Notes sur les Paraboles de notre Seigneur

VIII.
Le serviteur impitoyable

Matthieu 18.21-35

Une question de Pierre fournit l’occasion de cette parabole, et cette question elle-même avait été suggérée par quelques paroles de Christ, qui avait appris aux membres de son futur royaume comment ils devaient agir envers un frère qui les aurait offensés. Pierre voulait en savoir davantage ; c’est pourquoi il dit à Jésus : « Seigneur, combien de fois mon frère péchera-t-il contre moi, et lui pardonnerai-je ? jusqu’à sept fois ? » Chrysostome fait observer que Pierre pensait dire beaucoup, en parlant de « sept fois » : c’était quatre fois plus que ne l’ordonnaient les docteur juifs ; selon eux, on ne devait pardonner que trois fois ; ils se fondaient sur les passages suivants : Amos 1.3 ; 2.6 ; Job 33.29-30. Pierre propose jusqu’à sept fois, sentant bien que l’esprit de la loi nouvelle que Christ a enseignée au monde, exigeait plus que l’ancienne loi. (Il pouvait avoir aussi d’autres raisons. Dans la loi juive, le nombre sept accompagne toujours l’idée de rémission.) Pierre se rendait bien compte, quoique d’une manière encore imparfaite, de la nouvelle loi d’amour ; il y avait une erreur fondamentale dans sa question. En proposant une limite au pardon, il pensait que celui qui pardonne abandonnait un droit qu’il devait faire valoir dans certaines circonstances. Dans cette parabole, le Seigneur veut faire comprendre que lorsque Dieu appelle un membre de son royaume à pardonner, Il ne lui demande pas de renoncer à un droit, car il n’en a aucun en cette matière ; après avoir lui-même demandé et accepté le pardon, il s’est engagé implicitement à l’accorder à son tour.

« Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. C’est pourquoi » (pour faire comprendre à Pierre les exigences de la nouvelle loi) « le royaume des cieux est comparé à un roi qui voulut régler compte avec ses serviteurs ». C’est la première des paraboles dans laquelle Dieu apparaît comme Roi. Nous sommes les serviteurs avec lesquels il règle un compte. Il ne s’agit pas ici du compte final, comme dans : Matthieu 25.19 ; 2 Corinthiens 5.10 ; Apocalypse 20.11-12 ; mais plutôt de celui dont il est parlé dans Luc 16.2. Pour nous y amener, Il se sert de la prédication de la loi, Il nous montre nos péchés, Il réveille notre conscience, Il nous envoie des épreuves (2 Chroniques 33.11-13), des maladies (Job 33.19-30). Il nous met en danger de mort. (2 Rois 20.4.) Il règle le compte avec nous lorsqu’il nous fait sentir que, sur mille articles, nous ne saurions répondre à un seul, que nos péchés surpassent en nombre les cheveux de nos têtes, lorsqu’il met fin à notre sécurité charnelle (Psaumes 50.21 ; Actes 16.30). C’est ainsi que David fut repris par Nathan le prophète (2 Samuel 12), les Ninivites, par la prédication de Jonas (Jonas 3.4) ; les Juifs, par Jean-Baptiste (Luc 3.3,14).

« Or, quand il eut commencé à compter, on lui en présenta un qui devait dix mille talents. » Il s’agit donc d’une grande somme ; elle est d’autant plus propre à représenter l’immensité du péché de chacun, en pensées, en paroles et en actions. Nous pouvons supposer que le débiteur de la parabole était un des principaux officiers du roi, un fermier ou un administrateur des revenus royaux. Le nom de « serviteur », que nous avons ici, ne crée aucune difficulté, car, en Orient, où il n’existe aucune noblesse, tous sont absolument esclaves du monarque ; il s’agit peut-être d’un satrape qui devait placer les revenus de sa province dans le trésor royal. Dès que le roi « eut commencé à compter », il rencontra un serviteur dont la dette était énorme. « On le lui amena », car il ne serait jamais venu de lui-même, mais il aurait encore probablement augmenté sa dette ; le pécheur qui se croit en sûreté s’amasse continuellement de la colère pour le jour de la colère, et aggrave toujours plus sa dette vis-à-vis de Dieu. « Et comme il n’avait pas de quoi payer, son seigneur commanda qu’il fût vendu, ainsi que sa femme et ses enfants et tout ce qu’il avait, et que (la dette) fût payée. » La vente de la femme et des enfants du débiteur s’explique par le fait qu’ils forment une partie de ses biens. Telle était la loi romaine. La loi mosaïque permettait de vendre un débiteur insolvable : Lévitique 25.39 ; toute sa famille devait être vendue également, d’après le verset 41 ; Exode 22.3 ; 2 Rois 4.1 ; Néhémie 5.5 ; Jérémie 34.8,11 ; Amos 2.6 ; 8.6. Les docteurs juifs plus modernes interdirent cette pratique, sauf quand il s’agissait de vendre un voleur, pour réparer le tort qu’il avait causé ; à l’époque de Jésus, une coutume aussi sévère avait probablement cessé d’être en vigueur chez les Juifs. - L’emprisonnement d’un débiteur, mentionné deux fois dans la parabole (versets 30 et 34), n’était pas autorisé par la loi juive : il était superflu, puisque le créancier avait le droit de le vendre. « Les exécuteurs » du v. 34 nous montrent que la scène se passe en dehors du peuple juif, dont la législation modérait les droits du riche et du puissant. Quant au sens spirituel, le fait de n’avoir pas de quoi payer exprime la banqueroute complète de chaque enfant d’Adam en présence d’un Dieu saint et de sa loi (Romains 3.23). L’ordre de le vendre avec tout ce qu’il possède est l’expression du droit et du pouvoir de Dieu de rejeter loin de Lui tous ceux qui se rendent indignes de sa gloire (Psaumes 44.12).

« Alors le serviteur, » entendant la terrible sentence prononcée contre lui, emploie la supplication, comme son unique ressource ; il « se prosterna et l’adora ». L’adoration, chez les Orientaux, consiste à se prosterner la face contre terre, en baisant les pieds et les genoux du seigneur. Origène remarque l’exactitude des moindres détails de la parabole. Ce serviteur « adora » le roi, car c’était un honneur dû aux personnes royales ; tandis que l’autre ne va jusque-là, dit-il simplement : « Use de patience envers moi, et je te paierai tout. » Il promet l’impossible même des montagnes d’or, si seulement il peut être délivré de sa crainte. Lorsque des paroles semblables sortent de la bouche d’un pécheur, elles prouvent qu’il n’a pas encore clairement compris ses vrais rapports avec Dieu ; il doit apprendre qu’aucune obéissance future ne peut compenser une désobéissance passée ; car, cette obéissance, il la doit à Dieu. « Je te paierai tout » est le langage de la propre justice, qui s’imagine pouvoir tout effacer, pourvu qu’il lui soit accordé le temps nécessaire. Cela explique la conduite ultérieure de ce suppliant. Celui qu’il représente ne s’est jamais rendu compte de l’immensité de sa dette. Il pense qu’il lui a été peu pardonné, c’est pourquoi il aime peu, ou n’aime pas du tout (Luc 7.47). Par son attitude et par sa prière, il reconnaît sa dette, autrement il n’aurait pas été libéré ; il aurait pu reconnaître pleinement la grâce qui lui a été accordée, mais peu après il l’oublia.

Toutefois, à cause de sa prière, « le seigneur de ce serviteur fut ému de compassion, le relâcha et lui remit la dette ». La sévérité de Dieu ne dure que jusqu’au moment où le pécheur reconnaît sa faute ; elle est, comme celle de Joseph vis-à-vis de ses frères, un amour déguisé ; quand elle a accompli son œuvre, elle se montre de nouveau comme grâce ; le compte, qui menaçait au premier abord le serviteur d’une ruine totale, devient pour lui la plus grande miséricorde, qui abolit sa dette (Psaumes 103.12 ; Jérémie 50.20 ; Michée 7.19). Dieu est disposé à pardonner ; mais Il veut que le pécheur sache combien il a besoin de pardon et ce qui doit lui être pardonné ; il doit voir ses péchés tels qu’ils sont, avant de connaître la miséricorde de Dieu. Il doit porter en lui-même la sentence de mort, avant d’apprécier les paroles de vie.

« Le serviteur étant sorti, trouva » à l’instant même, au moment où il venait d’être l’objet de la miséricorde de son seigneur, « un de ses compagnons de service qui lui devait cent deniers ». Devons-nous presser ce terme : « il sortit », et dire que nous sortons de devant la présence de notre Dieu quand nous oublions la grandeur de notre péché et la grandeur de son pardon ? C’est ce que pense plus d’un interprète, ainsi Théophylacte ; cependant, je crois que c’est dépasser les limites de la parabole. Il sortit, parce qu’il n’aurait pas osé se permettre, en la présence de son seigneur, la dureté dont il usa à l’égard de son compagnon. Ce dernier terme n’implique pas une égalité de rang, ou une identité de fonctions, mais seulement qu’ils étaient tous deux les serviteurs d’un même seigneur. La petite somme de « cent deniers » indique combien sont petites les offenses des autres envers nous, comparées à celles que nous commettons contre Dieu ; Chrysostome dit qu’elles sont comme une goutte d’eau comparée à l’océan sans limites. Toute la manière d’agir de cet impitoyable créancier est minutieusement décrite : « l’ayant saisi, il l’étranglait, en disant : Paie-moi ce que tu me dois ». Quelques commentateurs, pressant les termes de l’original, y trouvent une aggravation de la cruauté du serviteur, comme s’il n’était pas sûr que la dette fût réelle. Nous n’avons aucune preuve de ce fait. Il est évident que la dette existait réellement ; « il trouva », lisons-nous, « l’un de ses compagnons de service qui lui devait cent deniers ». Toute autre supposition dénaturerait le sens de la parabole ; nous aurions alors à faire ici à un fripon vulgaire. La loi seule aurait condamné un tel homme, il n’aurait pas été besoin pour cela d’une parabole du royaume des cieux. Elle nous présente un enseignement tout différent, enseignement qui concerne ceux qui ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce, à savoir qu’il est contraire au droit d’insister trop sur nos droits particuliers, que, dans le royaume de la grâce, le summum jus peut être la summa injuria (la stricte justice demande une stricte punition). Cet homme aurait aimé à appliquer à ses semblables une autre mesure que celle qui lui avait été appliquée à lui-même. Il voulait bien être pardonné, mais à la condition de ne pas pardonner à son tour. Il faut donc qu’il choisisse. Après avoir obtenu grâce, il doit être miséricordieux à son tour. Si, au contraire, il pousse ses droits à l’extrême, s’il ne veut connaître, dans ses rapports avec les autres, que la loi de la justice rigoureuse, il doit s’attendre à ce que Dieu en agisse de même avec lui. Il sera mesuré de la même mesure dont il aura fait usage.

Ce fut en vain que son compagnon de service tomba à ses pieds et le supplia, en disant : « Use de patience envers moi, et je te paierai tout ; » employant sans le savoir les mêmes paroles qui avaient obtenu grâce. « Il ne voulut point ; mais s’en étant allé, il le jeta en prison, jusqu’à ce qu’il eût payé ce qu’il devait, » sans se douter qu’il se condamnait ainsi lui-même, et renonçait à la miséricorde qu’il avait obtenue. Tel est l’homme, dur et impitoyable, quand il ne vit pas dans le sentiment habituel du pardon qu’il a reçu de Dieu. L’ignorance ou l’oubli de ses propres fautes le rendent cruel à l’égard des autres. Celui qui ne connaît pas sa propre misère est toujours prêt à s’écrier, comme David après son crime : « L’homme qui a fait cela est digne de mort » (2 Samuel 12.5) ; il est aussi sévère pour les autres, qu’il est indulgent pour lui-même ; ce sont « ceux qui sont spirituels » que saint Paul exhorte à redresser le frère surpris en quelque chute (Galates 6.1) ; et quand il prescrit à Tite le devoir de montrer une entière douceur envers tous les hommes, il en donne ce motif : « Car nous étions aussi nous-mêmes autrefois dépourvus de sens, rebelles, égarés, asservis à diverses convoitises et à diverses voluptés » (Tite 3.3). Il est juste que l’homme soit miséricordieux. « Or ses compagnons de service ayant vu ce qui s’était passé, furent fort attristés ; et s’en étant allés, ils déclarèrent à leur seigneur tout ce qui s’était passé. » Ce n’est pas dans le ciel seulement qu’il y a une grande indignation, lorsque les hommes mesurent les autres d’une autre mesure que celle qui leur a été appliquée. Ceux qui, sur la terre, savent ce qu’est la miséricorde envers le pécheur, et quelles obligations elle lui impose, s’attristent dans leur prières lorsque d’autres oublient ces obligations. Les serviteurs furent « attristés » ; leur seigneur fut « en colère » (v. 34) ; la distinction n’est pas sans fondement. Chez l’homme, le sentiment de son propre péché, la conviction qu’il porte en germe, dans son cœur, le péché qu’il constate chez les autres, le remplit de tristesse quand il est le témoin du mal (Psaumes 119.136, 158 ; Romains 9.2 ; 2 Pierre 1.7) ; mais, en Dieu, il y a la haine du péché, qui n’est autre que son amour pour la sainteté. Cependant, la tristesse des serviteurs est aussi mélangée d’indignation, ainsi que le remarque Bengel. Les serviteurs du Roi céleste se plaignent auprès de Lui de toutes les injustices qu’ils voient commettre, qu’ils ne peuvent redresser par eux-mêmes ; et ils ne se plaignent pas en vain. « Alors son seigneur l’ayant appelé lui dit : Méchant serviteur, à cause de son ingratitude et de sa dureté, non point à cause de sa dette : « Je t’ai remis toute cette dette, parce que tu m’en as supplié ; ne fallait-il pas que, toi aussi, tu eusses pitié de ton compagnon de service, comme j’avais eu pitié de toi ? » Son péché consiste en ce qu’il demeure impitoyable, même après avoir obtenu miséricorde. C’est aussi le péché des chrétiens qui jugent sévèrement leurs frères. « Et son Seigneur, était en colère, le livra aux exécuteurs, jusqu’à ce qu’il eût payé tout ce qu’il lui devait. » « Il y aura un jugement sans miséricorde sur celui qui n’aura pas fait miséricorde » (Jacques 2.13). Le roi l’avait traité auparavant comme créancier, mais maintenant c’est comme juge. Les « exécuteurs » sont ceux qui rendront la vie amère au prisonnier ; dans ce monde, dont la prison est l’image, les compagnons de péché et les mauvais anges sont les instruments des terribles jugement de Dieuo. Il paraît étrange ici que le roi livre le coupable au châtiment pour cette ancienne dette qui semblait lui avoir été entièrement remise, et non pour le mal qu’il a commis. Hammond n’explique rien en disant que le roi retira la miséricorde dont il voulait user envers le serviteur, et en appliquant ce fait aux relations de Dieu avec les pécheurs. Le roi ne s’était pas simplement proposé de lui pardonner, mais « il lui remit » positivement la dette. On a dit que la dette pour laquelle il est jeté en prison est une dette de miséricorde et d’amour, selon cette parole de saint Paul : « Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres » ; cette dette, il ne l’aurait pas encore payée. Mais cette explication ne suffit pas. La question dont il s’agit est celle-ci : Le pardon des péchés n’est-il que conditionnel ? peut-il être annulé par les diverses infidélités dont se rend coupable celui qui l’a reçu ? Cette question a été l’objet de nombreuses controverses. Mais on peut se demander si les difficultés sur ce point ne viennent pas d’une conception trop extérieure du pardon des péchés. On ne peut concevoir la rémission des péchés indépendamment de la communion vivante avec Christ ; étant baptisés en Lui, nous sommes baptisés pour le pardon des péchés ; le fait de demeurer en Christ et le pardon des péchés sont inséparables. Si nous cessons de demeurer en Lui, nous retombons dans un état de condamnation et de mort, et par conséquent sous la colère de Dieu. Si nous considérons la vie hors de Christ comme un état de condamnation, et la vie en Christ comme un état de grâce, de marche dans la lumière, nous comprenons mieux comment les péchés d’un homme peuvent de nouveau lui être imputés ; en retombant dans une vie de péché, il retombe dans les ténèbres dont il avait été délivré, et la colère de Dieu se montre d’autant plus terrible contre lui (Jean 5.14). Tout pardon, accordé pendant le temps de la grâce, est conditionnel ; celui qui a été pardonné doit persévérer dans la foi et l’obéissance, dans la grâce qui lui a été présentée ; le serviteur impitoyable de la parabole ne l’avait pas fait. Celui qui obtiendra le salut final, c’est celui qui demeure en Christ, autrement « il sera jeté dehors comme le sarment, et il séchera » (Jean 15.6). Telle est la condition qui résulte du salut lui-même ; de même qu’un naufragé, amené sur le rivage, n’est en sûreté qu’autant qu’il ne s’expose pas de nouveau à la fureur des flots. Il faut comparer avec notre passage celui de : 1 Jean 1.7 : « Si nous marchons dans la lumière, comme Il est dans la lumière, nous avons une communion mutuelle, et le sang de Jésus-Christ son Fils nous purifie de tout péché. » Celui que représente le serviteur de la parabole ne demeure pas dans la lumière de l’amour, mais retombe dans ses anciennes ténèbres ; aussi, il n’a aucune communion avec son frère, et le sang de Jésus-Christ n’a plus d’efficace pour lui.

o – Dans l’antiquité, il y avait certaines tortures légales qu’on appliquait au débiteur insolvable, ainsi : une chaîne du poids de 15 livres, une nourriture insuffisante. Le geôlier en était chargé.

Quelques interprètes ont cru que les théologiens catholiques avaient tiré leur doctrine du purgatoire de ces paroles : « jusqu’à ce qu’il eût payé tout ce qu’il devait ». Mais nous avons là une expression proverbiale, signifiant que le coupable connaîtra maintenant l’extrême rigueur de la loi ; il sera placé sous la justice sans miséricorde ; toujours redevable, il ne sera jamais libéré. Son châtiment sera éternel, puisqu’il ne pourra jamais acquitter sa dette. Le Seigneur termine la parabole par cet avertissement solennel : « C’est aussi là ce que vous fera mon Père céleste, si vous ne pardonnez du fond de vos cœurs chacun de vous à votre frère ses offenses. » Il punira avec la même rigueur ; des trésors de colère sont auprès de Lui, aussi bien que des trésors de grâce. « Mon Père céleste » ; Jésus ne veut pas dire, par cette expression, que son Père ne sera pas aussi celui de ses disciples. Le chrétien occupe une position intermédiaire, entre une grâce obtenue et une grâce qu’il a encore besoin de recevoir. Quelquefois la première lui est présentée comme un motif d’exercer la miséricorde : « vous pardonnant les uns aux autres, comme Christ vous a pardonné » (Colossiens 3.13 ; Éphésiens 4.32) quelquefois c’est la dernière : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Matthieu 5.7) ; « Envers celui qui aime, tu montreras de l’amour » (Psaumes 18.25) ; « Pardonnez, et l’on vous pardonnera » (Luc 6.37) ; mais nous lisons aussi : « Si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est aux cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses (Marc 11.26 ; Jacques 2.13). Tholuck dit : « La compassion divine s’étend sur la vie entière de l’individu, et atteint son degré le plus élevé dans l’éternité ; il faut donc considérer la compassion de Dieu pour l’homme, et de celui-ci pour ses frères, comme s’appelant réciproquement et s’appuyant l’une sur l’autre. » Origène demande où il faut placer, dans le temps, les divers faits de cette parabole ? D’un côté il semble qu’il faut les placer à la fin de l’économie actuelle, car c’est alors que Dieu réglera le compte avec ses serviteurs pour les condamner ou les libérer ; mais, dans ce cas, quelle occasion le serviteur gracié pourrait-il avoir désormais de se montrer miséricordieux ou impitoyable ? La difficulté disparaît lorsque nous ne considérons pas le pardon comme un acte isolé, qui doit avoir lieu à un certain moment précis et qui est irrévocable, mais que nous l’envisageons plutôt comme se continuant durant toute la vie du racheté, qui a continuellement besoin de pardon, parce qu’il pèche encore sans cesse.

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