La prière. — L’aumône. — Les dons miraculeux et les dons spirituels. — Les pratiques superstitieuses.
I. La prière. — En dehors du culte public, les Juifs avaient des heures déterminées pour leurs prières particulières. C’étaient la troisième, la sixième et la neuvième heures du jour, soit neuf heures, midi et trois heuresn. Les chrétiens judaïsants, préoccupés de conserver des temps et des lieux sacrés à leurs yeux, et ne comprenant pas que la prière doit être l’âme de toute la vie, firent de fort bonne heure adopter cette règle dans l’Église. Tout chrétien fidèle devait s’y soumettreo.
o – Tertullien, De la prière, ch. 25 ; Clément d’Alexandrie, Strom., liv. VII, ch. 7.
Au deuxième siècle, nous constatons déjà des pratiques superstitieuses. Il y a des chrétiens, par exemple, nous dit Tertullien, qui ne manquent pas de se laver les mains avant chaque prière, même s’ils arrivent des bains. D’autres, lorsqu’ils priaient, croyaient devoir ôter leurs manteaux, ainsi que faisaient les païens, « comme si, fait remarquer le même auteur, Dieu ne les aurait pas entendus aussi bien avec leurs manteaux, alors qu’il a bien entendu les trois jeunes Hébreux jetés dans la fournaise ardente avec leurs caleçons, leurs tuniques, leurs manteaux et leurs autres vêtements ». De telles pratiques, continue-t-il, n’ont rien à voir avec la religion : elles sont superstitieuses, elles ne constituent pas un culte raisonnable, mais bizarre, et doivent être d’autant plus évitées, qu’elles nous mettent au même niveau que les païensp. »
p – De la prière, XIII, XV.
Tertullien aurait pu signaler encore d’autres pratiques également fâcheuses. De son temps déjà, on avait pris l’habitude de prier debout et en se tournant vers l’est. Il ne s’en offusque pas, et se borne à remarquer que cette habitude a pu donner naissance à l’opinion que les chrétiens adoraient le soleil. En effet, elle ne venait pas des Juifs, qui se tournaient vers l’ouest. Quelques auteurs pensent qu’elle a pour origine certaines cérémonies ajoutées au baptême, comme nous le verrons dans un prochain chapitre. Le baptisé devait renoncer au diable en regardant à l’ouest, et faire profession de s’attacher à Christ en se tournant vers l’est. Il est probable, cependant, que cet usage fut pratiqué pour la prière avant de l’être pour le baptême. On en parle en tous cas, pour la première, cent cinquante ans plus tôt que pour le second.
Toutefois, les écrivains ecclésiastiques de cette époque sont bien loin d’encourager ces sortes d’observances dans la prière. On trouve dans Tertullien, dans Clément d’Alexandrie et dans Origène des pages recommandant la vraie prière spirituelle avec autant d’énergie qu’auteur chrétien l’ait jamais fait.
[Origène n’est pas de cette époque, mais du iiie siècle. Toutes les fois que nous avons, sur des questions de gouvernement ecclésiastique, de cérémonies, de doctrine, cité des auteurs postérieurs à l’époque précise dont nous parlions (et cela est arrivé rarement), nous avons eu soin de l’indiquer en note ou autrement.]
« Nous sommes les vrais adorateurs et les vrais sacrificateurs, dit avec éloquence Tertullien, à la fin de son traité de la Prière, nous qui prions en esprit et offrons à Dieu un sacrifice acceptable. Qu’est-ce que Dieu a jamais refusé à la prière faite en esprit et en vérité ? Quels grands exemples d’efficacité de la prière l’histoire n’enregistre-t-elle pas ? Sous l’ancienne Alliance, elle a délivré les hommes du feu, des bêtes sauvages, de la famine. Mais combien plus puissante encore est la prière chrétienne ! Elle ne muselle pas la gueule des lions, sans doute, et elle n’enlève pas la sensation de la douleurq : mais elle donne à ceux qui souffrent et qui pleurent la force de tout supporter. La prière du juste écarte la colère de Dieu, garde contre les ennemis, intercède pour les persécuteurs eux-mêmes. La prière peut rappeler les âmes qui marchaient déjà sur le sentier de la mort ; elle peut fortifier les faibles, rendre la santé aux malades, délivrer ceux qui sont possédés du démon, ouvrir les prisons, faire tomber les liens des innocents.… La prière est la forteresse de la foi, son armure offensive et défensive contre l’ennemi qui cherche à la surprendre de tous côtés. Ainsi armés, nous montons la garde autour de l’étendard de notre chef ; nous attendons en prières la trompette de l’ange. Notre Seigneur, à qui soit honneur et puissance aux siècles des siècles, a lui-même prié. »
q – N’est-ce pas trop dire ? Certains martyrs semblent témoigner du contraire.
Ecoutons maintenant Clément d’Alexandrie : « Ce n’est pas à un endroit donné, dans tel ou tel temple ; ni à certains jours de fête ou autres seulement que le vrai gnostiquer doit honorer Dieu. C’est partout et toujours. Toute sa vie, il doit lui offrir l’expression de sa reconnaissance d’avoir connu le chemin qui mène à la vie… Il priera en se promenant, en s’entretenant avec ceux qui l’entourent ou lorsqu’il gardera le silence ; en lisant ou en se livrant à d’utiles travaux… Notre vie tout entière est comme un jour de fête religieuse ; nous célébrons notre Dieu en cultivant nos champs ; nous chantons ses louanges en montant sur les vaisseaux… La prière est, si l’on peut ainsi dire, une conversation avec Dieu. Même si nous nous adressons à Lui sans ouvrir nos lèvres et silencieusement, Il entend et exauce le cri intérieur que nous Lui adressons. La prière n’a donc pas besoin des mots ; elle peut n’être que la concentration de notre âme toute entière, regardant vers Dieu sans se laisser détourner par rien. Qu’elle soit seulement un soupir qui jaillisse du plus profond de notre âme, que nous appelions le Père céleste à notre aide par des gémissements qui ne se peuvent exprimer, il se tient près de nouss ! »
r – Le mot gnostique est pris ici dans un sens favorable : celui qui est arrivé à la vraie connaissance, à la maturité chrétienne.
s – Strom., VII, ch. 7.
« Combien d’entre nous, » fait de son côté remarquer Origène, « pourraient témoigner de l’efficacité de la prière, si nous avions assez de reconnaissance pour nous souvenir des miséricordes de Dieu ! Des âmes, longtemps stériles, deviennent conscientes de leur dénuement ; elles sont fertilisées par le Saint-Esprit, grâce à de persévérantes prières, et elles énoncent des paroles de salut, pleines d’intuitions de la vérité. Combien d’ennemis puissants, qui menaçaient d’annihiler notre foi, n’ont-ils pas été, à toutes les époques, rendus confus ! Que d’arguments puissants et spécieux, capables d’ébranler les croyants, ont été réduits à rien par la prière ! Combien d’exemples ne pourrions-nous pas citer, de fidèles soumis aux plus cruelles épreuves, n’en éprouvant aucun mal, les traversant indemnes et sans que l’odeur du feu les ait atteints (Daniel 4.27) ! Combien d’autres, qui après avoir abandonné la voie du Seigneur ont été rappelés, par la prière de repentance, des portes même du tombeau ! »
Et ailleurs : « Celui-là prie sans cesse qui unit l’action à la prière ; car les œuvres sont aussi une prière. Nous ne pouvons donner à la parole de l’apôtre « Priez sans cesse, » aucun sens pratique, si nous ne considérons comme une continuelle prière la vie même du croyant, dans laquelle ce qu’on appelle communément la prière ne peut occuper qu’une placet. »
t – De la prière, XII, XIII ; Neander, I, 394, 395, de la trad. angl.
II. L’aumône. — Il y a peu à dire sur ce point. Le noble exemple donné par les apôtres est noblement imité par l’Égliseu. L’Orient et l’Occident rivalisent de générosité dans l’assistance des veuves, des orphelins, des malades, des pauvres et des prisonniers ; dans le soulagement de tous ceux qui, auprès ou au loin, sont dans la détressev. Mais un danger se manifeste de bonne heure et se développe rapidement : celui de considérer les actes charitables comme méritoires en eux-mêmes, comme devant entrer à l’actif des chrétiens dans le livre de Dieu. Déjà dans le Pasteur d’Hermas, cette erreur se fait jour. « Si vous faites plus de bien que ce que Dieu vous commande, y est-il dit, vous acquerrez pour vous-même une plus grande gloire, et vous serez honoré de Dieu plus que vous ne l’auriez été sans celaw. »
u – Galates 2.10, et fréquemment ailleurs.
v – C’est la gloire d’un évêque, de soulager le pauvre dans sa misère. » Jérôme, cité par Hatch, lect. II, p. 48.
w – Liv. III ; Similitude, V, ch. 3.
§III. Les dons miraculeux. — Quelques écrivains ecclésiastiques de cette période nous disent que les dons de guérir les malades, d’exorciser les démoniaques, et même de ressusciter les morts, qui avaient illustré l’Église apostolique, ont persisté jusqu’à eux. Justin-Martyr parle de mauvais esprits chassés par les croyants en invoquant le nom de Christ (IIe Apologie, ch. 8). Irénée confirme ce témoignage. « Il y a des chrétiens, dit-il, qui certainement et positivement chassent les démons ; à ce point que ceux qui ont été délivrés deviennent des croyants et se joignent à l’Église… D’autres imposent les mains aux malades et les guérissent. Oui, même des morts ont été rappelés à la vie et sont restés pendant de longues années encore au milieu de nous… L’Église entière s’était unie dans la prière fervente et dans le jeûne, et l’âme du mort est rentrée en lui… » Et il ajoute : « En retour de tous ces bienfaits, l’Église ne demande rien. Ce qu’elle a reçu gratuitement de Dieu, elle le donne aussi gratuitementx. »
x – Contre les hérésies, liv. II, ch. 31, § 2 ; ch. 32, § 4.
IV. Les dons spirituels. — Les mêmes écrivains des premiers âges de l’Église nous affirment encore que les autres dons, qui avaient été accordés aux fidèles du siècle apostolique, continuaient à se manifester de leur temps, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Justin, citant la prophétie de Joël indiquée par Pierre le jour de la Pentecôte, ajoute : « Nous pouvons encore voir au milieu de nous des femmes et des hommes possédant les dons de l’Esprit de Dieu… Jusqu’à présent le don de prophétie ne nous a pas été enlevé. » — Irénée, de son côté, nous dit : « Il y a parmi nous des fidèles qui ont la prescience des choses à venir ; ils ont des visions, ils prophétisent. » Les Montanistes, en particulier, maintenaient que le don de prophétie continuait à être accordé aux femmes, et il n’est pas jusqu’à l’évêque de Rome, qui, bien qu’il dût plus tard excommunier tous les Montanistes, n’ait reconnu les dons prophétiques accordés à deux des adeptes les plus distinguées de la secte, Priscilla et Maximilla.
Actes 2.16-18 ; Dialogue avec Tryphon, ch. 87, 88, 82 ; Contre les hérésies, liv. II, ch. 31, 32, § 4 ; Eusèbe, H. E, liv. V, ch. 16 ; Tertullien, Contre Praxéas, I ; Mosheim, I, 247, de la trad. de Félice.
§ V. — Le culte des reliques. Il n’a pas encore commencé ; mais déjà quelques indices permettent de montrer comment la voie lui est ouverte. A l’occasion de la mort d’Etienne, il nous est dit simplement que des hommes pieux l’ensevelirent et le pleurèrent à grand bruit (Actes 8.2). Ce que les lions laissèrent du corps d’Ignace fut enveloppé dans de la toile de lin et emporté à Antioche pour y être inhumé. Cinquante ans plus tard, l’Église de Smyrne, tout en répudiant expressément l’idée de rendre un culte à aucun homme mort ou vivant, mais à Christ seul, n’en considère pas moins les cendres de Polycarpe comme plus précieuses que les plus précieux joyaux, et les place en un lieu tel que les fidèles puissent se réunir autour d’elles, pour célébrer l’anniversaire de son martyre. Et Tertullien, faisant allusion à cette coutume, nous dit : A chaque retour d’un anniversaire, nous faisons des offrandes pour les morts, et nous célébrons les jours de naissancey.
y – De la couronne, ch. 3.
VI. Le signe de croix. — Usité de très bonne heure, il n’était à l’origine, selon toute probabilité, qu’un signe de reconnaissance entre les chrétiens. Mais bientôt il prit place parmi ces pratiques, où un signe extérieur se substitue si aisément au vrai culte du cœur croyant. On lui attribuait le pouvoir de mettre les mauvais esprits en fuite et d’agir, comme un charme, contre les tentations, la maladie ou les accidents. Du temps de Tertullien, l’usage du signe de croix est évidemment devenu général. « Dans tous nos voyages et dans toutes nos marches, dit-il, quand nous entrons, quand nous sortons, en nous habillant, en mettant nos chaussures, au bain, à table, en allumant nos lumières, en nous étendant ou en nous asseyant ; dans tous les actes, en un mot, de notre vie journalière, nous multiplions les signes de croix sur nos fronts. » Et il ajoute : « Si vous cherchez dans la Bible la raison d’être de cette pratique et d’autres semblables, vous ne l’y trouverez pas. On vous dira qu’elles ont la tradition pour origine, la coutume pour garant, les croyants pour observateurs. Que cette tradition, cette coutume, cette croyance se justifient en raison, vous vous en apercevrez vous-même, ou l’apprendrez d’un autre, qui s’en sera rendu compte. En attendant, vous ne devez pas douter qu’une bonne raison n’existe et que votre obéissance ne soit de rigueurz. » Ces remarquables paroles de Tertullien nous indiquent la manière dont, peu à peu, ont été posées et cimentées les pierres fondamentales du monstrueux édifice romain, qui devait supplanter la vraie église et obscurcir le monde. Au reste Tertullien n’a pas toujours écrit dans ce sens. C’est lui qui a dit cette belle parole : « Christ s’est nommé la Vérité, non la Coutumea. » A ce mot de Tertullien, nous ajouterons le témoignage involontaire suivant des Homélies Clémentines, dirigé, il est vrai, contre les Grecs, mais parfaitement applicable à l’Église. « Il y a une grande différence, y est-il dit, entre la vérité et la coutume. On trouve la vérité lorsqu’on la cherche honnêtement. La coutume, au contraire, qu’elle soit basée sur la vérité ou sur l’erreur, est adoptée non pour des raisons, mais par préjugé, au hasard et sur la simple opinion de ceux qui vivaient autrefois ; et il est toujours difficile de répudier une forme ancienne, si absurde, d’ailleurs, qu’on la trouveb. »
z – Ibid. ch. 4.
a – Christus Veritatem se non Consuetudinem nominavit. Que les vierges doivent être voilées, ch. 1. Cf. Jean 14.6.
b – Hom. IV, ch. 11 ; Clément d’Alex., Exhort. aux Gentils, ch. 12.
§ VII. Le culte des images. — Sur ce point, d’importance capitale, l’Église était encore dans sa pureté première. Nous avons vu que les païens reprochaient légitimement aux chrétiens leur culte sans images, et rien n’aurait été plus antipathique aux disciples des premiers jours que le culte des images elles-mêmes. Il n’est pas jusqu’aux païens éclairés qui ne le rejetassent. Zenon interdisait à la fois les temples et les images, et on assure que, pendant cent soixante-dix ans, les anciens Romains n’admirent aucune image dans leurs temples. Ils trouvaient impie de représenter les choses divines par les choses périssables, et impossible d’atteindre la divinité autrement que par l’espritc.
c – Plutarque, Vie de Numa, VIII.
Une raison particulière devait encore affermir les premiers chrétiens dans cette proscription des images. Par suite d’une interprétation judaïque du deuxième commandement, un certain nombre de leurs docteurs condamnaient toute espèce de peinture. Tertullien condamnait les masques portés par les acteurs, par la raison que si Dieu défend de faire aucune image quelconque, à plus forte raison ne doit-on pas faire celle de l’homme, créé lui-même à l’image de Dieud. Clément n’est pas moins rigide. « Il nous est expressément défendu, dit-il, d’exercer un art trompeur ; tu ne feras aucune image des choses qui sont là-haut au ciel, ni ici-bas en la terre… » Origène, enfin, loue les Juifs d’interdire la peinture et la sculpture, d’enlever toute possibilité de fabriquer des images, car c’est, dit-il, « un art qui distrait les esprits insensés, et fait descendre les yeux de l’âme de la contemplation de Dieu à celle des choses de la terree. »
d – Des spectacles, ch. 23.
e – Contre Celse liv. IV, ch. 31.
Ce furent les usages de la vie de famille qui permirent au culte des images de s’insinuer peu à peu dans l’Église. A chaque pas les yeux des chrétiens étaient offusqués par des objets rappelant la mythologie païenne. Sur les murs des magasins, des lieux de réunion, des chambres à coucher, ils voyaient des peintures licencieuses ; sur les coupes, les anneaux, les sceaux, des gravures provocatrices de la luxuref… A ces peintures ou gravures les chrétiens en substituèrent d’autres, qui devaient leur rappeler, à chaque instant, l’enseignement et les faits évangéliques. Ainsi Tertullien dit quelque part : « Nous pouvons commencer par reproduire les paraboles, par exemple celle de la brebis perdue que le Seigneur a cherchée et rapportée sur ses épaules. Que cette scène soit gravée sur vos coupes. » Et ailleurs il parle encore du bon berger gravé sur les coupesg. Clément, qui paraît en cela oublier ses interdictions antérieures, parle des anneaux des chrétiens et leur recommande d’y faire graver une colombe, ou un poisson, ou un vaisseau aux voiles gonflées, ou une harpe, ou une ancre, ou enfin un pêcheur, qui rappelle l’apôtre et les enfants retirés de l’eau (à leur baptême). Mais il recommande de se garder des figures des idoles, avec lesquelles les chrétiens ne doivent avoir aucun rapport ; ou de l’image d’un arc, d’une épée, d’une coupe, puisqu’ils doivent être les représentants de la paix et de la tempéranceh.
f – Clément, Aux Gentils, IV. Neander, I, 403-5 (trad. angl.).
g – De la modestie, VIl, X.
h – Pédagogue, liv. III, ch. 11.
Au iie et au iiie siècle, tout essai d’introduire des peintures ou des statues dans les lieux de culte aurait rencontré la plus vive résistance. Eusèbe lui-même, au ive siècle, écrivant à Constance, fille de Constantin, lui demande, non sans indignation : « Quelle est cette image, que vous nommez l’image de Christ, au sujet de laquelle vous avez écrit, et de quelle espèce est-elle ? Avez-vous jamais vu vous-même une pareille image dans une église, ou entendu parler d’une église où il y en eût ? » Et il ajoute qu’il a enlevé à une femme deux portraits d’hommes habillés comme des philosophes et qu’elle croyait être ceux du Sauveur et de Paul, de peur que « nous ne semblions, nous les chrétiens, transporter notre Dieu ça et là, comme les idolâtres transportent les leursi. »
i – Dict. Christ. Antiq., art. Images, p. 814.
L’usage des crucifix est bien postérieur encore.
§ VIII. Les évangiles apocryphes. — Un des obstacles, venus du dedans, contre lesquels le christianisme eut à lutter, fut la publication d’Évangiles apocryphes et de canons soi-disant apostoliques. On suppose que beaucoup de ces écrits furent fabriqués par des sectes hérétiques ou par des membres de l’Église, intéressés à faire triompher leurs opinions particulières, dogmatiques ou morales. Denys de Corinthe (168-177) se plaint déjà des falsifications introduites dans le texte des évangiles ou même dans ses propres lettres. « J’ai écrit, dit-il, quelques lettres à la prière de nos frères ; mais elles ont été falsifiées par les ministres du démon, qui y ont introduit des changements et des additions. Pour eux aussi la condamnation viendra ! Mais comment s’étonner de voir le texte même de l’Écriture Sainte corrompu par des faussaires, puisque des écrits d’une autorité infiniment moins considérable n’ont pas été épargnés par euxj ? »
j – Eusèbe, liv. IV, ch. 23.