Si grands qu’aient été les prophètes et que nous les ayons reconnus, et par leur caractère personnel et par la mission qu’ils ont remplie, il faut reconnaître aussi qu’ils sont encore bien éloignés de l’accomplissement lui-même. Même à son plus haut degré d’intensité et de plénitude, l’action révélatrice présente chez ces ministres de Jéhovah trois principaux éléments d’imperfection qui la différencient de l’inspiration des organes de la Nouvelle alliance, et que nous résumerons en ces trois termes : elle a été superficielle, intermittente et restreinte.
Superficielle : les prophètes de l’Ancienne alliance sont de la terre et ils parlent encore comme étant de la terre (Jean 3.31) ; l’Esprit descendait sur eux (Ésaïe 61.1) ; il n’habitait pas encore en eux (Jean 7.39) ; et les oracles qu’ils profèrent, les visions qu’ils contemplent, encore étrangers à leurs propres pensées, leurs apportent des énigmes restées insolubles pour eux-mêmes (1 Pierre 1.12). Origines divine et humaine du Messie, grandeur et bassesse, gloires et souffrances messianiques, figures et réalités, promesses et menaces, ruines et délivrances, toutes ces dualités résolues ou simplifiées pour les fidèles de la Nouvelle alliance, ces courants à la fois inséparables et contraires n’ont pas cessé de se heurter dans leurs visions, et d’une génération à l’autre, de David jusqu’à Jean-Baptiste, ils se sont transmis ce dépôt intact et sacré.
Intermittente : la révélation saisit le prophète et elle le quitte ; eux-mêmes l’attendent ; ils la sollicitent ; ils appellent à leur aide tantôt les sons de la musique (2 Rois 3.15), tantôt le bruit de l’eau courante (Daniel 8.2 ; 10.4) : ils marquent les moments où la parole de l’Eternel les a visités (Aggée 1.1 ; 2.1, 10, 20).
Restreinte : l’action révélatrice chez les prophètes d’Israël est liée à des conditions de race et de lieu ; enfermée dans l’enceinte d’Israël et dans les limites des siècles prédestinés ; et la prophétie elle-même annonce le temps où, affranchi de ces contraintes, l’Esprit sera répandu sur toute chair, sur toutes les conditions et sur tous les âges (Joël 2.28-29).
Il y eut même un jour où le plus grand des prophètes, le Précurseur du Messie, celui-là même qui lui avait rendu témoignage, hésita à son tour en présence d’une réalité si différente de ses espérances ; celui qui avait vu l’Esprit descendre sur la tête du baptisé du Jourdain, se scandalisa en ses œuvres prédites et en sa personne messianique ; et Jean-Baptiste fut proclamé par Jésus-Christ plus petit que le plus petit des membres de son nouveau royaume (Matthieu 11.11).
Ainsi toutes les grandes œuvres et toutes les grandes carrières de l’Ancienne alliance sont restées inachevées ; les pieux désirs des plus grands des hommes de Dieu de l’ancien monde sont restés inassouvis. Le législateur Moïse ne fut pas le conquérant de la Terre-Promise ; Samuel vit le sacerdoce déchu et la royauté successivement rebelle et chétive ; David, l’homme selon le cœur de Dieu, n’eut pas la permission de construire le temple ; Salomon prépara le schisme. Ezéchias dut apprendre du prophète que Babylone recevrait ses enfants et ses trésors ; et Jean-Baptiste, qui avait vu et touché le Messie, a été décapité dans sa prison. Il était réservé au Messie véritable, né sous la loi (Galates 4.4), et mort sur une croix, maudit par la loi (Galates 3.13), mais sans qu’aucun de ses os eût été rompu (Jean 19.36), de ressusciter le troisième jour, roi de l’univers et Sauveur des nations (Matthieu 28.18-20).
Ainsi l’Ancienne alliance, par toutes ses institutions et par tous ses ministres, par toutes ses voix, descendues du trône ou sorties du désert, à toutes ses entrées et à toutes ses issues, s’est confessée encore imparfaite ; s’est dite préparatoire.