Nos enfants

CORRIGER SANS IRRITER

UN PHÉNOMÈNE

Dieu résiste aux orgueilleux.

Jacques 4.6

Je frappe à la porte d’une famille chrétienne où je suis attendu pour le repas du soir. Le mari m’accueille avec chaleur et m’introduit dans le salon tandis que Joël, un gros bonhomme de sept à huit ans, se fait tirer l’oreille pour me saluer.

A peine installé dans le fauteuil, maman accourt pour dire à son garçon :

— Joël, montre à notre visiteur comme tu joues bien du piano !

Sans se faire prier cette fois, le jeune prodige grimpe sur le siège rond et avec importance, la poitrine gonflée de plaisir frappe les touches d’un doigt malhabile. Il « ânonne » une lente mélodie qui rappelle vaguement un air connu.

J’observe la maman. Émerveillée, la bouche ouverte, elle suit les exploits de son rejeton, les mains en position pour déclencher les applaudissements.

— Très bien enchaîne-t-elle. Nous te félicitons … Ça promet n’est-ce pas ?

Et l’enfant – comme la maman – de me fixer des yeux pour recueillir quelque louange.

— En effet, lui dis-je. Pour un commencement… Mais je n’ai pas du tout envie de terminer ma phrase.

Et la conversation s’engage devant le petit trônant majestueusement sur son siège à vis. Naturellement, Joël est le centre de cette conversation. Les parents – la maman surtout – passent en revue les dons merveilleux du petit phénomène. On étale ses cahiers pour commenter les « Très bien ». Chacun de mentionner sa facilité à apprendre, sa mémoire hors du commun, son intelligence quasi exceptionnelle et décelée de très bonne heure. Au berceau presque.

— Et maintenant Joël, récite-nous ta dernière poésie.

Grisé d’éloges, le petit débite d’un trait « La cigale et la fourmi » tandis que chacun se prépare une fois de plus à frapper dans les mains.


♦   ♦

Voilà comment on « fabrique » un orgueilleux pour la vie, un être suffisant et prétentieux, sûr de lui. Non madame, votre fils n’est pas un prodige et vous ne le préparez sûrement pas à la lutte persévérante qui fera de lui un vrai pianiste. D’ailleurs, quand il serait un artiste, n’en dites rien. Vous provoqueriez la jalousie de ses frères et lui rendriez un très mauvais service.

L’homme est, par nature, plein de lui-même, orgueilleux dès son plus jeune âge. Aussi faut-il lui résister sur ce point comme Dieu résiste en pareil cas (Jacques 4.6 – cité en exergue). Il ne s’agit nullement d’humilier l’enfant, de l’amener à se sous-estimer ou de souligner à plaisir ses travers afin de le rendre petit à ses propres yeux. Vous le blesseriez inutilement sans pour autant le conduire sur la voie de l’humilité. Toutefois, c’est une très grave erreur que d’encenser constamment son fils ou sa fille devant les autres. Multipliez les bravos et il se croira bientôt un phénix, un être exceptionnel autorisé à se prendre au sérieux et à se croire supérieur à son entourage. En tous cas, vous ne l’aiderez pas à plaider coupable devant son Dieu lorsque le Saint-Esprit le visitera.

Votre fils a-t-il de réels talents ? Ne les ignorez pas mais donnez-lui l’occasion d’en rendre grâces au Seigneur. Enseignez-lui de bonne heure à confier ses dons au Maître, à les lui consacrer, à les perdre même plutôt que de courir le risque de s’idolâtrer soi-même. Les habitudes contractées dans l’enfance – les bonnes comme les mauvaises – se retrouvent jusque dans la vieillesse et les choses acquises dès le jeune âge s’effacent difficilement. Il est donc important de veiller à l’éducation des siens en leur enseignant jour après jour à « marcher humblement avec leur Dieu » (Michée 6.8).

Résister à l’enfant, aller à l’encontre de ses penchants naturels pour qu’il change de comportement et devienne un être modeste, altruiste et généreux de cœur, telle est la difficile mission confiée aux parents. Rude vocation qui, à terme, portera de beaux fruits : « Père élevez vos enfants en les corrigeant et en les instruisant selon le Seigneur » (Éphésiens 6.4).

LES PARENTS S’INTERROGENT

  1. Vous reconnaissez-vous dans la maman citée plus haut ? Avez-vous admiré et encensé votre enfant avec démesure ? Discernez-vous chez lui et à cause de cela, une tendance à se prendre au sérieux, à parader ? Dites-le à Dieu et à votre conjoint.
  2. Etes-vous réellement préoccupé de conduire les vôtres sur la voie de l’humilité ? Que faites-vous pour y parvenir ? Leur avez-vous appris à consacrer leurs dons au Seigneur, à les utiliser pour Sa gloire ?
  3. Bénissez Celui qui a qualifié vos enfants. Demandez-lui sagesse et fermeté pour les conduire sûrement sur le chemin de l’humilité.

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