Simples entretiens sur la prière

CHAPITRE V – Pouvons-nous prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous aimons?

1. Comment Dieu pénètre dans une demeure

Dieu désire ardemment racheter le monde. Dans ce but, Il a donné son propre Fils, Son unique, quoique le traitement subi par ce dernier déchirât son cœur de Père. Dans ce but également, Il a envoyé le Saint-Esprit pour accomplir dans les hommes ce que le Fils avait fait pour eux. Dans ce but encore, Il a confié à l’homme la plus grande de toutes les forces, la prière, pour que nous puissions devenir ses associés.

Toujours dans le même but, Il a établi les liens de parenté et d’amitié. Il gagne des hommes par les hommes. L’homme est le point d’arrivée et il est aussi le chemin; il est le but visé et il est le moyen d’approche, soit du côté de Dieu, soit du côté de Satan. Dieu ne veut pas pénétrer dans le cœur de l’homme sans son consentement et Satan ne le peut pas, comme nous l’avons dit plus haut. Dieu désirerait atteindre les hommes par les hommes et Satan ne peut pas les atteindre autrement. Ainsi Dieu nous a unis par le lien le plus fort qui unisse les hommes, le lien de l’amour, afin que nous puissions exercer une influence réciproque les uns sur les autres. La parenté nous lie particulièrement à l’homme et à la terre.

Quelques personnes sérieuses et particulièrement délicates m’ont demandé parfois s’il n’était pas égoïstes de s’inquiéter spécialement de ses propres parents, ceux pour lesquels le cœur s’émeut le plus vite de tendresse et pour lesquels les prières montent plus tendres, plus ardentes et plus fréquentes.—Mais si vous ne priez pas pour eux, qui donc le fera? Qui peut prier pour eux avec une ferveur aussi convaincue, aussi persistante que vous?—C’est justement dans ce but que Dieu nous a établis dans des relations d’affection personnelle et de parenté. Il nous unit les uns aux autres par les liens de l’amour pour que nous puissions nous préoccuper les uns des autres. N’y eût-il qu’une seule personne dans une demeure en contact avec Dieu, cette seule personne devient la porte par laquelle Il pénétrera dans la famille entière.

Toute relation crée une possibilité, et toute possibilité implique une responsabilité. Plus étroites sont les relations, plus grandes sont aussi les possibilités et partant la responsabilité.

Le désintéressement n’exige pas que l’on s’exclue du salut soi-même et sa parenté; il demande que l’on se mette à sa vraie place. L’humilité ne consiste pas à se torturer, mais à s’oublier en pensant aux autres. Non seulement il n’est pas égoïste de prier pour les siens, mais encore cette prière fait partie du plan de Dieu. Nous sommes responsables surtout de ceux qui nous tiennent de près.

2. L’esclavage d’un homme libre

La question de savoir si nous pouvons prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous aimons est une de celles que l’on pose le plus souvent; il n’y en a pas de plus capable de nous émouvoir. Je me souviens d’avoir parlé un jour dans une église, sur ce sujet, de façon plutôt affirmative. A la fin de la réunion, une dame que je savais être instruite et cultivée, et qui était de plus une chrétienne, vint vers moi et me dit: «Je ne crois pas que nous puissions prier de cette manière.—Et pourquoi? lui répondis-je. Elle se tut un instant, et l’agitation qu’elle réprimait, mais que ses yeux et ses lèvres néanmoins révélaient, me disait quelle lutte se livrait en elle; puis, tranquillement, elle me dit: «J’ai un frère, ce n’est pas un chrétien. Le théâtre, le vin, le club, les cartes, voilà sa vie. Et il se moque de moi. Je désirerais tellement le voir se convertir, mais—et ici on reconnaissait son esprit décidé et son éducation première—je ne crois pas que je puisse prier pour lui en toute franchise, car il est libre et Dieu ne veut pas sauver l’homme contre sa volonté.»

Voici ce que je lui répondis: «L’homme est libre autant qu’il s’agit de Dieu; il est tout à fait libre, voilà ce qu’on ne cesse de répéter. Mais il est le plus esclave des êtres dès qu’il s’agit de l’égoïsme et de l’opinion. Le but de notre prière n’est pas de forcer ou de restreindre la volonté de l’homme; cela, jamais; mais bien plutôt de l’affranchir des influences délétères qui le tiraillent en tous sens. Il faut enlever de ses yeux la poussière qui les aveugle et lui rendre la vue. Une fois qu’il sera libre, capable de bien juger, de peser les choses sans parti pris, il est fort probable qu’il se servira de son jugement pour choisir le droit chemin.»

Voici quelle est la prière idéale que j’adresserais dans un tel cas; c’est une adaptation des propres paroles de Jésus, et chacun peut l’offrir à Dieu en lui ajoutant les détails qu’il désire:

«Délivre-le du mal et opère en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur.»

Cette prière s’appuie sur trois passages. Tout d’abord, 1Ti 2.4: «Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés.» C’est là la volonté de Dieu pour ceux que vous aimez. Deuxièmement, 2Pi 3.9: «Ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance.» Telle est la volonté ou le désir de Dieu pour le cas qui nous occupe en ce moment. Le troisième passage se rapporte à nous qui prions; il nous dit qui peut adresser cette prière avec persévérance: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé». {Jn 15.7}

Il y a dans la deuxième épître de Paul à Timothée {2Ti 2.24-20} une déclaration qui illustre cette idée: «Or il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu ait des querelles; —ne pas discuter, ne pas combattre—il doit avoir au contraire de la condescendance pour tous, être propre à enseigner; prêt et habile à donner des explications, à aider—il doit redresser avec douceur (ou instruire) les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera de se convertir à la connaissance de la vérité, de revenir à leur bon sens, d’échapper aux pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté.»

Le mot délivre, tel qu’il est employé par Jésus dans la prière, cache un sens des plus saisissants. Il signifie proprement arrache. Voici par exemple un homme qu’on emmène captif et enchaîné. Il aime néanmoins son ravisseur et ne se soucie nullement de sa condition. Notre prière pour lui sera dès lors: «Arrache-le au Malin», et ce sauvetage aura lieu, car déjà Jésus a vaincu le ravisseur.

Il est absolument certain que nous pouvons assurer la conversion de ceux qui nous tiennent de près, par cette prière. Faite au nom de Jésus, elle chasse l’ennemi du champ de bataille qu’offre la volonté de l’homme et elle laisse celui-ci libre de choisir sa voie.

Notons une exception, une seule. Dans certains cas extrêmes, il arrive que nous ne puissions nous servir d’une telle prière; mais c’est qu’alors l’esprit de prière s’est retiré. De tels cas, il est vrai, sont rares; ce sont des cas extrêmes, et, quand ils se présentent, il n’y a aucun doute à avoir à leur égard; la situation est claire.

Je ne puis m’empêcher d’exprimer enfin la conviction—je le fais contre mon gré et préférerais pouvoir me taire—qu’il y a des gens sur cette pauvre terre qui sont en état de péché, parce que quelqu’un a négligé de mettre sa vie en contact avec Dieu et de prier.

3. L’endroit où Dieu n’est pas

Cela dit, je continue mon exposé pour en arriver à cette triste affirmation: Il y a un enfer. Il doit y avoir un enfer. Cette déclaration, du reste, n’a besoin d’aucun passage biblique pour l’étayer. Philosophiquement, il doit y avoir un endroit méritant cette appellation qui évoque de si tristes associations d’idées. C’est le nom qui désigne l’endroit où Dieu n’est pas, l’endroit où Il rassemblera ceux qui persistent à L’exclure de leur vie. Exclure Dieu! Il ne peut pas y avoir de pire enfer que celui-là! Dieu parti! L’homme livré à tous ses penchants!

Je suis persuadé que l’enfer n’est pas ce que certains hommes ont représenté. Ce n’est pas ce tableau que je vis, enfant, et devant lequel je reculais terrifié. Soyons prudents à son égard et n’en disposons pas, en pensée ou en parole, pour telle ou telle personne que nous jugeons perdue. Quand elle est morte, le plus que nous puissions faire est de la remettre à Dieu qui est infiniment juste et personnifie l’amour.

Certaines sectes ont inconsidérément disposé de l’enfer, et, de nos jours, il s’est produit une réaction exagérée. Les deux extrêmes sont à éviter. Agissons avec bienveillance et néanmoins avec franchise. Nous devons avertir les hommes en toute sincérité. Nous connaissons les claires déclarations de la Bible d’après lesquelles ceux qui préfèrent ignorer Dieu seront perdus. Ce sont eux qui, de leur plein gré, ont choisi leur situation. Quant à nous, ne faisons pas de personnalités, gardons le silence devant la tombe et occupons-nous des vivants.

Un jour, à la fin d’une matinée où nous avions entretenu nos auditeurs de la Bible, une jeune femme vint me prier de lui accorder quelques instants. Elle me parla d’un ami, chrétien non pratiquant, pour qui elle avait beaucoup prié et qui était mort subitement. Pendant les instants qui précédèrent sa mort, il était inconscient et ainsi personne n’avait pu recevoir ses dernières confidences. Cette femme était très émue en me racontant cela, et, pour finir, elle me dit: «Il est perdu! Il est en enfer, et je ne pourrai plus jamais prier.»

Nous causâmes quelques instants et voici les renseignements qu’elle me donna. Son ami appartenait à une famille chrétienne, chez qui la Bible était en grand honneur. Lui-même était un homme qui réfléchissait et qui menait une vie droite. Il parlait à l’occasion de questions religieuses, mais jamais sa conversation n’avait trahi une foi personnelle en Christ. Sa santé était chancelante... Tout à coup vint la fin. J’appris encore que, des années durant, cette femme avait prié pour sa conversion, qu’elle était une chrétienne convaincue et soucieuse du salut de ses frères.

Dans ce récit, nous nous trouvons en face de quatre faits: Cet homme savait comment aller à Dieu; il réfléchissait; il n’avait jamais confessé ouvertement le christianisme; enfin quelqu’un avait prié pour lui.

Peut-on savoir quelque chose de sûr touchant cet homme? Il y a deux sortes de connaissances: directe ou déductive. Je sais qu’il y a une ville qui s’appelle Londres, car j’en ai parcouru les rues. Voilà la connaissance directe. Je sais qu’il existe une ville du nom de Saint-Pétersbourg, car, quoique je n’y aie jamais été, je suis persuadé de son existence par mes lectures, par les photographies que j’en ai vues, et par mes amis qui y ont été. Voilà la connaissance déductive.

Pour ce qui est de la destinée de cet homme après qu’il a été arraché à l’étreinte de ses amis, je n’ai pas de connaissance directe; par contre, j’ai une connaissance déductive très forte, parce que basée sur quatre faits. Trois de ces faits, à savoir le premier, le deuxième et le quatrième, sont en faveur de l’idée qu’il a dû être sauvé; le troisième n’est une preuve dans aucun sens. Le facteur dominant est le quatrième fait; c’est lui qui a le plus de poids dans le jugement. Ce qui influe le plus, c’est la communion persistante avec Dieu de cette personne qui pria avec foi jusqu’au moment où l’homme fut emporté subitement. Ce fait, s’ajoutant aux autres, nous donne une ferme connaissance déductive touchant cet homme, et cela suffit pour réconforter et renouveler la foi dans la prière pour autrui.

4. L’homme agent du salut des siens

Nous ne pouvons pas lire dans la pensée d’un homme. Il est bien certain que, si, dans la dernière minute de sa vie, une créature regarde en suppliant vers Dieu, ce seul regard prouve que sa volonté est dirigée vers Dieu. Et cela est parfaitement suffisant. Dieu attend impatiemment ce dernier regard; il est avide de le voir. Il est hors de doute que plus d’une personne, au seuil de la mort, a levé les yeux vers Dieu, alors que nous ne pensions pas qu’elle avait sa connaissance et que, la voyant extérieurement inconsciente, les mouvements de son être subconscient nous échappaient. On peut être inconscient à l’égard de la vie extérieure et être néanmoins intimement conscient de la présence de Dieu.

Lors d’une autre réunion, je fus l’objet d’une autre confidence. Un homme d’esprit mûr et de jugement avisé me parla d’un de ses amis. Cet ami n’était pas un chrétien pratiquant. Or, un jour, il tomba d’un bateau; il plongea deux ou peut-être trois fois; il fut pourtant sauvé et ramené à la vie. Il racontait dans la suite avec quelle rapidité mille pensées, sa vie tout entière, se présentèrent à son esprit. Il eut nettement l’impression qu’il était perdu, mais il resta calme; il pensa à Dieu, il s’accusa de ne pas s’être confié en Lui, et en pensée il implora Son pardon. L’avenir montra en lui un chrétien pratiquant et convaincu. Ce simple exemple met en lumière toutes les possibilités de salut que Dieu offre à l’homme, et souvent sans que d’autres puissent s’en douter.

Ces paroles suffiront certainement à réconforter plus d’un cœur attristé, et de plus elles nous inciteront à prier incessamment et avec foi pour ceux que nous aimons, car le pouvoir de la prière est incommensurable. Dans tous les cas semblables, soyez persuadés que la prière est toute puissante.

Mais soyons prudents, très prudents. Ne nous laissons pas entraîner trop loin, car ce serait folie que de s’appuyer sur de telles affirmations pour résister à un appel miséricordieux. Nous ne devons pas perdre une occasion d’avertir nos frères, en toute charité, avec amour, mais néanmoins avec franchise, du danger terrible de toujours renvoyer au lendemain quand il s’agit de Dieu. Telle personne pourra être enlevée si subitement qu’elle n’aura pas le temps de lancer un dernier regard vers les cieux, et même, si elle est sauvée, elle sera responsable de sa vie devant Dieu. Il nous faut des hommes qui vivent pour Jésus et gagnent des âmes à Sa cause; les récompenses, les préférences, les honneurs dans le royaume des cieux dépendront de la fidélité que nous lui aurons témoignée sur la terre. Qui donc désirerait être sauvé in extremis? Le fait important que nous devons sans cesse avoir devant les yeux, c’est que nous pouvons ouvrir à nos bien-aimés l’accès auprès de Dieu si seulement nous redoublons d’efforts dans la bataille.

5. Préparant les voies du Seigneur

Voyageant une fois dans les Etats qui se trouvent au delà du Mississipi, je fus mis en présence d’une illustration du pouvoir de la prière si typique, qu’elle me frappa immédiatement et me fut dans la suite d’un grand secours pour comprendre la prière.

Les faits parlent plus que les images. Si on pouvait savoir ce qui se passe autour de soi, que de surprises on aurait! Si nous pouvions saisir tous les faits dont se compose un événement, les avoir dans leur pureté, et posséder le jugement capable de les passer au crible et de les analyser, quels exemples stupéfiants du pouvoir de la prière nous seraient révélés!

L’histoire que je vais vous raconter a deux faces; nous étudierons tour à tour l’homme qui fut transformé et la femme qui pria.

L’homme, américain de naissance et d’éducation, vivait dans l’ouest des Etats-Unis. La nature l’avait pour ainsi dire gratifié d’un corps de géant et d’une intelligence spécialement brillante. Il exerçait la profession d’avocat. Encore enfant, il avait décidé, s’il devenait chrétien, de se vouer à la prédication. Hélas! il tourna au scepticisme; ses lectures furent toutes dirigées de ce côté, et ce fut dans cet esprit qu’il exerça sa profession. Il représentait au Congrès un des districts de son département, et le Congrès, à ce que je crois, était à sa quatrième période.

L’expérience que je raconte ici se produisit durant le Congrès où eut lieu le grand débat Hayes-Tilden {1}, le Congrès le plus passionnant qu’il y ait eu à Washington depuis la guerre civile. Ce n’était pas là un moment bien choisi pour penser à Dieu. Lui-même me dit qu’il connaissait plus ou moins tous les incrédules qui faisaient partie de la Chambre des représentants, dite Chambre basse, qu’ils se voyaient beaucoup et se fortifiaient réciproquement dans leurs idées par leurs conversations.

Un jour qu’il était en séance à la Chambre des représentants, au milieu de la discussion il eut la conviction que Dieu—ce Dieu en qui il ne croyait pas et dont il niait l’existence—était tout près de lui, pensait à lui et désapprouvait sa conduite à Son égard. Il se dit: «Voilà qui est absurde, parfaitement ridicule. J’ai trop travaillé; je ne suis pas assez sorti; j’ai la tête fatiguée. Je m’en vais faire quelques pas, prendre un peu le frais, et tout de suite je retrouverai mes esprits.»

Ce qu’il fit. Mais la conviction de la présence de Dieu ne fit que devenir plus intense; chaque jour elle s’imposait à lui avec une force plus grande. Des semaines passèrent. Il décida de rentrer chez lui pour s’occuper d’affaires particulières et prendre quelques mesures en vue de sa candidature comme gouverneur de son département. Et, autant que je puis le savoir ou juger de ces matières, les affaires marchaient à merveille; sa candidature prenait corps. Le parti auquel il appartenait avait la majorité, et en général le candidat qu’il choisissait était agréé par le peuple.

Il rentra donc chez lui. A peine eut-il pénétré dans la maison qu’il apprit que sa femme et deux de ses amies s’étaient unies dans la prière pendant des mois et que leur but avait été sa conversion. Immédiatement il pensa à la curieuse expérience qu’il avait faite à Washington et son intérêt fut éveillé. Désirant toutefois ne pas révéler cet intérêt, il demanda négligemment quand avaient commencé ces réunions quotidiennes. Sa femme lui donna la date. Il fit alors un rapide calcul. «J’eus alors, me dit-il, l’intuition immédiate que la date qu’on me donnait devait s’accorder exactement avec le jour où cette conviction de la présence de Dieu se produisit en moi.»

Cette coïncidence le frappa vivement. Homme loyal envers lui-même, il savait que la seule preuve d’un fait de ce genre, la seule preuve d’un tel résultat obtenu par la prière, devait entraîner en lui un changement complet. D’où une lutte intérieure terrible. Avait-il été dans l’erreur durant toute sa vie? Il retournait la question en tous sens, l’examinant comme un avocat qui veut établir une preuve.

«Comme honnête homme, me dit-il, j’étais obligé d’admettre les faits, aussi aurais-je pu me donner à Christ ce soir même.»

Quelques jours plus tard, il s’agenouillait dans une réunion tenue à l’Eglise méthodiste et abdiquait sa forte volonté devant celle de Dieu. Le désir de son enfance réapparut. Chrétien, il devait prêcher l’Evangile. Et comme Paul, il transforma complètement sa vie. Depuis cette époque, il n’a cessé de prêcher Christ ressuscité.

Voyons maintenant la deuxième phase de cette histoire, le côté intérieur. Nous y trouvons une leçon admirable.

Sa femme était chrétienne depuis des années déjà; sa conversion datait d’avant son mariage. Quelques conférences auxquelles elle assista dans son Eglise l’amenèrent à se donner plus complètement encore à Jésus-Christ et elle retira de cette consécration une nouvelle expérience de la présence et du pouvoir du Saint-Esprit. Elle fut prise d’un intense désir de voir son mari se convertir, et ce désir, elle en fit part à deux amies qui se joignirent à elle dans une prière journalière et persévérante.

Comme elle priait dans sa chambre, ce fameux soir, elle fut prise d’une grande détresse en pensant à son mari et en priant pour lui. Elle était si troublée qu’elle ne trouvait aucun repos; enfin elle se leva, s’agenouilla près de son lit et pria. Comme elle était à genoux, plongée dans la prière, elle entendit en elle une voix qui disait: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Elle tressaillit. Une telle chose était nouvelle pour elle. Elle ne savait ce que cela signifiait. Sans y faire attention, elle se remit à prier. Mais de nouveau la même voix tranquille chuchota à son oreille: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Effrayée, elle se remit au lit pour dormir, mais le sommeil ne vint pas. Et de nouveau elle se mit à genoux, et de nouveau elle entendit cette voix calme et tranquille.

Alors, avec un sérieux qui révélait l’agonie qu’elle traversait, elle s’écria: «Seigneur, je veux supporter toutes les conséquences qui peuvent survenir, si seulement mon mari peut être amené à Toi.» Aussitôt l’angoisse disparut; une douce paix l’envahit et le sommeil ferma ses paupières. Elle pria des semaines, elle pria des mois, patiemment, incessamment, jour après jour. L’angoisse avait disparu et une douce paix remplissait son âme; elle avait l’assurance que sa supplication serait exaucée.

Quelles furent pour elles les conséquences de cette conversion? Elle était femme de député; elle allait être, autant qu’on peut en juger, la femme du gouverneur du département, atteindre le haut de l’échelle sociale. Elle est maintenant l’épouse d’un pasteur méthodiste, forcée de changer de demeure tous les trois ou quatre ans, suivant que son mari est appelé dans telle ou telle localité. Quelle différence de situation! Aucune femme n’est insensible aux différences sociales; toutefois, j’ai rarement vu femme plus belle et plus heureuse, de cette beauté et de ce bonheur que procure la paix de Dieu.

Sentez-vous la simple conclusion qui se dégage de ce récit? Le consentement de la femme donna à Dieu l’occasion de pénétrer la volonté du mari. Quand le chemin fut libre, sa prière fut une force spirituelle traversant instantanément des centaines de kilomètres et modifiant par sa présence l’atmosphère spirituelle.

Et nous, ne mettrons-nous pas notre volonté en contact avec celle de Dieu? ne plaiderons-nous pas sans cesse pour ceux que nous aimons? «Délivre-le du mal, accomplis en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur.» Puis disons: «Amen, ainsi soit-il.» Non pas: «que cela puisse être ainsi; ce n’est pas un désir, mais «ainsi soit-il», c’est-à-dire confiance absolue dans le pouvoir de Jésus-Christ. Et ces vies seront gagnées, ces âmes seront sauvées.


{1} Hayes était candidat républicain à la présidence de 1876; Tilden était candidat démocrate. Une commission électorale nommée à ce sujet eut à trancher le conflit. Hayes fut nommé. Note du traducteur.)

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