Je n’ignore pas que nous avons affaire à une génération « de cou raide, » et qu’il est hors de notre pouvoir de changer un cœur charnel sans l’opération efficace du Saint-Esprit ; néanmoins, il entre tellement dans le plan de Dieu de travailler par des instruments, et de bénir les efforts de ses serviteurs, que j’ai la confiance que l’accomplissement de ce devoir produira de grandes choses, à moins que nous n’y mettions nous-mêmes des obstacles. Ces obstacles peuvent venir du manque d’activité ou du manque d’habileté. Je vous ai déjà parlé des premiers ; quant aux seconds, j’ai à un si haut degré le sentiment de ma propre insuffisance, que je ne pense pas pouvoir donner des directions à d’autres qu’à ceux qui sont tout-à-fait inexpérimentés dans l’œuvre du ministère : c’est donc à ceux-là seulement que je m’adresse. Ils sont encore en assez grand nombre, et leur conduite doit exercer une immense influence sur le bien-être spirituel de l’Église et de la nation.
Les deux points qui doivent principalement attirer votre attention sont les suivants :
1° La nécessité d’amener vos paroissiens à se soumettre à ces instructions particulières ; car il faut absolument qu’ils aillent à vous, ou qu’ils souffrent que vous alliez à eux.
2° La manière de rendre ces instructions efficaces.
Nous vous donnerons d’abord quelques directions pour amener vos paroissiens à se soumettre à ce genre d’instruction.
1° Pour un ministre, le moyen le plus efficace d’atteindre à ce but, c’est de se conduire et de remplir les fonctions de son ministère de manière à convaincre ses paroissiens de sa capacité, de sa sincérité, de son amour pour eux ; car, s’ils le regardent comme un ignorant, et s’ils se croient aussi éclairés que lui, ils ne feront aucun cas de ses instructions. S’ils le regardent comme un homme dépourvu de zèle, de dévouement et de sincérité, toutes ses paroles et toutes ses actions leur seront suspectes. Si, au contraire, ils sont convaincus de sa capacité, et s’ils ont une idée avantageuse de ses talents, ils seront disposés à écouter ses conseils avec déférence ; ils seront prompts à les suivre, s’ils sont persuadés de la droiture de ses intentions. — Comme je m’adresse dans ce moment à ceux qui ont plus particulièrement sujet de douter de leur capacité, je leur recommanderai de travailler à acquérir ce qui leur manque sous ce rapport, et de chercher à compenser cette imperfection par d’autres qualités.
Si les ministres s’efforçaient de se faire aimer de leurs paroissiens, s’ils leur témoignaient de l’intérêt et de l’affection, s’ils étaient prudents en toute leur conduite, et abondants en bonnes œuvres, ils exerceraient une plus haute influence, et pourraient travailler plus efficacement à l’avancement du règne de Dieu. S’il ne s’agissait que d’eux-mêmes, il importerait peu qu’ils fussent aimés ou haïs de leur troupeau ; mais quels services peuvent-ils rendre, dans la guerre chrétienne où ils sont engagés, avec une armée dont ils ne possèdent pas la confiance ? Quelle déférence leurs paroissiens auront-ils pour leurs conseils, s’ils n’ont point de respect pour leur personne ? Efforcez-vous donc de gagner l’estime et l’affection de votre troupeau. Mais, me dira-t-on peut-être, que doit faire un ministre qui a perdu l’affection de ses paroissiens ? — A cela je répondrai : — Si des paroissiens sont assez pervers pour haïr leur ministre, non pas à cause de ses faiblesses ou de son inconduite, mais parce qu’il veut leur faire du bien, il doit alors continuer « patiemment à instruire avec douceur ceux qui s’opposent à lui, dans l’espoir que Dieu leur donnera la repentance, pour connaître la vérité. » — Mais, s’il a perdu l’affection de ses paroissiens par son inconduite, par quelque diversité d’opinions, ou par d’injustes préventions soulevées contre lui, — qu’il s’efforce de dissiper ces préventions par tous les moyens légitimes ; et s’il ne peut y parvenir, qu’il dise à ses paroissiens : « Ce n’est pas pour moi, mais pour vous que je travaille : puis donc que vous ne voulez pas vous soumettre à mes instructions, je désire qu’un autre pasteur vous fasse le bien que je ne puis vous faire. » Qu’il renonce à la conduite de son église, et qu’il voie si un autre, ne la dirigera pas mieux que lui. Car un homme d’honneur ne s’imposera pas à un troupeau malgré sa volonté, et un homme sincère ne voudra pas, en vue de quelque avantage particulier, rester dans une église où il n’a pas l’espoir de faire du bien ; il ne voudra pas empêcher celui que pourrait faire un autre pasteur, en possession de l’estime et de l’affection de son troupeau.
2° Après cette préparation générale, ce que vous avez à faire, c’est d’employer les moyens les plus efficaces pour convaincre vos paroissiens de l’utilité et de la nécessité de ces instructions particulières. — Dans ce but, vous pouvez, par quelques sermons sur ce sujet, démontrer à vos paroissiens la nécessité de connaître les vérités religieuses, et d’en étudier particulièrement les principes fondamentaux ; — nécessité qui n’est pas moins impérieuse pour les personnes avancées en âge que pour les autres : « Car, dit Paul, au lieu que vous devriez être maître depuis longtemps, vous avez encore besoin qu’on vous enseigne les premiers éléments de la parole de Dieu, et vous êtes dans un tel état que vous avez plutôt besoin de lait que d’une viande solide. (Hébreux.5.12) » Ce qui revient à dire : — que les oracles de Dieu sont des leçons pour les hommes ; — que les ministres sont chargés d’enseigner ces leçons ; — que les oracles de Dieu renferment quelques principes fondamentaux dont la connaissance est indispensable au salut ; — que ces principes doivent être étudiés les premiers ; — que les hommes ne peuvent, sans se rendre coupables, négliger les moyens d’instruction qui sont à leur portée ; — que, si des personnes avancées en âge n’ont pas profité de ces moyens d’instruction, et ignorent encore les premiers principes, il est de leur devoir de les apprendre.
Cela ressort évidemment des paroles de saint, Paul, et nous y trouvons le moyen de prouver à nos paroissiens : 1° la nécessité de connaître les oracles de Dieu ; 2° celle d’étudier particulièrement les principes fondamentaux ; 3° la spécialité de ce devoir pour les personnes d’un âge avancé qui ont déjà perdu tant de temps, qui devraient être capables d’instruire les autres, et dont l’ignorance est doublement honteuse et coupable. Démontrez-leur qu’il est impossible de marcher dans la voie du ciel, si l’on ne la connaît point, à cause des obstacles dont elle est hérissée. Faites-leur comprendre que c’est une contradiction choquante de se dire chrétien et de refuser de s’instruire. Car, qu’est-ce qu’un chrétien, sinon un disciple de Jésus-Christ ? Et comment se dire disciple de Jésus-Christ, si l’on refuse d’être enseigné par lui ? Rejeter les enseignements des ministres de Jésus-Christ, c’est rejeter les enseignements de Jésus-Christ lui-même. Car Jésus-Christ ne descendra pas sur la terre pour les instruire de sa bouche ; il a donné cette mission à ses ministres. Ainsi, rejeter les instructions de ceux-ci, c’est rejeter celles du maître, ce n’est pas vouloir être disciples de Jésus-Christ, c’est en un mot ne pas vouloir être chrétiens.
Faites-leur comprendre que la pratique de ce devoir n’est point une institution arbitraire de notre part, mais une nécessité qui nous est imposée, et que si nous ne prenons pas garde à tous les membres de notre troupeau, ils périront dans leur iniquité, et que leur sang nous sera redemandé. C’est Dieu lui-même qui nous en fait un devoir, c’est donc à lui qu’ils désobéissent en ne nous permettant pas de l’accomplir. Demandez-leur s’ils voudraient voir leur ministre perdre volontairement son âme, plutôt que de s’exposer à leur déplaisir en cherchant à les sauver. Faites-leur connaître exactement la nature des fonctions pastorales, apprenez-leur qu’elles consistent à instruire et à conduire tout le troupeau ; qu’ils doivent par conséquent se rendre aux assemblées de culte, comme des écoliers studieux qui fréquentent des établissements d’instruction avec le désir de pouvoir rendre compte de leurs connaissances acquises et d’en acquérir de nouvelles. Prouvez-leur que c’est là un excellent emploi de leur temps, un puissant moyen de salut ; et lorsqu’ils en seront bien convaincus, ils se montreront sans doute plus dociles.
3° Veillons ensuite à ce que chaque famille de notre paroisse soit pourvue de livres saints et d’ouvrages d’édification. Visitons tantôt l’une, tantôt l’autre, afin de nous en assurer, et cela nous fournira le moyen de connaître ceux qui ont plus particulièrement besoin d’instructions, et de les engager en même temps à venir nous les demander.
4° Ayons soin d’user de la plus grande douceur, afin de ne pas décourager ceux auxquels nous nous adressons.
Enfin, si tous ces moyens ne suffisent pas pour engager vos paroissiens à venir vous demander ces instructions, — ne renoncez pas pour cela à votre dessein ; mais allez vers eux, demandez-leur les motifs de leur refus, et cherchez à les convaincre de la grandeur du péril qu’ils courent en refusant l’assistance qui leur est offerte. Les âmes sont d’un si grand prix que nous ne devons point, pour nous épargner quelque peine, les laisser se perdre ni les abandonner comme désespérées, tant qu’il y a encore quelque remède. Avant d’en venir à cette extrémité, faisons tout ce qui est en notre pouvoir ; car il n’y a qu’un refus obstiné et persévérant de leur part qui puisse nous autoriser à suspendre nos sollicitations : « La charité est patiente, elle supporte tout, elle espère tout. »