Nos enfants

NON À LA RANCUNE

Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.

Matthieu 6.14-15

Un journal évangélique publiait le récit suivant que je rapporte à ma façon, sans être certain de son authenticité.

Mais puisqu’il nous enseigne, le voici :

Maryse rentre de classe, furieuse : Pierre, son voisin et compagnon de jeu a osé lui faire un croc-en-jambe dans la cour de récréation. Et parce qu’elle s’est étalée sur le sol devant ses camarades sous une pluie de quolibets, la grande fille en éprouve une profonde humiliation :

— Demain, grommelle l’enfant en essuyant ses larmes sous les yeux d’une maman peu disposée à s’apitoyer sans raison, il recevra la monnaie de sa pièce.

— Allons, ma fille, ce n’est pas si grave ! Calme-toi d’abord. Pardonne à ton camarade et tout sera oublié …

— Jamais de la vie.

— Tu as tort de vouloir te venger. Au fond, Pierre a voulu s’amuser, sans méchanceté de sa part. Il ne pensait certainement pas à te faire du mal.

— Justement si !

— Oublie donc ! Tu ne dois pas garder rancune.

— Impossible. Il m’en a trop fait voir.

La maman tient bon, déterminée à aiguiller sa fille sur la voie du pardon. Peine perdue. L’enfant s’obstine. Elle montrera au « méchant » de quel bois elle se chauffe.

— Alors, insiste la maman soudainement inspirée … si le Seigneur revenait cette nuit chercher les siens, tu ne pourrais partir avec lui. Il verrait la haine dans ton cœur et te laisserait seule ici avec ton désir de vengeance. Sache que Dieu ne peut pardonner à qui ne pardonne pas.

L’argument a porté. Maryse réfléchit. Elle ne tient pas à rester sur terre tandis que sa mère s’en irait au ciel. Alors brusquement elle déclare :

— D’accord, je pardonne.

— Bravo ! soupire la maman.

— Je pardonne, MAIS si demain le Seigneur n’est pas revenu, qu’est-ce que Pierre prendra !

— ! ! !

Bien que son intervention se soit soldée par un échec, la maman de Maryse avait raison de tenir bon. Trop rares sont celles qui l’imitent. Au lieu de résister à l’enfant qui rumine de mauvais sentiments et cherche à se venger, les parents laissent se développer l’amertume et s’installer la haine peut-être parce que leur propre cœur n’en est pas purifié. Qui cultive la rancœur ne peut entraîner les autres sur le chemin de l’amour.

Des parents bien intentionnés peuvent commettre de graves erreurs. Nous en signalerons trois :

1. Les époux ayant eu maille à partir avec un voisin, un collègue de travail ou un parent ont grandement tort d’étaler leur irritation devant la famille en disant par exemple :

— Je ne peux pas oublier ce qu’il m’a fait.

— Je lui en veux et ne peux lui pardonner ; il m’a causé des torts irréparables.

— Je ne lui parle plus et refuse de le rencontrer. Il m’a fait trop de mal.

— J’attends qu’il répare et vienne me demander pardon. C’est à lui de faire le premier pas car moi, je n’ai rien à me reprocher.

— Tant pis s’il lui arrive ce malheur ! C’est bien fait, Dieu le punit.

De tels propos, indignes d’un chrétien, feront du mal à l’enfant et l’éloigneront sûrement de l’amour qui pardonne. Prêcher d’exemple est plus qu’une formule. Sans cette condition élémentaire, il n’y a pas d’espoir d’être écouté ni obéi.

2. La deuxième erreur, trop souvent commise, est de s’apitoyer sur l’enfant qui se plaint des autres. Il voudrait tellement que maman et papa pleurent avec lui, prennent son parti et le traitent en malheureuse victime. Ne vaut-il pas mieux l’amener à oublier le tort subi et à pardonner au coupable … si coupable il y a ?

En évoquant le récit précédent, beaucoup de mères auraient pu répondre à Maryse :

— Ma pauvre chérie ! Pierre n’est qu’un polisson et j’exigerai de son maître qu’il le punisse pour lui ôter l’envie de recommencer … sinon il aura de mes nouvelles. Pauvre petit chou ! Vois tes genoux. Un peu plus et tu saignais ! Va donc t’allonger sur le divan et sois certaine que je m’occuperai de cette affaire !

Erreur grossière. D’abord, Maryse a-t-elle rapporté les faits avec exactitude ? Et dans ce « micro-drame » qui l’humilie, est-elle tout à fait innocente ? Une maman peut-elle se contenter d’un unique son de cloche et trancher si vite ? Ne « couvrez » pas systématiquement votre enfant ; ne le « couvez » pas non plus. N’ajoutez pas vos larmes à ses larmes, votre irritation à la sienne. Vous formeriez un rancunier, enclin à la pitié de soi. Imitez la maman de Maryse, surmontez vos émotions et résistez à votre rejeton qui se désole pour des riens. Sur ce point, corrigez-le sans vous lasser afin de l’inciter à répondre au mal par le bien.

3. La troisième erreur, corollaire de la précédente, est de donner systématiquement tort à l’autre, surtout s’il n’appartient pas à la famille.

Deux garçons ont commis une grave sottise. En apprenant la chose et pour innocenter son fils – quoi de plus naturel ? – chaque maman rejettera l’entière responsabilité de la faute sur le camarade en disant avec humeur :

— Que ce soit bien entendu ! Je te défends d’aller jouer avec ton copain. C’est lui qui t’entraîne au mal. En compagnie de ce polisson, tu n’apprendras que de mauvaises choses.

Accabler ainsi le petit voisin, c’est blanchir son enfant. Mais est-il un ange ? Dans ce cas, il eût été en mesure d’empêcher l’autre de mal faire.


♦   ♦

L’enfant, c’est reconnu, possède un sens très vif de la justice. Il supporte mal de payer pour les autres ou de subir, de leur part, d’injustes dommages. Même le plus indulgent réclamera s’il se sait défavorisé ou s’insurgera s’il n’obtient pas réparation dans les plus brefs délais. Cette légitime exigence – être traité équitablement – ne signifie nullement qu’il se mette en peine d’autrui. Il est un chaud partisan de la loi du talion, mais uniquement lorsqu’il s’estime lésé. Et si le châtiment n’atteint pas « le méchant » qui l’éprouve, il exhale sa rancœur et médite de se venger.

Les enfants ne sont pas naturellement enclins à la miséricorde. C’est le devoir des parents de leur enseigner le pardon des offenses. Mais sait-on ce qu’il implique réellement ?

a) L’amour permet d’accepter le tort subi et de se porter le premier, au devant du coupable. De fait, qui donc est invité à pardonner ? Le coupable ou la victime ? Le voleur ou le volé. Le persécuteur ou le persécuté ? La victime sans nul doute Dieu ne nous at-il pas aimé le premier ? Pour nous rejoindre sur la terre et nous offrir le pardon, le Fils a-t-il attendu que nous fussions aimables ou repentants ? N’a-t-il pas donné sa vie « alors que nous étions encore des pécheurs » (Romains 5.8) ? Appelés à suivre les traces du Sauveur, nous devons pardonner à ceux qui nous éprouvent, même s’ils ne manifestent aucun regret et ne pas dire comme d’aucuns : « J’attends qu’il s’humilie, répare et fasse le premier pas pour renouer avec lui ».

b) Pardonner c’est oublier les méchancetés dont on a été la victime en refusant de revenir sur le passé et d’en évoquer le souvenir. Ceux qui disent : « Il m’est impossible d’oublier » savent-ils que Dieu lui-même déclare à plusieurs reprises dans l’Écriture, à ceux qui se confient en Lui : « Je ne me souviendrai plus de leurs iniquités » (Hébreux 8.12 et 10.17) ? Relisez Genèse 50.15-21 et retenez l’exemple de Joseph. Qui rappelle la faute des autres n’a pas réellement pardonné.

c) Enfin pardonner c’est réhabiliter et bénir le coupable. C’est rendre le bien pour le mal en disant à Dieu : « Comble celui qui m’a fait du tort, donne-moi l’occasion de lui être utile et d’agir pour sa joie. Ainsi a fait notre Seigneur, accordant son plein pardon et son merveilleux héritage à des révoltés indignes de toute faveur.

Voilà qui nous oblige à rentrer en nous-même, à désirer ardemment « la purification » de tout ressentiment. Votre cœur est-il pur de toute vengeance, de toute rancœur et de toute animosité à l’égard de tel frère, de tel collègue ou de tel parent ? Si oui, il vous sera possible d’enseigner la voie du pardon à vos enfants. Qu’il vous soit accordé la grâce de voir l’Esprit d’amour produire ce beau fruit dans le cœur des vôtres (1).

(1) Il va sans dire que « pardonner » ne signifie pas « approuver » ni « encourager » le méchant. Certes, je refuserai de nourrir de la rancœur à l’égard de celui qui m’éprouve ; je continuerai de l’aimer et de le bénir en dépit même du tort qu’il me fait subir. Toutefois, je peux être amené à lui résister durement s’il éprouve les autres ou blasphème contre Dieu. Le proverbe arabe dit avec raison : « Avoir pitié du loup c’est être injuste à l’égard de la brebis ». Cette question, qui n’entre pas dans notre sujet, demanderait un long développement.

LES ÉPOUX S’INTERROGENT

  1. Avez-vous appris à oublier les fautes dont vous êtes la victime ? Quel langage tenez-vous lorsque vous vous entretenez en famille de celui qui vous éprouve ? Les autres discernent-ils que vous avez pardonné ?
  2. Etes-vous résolu à « résister » aux vôtres pour les conduire sur le chemin de la miséricorde ? Qu’en pense votre conjoint ?
  3. Apportez, dès ce jour, vos rancunes à « Celui qui ne se lasse pas de pardonner » (Esaïe 55.7). Si nécessaire et parce qu’ils ont entendu vos propos, reconnaissez devant vos enfants votre manque d’amour à l’égard de celui qui vous a éprouvé. Puis « bénissez Celui qui ne se souvient plus de nos iniquités » jadis expiées sur le Calvaire.

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