On a sans doute fait le plus difficile, lorsqu’on a prouvé que le genre humain a un chef, au delà duquel on ne saurait remonter dans la suite des générations ; et il est impossible de supposer un premier homme, sans voir d’abord qu’il a dû être créé par la puissance et par la sagesse d’un Dieu.
C’est une pensée si absurde et si chimérique que de dire avec quelques-uns, que l’homme a été formé du limon de l’Egypte échauffé par les rayons du soleil, ou, avec quelques autres, qu’il est sorti de la mer, qu’elle est à peine digne qu’on s’arrête un moment à la réfuter.
Je ne dirai pas, en effet, qu’il est inouï qu’on ait vu sortir de cette source non seulement des êtres comme nous, mais même des bêtes qui engendrent et qui soient engendrées ; que si une telle production avait lieu autrefois, elle pourrait avoir lieu maintenant, puisque le Nil, le limon de l’Egypte et le soleil ne s’en sont point allés ; que comme un ouvrage aussi parfait que l’homme n’en aurait pu sortir qu’après une infinité d’essais, de commencements imparfaits, et d’ébauches défectueuses, si nous n’en voyons point sortir encore aujourd’hui des hommes parfaits, nous en verrions sortir quelque commencement d’hommes, quelques traits imparfaits de notre nature, ce qui est contraire à l’expérience ; qu’il serait étonnant que le Nil, le limon de l’Egypte ou la mer eussent assez de sagesse pour connaître qu’il ne suffisait pas qu’il y eût un homme, mais qu’il fallait un homme et une femme qui fussent l’un pour l’autre, étant formés avec une inclination mutuelle, qui fait la propagation du genre humain.
Il me suffira de faire sur ce sujet deux réflexions, dont l’une détruira le fondement de cette spéculation, et l’autre établira la vérité qui lui est opposée. La première est, que les incrédules raisonnent sur une fausse hypothèse, lorsqu’il leur plaît de supposer que les insectes qui sortent du limon de l’Egypte, échauffé par les rayons de soleil, n’ont point d’autre principe que la chaleur de cet astre et la corruption de cette matière qui en est échauffée : c’est supposer ce qui est en question, et c’est ignorer que qui établit l’existence de Dieu, établit une cause générale qui concourt avec les causes secondes, et qui a la principale part à tout ce que nous voyons, puisqu’il est impossible d’expliquer les moindres des insectes, si l’on n’a recours à la sagesse souveraine qui concourt à leur production, et qui fait, par son intelligence infinie, cette surprenante variété de ressorts délicats qui les composent. Voilà qui peut servir de réponse à leurs objections.
Mais voici ce qui établit la vérité de notre principe ; c’est que l’homme n’est pas moins admirable dans sa petitesse, que l’univers l’est dans sa grandeur : de sorte que, si la composition de l’univers nous fait reconnaître une intelligence souveraine, comme il n’en faut point douter après ce qui a été dit, la composition de l’homme ne la marque pas moins. Comme donc, en prouvant que le grand monde a commencé d’être, vous faites voir sans peine qu’il a un créateur, qui est Dieu ; aussi, dès que vous avez montré qu’il y a un premier homme, vous faites voir, sans aucun effort, qu’il doit être l’ouvrage d’une divinité : la chose parle d’elle-même ; et quand il resterait encore quelque lieu de douter, il ne faut que considérer les merveilles de notre esprit, pour être entièrement rassurés là-dessus : c’est la troisième source de nos preuves.