Grand-père et Jean-Paul sont devenus inséparables depuis leur curieuse rencontre. On les voit souvent ensemble, assis sous le grand chêne à quelques pas de la maison, ou dégringolant le sentier, absorbés dans une longue conversation. Jamais le jeune garçon n’avait autant parlé à cet homme si peu loquace d’ordinaire ; jamais aussi il n’avait tant regardé son beau visage vieilli par le temps et les rudes travaux.
— Grand-père il y a une chose que je n’ai jamais comprise !
— Laquelle ?
— Pourquoi avez-vous prié pour moi, l’autre jour ?
Le vieux fermier baisse le visage et semble réfléchir un instant : il n’a pas l’habitude de parler à la légère.
Oh ! Je veux bien te le dire, ce n’est pas un secret. J’ai prié pour toi parce que tu vis loin de Dieu et de Jésus.
— C’est bien vrai ! Je voudrais tant prier le Seigneur comme vous le faites.
— Il s’agit plus que de cela. Lorsque j’étais tout jeune encore, j’avais comme toi le désir au fond du cœur de connaître et d’aimer Dieu. Je voulais être son enfant, sa brebis qu’il conduit et protège. Pourtant, il me semblait que cela était impossible car j’étais un si mauvais garçon ! Lorsque je faisais le bilan de ma journée, le soir, j’étais désespéré : il n’y avait rien de bon. Et puis, je savais si peu de choses sur Dieu, sur sa Parole dont j’entendais souvent parler. Alors, j’avais peur, peur du Créateur, peur de le rencontrer un jour, peur de mourir. Tu sais, Jean-Paul, qu’un jour nous devrons comparaître devant Lui ?
— Oui ! Etienne me l’a dit.
— J’avais affreusement peur! Je répétais souvent : « Seigneur, aie pitié ! Seigneur, aie pitié ! ». Je n’étais pas rassuré. Comment être sûr que Dieu me ferait miséricorde ? N’étais-je pas une quantité négligeable à ses yeux, un être bien repoussant ? Longtemps, je demeurai dans cette angoissante incertitude. Je n’avais plus de joie, je n’aurais jamais voulu exister; j’étais profondément malheureux. Un jour ma mère s’aperçut de mon trouble et me demanda avec insistance ce que j’avais. Elle le savait bien ! D’abord je refusai de lui ouvrir mon cœur, mais par son affection et son insistance, elle triompha de ma sotte résistance. Je lui expliquai tout : mon désarroi, mes craintes, mon ardent désir de pardon et de paix. Alors, comme une mère chrétienne sait le faire, elle m’expliqua pourquoi Jésus avait quitté son beau ciel pour souffrir sur la croix.
Jean-Paul ne perd pas un mot de ce récit que Grand-père semble revivre avec tant d’émotion. « C’est mon histoire, je m’y retrouve ! », pense-t-il. Malheureux, il l’était bien souvent depuis la prière d’Etienne.
— Jésus, continue le vieillard, a fait quelque chose d’extraordinaire pour toi, mon enfant. Il a accepté la mort terrible pour que tu échappes à la colère de Dieu et connaisses toute la joie de sa présence et de sa paix. Et ma chère maman me raconta l’histoire de ce noble romain, condamné à mort pour ses nombreux crimes. Sa cause était perdue, il allait être châtié. Heureusement, il avait comme avocat son frère, un valeureux soldat qui s’était illustré sur les champs de bataille et qui, de plus, avait perdu ses deux bras en combattant pour sa patrie. Il montra aux juges ses deux moignons qui rappelaient ses exploits et leur dit : « Il est vrai que mon frère est coupable et mérite la mort. Cependant, ayez pitié de lui au nom de ce que j'ai sacrifié pour mon pays ». Touchés par ce plaidoyer, les juges cédèrent à ses prières et pardonnèrent le coupable qui fut relâché. Oui, Jean-Paul, il faut nous en convaincre, nous méritons la colère de Dieu et rien d’autre. Mais Jésus son Fils est l'avocat qui demande notre salut au nom de son sacrifice, au nom de la vie qu’il a donnée sur le Calvaire. As-tu compris combien est grand le Sauveur que nous avons ?
Les deux amis restent longtemps silencieux. Ils n’éprouvent plus le besoin de parler.