Nous lisons dans l’Evangile (Marc 2.15), que le Seigneur s’étant mis à table dans la maison d’un péager, une foule d’autres péagers et de gens de mauvaise vie s’y assirent aussi autour de lui. Les Pharisiens se scandalisèrent et cela ne saurait nous surprendre. Peu s’en faut même que ces docteurs rigoureux ne nous semblent excusables. Si Jésus s’était contenté d’amnistier d’insignes pénitents, on eût pu le supporter ! Mais il converse avec ceux mêmes qui n’ont encore fait ni vœux, ni aumônes, ni prières ! N’est-ce pas manquer aux plus simples principes de l’ordre du salut ? Aussi les docteurs branlent-ils la tête d’un air chagrin et ne cessent-ils d’adresser aux disciples cette question mordante ? Pourquoi votre maître mange-t-il avec les péagers et les gens de mauvaise vie ? Jésus les ayant entendus jette sur eux un regard sévère et leur répond du milieu de l’ignoble compagnie qu’il n’a pas dédaignée : Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades : Je ne suis point venu appeler à repentance des justes, mais des pécheurs.
Douce parole, précieuse devise du royaume de Dieu ! Mais que faut-il entendre par ces justes ? Ceux qui sont justes à leurs propres yeux ? Impossible. S’il n’était pas venu pour eux, il ne serait venu pour personne, car, par nature, nous nous croyons tous justes. Ce sont ceux qui ont accompli toute la loi. Mais, dites-vous, il n’existe pas de tels justes. Sans doute, mes frères, et Jésus ne veut pas dire le contraire. Mais alors que lui sert-il d’affirmer qu’il n’est point venu pour eux ? Le Seigneur veut dire aux Pharisiens : « Pourquoi vous étonnez-vous de ma conduite ? Vous auriez raison si j’étais venu pour couronner la vertu. Mais j’ai une autre mission : c’est de sauver les pécheurs. Si vous avez accompli la loi je n’ai rien à faire avec vous. Vous serez sauvés par vos œuvres. Mais de quel droit m’empêcheriez-vous de sauver ceux qui ne peuvent s’appuyer comme vous sur leur justice ? Permettez qu’ils échappent aussi à la colère à venir ! » Par cette réponse, il leur ferme la bouche et secoue rudement leur conscience. Nous n’avons rien de mieux à dire aux adversaires actuels de l’Evangile : « s’il est vrai que vous êtes justes, ne vous tourmentez pas de nos exhortations. Mais voici des gens qui avouent franchement être étrangers à votre gloire. Ils se voient perdus s’ils n’obtiennent le secours d’un puissant Rédempteur. Seriez-vous assez cruels pour leur ravir la bonne nouvelle qui peut les arracher au désespoir et à la mort ? Adversaires de notre doctrine, c’est ainsi que nous vous répondons. Qu’avez-vous à objecter encore ? »
Jésus est donc venu pour des pécheurs. S’il était possible que quelqu’un fût sauvé par ses œuvres, il entrerait dans le ciel, mais ses larmes de reconnaissance ne brilleraient point, comme des perles, dans la couronne de Jésus. Un pécheur reçu en grâce n’aurait-il pas une portion plus excellente ? Ne comprendrait-il pas infiniment mieux le divin amour ?
Toutefois, hâtons-nous de prévenir tout malentendu. Plusieurs d’entre vous ne sont que trop enclins à tordre nos paroles. Le Fils de Dieu est venu pour les pécheurs, c’est une vérité incontestable, mais il n’est pas moins certain qu’il est venu pour les créer de nouveau et non pour les laisser dans leurs péchés. S’il cherche les brebis perdues, c’est pour leur faire retrouver leur sentier. S’il cherche des malades, c’est pour les guérir. La grâce qui pardonne est une grâce qui renouvelle. Notre texte d’aujourd’hui peut servir à nous le montrer d’une manière éclatante.
14 Ainsi il descendit et se plongea sept fois au Jourdain, suivant la parole de l’homme de Dieu, et sa chair lui revint semblable à la chair d’un petit enfant, et il fut net. 15 Alors, il retourna vers l’homme de Dieu, lui et toute sa suite.
Nous méditerons aujourd’hui sur la guérison de Naaman. Considérons d’abord comment il fut guéri de sa folie, puis ensuite comment il fut délivré de sa lèpre.
Vous vous souvenez dans quel état nous avons laissé le Syrien. La réponse d’Élisée fait bouillonner son sang dans ses veines. Dans l’ardeur de son indignation, il veut sur-le-champ retourner à Damas, y mourir s’il le faut dans la détresse, mais mourir en déclarant que la grandeur si célébrée d’Israël n’est qu’un brillant météore, les miracles de ses prophètes de simples tours d’adresse, et le puissant Jéhovah un Dieu imaginaire, une invention de l’esprit humain. C’est ainsi qu’un triste dénouement semble être réservé à ce drame si bien commencé. Mais tout à coup intervient Celui qui dit et la chose a son être, dont les dons sont sans repentance et qui n’abandonne point l’œuvre de ses mains. Vous savez ce qui arriva, Dieu arrêta les roues du chariot de Naaman. Ce ne fut point Élisée qui l’empêcha de partir, car il savait qu’au temps marqué le cœur du Syrien serait changé. Ce sont les serviteurs de Naaman lui-même qui, pour cette fois, doivent accomplir les desseins de Dieu. Vous savez ce qu’ils dirent à leur maître : Mon père, si le prophète t’avait dit quelque grande chose ne l’eusses-tu pas faite ? Combien plutôt donc dois-tu faire ce qu’il t’a dit : Lave-toi et tu deviendras net ? A l’ouïe de ces paroles si simples, des écailles tombent des yeux de Naaman, sa colère s’apaise, une lumière céleste éclaire son âme. C’est la lumière du Saint-Esprit. « Oui, pense-t-il, ils ont dit la vérité. J’eusse bien tenté d’accomplir un commandement difficile, pourquoi n’essaierais-je pas une chose si aisée. Il se peut que le Dieu d’Israël veuille recueillir une plus grande gloire en attachant un effet si salutaire à ce qui n’a point de vertu en soi. » Les paroles des serviteurs de Naaman accomplissent des miracles, toutes ses espérances renaissent. L’indication de la jeune Israélite, qu’il avait été tenté de regarder comme une trompeuse lueur, lui apparaît de nouveau comme une brillante étoile. Le prophète lui-même se montre à lui sous un jour tout nouveau, et la comparaison entre les eaux du Jourdain et les fleuves de Damas est oubliée ; l’orage qui grondait dans le sein de Naaman a fait place à une douce sérénité. C’est vers le Jourdain qu’il se hâte maintenant avec toute l’ardeur d’une âme qui croit et qui espère. Sans doute qu’une obéissance plus prompte eût épargné à Naaman tout ce trouble et toute cette angoisse ; mais ces instants d’irritation et de désespoir ne lui furent point inutiles ; ils lui servirent à peu près, comme à l’aveugle-né la boue dont furent couvertes ses paupières. Car il ne fut pas nécessaire plus tard de lui apprendre qu’il ne devait sa guérison qu’à la pure miséricorde de Jéhovah.
C’est une grande chose lorsqu’un homme se soumet de cœur à la voie de salut que Dieu a choisie pour lui. Nul ne saurait, sans une grâce particulière, arriver à cet état de soumission. En suivant les pensées de notre propre nature, nous taxerons de folie les plans de Dieu, nous les regarderons comme mal conçus, parce qu’ils ne répondent pas à notre idéal. Pour bien les comprendre et les apprécier, il faut que toutes nos idées subissent une transformation. C’est pourquoi, lorsque nous voyons entrer un homme dans ce chemin, soyons bien persuadés qu’il y a plus que l’apparence extérieure ; — il y a un grand miracle, une création nouvelle, tout aussi glorieuse que la première.
Le cortège arrive sur les bords du Jourdain ; Naaman met pied à terre et s’approche du fleuve. Vous comprenez, mes frères, quelles sensations il dut éprouver dans ce moment solennel. Sur les ondes de ce fleuve se balance sa dernière espérance ! Nous savons déjà ce qui arriva. Encore quelques moments et la lèpre extérieure et intérieure a disparu. Naaman renouvelé, sort de ces eaux salutaires ! Cependant, si nous voulons bien comprendre la guérison du Syrien, nous devons tout d’abord nous rappeler la mystérieuse signification de la lèpre en Israël. — Vous savez que cette maladie était l’emblème du péché, et nous chercherions en vain un type plus frappant, plus significatif que celui-là. Prenant racine bien au-dessous de la peau, ce fléau représentait la corruption originelle dans laquelle nous naissons. Communiquant l’infection par l’haleine et le toucher, la lèpre retraçait la dangereuse influence que nous exerçons sur nos proches, malgré la vie peut-être la plus régulière, lorsque, n’étant point renouvelés par la grâce, nous nourrissons en eux tout au moins la funeste opinion qu’il n’est point absolument nécessaire de se convertir en Jésus-Christ. Ces dégoûtantes plaies étaient l’image des péchés qui résultent de notre dépravation naturelle, et qui se manifestent journellement et sous mille formes aux yeux de Dieu, soit dans notre cœur soit dans notre vie. Incurable pour tout autre que pour Dieu, elle faisait comprendre que la rémission des péchés est au-dessus de la puissance humaine. Celui qui était attaqué de la lèpre était mis hors du camp et exclu de la société de ses frères. Le sens de cette mesure était celui de ce passage : Tu n’es point un Dieu qui prenne plaisir au péché, le méchant ne séjournera point chez toi. Le lépreux ne devait point s’approcher du sanctuaire, même à une certaine distance ; cela signifiait : Retirez-vous de moi, maudits ! Qu’ai-je de commun avec vous. Cependant lorsque l’homme en venait à être couvert de lèpre de la tête aux pieds, le prêtre, quelque étrange que dût paraître cet acte, déclarait le malade pur et sain. Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé par dessus. Tant qu’un homme ne se sentira pas complètement pécheur et qu’il s’imaginera découvrir quelque bien en lui, jamais le Souverain Sacrificateur ne lui dira : Va-t-en en paix, tes péchés te sont pardonnés. Lorsque la maladie était arrivée à ce point, le lépreux allait se montrer au souverain sacrificateur. C’est aussi tout ce que nous avons à faire lorsque notre conscience nous force à nous écrier : Mes iniquités ont passé par dessus ma tête. Le prêtre prenait deux oiseaux, tuait l’un, plongeait l’autre dans le sang puis le laissait s’envoler. Le dernier était le type de l’homme délivré du péché et rendu libre par la mort d’un autre. Le lépreux devait être aspergé avec le sang d’un agneau, au moyen d’une branche d’hysope. La signification de cet usage n’échappa point à David qui, se déclarant atteint de la lèpre spirituelle, s’écriait : Purifie-moi avec l’hysope et je serai net. On mettait de ce sang sur l’oreille, la main et les pieds ; ceci, appliqué à la lèpre spirituelle, signifie : Ton oreille s’est détournée, ta main est pleine d’iniquités et tes pieds marchent sur la route de la mort. Tout ton corps a besoin du sang de l’aspersion. Les mêmes parties du corps étaient ensuite ointes d’huile, cérémonie qui avait trait à l’action du Saint-Esprit sur le pécheur pardonné, qui le porte à une nouvelle vie et à une nouvelle obéissance. Après ces cérémonies, le malade était de nouveau reçu dans le camp et il apportait avec lui une attestation du prêtre, certifiant qu’il était sain et parfaitement nettoyé.
Naaman, en sa qualité de païen, ne fut point astreint à tous ces symboles. Le Seigneur pouvait toujours, à son gré, faire ou admettre une exception aux lois qu’il avait données dans le Lévitique. Mais, dans la guérison du Syrien, ce furent en quelque sorte des cérémonies de la nouvelle alliance qui vinrent remplacer celles de l’ancienne. Un baptême d’eau fut pour lui le signe d’une renaissance corporelle et spirituelle. D’un côté ce symbole était plus intelligible pour lui, que ne l’auraient été les cérémonies mosaïques, de l’autre, cette voie le conduisait plus directement au Seigneur et il lui devenait impossible de comparer l’action divine avec les opérations des magiciens de son pays.
On se figure les battements de cœur de Naaman, lorsque, se séparant de sa suite, il descendit seul le long des rochers qui bordaient le Jourdain et entra dans les ondes bouillonnantes du fleuve ! — C’était là un moment plein de solennité, car il allait enfin éprouver si Jéhovah était Dieu ; si Élisée était son prophète ou un imposteur ; si Israël méritait le nom de peuple saint, ou s’il se l’était arrogé dans son orgueil. L’étranger retournerait-il dans son pays avec des chants de louange ou proclamerait-il le néant de cette prétendue grandeur ?
Pénétrés de l’importance de cette épreuve, Naaman et sa suite demeurent dans un profond silence. Le Syrien se plonge dans les eaux et jusqu’à la sixième fois aucun changement ne se fait voir encore. Cependant il ne se décourage pas. « Sept fois ; » a dit le prophète. — Au moment où il va se plonger pour la dernière fois, Naaman s’arrête, rempli d’une mystérieuse terreur, il sent qu’à cette septième fois son sort va être décidé ; ses espérances seront couronnées de succès ou détruites pour toujours : enfin, il prononce le nom de Dieu et celui du prophète et disparaît de nouveau sous les eaux ; une attente pleine de perplexité fait frémir les spectateurs rassemblés sur le rivage. Naaman retient sa respiration, il veut rester sous l’eau aussi longtemps que possible. Ah ! quels soupirs se seront échappés de son sein, quelles prières l’infortuné aura adressées à ce Jéhovah qu’il demande à connaître ! — Tout d’un coup un merveilleux changement s’opère. Une étonnante vigueur se répand dans tous ses membres ; une vie nouvelle circule dans ses veines, il sent des torrents de joie bouillonner dans son cœur en même temps que la santé lui est rendue. Il se relève et un cri de bonheur le salue du rivage, car le miracle est accompli, il est guéri ; plus une seule tache sur son corps ; ses yeux brillent comme deux étoiles ; il est plein de vie et de force, tel qu’un jeune enfant dans la fleur de la santé. Tous les cœurs bondissent de joie et tous ensemble s’écrient : « Il y a ici plus que Baal et ses prêtres. » Tous reconnaissent et confessent le nom du Dieu d’Israël. — La scène du mont Carmel s’est renouvelée ; mais avec la splendeur d’une transfiguration évangélique.
Considérez l’eau du Jourdain comme un type du sang de Christ et vous assisterez à un événement qui doit vous arriver à tous. — Baignez-vous dans ces eaux miraculeuses et salutaires, sinon vous mourrez dans vos péchés. Ce sang est le seul moyen de purification qui vous reste et c’est un moyen plus que suffisant. — Pourquoi courez-vous ici et là de votre propre mouvement ? Pourquoi vous tourmentez-vous à accomplir de vaines et inutiles cérémonies ? Pourquoi faites-vous des serments que vous ne pouvez tenir ? Si vous voulez obéir aux commandements de Dieu il faut d’abord vous enquérir de ce qu’Il commande. Vos suppositions n’ont aucun fondement. Ce n’est pas la purification de vos vêtements faite par vous-mêmes qui vous est imposée ; le commandement de Dieu c’est que vous soyez lavés dans le sang de son Fils. Il faut que vous vous soumettiez à cette ordonnance, ou, malgré tous vos efforts pour arriver à la sanctification, vous serez considérés comme rebelles. Ne parlez donc pas de votre obéissance. C’est nous qui obéissons, lorsque, à cause de Dieu et de sa parole, nous renonçons complètement à choisir nous-mêmes nos propres voies, nous nous condamnons nous-mêmes et nous recevons Christ pour notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption. Nous, qui plaçons hors de nous-mêmes toutes nos espérances et qui croyons fermement que nous n’avons besoin de nul autre mérite que de celui de notre Rédempteur ; nous à qui l’on reproche notre confiance, en l’accusant d’être du quiétisme, comme si l’on pouvait reprocher au soleil de briller et de donner de la chaleur sans prendre de peine, comme si les lis étaient moins beaux parce que leurs vêtements leur sont donnés de Dieu ; nous tous, dis-je, tant que nous sommes, qui appartenons au troupeau de Christ, nous sommes les seuls véritables sujets de Dieu, les seuls qui obéissent à ses commandements, car nous nous soumettons à ces paroles : Hors de moi, vous ne pouvez rien faire. — Par une seule ablation il a consacré pour toujours ceux qui sont sanctifiés. — Il n’y a aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. — Il a porté nos péchés en son corps sur le bois, et il a effacé l’obligation qui était contre nous. — Celui qui est lavé n’a besoin sinon qu’on lui lave les pieds et alors il est tout net, or vous êtes nets. — Celui qui croit du cœur croit à justice. — Dieu a fait celui qui n’a point connu de péché, être péché pour nous, afin que nous devinssions justes devant Dieu par Lui. Nous nous soumettons sans restriction à l’Evangile de Dieu, considérant le moindre doute touchant l’entière efficace du sang de Christ, comme un brandon de rébellion allumé aux flammes de l’enfer ; nous dépouillant de tout ce qui nous est propre pour nous abandonner complètement à Dieu et attendre tout de Lui et de Lui seul. — Malgré tous leurs efforts pour obtenir leur salut ceux qui ne le chercheront pas en Christ seront repoussés. Moïse même les condamnera, et les conduira en enfer avec tous ceux qui demeurent incirconcis de cœur.
Naaman est dans l’ivresse du bonheur, toutes les espérances qu’il avait conçues lors de son départ de Damas ont été surpassées. Il se félicite de s’être enfin soumis à ce moyen qui d’abord lui a paru si méprisable. Si, dans ce moment, il apparaissait au milieu de nous, comme il exhorterait les faibles et les timides ! « Enfants, dirait-il, confiez-vous en la parole de Jéhovah, elle est plus assurée que le roc même. Ne jugez pas ses conseils d’après les pensées humaines ; suivez-les et attendez le résultat. Ne soyez pas semblables aux Pharisiens, en vous imaginant que le sacrifice de la croix ne renferme pas aux yeux de Dieu votre entière justification. Demeurez dans le nom de Jésus, et remettez toutes vos affaires à l’Eternel, car il prend soin de vous. »
O miracle ! le lépreux est rendu net, le païen, le misérable pécheur est sorti de ces eaux purifié, renouvelé, sanctifié ! Il a reçu le baptême par immersion et des eaux de ce baptême est sorti un Israélite, un serviteur de Dieu, un saint ; le renouvellement est l’œuvre d’un instant. Mais ce n’est point le fait de l’arbitraire. La grâce qui s’y manifeste, repose sur les principes de la justice et s’appuie sur l’expiation opérée par le sang de l’agneau qui a été immolé dès la création du monde. C’est ici le grand sacrifice qui a d’avance prévalu contre la justice divine, car sans lui, la colère de Dieu se répandrait en impétueux torrents. Oui, partout où le secours de Dieu s’est manifesté ou se manifeste dans le monde, c’est le sang expiatoire qui a rendu la délivrance possible.
Naaman avait été d’abord appelé à rechercher le secours humain, afin d’en sonder tout le néant. Il fut conduit en Israël, non par le conseil d’un sage, mais par celui d’un esclave. La, il vit Joram déchirer ses habits, en confessant que le Dieu Tout-Puissant pouvait seul guérir de la lèpre. Il eut à subir à la porte même du prophète les humiliations que nous savons. Il dut y recevoir un conseil qui ne parut à sa raison qu’absurdité et folie, Dieu le laissa d’abord se remettre en route pour s’en retourner. H était nécessaire que l’heure de sa guérison arrivât au moment même où toute sa lèpre spirituelle venait de se montrer, où l’indignation bouillonnait au dedans de lui, et lorsqu’il était sur le point de jurer une haine implacable au Dieu d’Israël et à son culte. Tous les événements furent arrangés de telle manière qu’après sa purification deux pensées durent venir le frapper irrésistiblement. L’une : « C’est Jéhovah qui m’a secouru. » L’autre : « Il m’a guéri dans sa miséricorde, moi indigne et misérable pécheur ! » Ces convictions se sont déjà emparées de son âme, voyez-le, prosterné la face dans la poussière, le cœur rempli de reconnaissance et d’adoration ! C’est avec une profonde émotion que nous le contemplons et que nous félicitons Israël de le compter désormais au nombre de ses enfants. Oui, les hommes sur la terre et sans doute les anges dans le ciel contemplent avec ravissement la scène qui vient de se passer sur les bords du Jourdain !
Après avoir offert ce premier sacrifice de louanges, Naaman se relève, change de vêtements et s’élance dans son char avec la légèreté d’un jeune homme ; il bénit encore ces eaux bienfaisantes dont il va s’éloigner, puis il reprend la route de Jéricho. Toute la caravane se remet en route. C’est un triomphe comme de longtemps on n’en a vu, non pas toutefois de Naaman, mais de Dieu. Naaman n’est que le chandelier par lequel la grâce de Jéhovah fait briller sa gloire ; il est le trophée du Seigneur, le miroir de sa beauté, le témoin vivant qui constate sa grandeur. Voilà ce qu’il est et voilà ce qu’il veut être. Quels sentiments doivent se presser en lui ; il est comme dans un autre monde, son existence est changée ; les murs de sa prison obscure sont tombés et le royaume de la vérité lui a ouvert ses portes. Il a trouvé le Dieu vivant. Enfant béni de la grâce, il repose sur son sein. Mille trésors lui sont révélés. Leur éclat transforme son existence, c’est pour lui le gage de la vie éternelle. En trouvant Dieu, il a trouvé en lui-même, au lieu d’un fils de la poussière, un fils de l’immortalité. Voici, pour lui toutes les choses vieilles sont passées et toutes choses sont faites nouvelles.
Nous aussi nous contemplons avec une profonde joie cet être renouvelé. Il nous apparaît comme un significatif hiéroglyphe, comme un Evangile anticipé, comme une incarnation des plus douces paroles, comme un feuillet de l’éternelle vérité écrit en dedans et en dehors. Cet homme nous en apprend plus que tous les volumes de la sagesse humaine. Nous voyons en lui une démonstration concise et solide de l’existence d’un Dieu vivant qui dispose comme il lui plaît des circonstances de notre vie, et de l’action créatrice d’un esprit qui peut rappeler à la vie les ossements de mort. Ce n’est pas tout encore. Cet homme est le sceau divin de la vocation particulière d’Élisée, c’est l’amen puissant d’une foule de promesses, c’est aussi la gerbe de prémices de la grande moisson de l’Evangile parmi les païens. Au reste, tous les rachetés du Seigneur sont comme lui des volumes de Dieu, écrits en dedans et en dehors. Les étoiles du ciel, les oiseaux de l’air, les fleurs des champs, sont des sentences écrites par Dieu même. Mais les régénérés sont des livres d’une impression et d’une reliure bien grossière, peut-être, mais qui présentent, à quiconque sait lire, le contenu le plus précieux. Quelle folie que de prétendre sonder les œuvres de Dieu, tout en refusant d’étudier la plus considérable. C’est la folie de la philosophie naturelle. Quiconque est en Jésus-Christ, dit saint Paul, est une nouvelle créature. Cette créature nouvelle en dit plus sur les perfections de Dieu que tout l’ensemble de la première création. Le Nouveau Testament tout entier se réfléchit en elle en détail et trouve en elle une confirmation. — Ses compagnons, est-il dit au grand sacrificateur Jehosçuah (Jésus), sont tous des miraclesa.
a – Zacharie 3.8 La version allemande utilisée par Krummacher traduit le mot hébreu Mopet par miracles là où la Segond traduit signes, la Perret-Gentil figuratifs et la Septante prodiges (ThéoTEX).