20). Plus sombre aura été la période du jugement, plus belle et plus heureuse sera celle où le royaume des cieux s’établira sur la terre renouvelée. Comme Noé et les siens offrirent leur holocauste, les élus, échappés au châtiment, inaugureront alors un culte nouveau ; ils célébreront la grande fête de la délivrance, et ils offriront à Dieu l’adoration parfaite. Heureux les prêtres du Seigneur qui auront le privilège de lui présenter ce sacrifice d’actions de grâces ! Heureux aussi ceux qui seront appelés à s’asseoir au repas du sacrifice ! Ceux qui auront part au banquet de l’Agneau, goûteront une joie qui, après avoir rempli le ciel, aura son écho sur la terre entière. Transporté en esprit à ce moment bienheureux, l’apôtre entend une voix sortir du trône de Dieu : « Louez notre Dieu, vous, tous ses serviteurs, et vous qui le craignez, petits et grands ! » à laquelle répond une grande multitude dont la voix est pareille au bruit de grosses eaux et de grands tonnerres : « Alléluia ! Car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, est entré dans son règne ; réjouissons-nous et faisons éclater notre joie, et donnons-lui gloire ; car les noces de l’Agneau sont venues ! » (Apocalypse 19.1-9).

Le Seigneur, qui approuva le sacrifice de Noé, accueillera avec faveur le service de ses élus ; comme il lui renouvela la bénédiction donnée à Adam : « Croissez et multipliez, et remplissez la terre, » il renouvellera du ciel l’effusion de son Esprit. Sa lumière et sa vérité se répandront sur toute la terre ; du sanctuaire céleste, séjour de l’Eglise, le salut découlera sur le sanctuaire terrestre, c’est-à-dire sur le peuple d’Israël, pour s’étendre de là à tout le monde païen. Comme l’Eternel fit la paix avec l’humanité et avec la terre et mit dans la nuée l’arc, signe de son alliance, ainsi, quand ses jugements auront passé, la paix régnera au ciel et sur la terre. Le chant des anges dans la nuit de Noël sera accompli ; le vrai Salomon, le Prince de la paix, paraîtra sur son trône. Lorsque Jean contemple l’Eglise glorifiée adorant son Dieu, et le Fils de l’homme sur le trône, il voit ce trône entouré d’un arc-en-ciel, en signe que le temps de la colère est passé et que la paix parfaite est établie (Apocalypse 4.3).

Nous sommes membres de ce royaume de paix ; dès maintenant, nous marchons sous la conduite de Salomon et nous nous efforçons de conserver la paix avec Dieu, la paix les uns avec les autres, afin que, lorsqu’il apparaîtra, nous soyons reconnus pour lui appartenir et nous obtenions auprès de lui une place qui ne puisse jamais nous être ravie !

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