Vers la Sainteté

CHAPITRE XII

La troupe de Gédéon

Cent vingt mille Madianites s’étaient avancés pour combattre Israël et trente-deux mille Israélites avaient pris les armes pour défendre, contre eux, leurs femmes, leurs enfants, leurs foyers, leur liberté, leur vie. Mais Dieu savait que si un Israélite battait quatre Madianites, il serait à tel point gonflé d’orgueil qu’il oublierait le Seigneur et dirait : « C’est ma main qui m’a délivré. »

Le Seigneur savait aussi qu’il existait parmi eux des cœurs lâches ne demandant qu’une excuse pour s’éloigner ; c’est pourquoi il dit à Gédéon : « Parle ainsi à ta troupe : Que celui qui est craintif et qui a peur s’en retourne et parte de la montagne de Galaad. » Plus tôt les craintifs nous quitteront, mieux cela vaudra. – « Vingt-deux mille hommes parmi le peuple s’en retournèrent, et il en resta dix mille. » – Les fugitifs redoutaient de montrer leur visage à l’ennemi, mais ils ne rougissaient pas de lui montrer le dos.

Le Seigneur vit que si un Israélite battait douze Madianites, il serait encore davantage gonflé d’orgueil : c’est pourquoi il soumit l’armée à une seconde épreuve et dit à Gédéon : « Le peuple est encore trop nombreux. Fais-les descendre vers l’eau et là je t’en ferai le triage. Celui dont je te dirai : Que celui-ci aille avec toi, ira avec toi, et celui dont je te dirai : Que celui-ci n’aille pas avec toi, n’ira pas avec toi. Gédéon fit descendre le peuple vers l’eau et l’Éternel dit à Gédéon : Tous ceux qui laperont l’eau avec la langue comme lape le chien, tu les sépareras de tous ceux qui se mettront à genoux pour boire. Ceux qui lapèrent l’eau en la portant à la bouche avec leur main furent au nombre de trois cents hommes, et tout le reste du peuple se mit à genoux pour boire. Et l’Éternel dit à Gédéon : C’est par les trois cents hommes qui ont lapé que je vous sauverai et que je livrerai Madian entre tes mains. Que tout le reste du peuple s’en aille, chacun chez soi. On prit les vivres du peuple et ses trompettes. Puis Gédéon renvoya tous les hommes d’Israël chacun dans sa tente, et il retint les trois cents hommes ». (Juges 7.4-8)

Ces trois cents hommes étaient résolus ; non seulement ils ne craignaient rien, mais ils n’avaient pas d’indulgence pour eux-mêmes. Ils savaient combattre, mais ils savaient quelque chose de beaucoup plus important : ils savaient renoncer à eux-mêmes. lis savaient renoncer non seulement quand il y avait très peu d’eau, mais même quand une rivière coulait à leurs pieds. lis ne souffraient certainement pas moins de la soif que les autres, mais ils ne songèrent pas à se dessaisir de leurs armes et à se pencher sur le fleuve pour y boire en présence de l’ennemi. Ils restèrent debout, les yeux ouverts, surveillant les mouvements de leurs adversaires, une main sur l’arc et le bouclier, tandis que de l’autre ils portaient l’eau à leurs lèvres altérées. Les autres ne redoutaient sans doute pas la bataille ; mais apaiser leur soif passait en première ligne, l’ennemi dût-il fondre sur eux, tandis que, penchés sur le fleuve, ils buvaient à genoux. Il leur fallait avant tout prendre soin de leur petite personne, l’armée dût-elle être écrasée. Ils songeaient d’abord à eux-mêmes et la pensée ne leur était jamais venue de se sacrifier pour le bien général ; aussi Dieu les renvoya-t-il chez eux avec les craintifs et c’est avec trois cents hommes seulement qu’il mit en déroute les Madianites. Un contre quatre cents ! Plus rien là pour satisfaire l’amour-propre ! Ils remportèrent la victoire et s’immortalisèrent, mais la gloire en revint à Dieu.

Il est des natures craintives qui ne peuvent supporter le rire ou le sarcasme, à plus forte raison un ennemi résolu. S’ils ne peuvent être amenés à saisir la force et la hardiesse de l’Éternel, plus tôt ils quitteront le champ de bataille, et mieux cela vaudra ; qu’ils retournent à leurs femmes, leurs enfants et leurs familles.

Il en est aussi un grand nombre qui n’éprouvent aucune crainte ; la bataille les réjouit plutôt. Ils aiment à porter leur uniforme, vendre le journal de l’Armée, parcourir les rues et tenir tête à la foule ; ils aiment à chanter, prier et rendre témoignage en présence de leurs ennemis autant, sinon plus, que de rester au logis ; mais ils sont indulgents pour eux-mêmes, s’ils tiennent à une chose, il faut qu’ils l’obtiennent, cela dût-il leur nuire beaucoup et les rendre impropres à la lutte.

Je connais certaines personnes à qui le thé, les gâteaux et les sucreries sont nuisibles, mais elles aiment ces choses et plutôt que d’y renoncer, elles courent les risques de contrister l’Esprit de Dieu et de se ruiner la santé, ce capital que Dieu leur a donné pour travailler à Son œuvre.

J’ai rencontré d’autres personnes qui n’ignorent pas qu’un souper copieux avant une réunion charge les organes digestifs, qu’il fait affluer le sang de la tête à l’estomac, alourdit, assoupit, empêche l’âme de sentir vivement les réalités spirituelles et de servir d’intermédiaire entre Dieu et les hommes, plaidant avec Lui comme Elie dans une prière puissante et pleine de foi, persuadant et décidant les auditeurs par un clair témoignage et une brûlante exhortation. Mais ils ont faim ; et, trouvant du plaisir à tel ou tel mets, ils satisfont leur palais, alourdissent leur estomac, gâtent leur réunion, désappointent les âmes affamées et contristent le Saint-Esprit – tout cela, uniquement pour satisfaire de grossiers appétits.

Je connais aussi des gens qui ne peuvent veiller avec Jésus pendant une demi-nuit de prières sans prendre du café. Vous imaginez-vous Jacob s’arrêtant dans le combat désespéré qu’il eut avec l’ange en cette nuit de prières où il réclamait sa bénédiction avant d’aller au-devant d’Ésaü, le frère qu’il avait lésé, – interrompant sa prière pour prendre un repas. S’il n’avait pas été plus désespéré que cela, il aurait pu certes avoir son café, mais en revenant au combat il eût trouvé l’ange parti et au lieu d’apprendre le lendemain matin que celui qui lui avait déboîté la hanche, mais accordé sa bénédiction, avait en même temps touché le cœur d’Ésaü, il eût trouvé un frère irrité, prêt à exécuter la menace formulée vingt ans auparavant et à lui ôter la vie. Mais Jacob avait pris une résolution désespérée ; il désirait tellement la bénédiction de l’Éternel qu’il oublia tout ce qui concernait le corps ; dans la ferveur de sa prière il ne proféra pas une plainte quand il fut blessé par l’ange, et il obtint la bénédiction qu’il implorait. Gloire à Dieu !

Tandis que dans son agonie Jésus priait en Gethsémané avec une sueur semblable à des grumeaux de sang, ses disciples dormaient, et Il fut affligé de voir qu’ils n’avaient pu veiller une heure avec Lui. De même aujourd’hui combien Il doit être affligé de voir que tant d’hommes ne peuvent, ou ne veulent pas, veiller avec Lui, ni renoncer à la vie cachée du « moi » pour obtenir la victoire sur les puissances de l’enfer et arracher des âmes à l’abîme sans fond !

Nous lisons au sujet de Daniel (Daniel 10.3) que durant trois longues semaines il s’abstint de toute nourriture agréable pour se livrer à la prière pendant le temps qu’il pouvait y consacrer, tant était ardent son désir de connaître la volonté de Dieu et d’obtenir sa bénédiction ! Il l’obtint. Un jour Dieu lui envoya un ange qui lui dit : « O ! homme, qui es aimé de Dieu ! » et il lui révéla tout ce dont il désirait être instruit.

Dans les Actes 14.23, nous lisons que Paul et Barnabas priaient et jeûnaient – et non festoyaient – pour que le peuple fût béni avant leur départ. Ils s’intéressaient vivement au sort des soldats qu’ils devaient laisser derrière eux.

Nous savons que Moïse, Elie et Jésus jeûnèrent et prièrent durant quarante jours et que des œuvres puissantes s’accomplirent aussitôt après.

De même, tous les grands hommes de Dieu ont appris à renoncer à eux-mêmes, à tenir leur corps en servitude. Aussi Dieu, remplissant leur âme du feu divin, les a aidés à remporter la victoire envers et contre tous, les rendant en bénédiction au monde entier. Un homme ne doit pas se priver de nourriture ou de boisson au point d’en faire souffrir son corps, mais une nuit de veille, de jeûne et de prière ne fait de mal à qui que ce soit. Celui qui, à l’occasion, est prêt à priver son corps dans l’intérêt de son âme et de celle des autres recueillera des bénédictions qui l’étonneront lui-même et tous ceux qui le connaissent.

Mais cet empire sur soi-même doit être constant. Il ne servirait à rien de jeûner toute la nuit pour festoyer le lendemain. « Soyez sobres en toutes choses ! » disait l’apôtre, il aurait pu ajouter « en tout temps ». Voyez le peuple de Gédéon ! il ne resta oisif ni la nuit, ni le matin de bonne heure ; lorsqu’il attaqua l’ennemi ce fut en s’y prenant dès l’aube qu’il eut l’avantage sur lui.

Les gens qui ne se refusent rien sous le rapport des aliments et de la boisson sont disposés à en faire autant pour le sommeil. Mangeant tard le soir, ils ont le sommeil lourd, se sentent las le lendemain matin et ont besoin d’une tasse de café fort pour éclaircir leurs idées. En raison de ce lever tardif, l’ouvrage du jour s’accumule ; il leur reste à peine le temps de louer le Seigneur, de prier et de lire leur Bible. Puis les soucis du jour les assaillent ; des pensées tout autres que celles de la joie du Seigneur occupent leur esprit. Jésus doit attendre qu’ils se soient acquittés de leur travail pour prêter l’oreille à Sa voix, et la journée entière est ainsi gâtée.

Oh ! s’ils connaissaient les avantages, la joie débordante et sans mélange qu’on éprouve lorsqu’on se lève de bonne heure pour combattre les Madianites ! Il y a tout lieu de croire que Gédéon, leur capitaine, restant debout toute la nuit, réveilla son peuple à l’aurore, et que les Madianites furent vaincus et dispersés avant l’aube.

Quatre cents démons ne pourraient avoir raison de l’homme qui se fait une règle de se lever tôt pour louer le Seigneur en appelant la bénédiction de Dieu sur son âme et le monde entier. Ils ne tarderaient pas à s’enfuir.

John Fletcher s’affligeait à la pensée qu’un laboureur pût se mettre à son travail journalier avant qu’il fût debout lui-même pour louer Dieu et combattre le malin. Il disait : « Comment ! le maître terrestre de cet homme mériterait un service plus prompt que mon Maître céleste ? » Un autre homme de Dieu se lamentait fort s’il entendait le chant des oiseaux avant de s’être lui-même levé pour louer le Seigneur.

Nous lisons que Jésus se levait de grand matin et se retirait seul pour prier. Josué se leva lui aussi de grand matin pour organiser la bataille contre Jéricho et Aï.

John Wesley se couchait régulièrement à dix heures, – à moins qu’il ne passât la nuit en prières – pour se lever à quatre heures. Six heures de sommeil lui étaient suffisantes. Aussi, à quatre-vingt-deux ans, s’estimait-il un véritable miracle à ses propres yeux, n’ayant pas été malade un seul jour durant les douze années précédentes, n’ayant jamais éprouvé de fatigue ni perdu une heure de sommeil, quoiqu’il eût parcouru chaque année des milliers de lieues à cheval et en voiture, été et hiver, prêché des centaines de sermons et accompli un labeur dont à peine un homme sur mille serait capable ; – il attribuait tout cela à la bénédiction de Dieu, à la simplicité de sa vie, et à une conscience pure. Il fut un homme sage et utile, attachant une telle importance à cette question qu’il écrivit et publia un travail à propos du sommeil sur la nécessité de « racheter le temps ».

Faire partie du peuple de Gédéon signifie plus que beaucoup de gens n’ont jamais rêvé, mais j’en fais partie. Gloire à Dieu ! et mon âme est remplie d’un feu dévorant. C’est un bonheur de vivre lorsqu’on appartient à une telle compagnie.

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