Études de Théologie Moderne

Le problème. Définition et critère

Reprenant un mot célèbre et l’appliquant à notre sujet, nous pourrions répéter, nous aussi : « L’évolutionnisme coule à pleins bords ! » Et peut-être y aurait-il plus d’un rapport à signaler entre le gouvernement social et la doctrine scientifique qui briguent ensemble les suffrages du monde moderne. Le rapprochement serait intéressant à établir ; il révélerait cette unité foncière de l’esprit humain, qui n’est jamais capable que d’une démarche à la fois et dont la vision, voilée aux regards superficiels, apparaît aussitôt qu’on remonte aux principes directeurs.

Il suffit à notre propos de remarquer que la théorie de l’évolution, d’abord appliquée aux sciences naturelles, gagne de proche en proche et finit par atteindre aussi les sciences morales et religieuses. Des unes aux autres, la sociologie lui sert de pont et le christianisme est le but de son suprême effort. Ceci ne peut plus aujourd’hui faire doute pour personne. Depuis un demi-siècle environ, — peut-être faudrait-il dire depuis l’apparition de la philosophie hégélienne, — la théologie allemande incline de ce côté. Semblable à ces puissances auxquelles il importe davantage de gouverner que de régner, l’évolutionnisme procédant tantôt par coups d’éclat, tantôt par infiltrations sourdes, se pliant aux circonstances, prenant son point d’appui dans les obstacles mêmes qu’on lui oppose, entamant les milieux les plus réfractaires et triomphant des réactions les plus vigoureuses, s’est immiscé partout et touche au cœur de la place.

Ni l’Angleterre, ni la France, ni la Suisse n’ont résisté à cette contagion. Citer ici tous les ouvrages qui en font foi serait dresser une interminable nomenclature.

Je me borne à rappeler l’un de ceux qui nous touchent de plus près et qui a d’ailleurs une portée générale puisque, de l’avis de ses critiques les plus compétents, il ne fait que traduire au peuple des données courantes aux écolesk  ; je parle de la récente et déjà célèbre Esquisse d’une philosophie de la religion, d’après la psychologie et l’histoire, de l’éminent professeur et doyen de la Faculté de Paris, M. A. Sabatier. (Il y faut joindre désormais le volume de M. P. Chapuis, Du surnaturel, études de philosophie et d’histoire religieuses, 1898.)

k – Voir M. Lobstein, Theologische Literaturzeitung, 3 avril 1897 ; M. H. Bois, Revue de théologie et des questions religieuses, 1er mai 1897 ; M. L. Emery, Gazette de Lausanne, 26 mars 1897.

Non que je désire m’occuper directement de ce livre. Ma tâche est à la fois plus large et plus étroite. Mais je le mentionne à titre d’exemple de l’irrésistible entrée que fait l’évolution dans la théologie évangélique, et s’il m’arrive dans la suite d’y faire encore allusion, ce ne sera jamais qu’afin de préciser ma pensée, de donner corps à mes arguments sur une matière dont j’ai à cœur qu’on reconnaisse d’emblée le caractère impersonnel.

On nous contestera peut-être, on nous a déjà contesté (voir le Semeur vaudois, 3 octobre ; la Vie nouvelle, 10 décembre, et le Progrès religieux, 31 décembre 1897) que l’exemple soit topique. Chacun, sans doute, reste libre d’en juger à sa guise et je reconnais volontiers que l’évolutionnisme de M. Sabatier n’est pas, ou n’est pas encore, un évolutionnisme intégral. Qu’il y tende cependant et surtout qu’il y amène ses lecteurs, c’est ce qui me parait indéniable. J’en ai par devers moi des preuves positives. Comment s’expliquerait-on autrement l’impression générale de la presse religieuse, qui fut presque unanime à qualifier son système d’évolutionniste ? celle de théologiens de valeur comme MM. H. Bois (Revue de théologie et des questions religieuses, juillet 1897, p. 351-361) ; A. Westphal (ibid., décembre, p. 534-579) ; G. Godet (Evolution et révélation, Conférences d’étudiants chrétiens, Sainte-Croix, septembre 1897) et J. Bovon (Liberté chrétienne, 1er janvier 1898) ? celle enfin des philosophes de profession comme M. M. Millioud (Journal de Genève, 7 avril 1897) et l’auteur de la notice bibliographique du supplément de mars 1897 à la Revue de métaphysique et de morale (p. 2-3) ? Quant à M. P. Chapuis, la chose est trop claire pour faire l’ombre d’un doute (comp. Du surnaturel, p. 140-143, 144, 148 et la page, stupéfiante au point de vue chrétien, significative au point de vue philosophique, qui termine le volume).

Si l’on demande la raison de l’universelle sympathie que rencontre la doctrine de l’évolution auprès de nos contemporains, il faut répondre, je pense, qu’elle provient pour une part considérable, sinon tout à fait décisive, de l’éducation scientifique que le siècle donne aux intelligences.

Elle les façonne presque dès le berceau à ses procédés, qui sont ceux de l’induction ; elle les détache de la métaphysique et les conduit à l’expérience ; elle les accoutume à la notion du relatif ; elle ne les entretient que des causes secondes ; surtout elle leur ouvre les perspectives historiques ; elle leur apprend à voir comment les phénomènes se suivent, s’enchaînent et dérivent génétiquement les uns des autres. De ces leçons-là, on conserve plus que la mémoire ou le souvenir, on en garde une disposition d’esprit et une méthode à jamais ineffaçables, qui prédisposent incontestablement en faveur de la conception évolutive.

Ecoutez plutôt M. Sabatier : « Il est vrai, dit-il, que j’aime à me servir du mot d’évolution et à considérer tous les phénomènes dans leur succession naturelle. Mais ce n’est point là une doctrine métaphysique, c’est un procédé d’étude, une méthode qui consiste en ces deux règles essentielles : observer chaque fait tel qu’il se présente et l’observer dans l’ordre, c’est-à-dire dans les conditions où il se présente, parce qu’un fait n’a sa vérité et sa valeur que dans cet ordre et cet enchaînement. » Ouvrage cité, Préface, p. vi-vii. L’auteur écrit dans le même sens, p. 154 : « Et puisque je viens de prononcer une fois de plus ce mot d’évolution dont j’aime à me servir, l’occasion est propice de dire comment je l’entends et d’écarter le sens fataliste que bien des gens lui donnent. Si, par évolution, on veut entendre une marche des choses nécessaire et inconsciente, un mouvement mécanique et continu, qui feraient sortir, sans effort ni péril, la lumière des ténèbres, le bien du mal, et pousseraient un peuple ou une race d’une forme inférieure de la vie à une forme supérieure, alors on n’évitera pas le reproche de confondre les lois du monde moral avec celles de l’ordre physique ; on sera condamné à fausser l’histoire en général et à ne rien comprendre à celle d’Israël en particulier. » Ce n’est pas seulement par motif d’équité que nous transcrivons ces lignes, mais avec une véritable satisfaction. Nous regrettons toutefois que d’autres passages leur infligent, ou semblent leur infliger, un trop éclatant démenti.

L’écrivain nous donne, dans ces quelques lignes, en même temps qu’un spécimen du tour d’esprit que je signalais plus haut, la définition de toute méthode vraiment scientifique.

*

Cette méthode, toutefois, n’est pas encore l’évolutionnisme proprement dit et ne le produit pas forcément. Mais voici comment, appliquée aux sciences religieuses et morales, elle y prépare et finit par y verser : supposez que « l’ordre et l’enchaînement » où l’on observe les phénomènes moraux et religieux soient éventuellement conçus comme un « ordre et un enchaînement » nécessaires ; supposez que l’on entende, par « conditions » des faits moraux et religieux, moins la dépendance interne et psychologique qu’ils soutiennent avec la personnalité humaine et divine, que la dépendance historique et phénoménale par laquelle ils se conditionnent les uns les autres ; supposez, en un mot, que ces deux règles capitales : « l’observation des faits tels qu’ils se présentent et dans l’ordre où ils se présentent, » soient inconsciemment employées au profit d’un déterminisme implicite, de manière à transformer leur succession naturelle en une évolution continue : l’abîme qui séparait la méthode de la doctrine est désormais franchi, on a préjugé du problème de la liberté, on l’a résolu par la négative avant même de l’avoir appelé en cause ; sous couleur d’histoire et de science on a fait de la philosophie. On a dicté aux phénomènes « un ordre et un enchaînement » qui pourraient ne point être les leurs, puisqu’on a oublié qu’ils ressortissent après tout, beaucoup moins à la succession historique où ils se manifestent, qu’aux sujets moraux — libres par hypothèse — qui les ont produits. Est-il besoin d’ajouter que « leur vérité » et « leur valeur » se trouvent dès lors singulièrement compromises, si ce n’est entièrement altérées ?

Comparez ouvrage cité, p. 111 : « De même, dans l’histoire des religions, quelque confuse et imparfaite qu’elle soit encore, se déroule, avec non moins d’évidence et de certitude, une histoire de la religion qui n’est autre chose que le progrès de la conscience religieuse de l’humanité à travers toutes ses aventures, depuis ses commencements infimes jusqu’aux sommets les plus hauts qu’elle a fini par atteindre. » Et encore, p. 324. « Nos idées (religieuses et doctrinales) ne sont que des phénomènes psychiques, qui veulent être expliqués par les phénomènes antérieurs semblables. En d’autres termes, la méthode historique a fait triompher partout le point de vue de l’évolution, c’est-à-dire l’idée même à laquelle est consacré tout notre discours. En vain nous révolterions-nous contre cette loi historique qui est celle de la vie ; nous ne l’empêcherions pas de s’exercer souverainement » (comp. encore p. 365, 130, 132, etc.). Dans tous ces passages, la notion saillante est, sans contredit, celle d’une évolution continue, dans laquelle « chaque phénomène veut être expliqué par le phénomène antérieur semblable », ce qui constitue précisément l’a priori tendanciel que nous signalons. A remarquer aussi cette « méthode historique » qui « fait triompher le point de vue de l’évolution », lequel point de vue (ou laquelle évolution) devient aussitôt une « loi » qui règne « souverainement ». La déviation est exactement celle que nous dénonçons plus haut.

Mais on voit, du même coup, combien la pente est glissante, combien facilement l’évolution de méthode débouche dans l’évolution de doctrine, quelle vigilance et quelle discipline il faudrait au savant, surtout au savant moderne, travaillant sous la pression continue du déterminisme scientifique et cédant aux convoitises intellectuelles ambiantes, pour échapper à ce danger. Le plus grand nombre, tous ceux au moins qui, à l’instar de MM. Sabatier et P. Chapuis, concèdent le caractère mystique, c’est-à-dire scientifiquement irréductible, de la fonction religieuse considérée dans son centre psychologique personnel, mais le lui retirent aussitôt qu’ils la considèrent dans ses manifestations phénoménales, tous ceux-là ont plus ou moins cédé à la tentation et commis une erreur qui décide du fond même de leur pensée, puisqu’elle transforme un procédé d’étude en un système philosophique.

M. P. Chapuis, à bien des égards l’enfant terrible de M. Sabatier, témoigne mieux encore de cette erreur. Voici ce qu’il écrit (Du surnaturel) p. 237 : « En fait il n’y a pas de sentiment nettement historique tant qu’on ne comprend pas l’indissolubilité des causes finies et l’impossibilité des miracles. » Nous pensons précisément le contraire. Laissons la question du miracle ; tenons-nous à celle de l’histoire en général. Un homme qui l’envisage exclusivement à travers « l’indissolubilité des causes finies » a, selon nous, perdu le sens historique. Il a quitté le terrain de l’histoire pour celui d’une philosophie déterministe. Quelle est après tout, la matière première de l’histoire, sinon la personnalité humaine ? La personnalité humaine est libre ou elle n’est pas ; elle introduit donc dans « la chaîne des causes finies », que nous ne songeons pas à nier, mais qui ne constitue que la moitié de l’histoire, un élément imprévisible, réfractaire aux calculs de l’enchaînement causal, la liberté. Abstraire de cet élément, c’est fausser la réalité historique au profit d’un a priori qui, dans le cas particulier, se trouve être celui de l’évolutionnisme.

Ce glissement ou cette déviation sont si manifestes chez M. Sabatier, par exemple, qu’afin de définir l’évolutionnisme, afin d’en fournir non la formule unique, car il est susceptible de formules infinies, mais une formule typique, il me suffit d’emprunter à son volume la citation suivante  : « La théorie de l’évolution ascensionnelle des êtres, qui rend le miracle inutile, nous montre la nature en voie de transformation constante et d’enfantement perpétuel. Rien, en elle, n’est stable et définitif. Tout y prépare autre chose, chaque forme de vie est la préface d’une vie plus haute. Quel est donc le mystère caché qui fermente au sein de cette nature douloureuse et fait effort pour éclore et s’épanouir ? Le plus ne peut sortir du moins, dit l’école, et l’école a sans doute raison en logique abstraite. Mais la réalité se moque de la logique. Elle nous montre partout le triomphe de l’axiome contraire. La perfection n’est au commencement de rien. L’évolution cosmique va toujours de ce qui est plus pauvre à ce qui est plus riche, du simple au composé, de l’homogène à l’hétérogène, de la matière brute à la matière vivante et de la vie physique à la vie de l’esprit. A chaque degré la nature se dépasse elle-même par une création mystérieuse qui ressemble à un vrai miracle par rapport au degré inférieur. Que conclure de ces observations, sinon qu’il y a dans la nature une force cachée, une énergie potentielle incommensurable, une source toujours ouverte, jamais épuisée, d’apparitions à la fois magnifiques et inattendues. »

Ici, sans contredit, nous n’avons plus à faire avec l’évolution de méthode, mais — le mot lui-même y est — avec l’évolution théorique ou de doctrine. Elle est, du reste, admirablement résumée et rend merveilleusement compte de l’inévitable séduction qu’elle exerce sur l’intelligence. Le plus sortant du moins (ou paraissant en sortir), la vie de l’esprit procédant de la vie physique (parce qu’elle y est déjà contenue), les lois du monde moral ramenées à celles de la nature, le développement ou la procession des êtres, représentée par l’éclosion d’un germe, la végétation d’une plante, l’épanouissement d’une fleur et s’effectuant sous la poussée uniforme et continue d’une sourde énergie, d’une puissance virtuelle et divine, voilà bien les linéaments du système. Ils sont posés d’une manière suffisamment ferme et suffisamment élastique pour que chacun, les prolongeant à sa guise les puisse retrouver partout.

*

Mais le système lui-même, en tant qu’il s’applique au domaine moral et religieux et qu’il prétend l’expliquer, que vaut-il et qu’en faut-il penser ? C’est là proprement l’objet de notre étude. Afin de répondre à cette question, il importe de choisir un critère aussi concret, aussi universel et aussi sûr que possible, un critère que nul ne puisse nous contester sérieusement. Entre tous, le critère moral nous semble le mieux convenir à notre dessein.

Plusieurs autres se présentent, il est vrai, dont nous pourrions user et qui nous conduiraient, je crois, au même résultat. On pourrait — il faudrait peut-être, pour que la démonstration fût complète — examiner l’évolutionnisme religieux au triple point de vue de l’histoire, de la psychologie et de la dialectique : au point de vue de l’histoire, et l’on s’assurerait de ce que nous indiquions plus haut, que l’évolutionnisme religieux ne paraît découler de l’histoire ni s’y confirmer, qu’à la condition de faire préalablement violence à l’histoire en lui imposant des prémisses et en lui imprimant une marche qui ne sont pas les siennes ; au point de vue de la psychologie, et l’on s’apercevrait que le phénomène religieux psychologique ne comporte l’explication évolutionniste qu’à la condition d’être imparfaitement observé et gratuitement amoindri dans l’exercice de ses facteurs ; au point de vue dialectique enfin, et l’on verrait les inconséquences, les contradictions inhérentes à l’évolutionnisme religieux en tant que système et combien, sous un faux air de rationalité, il demeure réellement impensable et chaotique en soi.

Ce dernier examen — nous les abandonnons tous trois à des temps plus propices — déboucherait naturellement dans celui que nous nous proposons d’entreprendre. Entre la logique et la morale, il y a plus d’affinités et de plus intimes qu’on n’a coutume d’imaginer quelquefois. Une pensée confuse est rarement le signe d’une volonté droite ; la rectitude morale engendre d’ordinaire la clarté intellectuelle, et le principe de contradiction, qui gouverne l’intelligence, ne gouverne pas moins la conduite. Seulement il y revêt un aspect nouveau, infiniment plus impérieux et plus dur, celui de la distinction du bien et du mal, la seule absolue, la seule irréductible et la seule objectivement certainel qu’il soit donné à l’homme de percevoir et qui, pour cela même, nous paraît admirablement convenir à l’emploi que nous lui destinons.

l – Nous disons : objectivement certaine, parce qu’elle est directement imposée, non aux activités de !a volonté (sens ou raison), mais à la volonté même, et qu’elle l’est avec le caractère de la sainteté du bien ; c’est là pour nous ce qui distingue, en dernière instance, l’objectif du subjectif. Tout le reste est, ou pourrait être, subjectif ; cela seul est certainement objectif, correspond certainement à une réalité, à un objet distinct du moi, extérieur et supérieur au moi.

Je sais bien qu’il y a des philosophes qui nous contesteraient le droit d’en faire usage ; qu’une certaine école sépare la vérité théorique de la vérité pratique comme deux quantités indépendantes, et, sous prétexte que la connaissance morale n’est pas d’ordre scientifique, dénient à celle-ci le droit de contrôler celle-là. Cette prétention reste admissible — moyennant quelques réserves — tant qu’il ne s’agit que d’histoire naturelle ; elle heurte le sens commun et devient monstrueuse lorsqu’il s’agit, comme au cas particulier, d’une doctrine qui, dépassant les phénomènes de la nature, s’étend jusqu’à l’homme. Car, en définitive, ces faits ou ces phénomènes, qu’on assimile à ceux de la nature, ne sont pas ceux de la nature, mais ceux de l’humanité. Et s’il est vrai que la nature humaine est encore une nature, on conviendra pourtant qu’elle se distingue de l’autre par un caractère essentiellement moral et religieux. Elle relève donc du principe qui fonde la morale et la religion, en dehors duquel la nature humaine ne serait ni religieuse, ni morale ; elle en relève, dis-je, elle en demeure justiciable.

N’est-ce point là d’ailleurs l’enseignement de la vie ? Y a-t-il dans l’existence humaine un acte, une situation, un fait qui échappe au jugement du bien ? Y en a-t-il un qui ne soit inspiré ou modifié par lui, qu’il ne suscite ou qu’il ne conditionne ? Ce jugement n’est-il pas imprescriptible et souverain ? Et l’on voudrait abstraire de tout cela ! Ignorer un facteur aussi considérable, aussi permanent, aussi décisif !

Quelle théorie serait-ce donc, et quelle science que celle qui, soustrayant à la vérité la moitié de la vérité en même temps que sa norme, oserait prétendre encore à la vérité ?

On ne saurait donc, à aucun titre, objecter à cette prémisse sur laquelle va désormais reposer notre étude : c’est qu’une conception qui rend compte d’un phénomène de vie morale, comme l’évolutionnisme religieux, reste passible d’une appréciation morale, laquelle en décide souverainement puisqu’elle ne fait qu’appliquer ce par quoi s’élève ou tombe l’ordre moral et religieux tout entier.

Ce critère admis et fixé, un très vaste horizon se découvre. Forcément nous devrons éliminer, choisir et marcher au principal. Le principal, évidemment, sera pour nous de saisir l’évolutionnisme religieux à l’endroit où il heurte, non pas tant les postulats théoriques de la morale, sur lesquels on peut discuter à perte de vue, que la moralité même ; à l’endroit où il se présente en antagonisme direct, soit avec le devoir concret qu’elle dicte, soit avec l’instinct profond qui la fait vivre. Nous le considérerons pour cela sous le quadruple rapport qu’il soutient :

  1. Avec le devoir moral qu’a l’individu de se former une conviction religieuse ;
  2. Avec le devoir moral qu’a l’individu d’agir religieusement ;
  3. Avec le principe de toute morale, profane et religieuse ;
  4. Avec celui de la morale spécifiquement chrétienne.

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