Le rationalisme paraît devoir son origine à une tentative d’échapper aux conclusions des déistes au sujet de la personne de Christ et de sa Parole. Cette tentative était le fait de gens qui avaient sans doute abandonné la foi de l’Église en son Chef, mais qui conservaient cependant quelque respect pour l’Écriture et pour Celui auquel l’Écriture rend témoignage. Ils ne devaient pas tarder à rejeter les miracles, et surtout l’incarnation du Fils de Dieu ; ils devaient dire, à leur tour, que celui qui prétend faire des miracles, ainsi que ceux qui les racontent, se séduisent eux-mêmes ou sont des trompeurs.
Mais si l’on pouvait prouver que Jésus-Christ n’a jamais prétendu faire aucun prodige, que les historiens sacrés n’ont pas voulu en parler, ne serait-ce pas un moyen d’échapper à toute difficulté ? Le divin disparaîtrait alors de ces récits, mais la bonne foi, l’honnêteté, la crédibilité des historiens sacrés seraient maintenues ; on pourrait encore regarder à Christ avec respect et amour, comme au fondateur d’une religion qu’il faut conserver. Il serait toujours l’idéal le plus élevé de la bonté. Cette tentative des rationalistes était hardie ; il semblait impossible de maintenir le texte sacré et d’en retrancher les miracles, car ce rationalisme ancien ou vulgaire se distingue des théories mythiques plus récentes en ce qu’il regarde le Nouveau Testament comme historique ; il en appelle à la parole biblique pour la vérité de ses assertions ; or, l’Écriture affirme que les évangélistes n’ont pas eu pour but de raconter des miracles, mais les faits ordinaires de chaque jour, les œuvres accomplies par Jésus-Christ. Selon les rationalistes, il n’a pas guéri un impotent à Béthesda, mais a seulement confondu un imposteur ; il n’a pas changé, à Cana, l’eau en vin, mais a fourni une nouvelle provision de vin, quand celle de la maison fut épuisée ; il n’a pas multiplié les pains, mais il a donné un exemple de libéralité en distribuant sa part et celle de ses disciples, exemple suivi par ceux qui avaient aussi quelque chose, et ainsi tous furent nourris. Il n’a pas guéri de la cécité autrement qu’un habile oculiste eût pu le faire ; il n’a pas marché sur la mer, mais sur le rivage, il n’a pas ressuscité Lazare, mais il l’a tiré d’un évanouissement, d’une léthargie.
La théorie de Paulus n’a pas conservé longtemps sa vigueur première ; elle a succombé sous des attaques venant de divers côtés ; les mondains eux-mêmes ont dirigé contre elle les traits les plus acérés du ridicule. Tout philologue fut son ennemi naturel, car cette théorie violait les lois du langage ; les progrès mêmes de l’incrédulité lui furent fatals, car le système de Paulus conservait, malgré tout, un certain respect pour la Parole de Dieu. Ce système ne dura donc pas longtemps ; il n’en est plus question en Allemagne.