1. Dieu est continuellement occupé à créer et à maintenir Sa création (Jean V, 17). Son activité ne cesse jamais. Nous en voyons la preuve dans la circulation du sang et dans les fonctions respiratoires qui ne s'interrompent pas un instant dans les créatures vivantes. Nous la voyons aussi dans la nature. Dans l'air, dans l'eau, dans la terre, dans le soleil, dans les étoiles, il existe un mouvement ordonné et continu qui concourt à la réalisation des desseins de Dieu. Pourquoi devrions-nous, nous qui sommes appelés enfants de Dieu, nous qui, en fait, sommes supérieurs à tout le monde insensible, négliger et avec légèreté la tâche spéciale que le Créateur nous a confiée dans Sa grâce et Sa providence.
2. Satan ignore l'enthousiasme pour une cause juste, sainte, mais il n'en agit pas moins sans relâche. Il est occupé, jour et nuit, à fourvoyer les gens. Il est semblable au serpent qui provoqua la chute d'Eve et qui, privé de pieds et de mains, continue à ramper partout. Alors, si nous qui sommes les disciples de la Vérité (du Christ), qui avons reçu notre mandat de Dieu et la puissance de l'Esprit, nous négligeons notre saint travail, nous sommes certainement inférieurs à Satan, plus mauvais que lui et que le serpent (Ephés. VI, 10, 18). Ainsi veillons et prions, puisons notre force en Dieu afin de vaincre Satan et le mal et d'accomplir fidèlement et complètement la tâche précise qui nous a été confiée (2 Tim. IV. 4-5 ; Jacques IV, 7).
3. Un Soufi ou mystique avait pris une certaine quantité de blé avec lui au moment de partir en voyage. Après plusieurs jours de marche, lorsqu'il ouvrit son sac. il y trouva quelques fourmis. En les voyant il fut émus de compassion envers ces petites créatures égarées loin de leur habitation et il s'assit au bord du chemin pour réfléchir sur les moyens de leur venir en aide. Il décida de retourner en arrière et rapporta ces fourmis à l'endroit d'où elles étaient parties. Il est possible de rencontrer un homme rempli de compassion envers de faibles insectes. Mais pourquoi arrive-t-il que nous soyons si souvent dépourvus de sympathie et de sentiments fraternels à l'égard d'hommes créés à l'image de Dieu, mais égarés comme l'enfant prodigue ou la brebis perdue ? Certainement, notre devoir est de les ramener dans le chemin de la justice qui conduit au home éternel de leur père.
Un jour que j'étais dans la montagne, je remarquai une fourmi et me mis à l'observer. Découvrant un petit grain, elle le toucha à peine et se remit aussitôt en route. Je pensai que ce grain n'était peut-être pas bon, qu'il était amer. Mais non, au bout de très peu de temps la fourmi revint accompagnée de plusieurs autres. Elle n'avait pas voulu garder le grain pour elle seule, mais désirait le partager.
Les égoïstes devraient faire leur profit de la leçon que nous donne cette fourmi. Ceux qui par une vie de communion avec Dieu ont été enrichis de toutes sortes de bénédictions spirituelles devraient porter la parole de Dieu à ceux qui n'ont pas entendu parler de Lui, afin qu'eux aussi jouissent de la communion avec Dieu, de ses bénédictions et de la joie éternelle.
4. On raconte qu'un jour un pauvre sculpteur français venait de terminer une merveilleuse statue d'argile. La nuit suivante fut terriblement froide et humide. Il eut peur pour son œuvre, aussi se relevant, il prit ses couvertures, en enveloppa sa statue et se recoucha. Le lendemain matin, on trouva le sculpteur mort de froid, mais son modèle était intact. S'il y a parmi nous des hommes capables de donner leur vie pour sauver le travail de leurs mains et, bien plus, de la donner pour des choses inanimées, à combien plus forte raison ne devrions-nous pas être prêts à consacrer nos vies au service des âmes vivantes que Dieu a créées à Sa propre image (I Jean. III, 16).
5. Pour qu'un grain de sel communique sa saveur, il faut le dissoudre. Il faut. le soleil pour fondre la neige de la montagne et que l'eau se répande et irrigue les plaines desséchées par le soleil. De même, si notre nature ne fond pas aux rayons du soleil de justice et au feu du Saint-Esprit – ( je veux dire que si nous ne sommes pas mis à l'épreuve par un esprit de sacrifice et de don de nous-mêmes) – alors il nous est impossible d'étancher la soif d'une âme angoissée et de la conduire à la Source de la Vie, où elle trouverait le repos et la vie éternelle.
6. Nous ne pouvons servir le Créateur et la créature sans rencontrer des difficultés et des tentations, mais elles nous sont nécessaires pour progresser spirituellement. Dans le monde, nul n'en est affranchi sur cette terre et celui qui ignore la tentation est « soit une bête, soit un dieu », ainsi que, le déclare Aristote.
Les difficultés et les ennuis sont la croix que nous avons à porter, mais en les supportant nous gagnons la vie et d'innombrables bénédictions. Comme les oiseaux ont des ailes qui les portent, ainsi la Croix dont l'homme est chargé le soulève et le porte sûrement au but.
7. Nous devons considérer la famille et d'autres devoirs comme des obstacles utiles. Ceux qui ne le comprennent pas, les regardent comme tout autant de fardeaux ou de barrières. Angèle de Foligno se « félicitait » de la mort de sa mère, de son mari et de ses enfants, parce qu'elle considérait les membres de sa famille comme de « grands obstacles sur le chemin de Dieu ». Nous croyons qu'en remplissant dans un esprit de sacrifice tous nos devoirs envers les membres de nos familles, nous accomplissons tout aussi bien la volonté de Dieu qu'en passant nos journées dans la prière, le jeûne et les veilles.
L'expérience nous montre qu'en aidant les autres à avancer, nous progressons nous-mêmes et parvenons à un merveilleux contentement d'esprit ; ceci nous montre clairement que nous soutenons d'intimes relations les uns avec les autres et que tout progrès est basé sur l'entraide et le service mutuels. C'est une des lois de notre existence et si nous nous conduisons en égoïstes, nous et nos semblables trouverons moins de joie dans la vie et, grâce aux conflits d'intérêts, nous nous détruirons mutuellement. Prenons donc ce principe du service comme la règle de nos vies et « dans l'amour servons-nous les uns les autres ». Sans esprit de sacrifice, il est impossible de servir Dieu. Nous devrions nous en persuader, ainsi que nous le disions dans le chapitre premier, afin que dans une vie de sainte communion avec Dieu, assis à ses pieds, nous apprenions à aimer. Alors seulement nous pourrons aimer et servir notre prochain comme nous nous aimons nous-mêmes. En le faisant, nous accomplirons la volonté de notre Créateur et Seigneur, nous remplirons la destinée qu'Il nous a proposée et nous continuerons à le faire éternellement.