Mon Dieu, qu’il faut peu de chose pour m’arracher aux pensées les plus hautes, aux actions les plus saintes. Par moment, je me crois élevé pour toujours dans une atmosphère nouvelle, pure, divine ; j’y respire à l’aise, heureux, triomphant… ; et, l’instant d’après, je me retrouve sur la terre et je me brise contre le péché. Il a suffi pour cela d’une parole rude, d’une contrariété passagère ; je n’ai pu en soutenir le choc ; je suis tombé dans l’impatience, l’irritation, peut-être la colère, et je suis resté séparé de toi, des jours et des semaines entières. Autant ma chute a été prompte, autant mon relèvement a été lent, et quand je me suis trouvé debout, ce n’a été que pour retomber encore ! Oh ! que ne puis-je retenir captive cette force que parfois tu me donnes ! que ne puis-je me couper ce bras, ce pied qui me fait broncher ! quand, Seigneur, quand serai-je affranchi de la lourde chaîne du péché ? Mon Dieu, ces luttes me fatiguent, m’épuisent, par moment me désespèrent ! Viens, viens les faire cesser ! Mais, hélas ! ta Parole a répondu : « Ma grâce te suffit. » Tu ne veux pas que je m’élève, satisfait de moi-même. Cette lutte incessante est selon ta volonté. Quand je suis victorieux sur un point, tu veux que je coure sur un autre, tu veux que ma vie soit un long combat. Eh bien, Seigneur, que ta volonté soit faite ! J’obéirai, je veillerai sur mon cœur, je me tiendrai humble, défiant de moi-même. Mais alors, Seigneur, fortifie ma confiance en toi ; donne-moi de te prier davantage, et soutiens-moi toi-même contre ces pénibles tentations. Que si j’y succombe encore, ce ne soit jamais sans me relever plus fort ; que si j’y cède aujourd’hui, je les surmonte demain ; que de nouvelles victoires me donnent un nouveau courage ; que je ne sois pas tenté de tomber dans le désespoir, en me voyant toujours vaincu. Oui, Seigneur, fais-moi progresser par le succès, comme par l’épreuve. Mais ne permets pas que le succès vienne nourrir ma vanité et me préparer de nouvelles chutes ; que je sente toujours ma dépendance de toi, toujours ta force en moi. Que j’aie bien la conscience que je ne respire que par ton souffle, et que, ton souffle retiré, je serais anéanti. Oh ! mon Dieu, mon Dieu, que de précautions il me faut contre moi-même ! quand donc, dans ton ciel, serai-je complètement délivré !