Je hais les hommes indécis.
Un jeune homme – 27 ans – m’explique son embarras. Depuis longtemps déjà il a déclaré son amour à une jeune fille avec la pensée de l’épouser, mais avant de s’engager, il veut être sûr que telle est bien la volonté de Dieu.
— Voilà bientôt trois ans que nous en sommes là, me dit-il en haussant les épaules. Nous prions fidèlement chacun de notre côté et ma perplexité demeure. Je n’ai pas reçu de réponse nette du Seigneur alors que Renée est toujours plus convaincue que nous sommes faits l’un pour l’autre.
— Sans doute attendez-vous un télégramme du ciel pour être fixé ?
— Non bien sûr !
— Mais de fait, que reprochez-vous à cette demoiselle ? Avez-vous des motifs valables pour hésiter encore ?
— Aucun. Absolument rien à dire. Au contraire, plus je la connais et plus je l’apprécie. C’est une excellente chrétienne, riche de qualités.
— Alors je ne vois pas ce qui vous arrête. Pensez donc à elle : deux ou trois ans, c’est interminable. Envisageriez-vous maintenant de rompre ? Dans ce cas, je vous reprocherai de piétiner une affection que vous avez fait naître et se développer. A cause de vous, cette personne aura perdu des années à attendre votre « oui » et peut-être aura-t-elle manqué l’occasion de sa vie. En lui laissant espérer le mariage vous vous êtes virtuellement engagé. Il fallait d’abord s’assurer de la volonté de Dieu et acquérir des certitudes avant de lui faire des avances. Là est votre erreur. En prenant ainsi les devants, redoutiez-vous de voir un prétendant vous la « souffler » ? Ces atermoiements me paraissent injustifiés et injustes. C’est certainement la crainte de vous tromper et moins le désir de plaire à Dieu qui vous fait encore hésiter.
— Mais alors que dois-je faire ?
— Vous décider et lui donner votre réponse au plus tôt, ce soir ou demain. Pas plus tard. Pensez à elle et pas seulement à vous. Vous devez fixer votre choix sans attendre un signe de Dieu, qui d’ailleurs ne viendra pas.
— Mais comment serai-je sûr d’agir conformément à la volonté du Seigneur ?
— Soyez plus simple. Que cette personne ne vous ait déçu en rien au bout de trois années de mise à l’épreuve me paraît être la confirmation recherchée. N’en demandez pas davantage.
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Quel chrétien sérieux n’a connu ces temps d’hésitation devant de graves décisions à prendre ? Comme on souhaiterait alors consulter l’Urim ou le Tummim ou entendre un prophète inspiré nous dire : « Ainsi parle l’Éternel… » ! Hélas ! On a interrogé le Seigneur, attendu patiemment une réponse du ciel qui ne venait pas… et l’on s’est trouvé dans l’embarras, les bras croisés, troublé, en réalisant que le moment d’agir était venu. Dieu peut-il tourmenter ses enfants soucieux d’accomplir sa volonté ?
Responsable d’une convention biblique au début des années 60, je fis appel à un évangéliste pour présider les réunions du soir. Il fut long à me répondre. Enfin, je reçus de lui une carte griffonnée à la hâte me disant : « Pardonne mon silence, mais présentement je ne puis te fixer ; j’attends du Seigneur des directives précises à ce sujet et dès que j’y verrai clair, je t’avertirai. Excuse-moi de te faire attendre. »
Les mois passèrent. Le courrier échangé par la suite ne m’apporta aucune précision. De guerre lasse et à cause des délais d’imprimerie, je fus contraint de m’adresser à un autre prédicateur qui me répondit favorablement par retour du courrier : Or, surprise ! Peu avant la retraite, je reçus un mot lancé par le premier invité : « Mille excuses, m’écrivait-il. Je n’ai pas encore de conviction, mais ne voulant pas te mettre en peine, j’accepte ta proposition. Je suis donc à ta disposition. »
Dommage ! C’était trop tard.
Qu’il était peu logique cet ami ! Puisqu’il consentait à me donner son accord sans avoir reçu le « oui » du ciel, pourquoi ne l’avait-il pas fait plus tôt ? En bonne conscience, il aurait pu prier ainsi : « Seigneur, puisque, après réflexion et prière, je ne vois aucune raison de refuser cette invitation, je l’accepte… pour ta gloire et la joie de mes futurs auditeurs. Si je me trompe, fais obstacle à ma participation, car je suis déterminé à t’obéir. » C’eut été tellement plus simple et raisonnable.
Donc, pas de précipitation (ce frère avait raison d’interroger le Seigneur), mais également pas d’atermoiements injustifiés. L’indécision n’est pas de Dieu et les hésitations (quand le moment d’agir est venu) sont toujours perte de temps. Ce sont les chrétiens scrupuleux qui tombent facilement dans ce travers. Perpétuellement en quête de directions divines, ils temporisent, ne savent que faire, laissent passer les occasions, quoique le moment de trancher soit venu. Doivent-ils attendre encore ? Faire ceci plutôt que cela ? Ils gaspillent un temps précieux à peser le pour et le contre dans l’espoir que Dieu se manifestera d’une façon tangible. Leurs prières semblent se perdre dans un ciel d’airain. Ces chrétiens se trompent. Ne devraient-ils pas méditer la parole du psalmiste : Je hais les hommes indécis (Psaumes 119.113) ?
Êtes-vous un homme irrésolu ? Alors, vous devez savoir quelle en est la raison.
1) La peur de l’échec ou la crainte de se tromper peut rendre hésitant, timoré. Je sais qu’il est conforme à la Bible de s’asseoir pour calculer la dépense, c’est-à-dire de s’accorder un temps de réflexion avant de se lancer dans une entreprise d’une certaine envergure. Toutefois, il serait déraisonnable de prolonger ce temps de recherche sans jamais passer aux actes. Un pilote chargé d’une mission en temps de guerre doit d’abord repérer avec exactitude le lieu exact où va se dérouler l’opération. Une fois l’objectif trouvé, il se garde de le survoler indéfiniment. L’instant est alors venu d’ouvrir la trappe et de lâcher les parachutistes qui sautent dans le vide l’un après l’autre. Sans plus attendre. Toute décision est un acte de confiance ; elle implique un risque à courir (un saut dans le vide). Quand la volonté de Dieu me serait clairement révélée, j’éprouverai toujours un léger doute au moment d’agir. En effet, pour être absolument sûr de ne pas m’égarer il faudrait avoir reçu un télégramme du ciel ou entendu la voix du Seigneur lui-même. Ce léger doute est voulu de Dieu : le croyant doit dépasser ou surmonter cette dernière réticence (c’est le saut dans le vide) pour se prouver qu’il est un homme libre. Ainsi, il aura le sentiment de prendre l’initiative de ses actes et d’en être pleinement responsable.
Le doute est très souvent à l’origine de nos hésitations.
2) L’opinion de l’entourage, l’abondance des conseils prodigués n’éclairent pas toujours la route à suivre. Et si j’obtiens des avis différents, ma perplexité est accrue. Certes, il est recommandé de s’ouvrir à des frères expérimentés avant d’entreprendre une action d’envergure ; toutefois je me garderai d’adopter systématiquement leurs conclusions, même si je sais qu’elles émanent de gens hautement spirituels et de bon sens. Responsable de mes actes, je veux le rester jusqu’au bout. Pour échapper à toute influence, seul, j’examinerai sereinement si leur façon d’aborder le problème est vraiment la meilleure, puis je fixerai mon choix. Considérons ici l’attitude de Paul : Poussés par l’Esprit, les disciples lui disent de ne pas monter à Jérusalem (Actes 21.4). A Césarée, même refrain de la part des frères (v. 12). Or, l’apôtre ne cède pas pour autant (v. 13). C’est lié par l’Esprit qu’il se rend à Jérusalem (Actes 20.22). Le Saint-Esprit donnerait-il des directives contradictoires ? Non, car chacun tient le bon langage. C’est le sentiment du devoir qui inspire l’apôtre (il a une mission à remplir à Rome) et c’est la charité qui anime les frères. D’ailleurs, ces derniers se soumettent sans insister davantage : Que la volonté du Seigneur se fasse (Actes 21.14). Ils savent qu’il appartient à l’intéressé seul de décider selon ses propres convictions. Il serait coupable d’insister, donc de lui forcer la main.
3) L’attente de manifestations particulières, de preuves tangibles (un signe, une coïncidence providentielle, un verset de la Bible, une prophétie…) rendent hésitant. Dieu n’a promis nulle part qu’il nous guiderait par de tels moyens, même si nous les avons expérimentés dans le passé. Ils nous étaient alors utiles, surtout au début de notre vie chrétienne. Nos pas de débutants, mal assurés, avaient besoin d’être affermis, ainsi que notre foi naissante. Ce fut notre cas, en particulier lorsque Dieu nous appela, ma femme et moi, à quitter notre emploi pour le servir. La décision à prendre était trop importante pour s’engager à la légère. Le Seigneur fut bon de nous révéler sa pensée par le moyen d’une prophétie d’Ésaïe reçue d’une façon plutôt exceptionnelle : Tu es mon serviteur, je te choisis… sois sans crainte, car je suis avec toi (41.9-10). Cette parole nous fut utile par la suite, surtout dans les moments de doute ou de découragement. Cependant, de telles interventions, parfois insolites, ne doivent pas nous faire oublier que Dieu est souverain et parle tantôt d’une manière, tantôt d’une autre (Job 33.14). Pour ma part, je préfère suivre la voie tracée par l’Écriture au lieu d’attendre je ne sais quoi d’extraordinaire : Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu… et elle lui sera donnée ; maïs qu’il la demande avec foi, sans douter… (Jacques 1.5-6).
Des confidences m’ont fourni la preuve que les meilleurs chrétiens peuvent se fourvoyer en proposant à Dieu des signes pour fixer leur choix (comme Gédéon avec sa toison). De même, les coïncidences ne constituent pas nécessairement des indications du Seigneur. Les Gabaonites ne sont-ils pas venus offrir leurs services au moment précis où se dressait, devant Israël, une impressionnante coalition (Josué 9) ? Renfort inespéré ! Qui n’y verrait la main de l’Éternel portant secours à sa petite armée et, selon sa méthode, juste au dernier moment ? Quoique de bonne foi, Josué tomba dans le panneau. Il signa alliance avec ces prétendus pèlerins, et découvrit trop tard la supercherie. Cette cuisante expérience le rendit prudent.
Tenons-nous-en à la Bible. Ce sera plus sûr. Au lieu de rester passif à attendre je ne sais quelle preuve palpable venant du ciel « exerçons notre jugement » à discerner ce qui est juste. Soyons de ceux qui ont acquis par l’expérience un sens moral affiné qui leur permet de distinguer le bien du mal, ce qui est juste de ce qui ne l’est pas (selon Hébreux 5.14). Toutefois, il est évident que si Dieu estime nécessaire de nous révéler ses desseins par des moyens inattendus, acceptons-les avec reconnaissance. Pourvu qu’il en soit l’auteur.
4) De fausses notions concernant la volonté de Dieu entretiennent la perplexité. Chez nombre de chrétiens, certaines théories ont la vie dure ; il faut s’en débarrasser au plus vite. Par exemple, il est erroné de croire qu’il m’est interdit de prendre des initiatives ou de m’engager dans une action quelconque sans avoir d’abord ployé les genoux et reçu le feu vert de Dieu. Le simple bon sens s’inscrit en faux contre une telle notion. La maîtresse de maison s’oblige-t-elle à interroger le Seigneur pour établir ses menus ou fixer le jour d’un rendez-vous ? Les parents sont-ils coupables d’indépendance s’ils inscrivent leurs enfants à un camp de la « Ligue » sans avoir, au préalable, prié et jeûné ? L’important est ailleurs, dans une attitude d’entière soumission à Dieu. Et si, d’aventure, au moment de m’engager dans une certaine voie, je ressens un malaise et soupçonne la désapprobation de Dieu, j’examinerai sans complaisance les motifs qui ont inspiré ma décision. A tout prix, je tiens à avoir « une bonne conscience » devant mon Seigneur. Je serai d’autant plus sensible à sa volonté que je vivrai en communion étroite avec lui et en contact constant avec les Saintes Écritures.
5) Le péché sous toutes ses formes favorise l’indécision. Jacques le laisse entendre : Nettoyez vos cœurs, âmes partagées (Jacques 4.8). Dieu peut-il donner sagesse à qui se moque de sa volonté ? Guidera-t-il celui qui fait fi de ses commandements, cultive la haine ou entretient de mauvaises pensées ? Inspirera-t-il des convictions à qui lui tourne le dos et persévère dans l’incrédulité ? En réalité, cette personne marche dans les ténèbres et ne sait où elle va, parce que les ténèbres ont rendu ses yeux aveugles (1 Jean 2.11). Qui veut cheminer sans s’égarer doit rejeter le péché et tout fardeau. en posant les regards sur Jésus. Alors il peut courir dans la voie tracée devant lui, sans hésitation (Hébreux 12.1-2). Entretenir de bonnes relations avec Dieu, tel est le secret d’une vie dynamique, sans faux pas.
QUESTIONS