Commentaire sur les Actes des Apôtres

Chapitre XII

12.1

Or, vers ce temps-là, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques-uns de l’Eglise.

Saint Luc vient maintenant à expliquer une autre nouvelle persécution qui fut suscitée par Hérode. Nous voyons ici que l’Eglise de Dieu a eu quelque petit temps de trêves, afin que reprenant un peu haleine, elle prit courage pour le temps à venir, et que lors elle combattit derechef. Ainsi aujourd’hui il ne faut point que les fidèles se promettent un repos perpétuel, après qu’ils auront soutenu un ou deux assauts ; ou qu’ils demandent exemption, comme on a accoutumé de faire aux vieux soudards ; contentons-nous si Dieu nous octroie quelque temps pour reprendre force. Au reste, cet Hérode était Agrippa le grand, fils d’Aristobulus, qui avait été mis à mort par son père. On ne trouvera passage en toute l’histoire de Josèphe, où il soit nommé Hérode ; et c’est par aventure pour ce qu’il avait un frère qui était roi de Chalcide, nommé Hérode. Celui-ci n’a point été tant embrasé à persécuter l’Eglise, pour aucune affection qu’il eût à la religion, comme il l’a fait plus pour amadouer le peuple par ce moyen, qui autrement ne l’aimait guère ; ou bien certes qu’il était poussé d’une cruauté tyrannique, craignant nouveaux changements ; comme les tyrans ont toujours les choses nouvelles suspectes, afin qu’elles ne troublent le repos de leur domination. Toutefois il est vraisemblable qu’il a répandu le sang innocent pour complaire au peuple forcené, comme c’est la ruse ordinaire des Rois. Car ci-après saint Luc racontera que S. Pierre fut mis en prison, pour être produit comme un plaisant spectacle.

12.2

Et il fit mourir par l’épée Jacques, frère de Jean.

Il ne faut point douter que la cruauté de cet homme enragé n’ait été retenue et réprimée par une vertu secrète de Dieu. Car il ne se fut pas tenu de persécuter les autres, se contentant de la mort d’un ou de deux ; mais plutôt il eût entassé un grand monceau de Martyrs, si Dieu n’eût mis la main au-devant pour garantir son troupeau. Ainsi quand nous voyons des ennemis de la vraie religion remplis de rage, et que toutefois ils ne viennent point jusques-là qu’ils commettent des meurtres horribles pour mêler tout en sang, sachons que cela ne se fait point par leur modération ou clémence, mais pour ce que le Seigneur épargnant ses brebis, ne souffre point que ces bêtes sauvages fassent tant de dommage qu’ils voudraient bien. Et certes ne pensons pas que ce roi Hérode fut si doux et humain, qu’il fît difficulté de racheter la paix et la grâce du peuple par la mort de cent hommes ou plus. Par quoi il nous faut faire cette résolution, qu’il y a eu une bride plus haute qui a tenu en serre leur rage, afin qu’elle n’opprimât l’Eglise d’une violence furieuse. Il mit à mort Jaques frère de Jean, comme quand il y a quelque sédition émue, on a accoutumé d’empoigner les principaux auteurs de celle-ci, et de les punir, afin que par leur exemple le commun populaire soit ébranlé. Cependant le Seigneur a permis que celui qu’il avait garni de constance, ait été traîné à la mort ; afin qu’en mourant il obtînt victoire glorieuse, comme champion hardi et courageux. Ainsi quelque chose que les tyrans machinent, toutefois Dieu choisit pour soi des victimes de bonne odeur, pour établir l’autorité de son Evangile. Au reste, S. Luc dit que ce Jaques était frère de Jean, pour le discerner du fils d’Alphée, aussi nommé Jaques. Car touchant ce qu’aucuns ont inventé un troisième cousin de Christ, qui ait été seulement du nombre des disciples, je ne m’y accorde point, pour ce que j’ai de bonnes raisons et fermes, qui me font croire qu’il n’en a pas été d’avantage ; lesquelles on peut voir sur le chapitre 2 des Galates. J’estime donc que Jaques l’Apôtre, et le fils d’Alphée, est un même, qui fut jeté par les Juifs du haut du temple en bas, et la mort duquel a été si fort louée à cause de la grande sainteté du personnage.

12.3

Et voyant que cela était agréable aux Juifs, il fit encore arrêter Pierre. Or c’était pendant les jours des pains sans levain.

On voit plus clairement par ceci qu’Hérode n’était poussé ni du zèle de la Loi de Moïse, ni de haine contre l’Evangile à persécuter l’Eglise, mais c’était pour pourvoir à ses affaires particulières. Car il persévère en sa cruauté, pour acquérir la faveur du peuple. Pour cette raison il nous faut entendre qu’il y a diverses causes pourquoi l’Eglise est assaillie de tous côtés. Bien est vrai que les méchants sont souvent transportés de zèle pervers, en sorte qu’ils combattent pour leurs superstitions, et offrent sacrifice à leurs idoles, en répandant le sang innocent ; mais la plus grande partie regardent seulement à leur profit particulier. Ainsi cet horrible monstre Néron, connaissant que le peuple l’avait en mauvaise réputation et haine, après qu’il eût fait mettre le feu en la ville de Rome, trouva ce moyen pour recouvrer la faveur et grâce du peuple, ou pour le moins tâcha d’apaiser les complaintes et opprobres, en faisant mourir quelques milliers de Chrétiens et fidèles. En cette sorte aussi ce roi Hérode, afin qu’il apaise le peuple qui ne l’aimait guère, il donne les Chrétiens à la mort, pour être le prix et rachat de la grâce du peuple. Et notre condition n’est point autre ou meilleure aujourd’hui. Car comme ainsi soit que tous sont enragés contre les membres de Christ, il y en a bien peu qui soient incités par superstition ; mais il y en a qui veulent acquérir la grâce de l’Antéchrist Romain en faisant des bons valets ; les autres lâchent la bride et obtempèrent aux récriminations furieuses des cafards et du peuple. Et nous, cependant comme pauvres malotrus sommes exposés à leurs moqueries. Mais il y a une consolation qui nous fortifie à merveille ; c’est que nous savons que notre sang (duquel le monde abuse en ignominie) est grandement précieux devant Dieu ; et qui plus est, tant plus que les méchants et infidèles nous traitent vilainement et outrageusement, tant moins serons-nous destitués de la grande bonté de notre Dieu.

12.4

Et après l’avoir saisi, il le mit en prison, le donnant à garder à quatre escouades de quatre soldats chacune, dans le dessein de le faire comparaître devant le peuple, après la Pâques.

Il montre par ces circonstances que S. Pierre était comme fermé en un sépulcre, en sorte qu’on pouvait penser que c’en était fait de lui. Car tout ainsi qu’on divisait les jours et les nuits en quatre parties, à savoir à chacune trois heures ; aussi Hérode avait réparti les gardes, tellement qu’après que quatre soldats avaient fait le guet, quatre autres puis après se mettaient en leur place ; et ainsi ils veillaient les uns après les autres de trois en trois heures. Il explique la cause pourquoi il n’a été mené tout soudain à la boucherie ; à savoir parce qu’il n’était licite de le mettre à mort durant les jours de la fête de Pâque. Par ainsi donc Hérode ne diffère point comme s’il eût été en doute quel conseil il devait prendre, mais seulement il attend l’occasion et opportunité. Il choisit même le temps auquel le présent et spectacle qu’il voulait donner au peuple, serait reçu avec plus grande joie et faveur, pour ce que grande assemblée de gens arrivait au jour de la fête.

12.5

Pierre donc était gardé dans la prison ; mais l’Eglise faisait d’instantes prières à Dieu pour lui.

S. Luc montre ici que les fidèles ne laissèrent cependant de faire leur office. Il es vrai est que S. Pierre faisait seul l’avant-garde, mais aussi tous les autres combattent par prières, et lui donnent tel secours qu’ils peuvent. Nous pouvons recueillir aussi de ceci, qu’ils n’avaient le courage perdu ; car leurs oraisons et prières rendent témoignage qu’ils persévèrent de tout leur pouvoir à maintenir la cause pour laquelle saint Pierre travaillait jusques au danger de sa vie. Ce passage nous enseigne premièrement, quelle affection nous devons avoir toutes les fois que nous voyons nos frères être affligés par les iniques pour le témoignage de l’Evangile. Car si nous nous montrons lâches, et si leurs périls ne nous émeuvent pour en être touchés au vif, non seulement nous les défraudons du devoir de charité, auquel nous sommes obligés, mais aussi nous sommes déloyaux en laissant en cet endroit la confession de notre foi. Car si la cause nous est commune, voire si ainsi est qu’ils combattent pour notre salut, ce n’est point tant à eux que nous défaillons, qu’à nous-mêmes et au Seigneur Jésus. Et la nécessité présente requiert que tous ceux qui veulent être réputés Chrétiens, savent bien émus d’une autre ardeur en leurs prières qu’on ne voit coutumièrement. Nous voyons que les uns de nos frères sont hors de leur pays réduits à une pauvreté extrême, les autres enchaînés, les autres plongés en l’ordure, et puanteur sale des basses fosses, plusieurs traités au feu ; et qui pis est, que ces bourreaux cherchent de nouveaux tourments pour faire plus languir les pauvres serviteurs de Dieu, et leur faire sentir qu’ils meurent. Si ces choses ne nous incitent pour le moins ou aiguisent à prier, ne sommes-nous pas plus que stupides ? Aussitôt donc que quelque persécution se lève, il nous faut recourir aux prières. Il est probable aussi que l’Eglise était d’autant plus soigneuse de la vie de S. Pierre, qu’elle voyait combien grande perte elle ferait en la mort de celui-ci. Et S. Luc ; ne dit pas seulement que prières se faisaient pour lui, mais il ajoute en même temps, Sans cesse ; signifiant par cela que les fidèles n’ont point prié froidement ni par forme d’acquis, mais tandis que saint Pierre a été au combat, ils ont été sans se lasser attentifs à le secourir selon le moyen qu’ils pouvaient avoir. Le nom de Dieu qui est ici exprimé, doit être toujours entendu quand l’Ecriture fait mention de prier. Car c’est l’un des premiers rudiments de notre foi, que les prières ne doivent être adressées sinon à Dieu ; comme il se réserve ce service particulièrement, ainsi que nous voyons Psaumes 50.15, où il est dit : Invoque-moi au temps de ta tribulation, etc.

12.6

Or, quand Hérode allait le faire comparaître en public, cette nuit même, Pierre dormait entre deux soldats, étant lié de deux chaînes ; et des sentinelles devant la porte gardaient la prison.

Du commencement il semble en apparence que les prières de l’Eglise ne profitent de rien ; car le jour pour mettre S. Pierre à mort est déjà fixé, et n’est distant de sa mort que d’une nuit. Toutefois les fidèles ne laissent point de prier ; d’autant qu’ils savent qu’il advient bien souvent que le Seigneur choisit son temps au dernier point de la nécessité, quand il veut secourir les siens, et qu’il a en sa puissance divers moyens de délivrer. D’avantage, il est croyable qu’ils n’ont point seulement fait oraison pour la vie de Pierre, mais aussi afin que Dieu le munît d’une force invincible, à la gloire de l’Evangile, et qu’il ne prostituât point l’Evangile de son Fils aux opprobres et blâmes des méchants.

Pierre dormait cette nuit-là. Toutes ces circonstances donnent mieux à connaître la vertu admirable de Dieu. Car qui est celui qui n’eût pensé que la mort eût déjà englouti saint Pierre ? Car combien qu’il respire encore, toutefois le voilà assiégé de cent morts, en sorte qu’il n’a ouverture tant petite soit pour échapper. Ce donc qu’il échappe par le milieu de beaucoup de morts, qu’il marche en sûreté entre les mains de ses bourreaux, que ses chaînes s’écoulent et se délient, qu’une porte de fer s’ouvre devant lui ; qui ne voit que ceci est une façon de délivrance vraiment Divine ? D’avantage, une telle garde si étroite donne mieux à entendre que ce cruel tyran Hérode n’avait rien moins en son cœur que de laisser saint Pierre en vie.

12.7

Et voici, un ange du Seigneur survint, et une lumière resplendit dans le cachot, et l’ange, frappant Pierre au côté, le réveilla, disant : Lève-toi promptement. Et les chaînes tombèrent de ses mains.

Il est probable que cette lumière ne fut vue d’autre que de saint Pierre, et que les gardes étaient ou assoupis de sommeil, ou étourdis, en sorte qu’ils n’en aient rien aperçu. Et il se peut bien faire qu’il y a eu double cause pourquoi Dieu a voulu que cette lumière resplendît ; ou afin que saint Pierre s’en servît, de peur qu’il ne fut empêché par les ténèbres ; ou afin que ce lui fut un signe de la gloire céleste. Car nous lisons que les Anges sont apparus bien souvent avec clarté, même quand le soleil luisait. Il est bien certain que cette lumière inaccoutumée devait faire penser à saint Pierre, que Dieu était là présent ; et en même temps l’appliquer à son usage et s’en servir. Quant à ce que l’Ange frappe le côté de S. Pierre, il apparaît par cela combien notre bon Dieu est soigneux de ses fidèles ; d’autant qu’il veille pour eux cependant qu’ils dorment, et les réveille quand ils sont assoupis. Et de fait, il n’y a rien plus misérable que nous, s’il n’y avait que l’assiduité de nos prières qui fît faire le guet à Dieu pour nous. Car selon que notre chair est infirme, nous défaillons, et avons lors principalement besoin de son aide, quand nos entendements étant distraits ailleurs, ne le cherchent point. Le dormir est une image de mort, qui tient tous les sens étouffés et assoupis. Que deviendrions-nous si Dieu alors cessait d’avoir l’œil sur nous ? Au surplus, pour ce que quand les fidèles se vont coucher, ils recommandent leur salut à Dieu, cela fait que leur dormir même invoque Dieu. Quant à ce que saint Luc explique qu’incontinent après les paroles de l’Ange les chaînes de saint Pierre ont été déliées, nous pouvons facilement recueillir de cela, qu’il y a assez de puissance au commandement de Dieu pour ôter toutes sortes d’empêchements, voire quand il semblerait que toutes voies seraient fermées. Ainsi s’il veut apaiser toutes émotions de guerre, voire quand tout le monde serait en armes, les lances et glaives tomberont tout incontinent des poings. Au contraire, s’il nous veut punir par guerre, s’il veut prendre vengeance de nos péchés et offenses, ceux qui auparavant étaient adonnés à repos, en un moment seront échauffés, et empoigneront les armes. Touchant ce que saint Luc explique par le menu tant les paroles de l’Ange que l’ordre de ce qui a été fait, cela sert pour la certitude de l’histoire ; afin qu’on connaisse en tout et par tout que saint Pierre a été délivré par la main de Dieu.

12.8

Et l’ange lui dit : Ceins-toi, et chausse tes sandales. Et il fit ainsi. Et il lui dit : Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi.

12.9

Et Pierre étant sorti, le suivait, et il ne savait pas que ce qui se faisait par l’ange fût réel, mais il croyait avoir une vision.

Il est bien vrai qu’il ne pensait point que ce fut quelque vaine illusion ou fantôme, comme souvent il advient que Satan déçoit les hommes par ses enchantements ; mais ce mot de vrai, est ici pris pour ce qui se fait naturellement et à la façon des hommes. Car il faut ici noter l’opposition qui est entre une chose qui se fait, et une vision. Au reste, combien qu’il pense que ce soit une vision, néanmoins il est prompt à rendre obéissance. En quoi son obéissance est éprouvée, quand se contentant du seul commandement de l’Ange, il ne s’enquiert plus, et ne débat point que c’est qu’il a à faire, mais exécute ce qui lui est commandé.

12.10

Et après qu’ils eurent passé la première et la seconde garde, ils vinrent à la porte de fer qui conduit à la ville, et qui s’ouvrit d’elle-même à eux ; et étant sortis, ils s’avancèrent dans une rue ; et aussitôt l’ange se retira d’avec lui.

Dieu pouvait bien en un moment ravir saint Pierre ; mais il surmonte par succession de temps plusieurs difficultés, afin que la gloire du miracle fut plus grande. Ainsi a-t-il créé le monde en six jours, (Genèse 1.1 ; Exode 20.14) non point qu’il eût besoin de quelque espace de temps ; mais afin que nous fussions mieux arrêtés en la méditation de ses œuvres. Car il modère sa manière de faire selon notre capacité, et pour l’accroissement de notre foi. Si Pierre eût été transporté tout en un moment de la prison en la maison où les frères étaient assemblés, on n’eût connu qu’une seule et simple délivrance ; mais maintenant nous voyons comme devant nos yeux, qu’il a été délivré plus de dix fois.

12.11

Et Pierre, revenu à lui-même, dit : Maintenant je sais véritablement que le Seigneur a envoyé son ange, et qu’il m’a délivré de la main d’Hérode et de tout ce qu’attendait le peuple juif.

Etant auparavant étonné de la chose non attendue et incroyable, il était comme hors de soi-même ; mais finalement il connaît comme étant retourné d’une extase, qu’il est délivré de mort. Ces paroles que saint Luc explique, contiennent action de grâces. Car il célèbre à part soi le bénéfice de Dieu qu’il avait expérimenté, et le magnifie en soi-même jusques à ce qu’il ait rencontré d’autres témoins. En disant que l’Ange a été envoyé de Dieu, il parle selon le sentiment commun des fidèles, lesquels tiennent que Dieu leur a destiné les Anges pour ministres, afin qu’ils aient soin de leur salut. Car s’il n’eût eu une telle persuasion imprimée en son Esprit, il ne ferait pas mention de l’Ange. Et toutefois il ne loue point l’Ange comme auteur de la grâce qui lui avait été faite ; mais il attribue toute la louange de ce fait à Dieu seul. Et certes les Anges ne s’emploient point à nous secourir pour tirer par devers eux tant peu que ce soit de la gloire de Dieu. Quand il dit qu’il a été délivré de la main d’Hérode, en montrant quelle est la force et puissance de son ennemi, il amplifie la grâce et le bénéfice de Dieu. Ce qu’il ajoute des Juifs, tend à un même but. Car tant plus que le nombre de ses ennemis était grand, tant plus aussi la grâce de Dieu a été excellente envers son serviteur. Car c’est grand cas, que Dieu seul étant propice et favorable, il faut que la haine de tout le monde, quoi qu’elle soit dangereuse et prompte à nuire, soit renversée et tombe bas.

12.12

Et ayant compris, il se dirigea vers la maison de Marie, mère de Jean, surnommé Marc, où beaucoup de personnes étaient assemblées et priaient.

Il apparaît que cette femme était d une piété singulière, vu que sa maison était comme un temple de Dieu, où les frères avaient coutume de s’assembler. Au reste, saint Luc dit qu’il y avait là grande assemblée de gens ; pour ce que d’autant qu’ils ne pouvaient s’assembler tous ensemble sans crainte de quelque émotion publique, ils s’assemblaient par bandes et troupes en divers lieux de la ville, selon qu’ils pouvaient recouvrer la commodité. Car je ne doute point qu’il n’y eût d’autres bandes assemblées ailleurs ; pour ce qu’il n’est point croyable que cependant que plusieurs du commun des fidèles étaient en prières, les apôtres fussent paresseux de faire leur devoir ; et d’autre part une maison n’eut pas été capable d’une si grande multitude. Or il faut toujours retenir la circonstance du temps, que combien que la rage et cruauté des ennemis fut embrasée, cependant toutefois il y avait des assemblées de fidèles. Car si jamais cet exercice peut faire fruit et profit, lors est-il principalement nécessaire, quand on voit approcher les âpres combats.

12.13

Quand il eut heurté à la porte d’entrée, une servante, nommée Rhode, s’approcha pour écouter.

Quant à ce qu’ils pensent que cette fille qui annonçait que Pierre était à la porte, délire, nous recueillons de cela, qu’ils n’attendaient nullement la délivrance de S. Pierre. Et toutefois nous ne dirons pas qu’ils aient prié sans foi ; d’autant qu’ils regardaient à d’autres bonnes fins, à savoir que Pierre étant armé de vertu céleste, fut prêt de glorifier le nom du Seigneur Jésus, ou par vie ou par mort ; que le troupeau étant étonné de la course violente des loups, ne fut dissipé ; et que le Seigneur voulut écarter cet orage et tourbillon de persécution, afin que les faibles ne perdissent courage. Mais Dieu a surmonté leurs requêtes par sa grande bonté, en leur donnant plus qu’ils n’avaient espéré. Ce qui est fait maintenant, leur semble incroyable, afin qu’ils soient plus incités à célébrer la vertu de Dieu.

12.14

Et ayant reconnu la voix de Pierre, de la joie qu’elle eut, elle n’ouvrit point la porte ; mais étant rentrée en courant, elle annonça que Pierre était devant la porte.

12.15

Mais eux lui dirent : Tu es folle ! Mais elle assurait qu’il en était ainsi. Et eux disaient : C’est son ange.

Ils appellent son Ange qui lui était député de Dieu, ministre et gardien de son saint. En ce sens Jésus-Christ dit que les Anges des petits enfants voient toujours la face du Père céleste (Matthieu 18.10). Or quant à ce que coutumièrement on tire de ce passage, que les hommes ont chacun son Ange, pour les garder et avoir soin d’eux, cela est sans preuve. Car l’Écriture rend témoignage que quelque fois un seul Ange est donné pour garde à un grand peuple ; et une grande armée d’Anges à un homme seul (Exode 14.19). Car Giezi qui était serviteur d’Elisée, eut les yeux ouverts, pour contempler plusieurs chariots de feu en l’air, ordonnés pour maintenir Elisée en sûreté. Et nous lisons au livre de Daniel, que les Perses n’avaient qu’un Ange, et les Grecs non plus (Daniel 9.5, 12). Et l’Ecriture aussi ne promet point à un chacun homme son Ange certain et particulier ; mais plutôt que Dieu a ordonné et commandé à ses Anges, de garder et maintenir chacun fidèle, Psaumes 91.11. De même, qu’ils plantent le camp à l’entour des fidèles, Psaumes 34.7. Et pourtant cette imagination, que chacun a deux Anges, un bon, et l’autre mauvais, qui a été communément reçue, est profane. Contentons-nous que toute la garde céleste fait le guet pour le salut de l’Eglise ; et en cette sorte selon la nécessité du temps, maintenant un Ange nous défend, tantôt il y aura un grand nombre qui nous maintiendra. C’est certes une bonté inestimable de Dieu, qu’il prononce que les Anges qui sont les rayons de la splendeur Divine, sont nos ministres.

12.16

Et Pierre continuait à heurter ; et quand ils eurent ouvert, ils le virent, et furent dans l’étonnement.

12.17

Mais leur ayant fait signe de la main de se taire, il leur raconta comment le Seigneur l’avait conduit hors de la prison, et il dit : Annoncez ces choses à Jacques et aux frères. Et étant sorti, il s’en alla dans un autre lieu.

Par les frères j’entends les apôtres et les Anciens, et non pas tous ceux qui pouvaient être de l’Eglise. Car combien qu’il fallait que le miracle fut connu de tous, néanmoins c’est à bon droit que S. Pierre veut pour faire honneur à ses compagnons, qu’ils en soient avertis. Quant à Jaques, les historiens Ecclésiastiques après Eusèbe disent presque tous d’un accord, que c’était quelqu’un des disciples ; mais vu que S. Paul le met entre les trois colonnes de l’Eglise, je ne peux croire qu’un disciple ait été préféré aux Apôtres pour être élevé à un tel honneur. Et pourtant je pense plutôt que c’était Jaques fils d’Alphée, de la sainteté duquel les Juifs étaient ravis en singulière admiration. Or il y avait deux raisons pourquoi saint Pierre voulait qu’on portât ces bonnes nouvelles à ses frères ; à savoir afin qu’ils fussent délivrés de ce souci qui les tourmentait ; d’avantage, afin qu’ils fussent fortifiés par tel exemple de la grâce de Dieu à concevoir une plus grande confiance. Quant à ce que S. Pierre part de à pour aller en un autre lieu, je pense qu’il l’a fait pour ce que la maison de Marie étant renommée, et fréquentée tous les jours de plusieurs fidèles, il pouvait être caché ailleurs avec moindre danger. Il a donc cherché un lieu qui ne fut point si suspect aux ennemis, et non point seulement pour s’épargner soi-même, mais plutôt l’hôtesse et tous les autres.

12.18

Le jour venu, il y eut un grand trouble parmi les soldats pour savoir ce que Pierre pouvait être devenu.

Saint Luc retourne maintenant aux soldats et à Hérode, et dit que les soldats émurent un grand bruit. Car ils ne pouvaient penser que Pierre leur eût ôté par force, ou qu’il fut échappé par quelque fraude ou finesse. Hérode connaît puis après du fait comme juge. Mais quand il voit que cela n’était nullement advenu par la faute des gardes, il est contraint aussi lui-même d’être témoin de la délivrance Divine.

12.19

Mais Hérode, l’ayant fait chercher et ne l’ayant pas trouvé, fit subir un interrogatoire aux gardes et ordonna de les mener au supplice. Et étant descendu de la Judée à Césarée, il y séjournait.

Quant à ce qu’il commande que les gardes soient ôtés de devant lui, ou qu’ils soient mis en prison ; on peut recueillir de cela, que leur fidélité et diligence fut connue. Car s’il y eût eu quelque soupçon de nonchalance ou paresse, ils eussent été punis sur-le-champ ; toutefois la fureur inique mêlée d’une cruauté tyrannique, et en partie aussi la honte, l’empêche de les laisser aller en liberté. Combien que les autres l’exposent autrement, à savoir qu’il commanda qu’ils fussent menés au supplice. Soit donc qu’il les ait livrés au bourreau, ou qu’il se soit contenté de les enserrer en prison, voici certes un bel exemple d’aveuglement, que pouvant apercevoir, voire à clos yeux, comme l’on dit, la vertu de Dieu, toutefois il n’est nullement fléchi, mais persévère de résister à Dieu d’une malice, endurcie et obstinée. Voilà comment Satan ôte tout sentiment aux méchants, en sorte qu’en voyant ils ne voient point ; et Dieu les frappant d’une telle horrible stupidité, venge justement et soi et son Eglise.

Et descendit de Judée en Césarée, où il séjourna. Voici une histoire mémorable, laquelle nous montre comme en un miroir non seulement quelle issue est appareillée aux ennemis de l’Eglise, mais aussi combien l’arrogance est odieuse à Dieu. L’Écriture prononce que Dieu résiste aux orgueilleux, 1 Pierre 5.5. Dieu lui-même a représenté une vive image de cela en la personne de ce malheureux Hérode. Et de fait, les hommes ne se sauraient élever plus que de raison, qu’ils n’entreprennent la guerre contre Dieu ; qui commande à toute chair de s’abaisser, afin que lui seul soit haut élevé. Que si Dieu a puni l’orgueil si rigoureusement en un roi qui était enflé de sa prospérité, que pensons-nous qu’il fera aux hommes de basse condition, qui s’enflant sans occasion se font moquer à tous ? Or il nous faut noter l’ordre de cette histoire, que toutes choses viennent à souhait et plaisir à Hérode, après qu’il a cruellement tourmenté l’Eglise. Il affame les peuples voisins, et les contraint à venir demander pardon humblement ; comme si Dieu lui eût voulu envoyer cela pour le récompenser de sa fureur méchante. C’était une grave tentation pour les fidèles, qui pouvaient entrer eu doute que Dieu ne se souciait point d’eux ; et pouvaient avoir crainte, qu’avec la puissance d’Hérode sa tyrannie et cruauté ne prît aussi accroissement. Mais le conseil de Dieu tendait bien à une autre fin. Car il a élevé en haut celui qui opprimait son Eglise, afin qu’il tombât d’une chute plus dangereuse. Par quoi cette félicité caduque, en laquelle il se plaisait par trop, lui a été comme un engraissement pour le mener à la boucherie. Semblablement, quand nous voyons aujourd’hui que les ennemis de l’Eglise qui se baignent au sang d’autrui, étendent leurs ailes jusques au ciel, il ne faut point que nos cœurs défaillent. Rappelons-nous ce que dit Salomon, Proverbes 16.18, 12, que l’orgueil précède la calomnies et le cœur est élevé avant la ruine.

12.20

Or Hérode était en hostilité avec les Tyriens et les Sidoniens. Mais ils vinrent le trouver d’un commun accord ; et ayant gagné Blaste, chambellan du roi, ils demandaient la paix, parce que leur pays tirait sa subsistance de celui du roi.

Saint Luc use d’un mot qui signifie rancune et haine couverte. Hérode donc ne faisait point la guerre ouverte contre ces villes-ci ; mais cependant il y avait un tel désaccord, qu’il tâchait par moyens obliques, et comme minant par-dessous terre, de les subjuguer petit à petit. Démosthène dit qu’il n’advient guère souvent que les villes franches aient accord avec les monarques. Avec ce Hérode était homme d’un naturel cruel, d’une grande audace, et d’une cupidité insatiable. Et ne faut point douter que Sidon et Tyr ne fussent comme des barreaux pour arrêter la fureur de ce tyran ; comme c’étaient de grosses villes et riches, et qui n’avaient accoutumé d’être sous le joug ou sujétion d’autrui. D’avantage, la mémoire de leur ancienne gloire leur pouvait accroître le courage. Vu que c’est une chose ordinaire et toute commune, que les richesses engendrent arrogance et orgueil, ce n’est point de merveille si ces deux villes opulentes ont été superbes ; desquelles Esaïe fait l’une reine de la mer, disant que les marchands de celle-ci étaient rois, et ses facteurs princes et grands seigneurs, Esaïe 23.8. Et en un autre passage il dit que Sidon était orgueilleuse pour ses richesses. Or combien que par plusieurs fois elles eussent été presque du tout saccagées, toutefois la commodité de la situation les avait remises en leur premier état, voire en peu de temps. De la est advenu qu’elles ne pouvaient endurer de bon cœur cet Agrippa, qui peu de temps auparavant était homme méprisable et de basse condition, voire avait été retiré des prisons ; et principalement d’autant qu’il dominait orgueilleusement sur ses gens, et se rendait odieux à tous, et faisait beaucoup de maux et dommages à ses voisins.

Pour ce que leur contrée était nourrie. Comme ainsi soit que cela ne lui vint pas bien à propos de faire guerre ouverte aux Tyriens et Sidoniens, il leur défend d’emporter vivres de son royaume. Ainsi sans aucune armée et force il les tenait comme assiégés, les faisant languir. Car les bornes et juridictions de ces deux villes ne s’étendaient guère loin, et leur territoire était stérile ; et cependant elles avaient grand peuple à nourrir. En cette sorte étant domptés par longue famine, ils demandent la paix humblement, et non point gratuite. Car il ne faut point douter qu’on ne leur ait imposé des conditions ; et est bien à présumer que ce Blastus duquel S. Luc fait mention, n’a pas été gagné par paroles seulement, mais qu’il lui a fallu donner de grands présents pour le suborner, afin qu’il fut promoteur de cette paix. Je ne sais qui a induit Erasme de tourner ce lieu autrement que ne sonnent les paroles.

12.21

A un jour fixé, Hérode, revêtu de ses habits royaux, assis sur son trône, les haranguait publiquement.

S. Luc a fait mention de la paix accordée aux Tyriens et Sidoniens, pour ce qu’elle a été occasion à Hérode de faire cette harangue, afin de les tenir obligés et sujets à lui pour l’avenir. On trouvera cette même histoire en Josèphe au 19me livre des Antiquités ; sinon qu’il nomme par tout Agrippa, celui que S. Luc appelle en ce lieu-ci Hérode. Il est vraisemblable que son propre nom était Agrippa, et qu’on ne l’appelait point autrement, tandis qu’il n’avait ni office ni dignité. Mais depuis qu’il parvint au royaume, il a cherché d’acquérir dignité convenable à un roi par le nom de son grand-père. Or quant au fait et circonstances, Josèphe et S. Luc s’accordent fort bien. Premièrement ils s’accordent du lieu. Josèphe dit que sa robe était tissue d’or, laquelle quand les rayons du soleil tombaient dessus, rendait aussi sa splendeur de son côté ; et que cela fut occasion aux gens de sa cour de s’écrier que c’était un Dieu ; qu’il fut frappé tout soudain ; et aussi qu’on vit un chat-huant ou hibou juché sur une corde au-dessus de sa tête, qui était un présage de la calamité prochaine. Or tant s’en faut qu’il doute que son orgueil et sacrilège outrecuidant n’ait été puni par cette façon, qu’il explique qu’Hérode lui-même a reconnu cela devant tous au milieu de ses griefs tourments, disant : Me voici, ce beau dieu que vous disiez ; regardez comment je suis contraint de finir ma vie d’une issue fort malheureuse. Quant à la paix et appointement fait avec les Tyriens et Sidoniens, Josèphe n’en fait aucune mention ; mais bien qu’il fit dresser des jeux en l’honneur de l’Empereur. Or il se peut bien faire qu’à cause de la paix les jeux furent ordonnés ; et nous savons que cela s’est fait ordinairement.

12.22

Et le peuple s’écriait : Voix d’un dieu, et non d’un homme !

12.23

Et à l’instant, un ange du Seigneur le frappa, parce qu’il n’avait pas donné à Dieu la gloire ; et, rongé des vers il expira.

Tout ainsi que l’Ange a été ci-dessus ministre de la bonté et grâce de Dieu en la délivrance de saint Pierre ; aussi maintenant il est exécuteur de la vengeance de celui-ci contre Hérode. Or Dieu a quelque fois accoutumé de se servir des Anges, quand il veut envoyer des punitions ; mais aussi aucune fois il constitue les diables comme bourreaux pour exécuter ses jugements par leurs mains. Et même il se sert des deux indifféremment tant envers ses fidèles qu’envers les réprouvés. Saül est tourmenté par Satan, 1 Samuel 16.14 ; et le semblable est aussi advenu au saint personnage Job, Job 1.12 ; 2.7. Les afflictions par lesquelles Dieu punit les méchants, sont attribuées aux mauvais auges, comme il est dit au Psaume ; mais aussi nous voyons comme l’Ange lequel est ordonné pour le salut de l’Eglise, frappe les Egyptiens en leurs premiers-nés, Exode 12.29. Combien que la sainte Écriture appelle les esprits malins, esprits de Dieu ; d’autant qu’ils obéissent à son commandement, malgré eux toutefois ; mais quand cet épithète de Malin n’est point ajouté, comme en ce passage, cela se doit entendre d’un bon Ange qui obéit à Dieu volontairement. néanmoins la forme de hibou duquel Josèphe fait mention, convenait mieux à figurer un diable qu’un Ange céleste. Au surplus, je n’oserais affirmer pour certain de quelle sorte a été cette maladie. Le mot duquel S. Luc a usé, signifie qu’il a été mangé de vers. Il y en a plusieurs qui pensent qu’il a été mangé de poux. Il est bien certain qu’il était tout pourri et puant, ayant encore quelque respiration de vie, en sorte que c’était comme une charogne ayant vie. Ainsi non seulement il a été misérablement tourmenté, mais aussi exposé à la moquerie de tous. Car Dieu a voulu choisir une sorte de punition, par laquelle il accable la félonie de cet orgueilleux par une ignominie et opprobre extrême. S’il eût été vaincu par quelque grande et forte armée, et réduit à pauvreté, on n’eut pas aperçu si ouvertement le jugement de Dieu ; et cela eût été un châtiment honnête et royal. Mais quand les poux et les vers lui font la guerre, et qu’une telle pourriture si puante sort hors de son corps, laquelle le mine et ronge, il est traité comme il a bien mérité.

En cette sorte quand Pharaon s’élevait tant de fois contre Dieu par un orgueil indomptable, il n’a point été royalement assailli par quelqu’autre Prince ; mais les sauterelles et chenilles ont servi de soudards à Dieu pour lui faire la guerre, Exode 18.17 ; 10.4. Car tant plus que quelqu’un s’élève fièrement, tant plus est-il digne que Dieu l’abat ignominieusement jusques au profond des enfers. C’est-ci la raison pourquoi ce dieu forgé de nouveau, Hérode, a été donné aux poux et aux vers pour être rongé d’eux ; ainsi que lui-même a été contraint finalement de le reconnaître, et en faire confession, quand il disait Me voici, ce beau dieu que vous faisiez ; voyez comment je suis misérablement traîné à la mort. Or un tel exemple d’une vengeance si horrible en la personne d’un roi nous doit grandement étonner ; afin que nous ne soyons si hardis de nous usurper plus que nous ne devons ; et que nous ne nous laissions point enivrer des applaudissements et vaines flatteries des hommes, comme d’un poison mortel.

Pour ce qu’il n’avait, etc. Hérode non seulement est condamné de sacrilège, pour ce qu’il a souffert qu’on l’appelât Dieu, mais aussi pour ce que s’étant oublié soi-même il a transféré à soi l’honneur qui appartenait à Dieu. Nous ne lisons point qu’on ait donné un tel applaudissement au Roi de Babylone ; et toutefois le Prophète lui reproche qu’il a tâché de se faire égal à Dieu, Esaïe 14.13. Ainsi donc tous orgueilleux ont ce crime commun de sacrilège, qu’en s’attribuant plus que de raison, ils obscurcissent la gloire de Dieu, et ainsi comme les Gentils ils s’efforcent autant qu’en eux est d’abattre Dieu de son trône céleste. Combien qu’ils n’usurpent point le titre de Dieu, combien qu’ils ne se vaillent point à bouche ouverte qu’ils soient dieux, toutefois pour autant qu’ils ravissent à eux ce qui est propre à Dieu, et qu’ils le mettent au bas, ils désirent être dieux, et qu’on les répute tels. Au reste, le Prophète note en un mot quelle est la source et origine de ce mal, quant il introduit Nabuchodonosor ainsi parlant : Je monterai, Esaïe 14.13. Et pourtant il n’y a en ceci qu’un seul remède ; à savoir si un chacun se contient au degré auquel il est situé ; ceux qui sont abjects et méprisés, qu’ils n’aspirent à être haut élevés ; et quant aux grands rois et ceux qui sont en lieu honorable et éminent par-dessus les autres, que toutefois ils se rappellent qu’ils sont mortels, et assujettissent humblement leur hautesse à Dieu. Au demeurant, il nous faut noter que ce n’est point assez si les hommes donnent gloire à Dieu à demi, lequel se réserve entièrement ce qui est sien ; qu’il ne suffit point qu’ils se soumettent en partie, d’autant qu’il veut qu’ils soient du tout abattus et humiliés. Or vu que l’Écriture nous dépouille de toute louange et gloire de sagesse, de vertu et justice, nul de nous ne se peut attribuer aucune partie de gloire, tant petite soit-elle, sans faire grand tort à Dieu, et sans commettre un horrible sacrilège, en lui ravissant ce qui est sien. Et c’est merveille, que combien que l’Écriture prononce que tous ceux qui s’élèvent font la guerre ouverte à Dieu, et que tous confessent que cela ne se peut faire sinon à notre grande confusion et ruine, néanmoins la plus grande partie des hommes cherche sa destruction, et s’y précipite d’une audace furieuse. Car à grand peine y en a-t-il de cent l’un, qui se souvenant de sa condition laisse à Dieu sa gloire entière.

12.24

Mais la parole de Dieu faisait des progrès et se répandait de plus en plus.

Par la mort de ce tyran, l’Eglise a été tout soudain délivrée comme de la gueule d’un loup. Combien donc que les fidèles soient réputés comme brebis destinées à la boucherie, Psaumes 44.22 ; Romains 8.35, toutefois l’Eglise est toujours survivante après ses ennemis ; et combien qu’il puisse sembler que la parole de Dieu soit souvent accablée et opprimée sous la tyrannie cruelle des hommes, nonobstant elle est incontinent remise au-dessus. Car ce n’a point été l’intention de saint Luc d’expliquer seulement ce qui est advenu après la mort d’Hérode, mais aussi nous donner bon courage par cet exemple, afin que ceci nous soit pour tout résolu, que Dieu fera en tous siècles ce qu’il fit lors : à savoir que le cours de l’Evangile surmonte finalement tous les empêchements des ennemis ; et d’autant plus qu’on veut amoindrir l’Eglise, elle multiplie par la bénédiction céleste.

12.25

Et Barnabas et Saul, après avoir rempli leur mission, s’en retournèrent de Jérusalem, emmenant avec eux Jean, surnommé Marc.

L’administration laquelle saint Luc dit avoir été accomplie par Barnabas et Paul, se doit rapporter à l’aumône, de laquelle a été fait mention ci-dessus. Car après que le Prophète Agabus eût prédit la stérilité et la famine, les frères firent quelque cueillette d’argent en Antioche, pour subvenir à la nécessité de l’Eglise de Jérusalem. La charge de porter cet argent fut donnée à Paul et à Barnabas. Maintenant S. Luc dit qu’ils sont retournés en Antioche, afin qu’il ait ouverture pour entrer en une nouvelle histoire. Il ajoute qu’ils prirent avec eux Jean surnommé Marc, la mère duquel a été honorablement louée ci-dessus. Lequel Marc fut depuis cause d’une fâcheuse et dangereuse dissension entre eux, comme nous verrons ci-après.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant