Théologie Systématique – II. Dogmes Mixtes

Création

1. Considérations générales

Acte divin et son produit. — Création première et seconde. — Cosmogonies « sacerdotales » et « philosophiques ». — La philosophie qui admet la création proprement dite doit y confesser le mystère. — Naturalisme. — Panthéisme. — Théisme.

La création est l’acte de la volonté divine qui a produit le monde, ou l’effet de cet acte, le monde lui-même : deux acceptions du mot qu’il importe de ne pas confondre, quoiqu’elles se mêlent sans cesse dans le langage usuel.

On distingue entre la création proprement dite et l’organisation des choses, ou entre ce qu’on a nommé quelquefois création première et création seconde. A ce point de vue, qui est le point de vue commun, le berechith de la Genèse s’applique au premier de ces actes divins (au commencement Dieu créa les cieux et la terre) ; le reste du chapitre se rapporte à la série des faits dont l’apparition de l’homme est le couronnement. (Et la terre était informe et vide et les ténèbres étaient sur la face de l’abîme, etc., et Dieu dit : Que la lumière soit ! etc.) Nous aurons à revenir sur cette indication.

La question de l’origine des choses a de tout temps préoccupé l’esprit humain, car elle se pose au premier éveil de la réflexion. Tout porte à croire que le monde a été fait, ainsi que l’annoncent les anciennes traditions.

L’antiquité nous a transmis des cosmogonies nombreuses qu’on peut diviser en sacerdotales et philosophiques. Ce qui qualifie les premières, c’est leur caractère symbolique ou mythique. Elles ont généralement une analogie plus ou moins marquée avec la Genèse, rapportant la naissance du monde à l’intervention d’un Etre ou d’un Principe suprême, qui agit sur le chaos, masse inerte, ténébreuse, privée de forme et de vie. Les cosmogonies philosophiques sont très diverses, à les prendre même uniquement dans le cycle grec : Ionisme, Epicuréisme, Stoïcisme, Platonisme, etc.

Il y aurait peu d’intérêt à exposer ces traditions et ces systèmes.

Le xviiie siècle s’occupait plus de géogonie que de cosmogonie. (Explications de Buffon et de Laplace. Essais de géologie jusqu’à la découverte des fossiles qui a ouvert à la science sa véritable voie). Mais la philosophie allemande, rentrée dans la haute spéculation, a ramené l’éternel problème des existences et des origines. (Constructions cosmogoniques et théogoniques de Fichte, Schelling, Hegel, etc. Nous avons là, sous un aspect spécial, cette différence radicale de principe et de point de vue, de méthode et de doctrine, qui caractérise l’histoire de la science, et que nous avons assez exposée et discutée ailleurs.

L’intelligence humaine ne s’est élevée, par aucune des voies qu’elle suit alternativement, à l’idée pure de création. C’est une doctrine de révélation. Par la foi, nous savons que le monde a été créé (Hébr.11.1). Dans les temps anciens, les cosmologies sacerdotales partent du dehors, et les cosmologies philosophiques de l’éternité de la matière ou de l’émanation. Dans les temps modernes les opinions peuvent se ramener ou se rattacher au théisme, au panthéisme et au naturalisme.

Le théisme actuel, s’éloignant sous ce rapport du théisme ancien, admet en général la création au sens propre, mais par un reste de foi chrétienne ou par déférence pour la croyance établie, plus peut-être que par les considérations métaphysiques qu’il invoque, quelque graves et fortes qu’elles soient (voy. J. Simon). Quand il essaie de donner l’explication ou la démonstration rationnelle de sa doctrine, au lieu de la poser simplement en fait, il tombe presque toujours dans les théories émanatistes ou panthéistes.

Le naturalisme, ou hylozoïsme, ne reconnaît ni Créateur, ni Organisateur en dehors du grand Tout ; il suppose l’éternité non seulement de la matière, mais du monde, du Cosmos ; il attribue la constitution et la conservation générale des choses, ainsi que tous les phénomènes de la pensée et de la vie, à des lois, des énergies, des propriétés inhérentes à ce qui existe et actives par elles-mêmes, sans cependant exclure d’ordinaire la Divinité, dont il fait comme l’âme de l’univers. « Le monde, dit Plinea, ou ce que l’on est convenu d’appeler d’un autre nom, le ciel, qui embrasse tout dans ses replis, doit être considéré comme une divinité éternelle, immense, sans commencement et sans fin. » Ce point de vue, vers lequel porte l’étude trop exclusive des sciences physiques (Laplace, Alex, de Humbold, M. Littré et l’école positiviste), tend à dessécher la foi, quand il ne la déracine pas entièrement. Mais il peut aussi s’allier à une religiosité poétique, mystique, panthéistique, où la nature et Dieu se confondent, qui simule tous les sentiments de la piété, en aspirant à se perdre dans l’Infini, objet de ses hymnes et de ses prières (Lamartine, etc.).

aHist. nat. Liv. II, chap. Ier (Jalaguier cite en latin, ThéoTEX).

L’école allemande, ainsi que nous le disions, a ravivé les doctrines et les tendances panthéistes ; et le mouvement qu’elle a imprimé à l’opinion s’étend au loin et au large tout en s’épuisant à ses sources.

Il est digne de remarque que, tandis que les anciens s’attachèrent généralement à la théorie de l’émanation pour expliquer le mystère des origines et des existences, les modernes aient adopté la théorie de l’évolution. Ces théories ont cela de commun qu’elles tirent également le monde de la substance de Dieu, et qu’elles le laissent plus ou moins en lui : mais il y a entre elles cette différence profonde que l’émanation suppose un déclin, une marche ascendante. D’après les doctrines émanatistes, Dieu est éternellement dans la plénitude de son existence et de sa perfection, et les êtres sortent successivement, de lui d’abord, ensuite les uns des autres, par une sorte de dégradation continue qui se termine à la matière (gnosticisme, kabbale). D’après les doctrines évolutistes, quoique toujours identique à lui-même, Dieu devient, il se fait, il se développe sans fin dans le monde, qui est sa manifestation et, pour ainsi parler, son complément nécessaire, à tel point que « sans le monde, Dieu n’est pas Dieu, » suivant l’expression de Hegel.

Cette différence de point de vue entre la philosophie ancienne et la philosophie moderne doit avoir une cause. Nous la trouverions peut-être dans les données géologiques et historiques, qui constatent la loi du progrès, soit dans le monde physique, soit dans le monde moral, avec une telle évidence, que la pensée la plus audacieuse est contrainte de tenir compte d’un fait si manifeste et si capital, de sorte que, malgré ses dédains de l’expérience, c’est l’expérience qui la mène, à son insu.

Sans rentrer dans la discussion de ces théories où la haute spéculation a cru trouver encore une fois la clef du mystère des choses, notons-y seulement le rapport du point d’arrivée avec le point de départ, je veux dire l’influence du principe sur la méthode et sur la doctrine. Le panthéisme moderne est parti alternativement des trois grands termes fournis par la conscience : Dieu, le monde et l’homme. Et chaque fois sa conclusion a reproduit ce que renfermaient ses prémisses, et rien que cela ; son résultat final n’a été que le développement logique de son principe. Parti de Dieu, de l’absolu, de l’être en soi, il a dit : Dieu est tout (panthéisme idéaliste). Parti du monde, de la matière et de ses lois, il a dit : le monde est tout (panthéisme naturaliste). Parti du moi, il a dit : le moi est tout, il crée toutes choses, il se crée lui-même (égothéisme de Fichte).

A considérer du dehors et de sens rassis ces constructions systématiques, on s’étonne de la fascination qu’elles ont exercée, chacune à son heure, et des entraînements qu’elles ont produits. Quoique le mot « création » y reste la plupart du temps, il est plus qu’inutile de faire observer qu’elles sont aux antipodes de l’idée chrétienne, qu’elles ont souvent prétendu et paru quelquefois conserver.

Le panthéisme idéaliste a, un moment, tellement dominé les hautes régions de la science, que ceux-là mêmes qui se refusaient à l’admettre, ou qui rompaient avec lui, lui faisaient encore une part. Schelling l’a laissé à la base de sa Philosophie de la révélation, sa phase dernière et chrétienne. C’est en le traversant et le dépassant qu’il arrive à l’idée biblique de la création. Bien d’autres, sans être engagés comme lui, ont adopté une marche analogue. Ainsi procède M. Secrétan, par exemple. Tout porte au fond là-dessus dans sa Philosophie de la liberté, et il s’en explique d’ailleurs très catégoriquement. Voici ce qu’il dit : « L’unité du principe de l’être ou de l’être existant par lui-même implique rigoureusement, — c’est en vain qu’on feindrait de le méconnaître, — l’identité de tout être dans son principe, thèse fondamentale du panthéisme. Ainsi nous acceptons le panthéisme dès l’entrée. Le panthéisme est notre prémisse. Nous n’aurons plus à le craindre, puisque nous lui faisons largement sa part… Si le panthéisme ne satisfait pas aux besoins de la raison et du cœur, s’il ne répond pas aux intérêts de l’humanité, il faut nous efforcer de nous l’assujettir, et non pas le laisser planer sur nos têtes. »

Ce n’est pas chez les seuls philosophes que s’est montrée cette alliance avec la pensée ou le principe panthéiste, c’est aussi chez les théologiens et les théologiens orthodoxes eux-mêmes. Quand Tholuck veut s’expliquer la créationb, il se représente Dieu comme ayant tiré le monde de lui-même, comme en étant la substance aussi bien que la cause ; il pose en fait que le monde, de même que l’homme, a le fond de son être en Dieu. « Jusqu’ici, ajoute-t-il, nous avons marché d’accord avec les panthéistes. Mais nous allons les quitter. Personne ne cède sa propre personnalité ; et il n’abandonne pas non plus celle de son Dieu. Nos besoins moraux rendent impossibles de telles concessions… Quoiqu’il soit impossible de se représenter un Etre absolu avec une conscience, laquelle nous semble le limiter, néanmoins la foi admet un tel Etre, en même temps que l’homme reconnaît les bornes de son intelligence, qui ne peut s’élever au-dessus de la dualité. De plus, dès que toutes les créatures reposent et sont fondées en Dieu, il est impossible de comprendre comment aucune autre existence que celle de Dieu peut prétendre à la personnalité ; néanmoins la foi admet une libre détermination des créatures et avec elle des vies individuelles, en même temps que l’homme reconnaît qu’une vie libre est quelque chose d’insaisissable par la pensée. »

bGuido et Julius, 2e note, p. 201-209. — A ce moment la philosophie de l’absolu étendait de toute part son prestige et son empire. Je ne sais si Tholuck recourrait aujourd’hui à ce genre de démonstration.

L’école théologique désignée sous le nom d’école de la science et de la foi ou école de la conciliation, a appliqué les idées accréditées par la haute métaphysique des successeurs de Kant à l’interprétation (dite scientifique) de la plupart des dogmes chrétiens : Providence et grâce, inspiration, incarnation, rédemption, Trinité, etc., etc. ; clarté factice, qui semblait illuminer tous les mystères, vérifier le témoignage du dehors par celui du dedans et devenir comme la révélation de la révélation, de même que l’ontologie d’où elle émanait se disait et se croyait la philosophie de la philosophie.

Mais quel fond faire sur cette lumière empruntée, qu’il faut abandonner, après l’avoir suivie quelques instants, pour fuir les abîmes où elle conduit ? C’est tout ensemble accorder le principe panthéiste et le retirer. Et comment l’arrêter dans ses conséquences, quand on l’admet en lui-même ; comment échapper à ses conclusions, quand on pose ses prémisses ? Dire, lorsqu’on trouve à propos de le laisser là, qu’on l’a dépassé, c’est très expéditif, mais ce n’est peut-être pas très logique. N’est-il pas plus sage et plus sûr de le tenir tout à fait à l’écart, et n’est-ce pas aussi très licite, puisqu’il n’est en dernière analyse qu’une hypothèse démentie en mille sens par la conscience religieuse et morale ? Dès qu’il faut confesser le mystère, pourquoi ne pas le confesser d’entrée ? Dès qu’il faut revenir à la dualité constitutive, pourquoi ne pas la laisser au point de départ ? Dès que la spéculation doit céder enfin à la foi, que gagne-t-on à faire briller un moment ces lueurs qu’on n’ose suivre jusqu’au bout ? Que valent ces explications ou ces démonstrations apparentes qui finissent par se récuser elles-mêmes, et qui ne font d’ailleurs qu’ajouter aux incompréhensibilités métaphysiques des impossibilités morales, qu’on franchit ensuite à pieds joints ? Votre principe dévore votre système. Si vous le croyez vrai, ce principe, vous n’avez pas le droit de l’abandonner à moitié chemin, pour vous sauver de ses conséquences par une porte de derrière ; et si vous le croyez faux, vous n’avez pas le droit de vous y appuyer, pour vous y mirer un instant avec le sièclec.

c – Ces courbettes devant l’idée panthéistique deviennent de jour en jour plus rares, et pour cause.

M. Cousin, dans son Cours de 1828, essaya de ramener l’idée de création à celle de causation, assimilant Dieu à l’homme avec la différence de la puissance finie à la puissance infinie. Mais l’homme, en tant que cause, ne crée pas réellement ; il produit des effets, des actes, des notions, non des êtres : l’explication n’est donc qu’apparente. De plus, M. Cousin déclarait la création nécessaire, et elle l’est à son point de vue métaphysique, quoiqu’il ait retiré plus tard cette expression. Or, si Dieu crée nécessairement, il crée éternellement ; et pourtant l’idée de création implique celle de commencement. Enfin, si Dieu en créant n’a fait que mettre hors de lui ce qui est en lui, — autre assertion de M. Cousin, — s’il tire le monde de lui-même, le monde participe à la nature divine ; et l’on roule sur la pente du panthéisme, contre lequel on se débat en vain.

Là sont des abîmes où l’homme s’égare et se perd dès qu’il veut les sonder. Comment, en effet, la créature comprendrait-elle la création ? Peut-elle remonter au delà d’elle-même ? Tenons-nous à ce mot de Lactance : « Pourquoi donc cherchez-vous ce que vous ne sauriez trouver, et pourquoi voulez-vous savoir ce dont la connaissance ne contribuerait en rien à vous rendre heureux ? L’homme sera assez savant, quand il saura qu’il y a un Dieu, et que ce Dieu a fait toutes chosesd. » Laissons à Dieu les mystères de son œuvre comme ceux de son être, et contentons-nous de ce qu’il nous en a manifesté. Quand la science saura-t-elle recevoir simplement ces mille choses qu’elle peut constater, mais non pénétrer ? Quand consentira-t-elle à admettre l’incompréhensible comme tel ?

dInstitutions Divines II, 8. (Jalaguier cite en latin, ThéoTEX)

Il faut que les créationistes confessent ouvertement et le fait et le mystère. Cet aveu, fréquent en théologie où il devrait être universel, coûte davantage à la philosophie, et l’on aime d’autant plus à l’entendre de sa part. Voici quelques paroles de M. J. Simon qui méritent d’être citéese : « Quand nous disons que Dieu a fait le monde de rien, cela veut dire que le monde n’est pas Dieu, et que le monde n’est pas sans la volonté de Dieu : cela ne veut rien dire de plus. En effet, qu’il y ait une volonté efficace et substantielle par elle-même, cela est incompréhensible ; c’est aussi incompréhensible que certain… Celui qui affirme la création sans la comprendre, ne dit guère autre chose par ces mots, sinon que sa raison a des limites, et que la création est une de ces limites ; mais il déclare en même temps que le monde est séparé de Dieu, qu’il n’est point nécessaire à Dieu, qu’il n’est pas son développement, son énergie naturelle, sa vie ; qu’il a une existence propre, une destinée indépendante du bonheur suprême et de la perfection de Dieu. Tout cela peut être entendu et compris ; et tout cela rend possible la morale, la religion naturelle, tout ce que le panthéisme trouble et confond à jamais. »

eHist. de l’Ecole d’Alex.

Insistons sur cette retenue, que la sagesse comme la piété recommandent à la science, et à laquelle la science se résigne si difficilement. C’est une observation fort malsonnante par le temps qui court, mais d’autant plus opportune par cela même. Nous ne connaissons qu’en partie : l’expérience nous le répète de toutes parts avec l’apôtre. En mille cas, notre intelligence rencontre des bornes infranchissables où elle se heurte en vain ; il lui est dit, comme aux flots de la mer : tu n’iras pas plus loin. Il en est de la création comme de la théodicée. Ceux mêmes des attributs divins dont nous avons la notion la plus certaine, nous passent, nous confondent et s’ouvrent comme des abîmes quand nous voulons les scruter trop curieusement. Concevons-nous l’éternité, la toute science, la toute présence, la toute puissance ? L’idée d’éternité exclut toute succession, tout commencement, toute fin ; et nous sommes soumis à la loi du temps, c’est-à-dire à l’idée de succession, de commencement, de fin ; et ces deux idées, en apparence incompatibles, existent simultanément dans notre esprit. Sondez la toute science, inséparable de la notion rationnelle de l’Etre infini, vous en déduisez un prédéterminisme universel, absolu, que repousse invinciblement la conscience religieuse et morale. Réfléchissez à cette puissance qui conserve et anime tout, après avoir tout produit, il en sort un irrésistible panergisme qui s’étend au monde spirituel comme au monde matériel, et contre lequel proteste également le sens intime. Spéculez sur la liberté divine ; posez en Dieu cette liberté qui le fait causa sui, suivant une expression consacrée dans certaines directions philosophiques, vous rendez tout arbitraire, jusqu’à la règle du bien, jusqu’à Dieu lui-même qui « n’est que parce qu’il veut être et ce qu’il veut être »f. Limitez la liberté de Dieu par sa nature, soumettez sa volonté à la loi interne de son essence ou de son existence, vous arrivez à cette spontanéité panthéistique, qui n’est qu’un autre nom de la nécessité. Avec quelle humble circonspection, avec quel saint tremblement, on devrait regarder à ces profondeurs (τα βαθη του Θεοῦ : 1 Corinthiens 2.10) que nous ne pouvons qu’entrevoir et adorer de loin.

fPhil. de la liberté.

Mêmes questions, aussi redoutables qu’insolubles, à l’article de la création. La création est-elle éternelle ? Elle l’est, a-t-on souvent répondu, et il ne se peut qu’elle ne le soit pas, car Dieu, immuable en lui-même, l’est nécessairement dans ses actes et dans ses conseils. Mais la notion d’une création éternelle est une contradiction et une négation, qui va se résoudre dans l’émanation gnostique ou l’évolution panthéistique : le mot reste, la chose a disparu. Et si tout a commencé, comme l’implique le terme même de création, que faisait et qu’était Dieu dans cette immensité solitaire ? D’où est venu ce changement de volonté, dirai-je ou d’existence, dont on ne peut voir la raison ni en lui ni hors de lui ? N’est-il pas évident que nous nous trouvons là devant l’insondable et qu’il ne nous reste qu’à admettre ensemble le fait et le mystère ? Et puis, quelle est la fin de la création ? nous est-elle plus intelligible, en réalité, que son commencement ? comment en déterminer la destination dernière, quand nous en connaissons si peu le principe primitif ? Nous ne pouvons pas mieux comprendre le motif et le but de l’acte créateur, que l’acte créateur lui-même, à part quelques vagues généralités dont se contente la foi. Le vrai contemplateur finit toujours par le mot de l’apôtre : O altitudo ! Ce doit être le cri d’adoration de la science, comme c’est celui de la piété. Quand l’esprit humain méconnaît les limites qui lui sont imposées par sa propre nature comme par la nature des choses, il finit presque toujours par perdre le monde en Dieu ou Dieu dans le monde.

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