Catéchèse

QUATORZIÈME CATÉCHÈSE, SUR CES MOTS : Il est ressuscité le troisième jour, il est monté au ciel, il est assis à la droite de Dieu son Père, et sur l’Epître I aux Corinthiens, XV, I et suivants.

SOMMAIRE.

I. Invitation à la joie. – II. Plan de cette Catéchèse. – III. De la sépulture du Sauveur. – IV. Preuves de la résurrection. – V. Du lieu où s’est opérée la résurrection. – VI. Ce n’est qu’à Jérusalem qu’on trouve une église sous le vocable de la résurrection. – VII. Le don des langues, la conversion des Gentils, preuves de la résurrection par voie de conséquence. – IX. Description du saint Sépulcre. – X. C’est à l’équinoxe du printemps, époque de la création, que le miracle de la résurrection s’est opérée. – XI. Prophétie extraite du Cantique des Cantiques. – XII. Empressement des saintes femmes à aller au tombeau. – XIII. Leur zèle pour Jésus-Christ. – XIV. Parallèle entre la piété des saintes femmes et la vanité des Juifs, entre la piété de l’Empereur Constantin et l’impiété des Juifs. Magnificence de la Basilique de la résurrection. L’incrédulité des Juifs mise en parallèle avec la croyance de l’univers. – XV, XVI. Réfutation des objections judaïques. L’Evangile de S. Matthieu est écrit en hébreu. Les quinze premiers Patriarches sont Juifs d’origine. – XVII. Parallèle entre Jonas et Jésus-Christ. – XVIII. La résurrection d’un mort n’est pas plus difficile que la conservation d’un homme en vie dans le ventre de la baleine. – XIX, XX. Les Saints accourent au-devant de Jésus-Christ leur libérateur. – XXI. Réponse aux objections des Manichéens. S. Jacques, frère, c’est-à-dire cousin germain de Jésus-Christ, premier PC. de Jérusalem. – XXII, XXIII. Récapitulation des preuves de la résurrection. – XXIV. De l’Ascension du Sauveur. – XXV. Réponse aux objections. – XXVI. Supériorité de puissance, non-seulement en Jésus-Christ, mais dans ses disciples sur les anciens Patriarches. – S. Paul ravi au troisième ciel. – XXVII Jésus-Christ est assis à la droite de son Père de toute éternité. – XXVIII. Preuves. – XXIX. Récapitulation. – XXX. Péroraison. – Quelques noms sont effacés du livre des vivants. – Jésus-Christ, quoique dans les cieux, scrute la conscience de chacun.

Notum vobis facio… fratres, Evangelium quod annuntiavi vobis…. quía resurrexil tertiâ die secundùm Scripturas. (1 Corinthiens 15.1-4.)

« Je viens vous rappeler l’Evangile que je vous ai prêché………………. qu’il est ressuscité le troisième jour suivant les Ecritures. »

I.

Jérusalem, Jérusalem, réjouissez-vous, réunissez-vous, vous tous qui aimez Jésus-Christ. Car il est ressuscité. Réjouissez-vous tous qui naguère fondiez en larmes (Esaïe 66.10) au récit des attentats du peuple Juif. Car celui que vous avez vu ici dans ces mêmes lieux l’objet de tant d’outrages, ici même, de la part de son peuple, a secoué la poussière du tombeau, il est ressuscité, il est plein de vie et de gloire. Et si ma dernière instruction sur le mystère de la croix vous a profondément contristé, et rempli le cœur d’amertume, consolez-vous, essuyez vos larmes. Aujourd’hui je viens à vous avec un évangile, c’est-à-dire, une bonne nouvelle ; je viens vous annoncer la résurrection du Sauveur. Qu’à votre tristesse la joie succède (Psaumes 29.12) ; que votre douleur fasse place à l’allégresse ; félicitez-vous les uns les autres dans la vue de celui qui, au sortir du tombeau, nous a dit : Réjouissez-vous. (Matthieu 28.9.) Nous avons été témoins ces jours derniers de la tristesse profonde dont étaient affectés les fidèles disciples de Jésus-Christ, comme si, en parlant de sa mort et de sa sépulture, nous n’eussions pas laissé entrevoir sa résurrection. Leur esprit était dans un état d’angoisse pénible entre ce qu’ils entendaient et ce qu’ils espéraient, flottant entre le présent et l’avenir.

Oui, il est ressuscité celui-là qui en toute liberté (Psaumes 87.5) prit rang et place parmi les morts pour délivrer les morts. Celui qui dans son adorable patience avait reçu sur son auguste tête, de la main de ses ennemis, une couronne d’épines par dérision, est sorti triomphant du tombeau, la tête ceinte du diadème, chargé des dépouilles de la mort.

II.

De même que nous avons apporté, en faveur du mystère de la croix, des témoignages authentiques, même, en vous parlant de la résurrection, ferons-nous reposer nos paroles, ainsi que votre foi, sur des démonstrations rigoureuses.

Puisque l’Apôtre nous dit aujourd’hui qu’il a été enseveli, qu’il est ressuscité le troisième jour suivant les Ecritures, puisqu’il nous renvoie au témoignage des Livres saints, nous suivrons le plan qu’il nous indique. Car il est beau de connaître sur quoi repose l’espérance de notre salut.

Nous rechercherons d’abord si les Ecritures nous indiquent le temps, le moment de sa résurrection ; si c’est en été, en automne ou en hiver ; si elles nous parlent du lieu où ce prodige doit s’opérer, et quel nom les Prophètes ont donné à ce lieu. Elles nous diront encore si les femmes ont d’abord cherché le Christ dans le tombeau ; si, ne le trouvant pas, elles l’ont ensuite découvert, puis si elles se sont réjouies. Nous ferons ensemble cet examen, afin que lisant les Evangiles, vous ne soyez pas tentés de croire que vous lisez des fables, des contes ou des rapsodies de poètes, fruit d’une imagination exaltée.

III.

Dans notre dernier discours, vous avez entendu Isaïe qui vous annonçait que la sépulture du Sauveur serait dans la paix (LVII, 2. Sept.) : Erit in pace sepultura ejus. En effet, sa sépulture, en pacifiant le ciel et la terre, réconcilia les pécheurs avec Dieu. Le même Prophète avait dit : Le Juste s’est soustrait à la vue des méchants, (Ibid.) et je donnerai les méchants pour prix de sa sépulture. (LIII. 9.) Vous connaissez la prophétie de Jacob, conçue en ces termes : Il s’est couché pour reposer comme le lion et comme un lionceau. Qui le réveillera ? (Genèse 49.9) prophétie répétée par Balaam, (Nombres 24.9) puis cette autre du Roi-Prophète : Vous m’avez conduit dans la poussière de la mort. (Psaumes 21.16.)

Vous avez avec Isaïe reconnu le lieu de sa sépulture, lorsqu’il vous a dit : Regardez dans le roc vif que vous avez taillé. (Esaïe 51.1.)

Il nous reste maintenant à réunir en un faisceau les témoignages que nous offrent les Livres saints sur la résurrection.

IV.

Nous lisons dans le Psaumes 11.6 : A cause de la détresse des malheureux, et les gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. Mais jusque-là on peut se demander : Contre qui le Seigneur se lèvera-t-il ? Car souvent cette expression désigne un mouvement d’indignation qui précède la vengeance qu’on se dispose à tirer de ses ennemis. Ouvrez le Psaume 15.4 ; et vous y lirez : Je ne rassemblerai plus ces hommes de sang en synagogue, je ne me souviendrai pas même de leur nom ; je n’en souillerai plus mes lèvres, parce qu’ils m’ont renié pour leur roi, pour se vouer à César. J’avais toujours, continue-t-il, le Seigneur devant les yeux, parce qu’il est à ma droite, pour m’empêcher de chanceler. (Ibid. 8.) Et ensuite : Jusque dans la nuit même mes reins n’ont cessé de m’instruire. (Ibid. 7.) Enfin le langage du Prophète s’éclaircit, lorsqu’il dit : De plus, ma chair reposera dans l’espérance que vous n’abandonnerez pas mon âme dans le tombeau, et que vous ne laisserez pas votre Saint en proie à la corruption. (Ibid. 10.) Faites attention qu’il ne dit pas : en proie à la mort ; car dans ce sens il ne serait pas mort. Mais je ne verrai pas la corruption, c’est-à-dire, je ne resterai pas dans les liens de la mort. Vous m’avez fait connaître le chemin de la vie. (Ibid.) Vous le voyez ici passer de la mort à la vie.

Allons maintenant au XXIXe Psaume. J’exalterai votre puissance, Seigneur, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez pas permis à mes ennemis de se réjouir de ma perte. (Vers. 1.) Que s’est-il donc passé ? Jésus-Christ a-t-il été délivré de ses ennemis ? S’est-il soustrait aux fouets, aux soufflets, aux crachats, aux outrages de la nation juive ? Il va vous dire, en termes très-clairs, pourquoi il exalte le Seigneur : Parce que, vous avez retiré mon âme du tombeau, et que vous m’avez séparé de ceux qui reposent dans la poussière. (Vers. 4.) Plus haut, l’esprit prophétique a parlé au futur, et a dit : Vous n’abandonnerez pas mon âme. Ici l’avenir se convertit en passé aux yeux du Prophète. Parce que vous avez retiré mon âme, que vous m’avez séparé de ceux qui sont descendus dans la tombe. En quel moment de la journée ces faits se passeront-ils ? Le soir on pleurera ; la joie renaîtra avec l’aurore. (Ibid. 6.) En effet, les disciples étaient le soir dans la consternation. Et le surlendemain l’aurore les remplit d’allégresse.

V.

Voulez-vous que l’Ecriture vous révèle encore le lieu de la sépulture du Sauveur ? Ouvrez le Cantique des Cantiques. (VI, 10.) Je suis descendu dans le jardin des noyers. C’est en effet dans un jardin, un verger, que Jésus-Christ fut crucifié ; et si vous ne l’y reconnaissez plus aujourd’hui, c’est que la munificence impériale a changé la disposition de ces lieux. Mais c’était alors un jardin. Des vestiges en restent encore aujourd’hui. Il était alors le jardin clos, il était la source scellée par les Juifs, lorsqu’ils dirent à Pilate : Nous nous rappelons ce que ce séducteur a dit de son vivant, qu’après trois jours il ressusciterait. Donnez donc des ordres pour faire garder son tombeau. (Matthieu 27.63-64.) C’est alors qu’ils scellèrent la pierre et établirent des gardes. C’est à eux que s’adressent ces paroles remarquables de Job : Et dans le repos vous les jugerez. (VII, 18.) Quelle est donc cette source scellée ? Qu’entend-on par ce puits des eaux vives ? (Cantique 4.12, 15.) C’est le Sauveur lui-même ; car c’est de lui que le Psalmiste a dit : Parce que la source de vie est en vous. (XXXV, 9.)

VI.

Que dit Sophonie aux disciples de Jésus-Christ ? Préparez-vous, levez-vous matin, tout bourgeon est desséché chez eux (Sophonie 3.8. Sept.) c’est-à-dire, chez les Juifs, chez lesquels il n’est resté aucun germe de salut, ni même un bourgeon. Car leur vigne sera foulée aux pieds, coupée et arrachée. Ecoutez ce que le Prophète dit aux disciples : Préparez-vous ; levez-vous matin, attendez le matin la résurrection. C’est en conséquence de ces paroles, qu’il ajoute : C’est pourquoi attendez-moi au jour de ma résurrection, dit le Seigneur, pour me rendre TÉMOIGNAGE. (Ibid. 8. Sept.)

Vous voyez que le Prophète a marqué d’avance la place où devait s’opérer la résurrection sous le nom de témoignage[1]. Or, dites-moi, comment se fait-il que le Golgotha et le saint sépulcre, au lieu de porter, comme les autres églises et nos autres temples, un vocable distinctif, n’a pas d’autre nom que celui de témoignage ou martyrion. Ne serait-ce pas, parce que le Prophète l’a désigné ainsi, en disant : Au jour de ma résurrection en témoignage ?

[1] Sous le nom de témoignage.
Les Septante ont en effet traduit ce passage de Sophonie par le mot martyrion ou témoignage. S. Jérôme, ou la Vulgate, par celui de futurum. Dans le principe on donna le nom de martyrion chez les Grecs et de confession chez les Latins, à toutes les églises construites sur les tombeaux des martyrs. Au reste, de toutes les basiliques il n’en était aucune dans le monde chrétien à qui ce nom fût plus spécialement dû qu’à celle-là élevée sur le tombeau du Christ, chef de tous les martyrs. Qui testimonium reddidit… bonam confessionem. (1 Timothée 6.13.) Qui a rendu témoignage… et bonne confession. Tous les écrivains grecs ecclésiastiques de ce siècle et des subséquents ont donné à la basilique du saint Sépulcre le nom de martyrion, comme les Latins l’ont appelé confession, notamment S. Jérôme qui la nomme confession de Notre-Seigneur Jésus-Christ. S. Paulin. Epist. XXXI, n. 6, l’appelle locus testificationis, le lieu du témoignage.
C’est par la même raison que nous appelons à Rome, la confession de S. Pierre, le tombeau où repose le Prince des Apôtres, et que nous avons donné le nom de confession à tout souterrain où repose le corps d’un martyr ou ses reliques. On donne aussi le nom de confession à une châsse qui contient des reliques. Fecit confessionem B., Laurentii ex argento pensantem lib centum… (Athan. Biblioth.) (Voyez l’Onomasticon sacrum, vº confessio.) (Note du Traducteur.)

VII.

Quel est celui qui doit ressusciter ? Et à quel signe le reconnaîtra-t-on ? Le même Prophète vous répondra bientôt Parce qu’alors je détournerai sur les peuples la langue (de mes envoyés) (Ibid. 11,9.) Or, après la résurrection, la descente du Saint-Esprit communiqua aux Apôtres le don des langues, pour que tous servissent le Seigneur sous un seul et même joug[2] (Ibid.). Et pour vous rendre plus sensible encore son idée, que tous les peuples serviront le Seigneur sous le même joug, le Prophète ajoute, que des extrémités des fleuves de l’Ethiopie des victimes te seront apportées. (Ibid. 10.) Vous savez en effet ce qui est écrit aux Actes des Apôtres à l’égard de l’eunuque de Candace. Il était riverain des fleuves de l’Ethiopie. (Actes 8.27.)

[2] Pour que tous servissent le Seigneur sous un seul et même joug.
Le texte des Septante n’est pas aussi favorable au sens que veut ici lui donner S. Cyrille, que le texte hébreu ou de la Vulgate que nous reproduisons Quia tunc convertam ad populos labium electum, ut invocent omnes in nomine Dei, et serviant ei humero uno. (Soph. III, 9.)
« Parce qu’alors je ramènerai les peuples à une langue choisie (lèvre) pour qu’ils invoquent tous le nom du Seigneur et le servent tous du même effort (de concert, d’une seule épaule.) » Le grec dit : Sous un même joug, UNO JUGO.
Quelle est cette langue choisie ? Hac in re varii varia dicunt.
Les Grecs prétendent que c’est la leur. C’est dans leur langue, disent-ils, que les Evangiles (excepté S. Matthieu,) les Actes et les Epîtres ont été écrits ; c’est le fondement de la primitive Eglise. C’est de cette langue que Jésus-Christ a pris le nom de Christ, et que ses disciples se sont dits chrétiens. C’est elle qui a imposé les noms à toutes les dignités ecclésiastiques : Eglise, Pape, Patriarches, Evêques, Prélats, Diacres, Clercs, Acolytes et à toutes les parties de la Lithurgie.
Les Latins de leur côté réclament en faveur de leur langue cette élection de langue que Sophonie a signalée. C’est, disent-ils, la langue latine qui est la plus répandue dans le monde chrétien, comme l’a dit le Prophète, sub uno jugo, sous un seul chef. C’est à ce dernier membre de la prophétie, que se rattache la prophétie toute entière ; c’est à l’autorité du Saint-Siège, du Vicaire de Jésus-Christ, hors de laquelle seule on invoque en vain le nom de Dieu, qui a fait de la langue latine une langue universelle, la langue choisie.

Voilà donc les Livres saints qui nous indiquent l’époque et le lieu où s’opérera le miracle de la résurrection, les signes qui ont dû l’accompagner. Vous êtes sans doute convaincus ; soyez donc inébranlables contre tous les efforts de l’enfer, pour confesser que le Christ est ressuscité d’entre les morts.

VIII.

A ces preuves ajoutez encore le témoignage que le Christ se rend à lui -même dans le Psaume 87.4, par la bouche de David. (Car, dit Isaïe, celui qui parlait alors, est ensuite devenu acteur.) (LII, 6.) Seigneur, Dieu de mon salut, j’ai poussé mes cris vers vous et le jour et la nuit… Et je suis devenu COMME un homme sans secours, qui est libre entre les morts. Faites attention à cet adverbe comme. Car il a été crucifié, non parce qu’il a été subjugué par la force, mais comme s’il n’eût pu s’y soustraire. J’ai été réputé au nombre des morts ; vous avez éloigné de moi tous ceux qui me connaissaient. (8) En effet, à l’exception de S. Jean, tous ses disciples avaient pris la fuite. Est-ce que vous ferez des merveilles dans le séjour des morts ? (11.) Enfin le Prophète continue : Et moi, Seigneur, j’ai crié vers vous, et le matin ma prière vous préviendra. (14.) Vous voyez avec quelle précision le Psalmiste a indiqué le temps et l’heure de la Passion et de la résurrection.

IX.

D’où le Sauveur ressuscitera-t-il ? Nous lisons dans le Cantique des Cantiques (II, 10, 14. Sept.) Levez-vous, ma bien-aimée, hâtez-vous, ma colombe, faites-vous voir à moi dans les trous du rocher, dans la caverne du rocher. (Ibid. 12.) Il désigne ici la caverne du rocher par laquelle il fallait passer pour arriver à la porte du tombeau, comme on le voit encore dans les autres sépulcres. On ne reconnaît plus aujourd’hui ce trou qui servait de vestibule ; on l’a fait disparaître pour placer les décorations d’architecture que vous voyez maintenant. Car, je le répète, avant que la piété et la munificence de nos Empereurs eussent fait construire tout ce qui entoure le saint Sépulcre, il fallait, avant d’y arriver, entrer dans le rocher. Mais où est situé ce roc qui servait de vestibule ? Est-ce au centre de la ville ? Est-ce autour des remparts anciens ou nouveaux ? C’est dans la caverne située près la muraille extérieure. In spelunca petræ juxta antemurale. (Ibid. 14.) (Voy. les Sept.)

X.

En quelle saison le Seigneur est-il ressuscité ? Est-ce en été, ou en automne ? Le même Cantique va vous répondre : L’hiver est passé, la saison des pluies est finie, la terre se pare de fleurs. Le moment de la taille est arrivé. (Ibid.) N’est-ce pas maintenant à Pâques que la terre reprend sa verdure, se pare de fleurs, qu’on taille les vignes ? L’époque prédite est donc le printemps ; c’est le mois Xantique (avril) ; c’est celui qui ouvre l’année chez les Juifs, et qu’ils appellent Nisan ; et c’est dans ce mois que se trouvait ordinairement leur fête de Pâques, qui n’était que la figure de celle que nous célébrons. Cette saison avait également été l’époque de la création. Car c’est alors que Dieu dit : Que la terre produise l’herbe verdoyante pour donner la semence, suivant son genre et son espèce. (Genèse 1.11.) Et vous voyez que c’est à ce moment que la terre se réveille et entre en production. Dieu, en créant le soleil et la lune, leur communiqua deux équinoxes ; et nous étions, il y a peu de jours, dans celui du printemps. Dieu dit ensuite Créons l’homme à notre image et ressemblance. Cette noble créature conserva l’image du Créateur ; quant à sa ressemblance, elle l’obscurcit par sa révolte[3]. Ainsi la même saison qui avait vu l’homme perdre ses droits, l’a vu ensuite les recouvrer. C’est au printemps que sa désobéissance l’a fait chasser du Paradis ; c’est au printemps que la foi et l’obéissance lui en ont rouvert les portes. Le salut de l’homme s’est opéré dans la même saison que sa chute avait eu lieu, c’est-à-dire, à l’apparition des fleurs, au moment où la vigne se taille. Flores visi, et putationis tempus advenit. (Cantique 2.12.)

[3] Quant à sa ressemblance, elle l’obscurcit par sa révolte.
La plupart des Théologiens tant anciens que modernes n’ont vu qu’une synonymie dans ces mots image et ressemblance. Cependant Cyrille n’est pas le seul qui ait fait la distinction dont il parle ici. Il paraîtrait (Cat. IV, 18) faire consister l’image de Dieu dans le libre arbitre de l’homme (Catéch. XII, n.) dans l’empire que l’homme exerce sur toutes les créatures terrestres, et sa ressemblance avec Dieu dans la grâce du Saint-Esprit, qui fut conférée au premier homme par l’insufflation. Car parlant de la grâce du Saint-Esprit communiquée aux Apôtres par Jésus-Christ, après sa résurrection, par l’insufflation (Catéch. XVII, 12) il dit que cette seconde insufflation fut nécessaire parce que la première avait été obscurcie par des péchés volontaires. Δεύτερον ἐμφύσημα τοῦτο, ἐπειδὴ τὸ πρῶτον ἠμαυρώθη διὰ τὰς ἑκουoias áμaprias. Les termes dont S. Cyrille se sert, soit qu’il parle de la perte de la grâce originelle, soit qu’il parle du défaut de la ressemblance primitive de l’homme avec son créateur, sont identiquement les mêmes.

XI.

Le sépulcre était situé dans un jardin, dans un clos de vignes ; et la vigne qui y a été plantée, a dit elle-même : Je suis la vigne ; elle a donc été plantée, mise en terre, pour en déraciner la malédiction dont le péché d’Adam l’avait frappée. La terre avait été condamnée à ne produire que des ronces et des épines. Et c’est de la terre qu’est sortie la véritable vigne, pour accomplir ce que le Prophète avait dit : La vérité est sortie de la terre, et la justice a regardé du haut du ciel. (Psaumes 84.12.) Mais que dira celui qui a eu sa sépulture dans le jardin ? J’ai cueilli ma myrrhe avec mes parfums. (Cantique 5.1.) Et ailleurs : La myrrhe et l’aloès avec les prémices de tous les aromates. (Cantique 4.14.) Tels sont les symboles de sa sépulture. Aussi lisez-vous dans les Evangiles, que les saintes femmes vinrent, à la pointe du jour, avec des aromates qu’elles avaient préparés, et que Nicodème apportait de son côté un mélange de myrrhe et d’aloës. (Luc 24.4 ; Jean 19.39.)

Il est dit ensuite : J’ai mangé mon pain avec mon miel. (Cantique 5.1.) Ce qui était amer avant la Passion, était doux après la résurrection. On le vit, après sa sortie du tombeau, s’introduire dans l’intérieur des appartements, même les portes fermées[4]. Ce prodige fit chanceler la foi dans l’esprit des Apôtres ; ce n’était plus un corps qu’ils croyaient voir devant eux, mais un esprit. C’est alors qu’il leur dit : Touchez et voyez, mettez vos doigts dans les trous que les clous ont faits dans mes mains (Luc 24.37, 39) ainsi que le demandait Thomas (Jean 20.27) ; et comme leur joie, leur étonnement, ne leur permettaient pas d’en croire à leurs sens, il leur dit : Avez-vous quelque chose à manger ? Ceux-ci lui présentèrent un morceau de poisson frit et un rayon de miel. (Luc 24.41-42.) C’est ainsi que furent accomplies les paroles du Cantique : J’ai mangé mon pain avec mon miel. (Cantique 5.1.)

[4] Même les portes fermées.
Ici je m’écarte du texte. Car je devrais traduire : même par les portes fermées. Mais je me conforme au texte de l’Evangile tant grec que latin qui a dit : Clausis januis, et non pas, per clausas januas. Le sens n’est certes pas le même. Car les portes fermées présentent l’idée de cette pénétration philosophique, qui fait que deux corps existent simultanément en un même lieu, sans être disjoints par un intervalle quelconque. Au contraire ces mots : Par les portes fermées présentent l’idée d’un corps transposé d’un espace dans un autre, après avoir franchi un obstacle ou autre corps intermédiaire.
Peu de Pères ont fait cette distinction. Parmi ceux qui l’ont faite, on remarque S. Hilaire (au lib. III, de Trinit. n. 20) qui s’attache au premier sentiment, mais qui sur le Ps. Lv, n. 35, en revient à la pénétration des corps.
Ita auctor confutationis quarumdam proposit. n. 14, apud Athan. t. II, vel 1, fº 479. Eusebius Gallic. Homel. IX et X de Paschate. Vid. alios à Patavio. t. V, theologic. dogmat. citato.

XII.

Mais, avant qu’il pénétrât à travers les portes closes, de saintes et courageuses femmes avaient été à sa recherche, comme à celle d’un époux, et du médecin des âmes. Elles vinrent d’abord au sépulcre pour le chercher (Jean 20.15) ; mais il était ressuscité. Trompées dans leur espoir, elles versèrent un torrent de larmes. O femmes ! loin de pleurer, réjouissez-vous. Sa sortie du tombeau n’est certes pas un sujet de deuil. Marie vint la première, dit l’Evangile (Ibid. 1.) et ne le trouva pas ; un Ange lui apprit la résurrection, puis elle le trouva. Voilà tout autant de circonstances que nous allons retrouver décrites au Cantique des Cantiques : J’ai sur ma couche cherché mon bien-aimé. (III, 1.) Dans quel temps ? La nuit j’ai cherché sur ma couche celui qu’aime mon âme. Marie vint au tombeau avant le jour. Je l’ai cherché dans les ténèbres, et je ne l’ai pas trouvé. En effet, elle ne trouva pas celui qu’elle cherchait ; et dans l’Evangile, vous entendez Marie qui dit : Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. (Jean 20.13.) Mais les Anges présents[5] se hâtèrent de la tirer d’inquiétude. Quoi ! lui dirent-ils, que cherchez-vous ? un vivant parmi les morts ? (Luc 24.5.) Non-seulement il est ressuscité, mais il a ressuscité les morts qui gisaient avec lui, et il a rompu leurs fers.

[5] Les Anges présents.
S. Pierre Chrysologue nous fait observer que l’Ange du Seigneur était assis sur la pierre (Matthieu 28.2) du sépulcre, pour que la solidité du siège fût le symbole de la solidité de notre foi, de même que le nom de Pierre imposé par Jésus-Christ à Céphas devait être le symbole de l’immutabilité des promesses à lui faites. (Chrysolog. serm. LXXIV.)

Comme l’Epouse du Cantique, Marie ne comprenait rien à ces paroles. Et c’est en son nom que le Cantique dit aux Anges : N’avez-vous pas vu celui qu’aime mon âme ? Et à peine les eussé-je dépassés (c’est-à-dire les deux Anges) que je trouvai celui que mon âme chérissait. Je le tins serré dans mes bras, et je ne le lâchai plus. (Cant. III, 3,4.)

XIII.

En effet, après l’apparition des Anges, Jésus vint eu personne se faire reconnaître. Car, dit l’Evangile, voilà que Jésus vint au-devant d’elles, et leur dit : Réjouissez-vous. Celles-ci se jetèrent à ses pieds et les embrassèrent (Matthieu 28.9) pour accomplir, sans le vouloir, ces paroles du Cantique : Je le tiendrai, et il ne sortira plus de mes bras. (Cantique 3.4.) Cependant la femme est d’une complexion faible ; mais son cœur lui donne toutes les forces de la virilité. Des torrents d’eau n’ont point éteint l’amour dont leur cœur était embrasé, des fleuves entiers n’auraient pu le submerger. (Ibid. VIII, 7.) Celui qu’on cherchait était mort ; mais l’espoir de sa résurrection n’était pas éteint.

L’Ange leur répéta : Ne craignez pas, vous. (Matthieu 28.5.) Ce n’est pas aux soldats que je dis : Ne craignez pas ; mais c’est à vous. Pour eux, qu’ils soient frappés de terreur, afin qu’instruits par l’expérience, ils aillent çà et là s’écriant : Il était vraiment le Fils de Dieu. (Matthieu 27.54.) Pour vous, vous ne devez rien craindre. La charité parfaite n’exclut-elle pas toute crainte ? (Jean 4.18.) Allez, et dites à ses disciples qu’il est ressuscité. (Matthieu 28.7.) Elles se retirèrent pleines, tout à la fois, et de crainte et de joie, comme l’a dit le Psalmiste, en annonçant la Passion du Sauveur : Servez le Seigneur dans la crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement, (Psaumes 2.11.) réjouissez-vous à cause de la résurrection du Sauveur. Mais tremblez aussi, rappelez-vous le tremblement de terre qui accompagna les derniers moments de la Passion ; songez à l’Ange qui parut comme un éclair.

XIV.

Les Princes des Prêtres, les Pharisiens avaient fait, par l’entremise de Pilate, sceller la pierre du tombeau. Cependant les saintes femmes ne laissèrent pas de voir Jésus ressuscité. Le Prophète Isaïe avait prévu, d’un côté, les précautions futiles que les Prêtres prendraient, et leur opiniâtre stupidité ; et de l’autre, la foi ardente qui devait animer ces saintes femmes. Venez, approchez, femmes qui avez eu des visions ; car pour ce peuple il n’a point d’intelligence. (Esaïe 27.2.) Les Prêtres sont aveuglés ; c’est aux femmes qu’il est donné d’ouvrir les yeux à la lumière. Car, lorsque les soldats vinrent trouver les Prêtres pour leur annoncer ce qui s’était passé, ceux-ci leur dirent : Dites que les disciples sont venus la nuit, et l’ont enlevé pendant que vous dormiez. (Matthieu 28.2.)

Voilà encore une fourberie qu’Isaïe parlant en leur nom, avait prédite en ces termes : Mais dites-nous autre chose, annoncez-nous quelque nouveau mensonge. Sed dicite nobis, et annuntiate nobis alteram seductionem. (XXX, 10. Sept.)

Le Christ a brisé les liens de la mort, comme ceux du sommeil. Voilà un fait. Pour étouffer la vérité de ce fait, ils ont répandu de l’argent ; ils ont corrompu quelques soldats[6] ; mais ils n’ont pu corrompre le cœur de nos augustes Souverains. De vils soldats pour de l’argent ont trahi la vérité ; mais la piété de leurs Majestés impériales lui a rendu un hommage éclatant, en élevant ce superbe monument de leur foi, ce temple magnifique dans lequel nous sommes, en le décorant d’or, d’argent, de pierres précieuses, en le dotant aussi somptueusement.

[6] Ils ont corrompu quelques soldats.
Les Juifs ont composé trois histoires de la vie de Jésus-Christ, qui ont été tenues secrètes pendant plusieurs siècles et dont les Pères grecs et latins n’ont eu aucune connaissance.
La première a été publiée sous le titre de Spher soldos Jeschu, ou livre des générations de Jésus, par Wagenseil, en 1621, dans son ouvrage Tela ignea Satana. L’imagination la plus dévergondée n’a jamais rien produit de plus extravagamment faux, de plus absurde et de plus ridicule que cette histoire. Dans la narration de la mort et de la passion de Jésus-Christ il n’est question ni d’Hérode, ni de Pilate, ni de Caïphe. Mais c’est une reine nommée tantôt Oïle, tantôt Elani, tantôt Hélène, veuve d’un roi Jannée qui règne sur la Judée. Pilate et les Romains n’y figurent pour rien.
Voici ce qu’ils racontent relativement à la résurrection du Sauveur. « Judas qui leur avait livré son maître pour le faire périr, leur livra aussi son corps, après l’avoir enlevé du tombeau et caché dans un égout pendant trois jours. Ils disent ensuite que ce cadavre attaché à la queue d’un cheval fut traîné par toute la ville, pour désabuser le peuple qui le croyait ressuscité. »
La deuxième publiée par Huldrich ministre à Zurich, en 1705, in 8°, sous le titre de Hist. Jeschuæ Nazareni, hébreu et latin cum notis, n’est encore qu’un ridicule amas de contes propres à bercer les enfants. Les notes du traducteur en font voir l’absurdité et la fausseté.
La troisième publiée dans le XIIIe siècle par Raimond des Martins, traduite de l’hébreu en latin dans son livre intitulé : Pugio fidei, fait pendre Jésus à un tronc de chou qui avait crû dans le temple. Ce qui ne doit pas surprendre. Car, comme Jésus avait, pour ne pas être pendu, conjuré tous les bois par le nom ineffable de Dieu, sem-Ham-phorasch, et comme ils se rompaient tous, lorsqu’on voulut le pendre, les Sages prirent un tronc de chou dans le Saint des Saints, et l’y pendirent. En cela il n’y a rien d’étonnant. Car un chou croissait si fort et si haut dans ce saint lieu, que chaque année on tirait d’un seul pied cent livres de semence. Cette troisième histoire garde le silence sur la résurrection de Jésus.
Jamais les Juifs n’ont osé produire ces stupidités à la face des Chrétiens. Toutes les fois que ceux-ci leur objectaient la résurrection du Sauveur, ils n’y répondaient qu’en l’attribuant à l’art de la nécromantie dont il était en possession avec lequel il ressuscitait les morts. (Vid. Acta sancti Pionii, cap. III, apud Bollandum, 1º februarii.)
Mais l’historien Josèphe juif nous a laissé sur la résurrection de Jésus-Christ un témoignage d’une si haute importance, que les Blondel, les Lefèvre et autres protestants destructeurs de toute espèce de traditions, se sont efforcés de l’effacer. Nous renvoyons ces critiques à d’autres critiques protestants, à MM. Daubuz, et Grabe, Usserius, Isaac Vossius, qui ont savamment vengé ce célèbre historien de toute interpolation. On peut encore consulter M. Huet, Propositio ш, n. 11,12. Demonst. Evangel.
Voici ce passage fidèlement traduit :
« En même temps parut Jésus, homme sage, si toutefois on doit l’appeler homme ; car il fit une infinité de prodiges, et il enseigna la vérité à tous ceux qui voulurent l’entendre. Il eut plusieurs disciples qui embrassèrent sa doctrine, tant des Gentils que des Juifs. Et Pilate poussé par l’envie des premiers de notre nation, l’ayant fait crucifier, cela n’empêcha pas que ceux qui avaient été attachés à lui dès le commencement, ne continuassent à l’aimer. Il leur apparut vivant trois jours après sa mort, les Prophètes ayant prédit et sa résurrection et plusieurs autres choses qui le regardaient ; et encore aujourd’hui la secte des Chrétiens subsiste et porte son nom. »
Il nous reste encore à consulter les paraphrastes chaldaïques antérieurs à la venue de Jésus-Christ.
Dans le livre Melchilta le Rabbi Moise Haddarsan, après avoir rapporté ces paroles du Psaume 29.6 : Quoniam ira in indignatione ejus, et vita in voluntate ejus, les explique ainsi :
« Cela a été dit du juste, notre Messie, parce que sa mort ne sera que d’un moment ; et que sa vie, soit pour la donner aux autres, soit pour la recevoir en lui-même, sera dans sa volonté. »
Ad vesperum demorabitur fletus, et ad matutinum lætitia. (Ibid.)
« Lorsque le Messie mourra, tous ses disciples seront affligés de sa mort, et lorsqu’il retournera à la vie le matin, ils se réjouiront et chanteront. »
Puis il ajoute à cette paraphrase ces paroles du prophète Osée (VI, 3) : Après deux jours il nous vivifiera, et le troisième il nous ressuscitera. (Galatin, de Arcanis cathol. veritatis, I. VIII, cap. 22.) (Note du Traducteur.)

Ces Prêtres corrupteurs ajoutent : Et si le gouverneur en entend parler, nous l’apaiserons et nous ferons en sorte que vous ne soyez pas inquiétés. (Matthieu 28.14.) Oui, fourbes, vous avez pu corrompre quelques soldats ; mais vous n’avez pu tromper l’univers entier. Dites-moi : Pourquoi, lorsque Pierre sortit de prison, fîtes-vous le procès à ses gardes ? Pourquoi les condamnâtes-vous ? Et pourquoi, n’exerçâtes-vous pas la même rigueur, contre ceux à qui la garde du tombeau avait été confiée ? (Actes 12.19.) Les uns sont sévèrement punis par Hérode, parce qu’ignorant ce qui s’était passé, ils ne pouvaient rien alléguer pour leur justification ; les autres, au contraire, qui savaient fort bien ce dont il s’agissait, qui auraient infailliblement, dans leur propre intérêt, fait connaître la vérité, promettent pour de l’argent de la tenir secrète, et les Princes des Prêtres dans l’intérêt du mensonge qu’il leur fallait accréditer, les protègent contre la rigueur des lois. Il n’y eut que quelques Juifs qui furent dupes de cette fourberie ; mais le monde entier ouvrit les yeux à la lumière. Ceux qui cachaient la vérité, sont aujourd’hui ensevelis dans un méprisant oubli. Ceux-là, au contraire, qui lui ont hautement rendu témoignage, ont été illustrés à jamais, par la puissance du Sauveur qui a brisé, non-seulement les liens dont la mort l’avait chargé mais encore a délivré ceux qu’elle tenait captifs, et auxquels faisait allusion le Prophète Osée, lorsqu’il disait : Il nous rendra à la santé après deux jours. Nous ressusciterons le troisième, et nous vivrons en sa présence. (VI. 3. Sept.)

XV.

Puisque les Livres saints ne peuvent vaincre l’opiniâtreté des Juifs, et qu’oubliant ce qui est écrit, ils persistent à nier la résurrection du Christ, un puissant argument à leur faire, est celui-ci : Pourquoi vous obstinez-vous à nier ce prodige, tandis que vous êtes fermement persuadés qu’Elie et Elisée ont rendu des morts à la vie ? Est-ce parce qu’il ne nous reste aujourd’hui aucun témoin oculaire du fait dont nous attestons la vérité ? Mais produisez-nous de votre côté des témoins oculaires de ce dont vous ne doutez pas. Mais c’est écrit, vous répondront-ils ; nous en disons autant. Pourquoi admettez-vous tel écrit, et rejetez-vous tel autre ? C’est que les premiers sont sortis de la plume des Hébreux. Mais les Apôtres n’étaient-ils pas aussi des Hébreux ? Pourquoi ne les croyez-vous pas ? C’est dans votre idiome que Matthieu a écrit son Evangile. Paul l’Apôtre se dit lui-même, Hébreu de pères hébreux (Philippiens 2.5) ; les douze Apôtres étaient de votre nation, de votre sang. Quinze Patriarches sortis du sang de Jacob[7] ont occupé successivement cette chaire. Quel motif avez-vous donc de tenir pour authentiques vos écrits, et de rejeter les nôtres qui ont aussi pour auteurs des personnes de votre nation ?

[7] Quinze Patriarches sortis du sang de Jacob.
Tout le monde sait que c’est sous le règne d’Hadrien qu’arriva la révolte des Juifs, qui occasionna la ruine totale de la ville sainte. Cet Empereur païen avait envoyé une colonie à Jérusalem pour la relever de ses ruines, et construire une nouvelle ville qu’il avait nommée Elia Capitolina. Il avait bâti sur l’emplacement de l’ancien temple un autre en l’honneur de Jupiter Capitolin. Les Juifs, sous la conduite d’un nommé Bar-chocheba (fils de l’Etoile) en prirent occasion de se révolter, d’attirer sur leur patrie de nouveaux fléaux et de la faire réduire en solitude. Depuis ce moment il fut défendu à tout Juif d’entrer à Jérusalem, et même de la regarder de loin. La ville habitée par des Gentils, n’eut plus d’autre nom que celui d’Elia. Sur la porte qui regarde Bethleem, on mit un pourceau de marbre, le plus immonde des animaux aux yeux des Juifs. Comme il leur était défendu d’entrer dans cette nouvelle ville, elle n’eut pour habitants que des Gentils d’origine, mais Chrétiens. Ainsi les restes de l’ancienne servitude de la loi disparurent entièrement. Jérusalem jusqu’alors n’avait eu pour Patriarches que des circoncis, depuis la Passion de Jésus-Christ jusqu’à cette dernière circonstance, celle de la ruine sous Hadrien, c’est-à-dire, depuis l’Apôtre S. Jacques jusqu’à Judas inclusivement. Marc fut vers l’an 337 de Jésus-Christ le seizième Patriarche et le premier de la race des Gentils. (Voy. Eusèbe, Hist. Eccles. lib. cap. 6. Epiphane, Hær. LXVI, 21.) (Note du Traducteur.)

XVI.

Mais, diront-ils, la résurrection d’un mort est chose impossible. Vous dites cependant qu’Elisée a rendu deux morts à la vie, un de son vivant, un autre après sa mort ; nous croyons que le contact du corps d’Elisée mort, a rendu à la vie un autre mort placé à côté de lui ; et nous croyons cela, tout comme vous. Pourquoi dites-vous donc que Jésus-Christ n’a pu ressusciter ? D’ailleurs, observez qu’Elisée mort, rendant à la vie un autre mort, n’en resta pas moins dans le tombeau, tandis que notre Elisée en est sorti victorieux, et mille autres corps en sont également sortis pleins de vie, sans avoir été approchés. Car, écoutez l’Apôtre qui a spécialement écrit pour vous son Evangile : Les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui dormaient du sommeil de la mort ressuscitèrent. Et sortant de leurs tombeaux, après la résurrection, ils entrèrent dans la ville sainte[8] (Matthieu 27.25, 33) (vous savez que c’est ainsi que s’appelait la ville que nous habitons) et furent vus d’un grand nombre de personnes. Elisée ressuscita un mort, mais ne subjugua pas l’univers. Elie ressuscita un mort, mais son nom ne mit jamais en fuite les démons. Sans rien diminuer du mérite et de la gloire des Prophètes, nous célébrons, nous chantons la gloire de leur Maître avec plus de solennité, avec toute l’exaltation dont la reconnaissance humaine peut être susceptible. Car les Prophètes nous appartiennent aussi ; et ce sont eux qui fortifient notre foi.

[8] Ils entrèrent dans la ville sainte.
La parenthèse que l’orateur a placée immédiatement après ces mots, paraît dirigée contre l’opinion alors très-accréditée, que les Saints ressuscités dont parle S. Matthieu (Matthieu 27.52-53) étaient entrés dans la Jérusalem céleste. S. Hilaire (in Psal. II, n. 26, Ps. CXI, VI, 2) ; Ruffin (in Exposit. symboli) ; Eusèbe (Demonst. Evang. l. IV, 12, X, 8) ; Epiphane (Hæres. LXXV, n. 7) ont tous dit que les Saints qui sont entrés à Jérusalem, sont ensuite montés au ciel avec Jésus-Christ. S. Jérôme avait d’abord adopté cette opinion (Epist. XXX) mais il l’a traitée ensuite de ridicule. (Epist. XLIV.) Epiphane (Hæres. LXXV, n. 7) soutient contre S. Jérôme que les Saints ressuscités ont été introduits à la résurrection, d’abord dans la Jérusalem terrestre, puis à l’ascension, dans la Jérusalem céleste.

XVII.

Enfin, vous diront-ils encore, on pourrait concevoir la possibilité de la résurrection d’un homme récemment mort. Mais, montrez-nous la possibilité de rappeler à la vie un mort de trois jours, enseveli, déposé dans le tombeau depuis trois jours. C’est à cette question que Jésus-Christ lui-même va répondre en ces termes : Comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. (Matthieu 12.40.) Or, si on médite bien l’histoire de Jonas, on y remarquera un parallèle frappant et facile à saisir entre ce Prophète et Jésus-Christ. Jésus fut envoyé pour prêcher la pénitence : Jonas avait reçu une semblable mission ; mais celui-ci, ignorant ce qui devait arriver, crut se soustraire par la fuite à son mandat : tandis que Jésus est venu librement apporter aux hommes le salut de la pénitence. Jonas dormait sur le navire et ronflait, pendant que l’équipage luttait contre une effroyable tempête. Pendant que Jésus dormait, par un dessein providentiel, les flots de la mer se soulevèrent, pour manifester la puissance de celui qui était endormi. (Matthieu 8.24-25.) L’équipage dit à Jonas : Tu ronfles ; lève-toi, invoque ton Dieu, pour qu’il nous tire de ce péril ; (Jonas 1.6.) les disciples disent à Jésus-Christ : Seigneur, sauvez-nous. (Matthieu 8.26.) Mais on dit à Jonas : Invoque ton Dieu ; et celui-ci répond et dit : Prenez-moi, jetez-moi dans la mer, et la mer s’apaisera. (Jonas 1.12.) Jésus se lève, gronde et les vents et les flots, et la mer se calme aussitôt. L’un est jeté dans le ventre d’une baleine ; l’autre descend de plein gré dans le tombeau dont le monstre marin était la figure. Il y descend de plein gré pour forcer la mort à revomir ceux qu’elle a dévorés, suivant ces paroles du Prophète : Je les délivrerai de la main de l’enfer, et je les rachèterai des mains de la mort. (Osée 13.14.)

XVIII.

Puisque nous en sommes sur ce sujet, examinons lequel est le plus difficile, ou d’arracher un homme du tombeau et de le rendre à la vie, ou de conserver un homme sain et sauf pendant trois jours dans le ventre d’un monstre marin, et de l’y garantir des effets de la digestion. Personne n’ignore que les estomacs de ces animaux carnivores sont si chauds qu’ils digèrent même les os qu’ils ont dévorés. Comment Jonas a-t-il pu rester trois jours et trois nuits dans le ventre de cet animal, sans éprouver les effets de ce feu dévorant qui constitue la force digestive, sans respirer, tandis que nous savons tous que l’homme ne peut vivre hors d’un atmosphère ?

A cela que répond un Juif ? Que la vertu, la puissance de Dieu est descendue avec Jonas dans le ventre de la baleine ; que c’est Dieu qui lui a conservé la vie. Est-ce que Jésus-Christ, Dieu lui-même, n’a pu faire pour lui ce qu’il a fait pour Jonas ? Si l’un est croyable, l’autre l’est aussi ; si l’un est incroyable, l’autre le sera également. Mais tous deux sont vrais ; et nous les tenons tous deux pour certains. Oui, je crois que le Prophète est sorti plein de vie du ventre de la baleine, parce que tout est possible à Dieu. (Matthieu 19.26.) Et c’est pour cela même que je crois que Jésus est ressuscité.

J’ai d’ailleurs sur ce fait des preuves multipliées que me fournissent d’abord les Livres saints, puis les œuvres de toute-puissance[9], que Jésus ressuscité a produites dans le moment même de sa résurrection, et n’a pas cessé de produire jusqu’à ce jour. Celui qui était descendu seul sous la tombe, en est sorti escorté d’une multitude d’autres saints également morts, également ressuscités.

[9] Puis les œuvres de toute-puissance.
La puissance du Christ se manifeste 1º par l’empire que son seul nom exerce sur les esprits infernaux, ainsi que le signe de croix (Catéch. IV, 13 ; XIII, 3) ; 2º par la propagation de la foi. (Catéch. XII, 40.)

XIX.

La mort fut effrayée à la vue de ce nouvel hôte qui venait abattre les barrières de son empire. Pourquoi, portiers de l’enfer, pâlîtes-vous à sa vue ? Quelle terreur panique s’empara de vous ? La mort prit la fuite ; et sa fuite signala sa détresse. Les Prophètes et Moïse le législateur accoururent au-devant de leur libérateur, ainsi que les saints Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, Samuel, David, Isaïe et Jean-Baptiste qui s’écrie : Etes-vous celui qui doit venir ? En devons-nous attendre un autre ? (Matthieu 11.3.) Enfin tous les saints que la mort avait absorbés et retenait dans les fers[10], furent rachetés. Car il convenait que le Roi dont l’empire avait été prédit, rachetât ceux-là surtout, qui avaient préconisé son avènement. C’est alors que tous les justes d’une voix unanime s’écrièrent : Eh bien ! Mort, où est ta victoire ? Enfer, où est ton aiguillon ? (1 Corinthiens 15.55.) Car celui qui t’a vaincu, a aussi brisé nos fers.

[10] Enfin tous les Saints que la mort retenait dans les fers.
Dans l’opinion de S. Cyrille, Jésus-Christ délivra de l’enfer ou séjour souterrain tous les Saints que le Démon ou la mort retenait captifs. (Voy. Catéch. XII, 15.) Quelques-uns d’entr’eux ressuscitèrent corporellement selon S. Matthieu. Mais rien ne nous force à croire que tous jouirent également de cette faveur, comme S. Ignace (Epist. Ad Magnes, n. 9), et quelques autres Pères ont paru l’insinuer. Car ce que dit saint Cyrille peut s’entendre de la délivrance des âmes sorties des limbes. Mais la résurrection corporelle dont paṛle S. Matthieu fut-elle temporaire ou perpétuelle ? C’est ce qu’on ne pourrait conclure des paroles du S. Patriarche. Il compare, il est vrai, ces résurrections avec celle de Jésus-Christ qui fut perpétuelle, mais aussi avec d’autres qui ne furent que temporaires, telles que celles de Lazare, de la fille du chef de la synagogue. (Voy. Catéch. XVIII, 16.) Il faut croire que, s’il ne donne pas à son sentiment toute son extension, c’est qu’il était retenu par les miracles journaliers qui s’opéraient aux tombeaux des Prophètes, épars çà et là dans la Palestine, et qui attestaient la puissance attachée à leurs précieuses reliques. Cette puissance était sans doute à ses yeux un témoignage irréfragable de l’existence réelle de ces mêmes corps et de leur non résurrection. (Voy. Catéch. XVIII, 16.)
Mais au sortir du tombeau que devinrent, sinon les corps, du moins les âmes de ces Saints ? Cyrille pense qu’elles furent transportées dans le même séjour ou paradis que le bon larron (Catéch. XIII, 31) sentiment commun à beaucoup d’autres Pères. (Vid. Origène, Hom. xv in Gen. ; el de engastrymytha, Huet, Demonst. Theodore Mops. Catena in Job, ad cap. VIII, n. 22.) Jésus -Christ les a-t-il introduites dans le Ciel à l’époque de son ascension ? C’est sur quoi S. Cyrille ne s’est expliqué nulle part.

XX.

Jonas est encore la figure typique de Jésus-Christ, lorsque, dans le ventre de la baleine, il adresse au ciel cette prière : J’ai poussé mes cris vers le Seigneur dans ma détresse ; j’ai crié du ventre de l’abîme. (Jonas 2.3.) Il n’était que dans le ventre d’une baleine, il se regarde néanmoins comme au sein des enfers. C’est en cela qu’il était la figure de celui qui devait un jour réellement y descendre. Mais bientôt il dessine, d’une manière plus frappante encore, celui dont il était la figure, lorsqu’il dit : Ma tête a pénétré les fentes des montagnes. Caput meum subiit scissuras montium. (Ibid. II, 6,7.) Placé dans le ventre d’une baleine, de quelle montagne pouvait-il parler ? C’est qu’il savait qu’il était la figure de celui qui devait reposer dans le creux d’un rocher. Jonas est au sein des mers, et dit néanmoins : Je suis descendu dans la terre, parce qu’en effet il figurait celui qui devait descendre dans les entrailles de la terre. Voyant dans l’avenir la fourberie des Juifs qui devaient un jour corrompre les soldats, et leur faire dire que le corps de Jésus-Christ avait été enlevé, le Prophète vous dit que se livrant à des inepties à des impostures, ils ont renoncé à sa miséricorde. (II, 9.) En effet celui qui avait eu pitié d’eux était venu leur secours ; mais ils le crucifièrent, et il ressuscita, après avoir versé son sang pour eux et pour les Gentils ; puis, s’abandonnant à l’esprit d’imposture et de mensonge, ils firent dire aux soldats que ses disciples l’avaient enlevé.

C’est en parlant de la résurrection du Sauveur qu’Isaïe a dit : Où est celui qui tira du sein de la terre le grand Pasteur des brebis[11] ? (Esaïe 63.11.) Remarquez ce mot : le GRAND, pour que vous ne le confondiez pas avec les pasteurs précédents.

[11] Où est celui qui tira du sein de la terre le grand Pasteur des brebis ?
Voici le texte tel qu’on le lit dans la bible des Septante, Edit. de Rome. Ποῦ ὁ ἀναβιβάσας ἐκ τῆς θαλάσσης τὸν ποιμένα τῶν προβάτων. Ubi est qui eduxit de mari Pastorem ovium ? Dans la Vulgate on lit Ubi est qui eduxit eos de mari cum pastoribus gregis sui ? De la comparaison facile à faire entre ces deux versions, on voit qu’on ne pourrait pas tirer de la Vulgate les mêmes raisonnements qu’en tire S. Cyrille. Le texte du S. Patriarche est d’autant plus authentique qu’il est en parfaite harmonie avec S. Paul, qui dans son Epître aux Hébreux (XIII, 20) faisant allusion à ce texte d’Isaïe, a dit : Deus pacis, qui eduxit de mortuis pastorem MAGNUM ovium. Entre le texte de S. Cyrille et celui de S. Paul, nonobstant les mots ex terra qu’on trouve chez l’un, et de mortuis qu’on trouve chez l’autre, on verra, si on réfléchit, que ces mots : Ima maris, telluris profundum, lacus, infernus, mortuorum loca, sont synonymes dans la langue hébraïque.

XXI.

Puisque nous avons pour nous les prophéties, soyons inébranlables dans notre foi. Que ceux-là périssent, qui par infidélité veulent périr, si tel est leur plaisir. Pour vous, vous êtes placés sur le rocher de la foi, quant à la résurrection du Sauveur. Prenez garde de vous laisser jamais ébranler par l’hérésie, et d’attenter à cet auguste mystère. Car, jusqu’à ce jour, les enfants de l’infâme Manès n’ont cessé de blasphémer la résurrection de Jésus-Christ, et de répéter qu’elle n’eut rien de réel, et ne fut autre chose qu’une illusion, un prestige, en dépit des paroles de l’Apôtre qui, parlant du Sauveur, a dit : Celui qui est né selon la chair, du sang de David… qui a été prédestiné Fils de Dieu… par sa résurrection d’entre les morts (Romains 1.3-4) et qui, s’adressant ailleurs directement à ceux qui veulent nier le fait de la résurrection, leur dit : Ne dites pas dans votre cœur : Qui jamais est monté au ciel, qui en est jamais descendu ; c’est-à-dire, pour ramener Jésus-Christ d’entre les morts ? (Romains 10.6-7.) C’est encore pour nous et contre ces perfides ennemis de la résurrection, qu’il nous répète : Souvenez-vous que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts. (2 Timothée 2.8.) Et ailleurs : S’il n’est point ressuscité, notre prédication est vaine ainsi que notre foi. Nous sommes même convaincus de faux témoignages devant Dieu, puisque nous avons attesté contre lui-même qu’il a ressuscité Jésus-Christ, tandis qu’il n’en était rien. (1 Corinthiens 15.14-15.)… Mais maintenant Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts, et il est devenu les prémices de ceux qui se sont endormis. Il s’est fait voir à Céphas, puis encore aux douze Apôtres (Ibid. 20 et 5) ; et si un seul témoin vous est suspect, vous ne résisterez pas à douze ; et si ces douze témoins ne peuvent encore vaincre votre opiniâtreté, vous vous rendrez au moins sur celui de cinq cents : Et ensuite en une seule fois il s’est fait voir à plus de cinq cents. (Ibid. vers. 6.) Puis le même Apôtre ajoute : Il s’est montré ensuite à Jacques (Ibid. 7) son frère spécialement[12], qui le premier occupa le siège de cette ville. Or, si un tel Evêque dont vous vous dites disciples, dit avoir vu Jésus ressuscité, rejetterez-vous son témoignage ? Vous direz peut-être qu’il est suspect en raison de sa parenté. Mais, je l’ai vu aussi, vous dit Paul, moi qui étais son ennemi. (Ibid. 8.) Quel doute peut-on élever sur le témoignage rendu par un ennemi déclaré ? Je l’ai vu, moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur, un ennemi outrageux (1 Timothée 1.13) ; c’est moi qui proclame partout la résurrection.

[12] Jacques son frère spécialement.
S. Jacques, surnommé le Mineur, premier Patriarche de Jérusalem, était fils de Cléophas, autrement Alphée, et de Marie sœur de la sainte Vierge. Ainsi il était cousin germain de Jésus-Christ selon la chair, du côté des femmes. Les Grecs et les Romains donnaient fréquemment le nom de frères aux enfants des deux frères ou des deux sœurs. Les Latins les nommaient fratres patrueles, et les Grecs les nommaient άδελφιδόοτ. C’est dans ce sens qu’Abraham dit à Loth : Nous sommes frères. (Genèse 13.8, 11.)
Fratres et sorores patrueles, qui, quæ ex fratribus progenerantur. (Instit. Justin. lib. III.)
Qui fratripatrueli suo marito in consulatu successerat. (Suet. In Cæs.)
Le mot spécialement fait ici allusion à l’apparition spéciale dont le Sauveur se hâta après sa mort de gratifier S. Jacques, avant aucun autre Apôtre. S. Jérôme, dans le catalogue des hagiographes, rapporte en ces termes cette circonstance de la Passion : « Jacques, au sortir de la cène, avait juré de ne point manger de pain qu’il n’eût vu le Christ ressuscité. Le Sauveur se hâta de lui apparaître en particulier, et lui ordonna de manger. » (Note du Trad.)

XXII.

J’ai bien d’autres preuves à vous produire de la résurrection du Sauveur. D’abord cette éclipse totale du soleil, arrivée dans la pleine lune ; cette nuit profonde qui étendit tout à coup ses voiles depuis midi jusqu’à quatre heures (depuis la sixième heure jusqu’à la dixième), le rocher où était creusé le tombeau, la pierre qui en fermait l’entrée, sont là pour déposer à jamais contre le Juif rebelle. Cette pierre qui a vu le Seigneur, cette pierre qui fut alors renversée par Jésus-Christ lui-même, et qui est encore aujourd’hui à la place où il l’a mise, les Anges qui assistèrent à cet acte de toute puissance ; Pierre, Jean, Thomas, et tous les autres Apôtres qui coururent, les uns au tombeau, et n’y trouvèrent plus que les suaires ou linceuls, les autres qui ont vu, palpé ses pieds, ses mains, considéré, examiné ses plaies ; tous ses nombreux disciples qui reçurent tous ensemble l’insufflation du Sauveur, qui furent revêtus de la puissance de remettre les péchés par la vertu du Saint-Esprit ; les femmes qui ont embrassé ses pieds, qui ont éprouvé le tremblement de terre, qui ont été frappées de l’éclatante lumière dont l’Ange était enveloppé ; ces suaires, ces dépouilles de la mort ; les gardes saisis d’effroi ; l’argent qu’on leur donna pour mentir toujours et partout ; enfin ce lieu si célèbre dans le monde chrétien, ce temple auguste, élevé, construit et si magnifiquement décoré par la piété de S.M. l’Empereur Constantin de pieuse et chère mémoire : voilà des témoins dont la voix a retenti jusqu’aux extrémités de la circonférence de la terre, et qui se prolongera de générations en générations, de siècles en siècles, sans jamais perdre de son intensité et de sa force.

XXIII.

Tabithe (Actes 9.40) qui secoue les chaînes de la mort, qui rentre dans le cours de la vie au nom de Jésus ressuscité, vient ici prendre sa place parmi les témoins. Qui osera nier la résurrection de celui dont le nom seul ressuscite les morts ?

Vous avez encore pour témoins cette mer de Tibériade (Jean 21.6 et seq.) cette pêche miraculeuse, ces charbons allumés, ce repas préparé sur le rivage, et cette triple confession de Pierre qui lui valut l’ordre de paître les brebis spirituelles, malgré son apostasie.

Voilà le mont des Oliviers, qui encore aujourd’hui atteste aux yeux de tous les fidèles le fait de la résurrection, en leur montrant à tous la place précise d’où le Sauveur s’éleva dans les cieux, et la porte par laquelle il y est entré[13]. C’est à Bethléem qu’il est descendu du ciel ; c’est sur le mont des Oliviers qu’il a fait son ascension. C’est du ciel qu’il descendit vers les hommes pour commencer et consommer le mystère laborieux de la rédemption ; c’est au ciel que de là il retourna en triomphe, pour y recevoir la couronne que lui avaient méritée ses exploits sur les puissances infernales.

[13] En leur montrant à tous la place précise d’où le Sauveur s’éleva dans les cieux.
On voit aisément que S. Cyrille veut ici parler des pas que le Sauveur laissa imprimés dans le roc lors de son ascension, et qui n’ont jamais pu être effacés ni par le temps, ni par la malice des hommes, ni par le concours des fidèles que, depuis dix-neuf siècles, la piété y attire de toutes les parties de l’univers. Au dire de S. Paulin (Epist. XXXI, n. 4) de Sulpice-Sévère (lib. II, hist. sac. cap. 48) cette place n’a jamais pu être recouverte. Le vénérable Bède (de Locis sanctis, n. 7) et l’auteur de Locis Actuum Apostolorum, affirment aussi que cette partie du toit qui répond perpendiculairement aux vestiges imprimés sur le roc, n’a jamais pu être voûtée ou couverte. C’est peut-être à cette circonstance que S. Cyrille fait allusion dans ces mots : Et la porte par laquelle il y est entré, c’est-à-dire, dans les cieux.

Plusieurs témoins se pressent autour de vous ici vous êtes sur les lieux mêmes de la résurrection ; vous voyez à l’orient la montagne même d’où il s’éleva vers les régions célestes. Vous y avez pour témoins les Anges qui étaient présents sur les lieux (Actes 1.10-12) la nuée qui déroba le Sauveur aux yeux de ses disciples, et les disciples qui en descendirent pour l’attester à l’univers.

XXIV.

Notre plan d’instruction et l’ordre des mystères demanderaient que je vous parlasse aujourd’hui de son ascension ; mais par une disposition de la divine Providence, l’ordre des leçons dominicales me força hier dimanche à traiter à l’office ce grand mystère avec toute l’étendue que nos moyens nous permettaient nous lui avons donné tout le développement possible, non-seulement dans l’intérêt de tous les fidèles en général, mais de vous en particulier. La question est de savoir si vous y avez prêté une sérieuse attention. Car vous savez que l’Eglise dans son symbole vous oblige à croire en celui qui est ressuscité le troisième jour, qui est monté au ciel, qui est assis à la droite de son Père. Je suis bien convaincu que vous n’avez rien perdu de ce qui a été dit ; néanmoins je ne laisserai pas de vous en dire encore quelque chose, en passant, pour vous en rafraîchir la mémoire.

N’oubliez pas ce que vous a dit le Psalmiste en termes très-clairs : Le Seigneur est monté au milieu des cris d’allégresse. (Psaumes 46.6.) Rappelez-vous les acclamations que s’adressaient les Puissances célestes, les unes aux autres : Levez, Princes, vos portes éternelles (Psaumes 23.7) ; et n’oubliez pas ces autres, ces magnifiques paroles du même Prophète : Il est monté dans les cieux, traînant à sa suite un grand nombre de captifs. (Psaumes 67.19.) Ne perdez pas de vue cet autre qui vous disait hier : Il a établi son ascension dans le ciel (Amos 9.6) et tout ce que nous dîmes alors, pour réfuter les objections judaïques.

XXV.

Quant à ceux d’entr’eux qui prétendent que l’ascension du Sauveur est d’une impossibilité absolue, rappelez-vous ce que nous avons dit du Prophète Habacuc[14] (Daniel 14.35) qui, saisi par les cheveux, fut transporté par un Ange. Si un de ces esprits célestes a eu un tel pouvoir sur une créature humaine, révoquerez-vous en doute la puissance de celui qui est le souverain Seigneur des Anges, des Archanges et des Prophètes ? Douterez-vous qu’il ait pu du sommet de la montagne des Oliviers franchir les nuées, s’ouvrir lui-même une route dans les cieux ? Repassez dans votre mémoire les actes de toute-puissance du Maître de la nature, et votre foi sera inébranlable. Dites-vous à vous-même : Tels étaient portés, enlevés par une force divine ; mais ici c’est Jésus-Christ lui-même qui porte tout (Hébreux 1.3) et qui ne fait que se porter lui-même. Hénoch fut transporté ; mais Jésus-Christ s’élança vers les cieux.

[14] Ce que nous avons dit du prophète Habacuc.
Ce Prophète était de la tribu de Siméon, natif de Bethzacar, le huitième des petits Prophètes. Quelques hagiographes, notamment M. Huet (Demonst. Evang. proposition IV, f° 246) ont pensé et ont écrit qu’il y avait eu deux Habacuc, l’un Prophète de la tribu de Siméon, contemporain de Manassès ; l’autre, pourvoyeur de Daniel, de la tribu de Lévi. (Note du Trad.)

N’oubliez pas ce que nous vous dîmes hier, en parlant d’Elie qui fut enlevé dans un char de feu (2 Rois 2.11) que le char du Christ était des milliers ou millions d’Anges qui chantèrent son triomphe (Psaumes 67.18) ; qu’’Elie fut enlevé à l’orient du Jourdain, et que le Sauveur fit son ascension à l’orient du torrent de Cédron ; que celle d’Elie parut dirigée comme vers le ciel, tanquam in cœlum, tandis que celle de Jésus fut réelle, in cœlum ; qu’Elie, sur la demande de son disciple, ne lui promit que le double des grâces[15] dont il avait été comblé, tandis que Jésus-Christ fit participer ses disciples aux dons du Saint-Esprit en si grande abondance, que, non-seulement ils les possédèrent en eux-mêmes, mais qu’ils eurent encore la faculté de les communiquer aux fidèles par l’imposition des mains.

[15] Le double des grâces dont il avait été comblé.
Voici le texte grec tel qu’on le trouve dans la bible de Complut. γενηθήτω δὴ τὸ καὶ πνεῦμα τὸ ἐπὶ σοὶ δισσῶς ἐπ ἐμὲ. Fiat, quæso, spiritus qui super te, dupliciter super me. Ce texte se rapproche plus de la Vulgate que celui des Septante, qu’on lit ainsi : Fiant, quæso, duplicia in spiritu tuo, super me. (2 Rois 2.9.) Voyez sur ce texte les notes de Nobilius dans la bible de Morin.

XXVI.

Lorsque vous aurez à tenir tête à des Juifs, et que vous les aurez confondus par des exemples tirés de leurs propres livres, venez-en de suite à la gloire suréminente du Sauveur. Faites-leur voir que tous les Saints de l’Ancien Testament ne sont que les serviteurs de Dieu, tandis que Jésus en est le Fils. Cette suréminence vous sera facile à prouver, lorsque vous vous rappellerez que le serviteur de Jésus-Christ fut élevé au troisième ciel, et que si Elie est parvenu jusqu’au premier ciel, Paul fut porté jusqu’au troisième, qu’il fut donc gratifié d’un honneur et d’une faveur bien supérieure à celle du Prophète. Ne rougissez pas de vos Apôtres ; ils ne le cèdent en dignité ni à Moïse ni aux Prophètes. Elie sans doute fut enlevé au ciel ; mais Pierre reçut les clefs du Royaume des cieux, lorsqu’il lui fut dit : Ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel, etc. (Matthieu 16.19.) Elie ne fut enlevé que dans le ciel ; mais Paul fut introduit et dans le ciel et dans le paradis[16] (car il convenait que les disciples de Jésus reçussent des grâces abondantes et multipliées.) Et là il entendit des choses ineffables que la langue de l’homme ne peut répéter. (2 Corinthiens 12.4.) Paul en descendit, il est vrai, non pas qu’il fût indigne d’habiter le troisième ciel, mais c’était pour que comblé de dons extraordinaires, revêtu de forces surhumaines, il pût prêcher avec plus d’efficacité Jésus crucifié, pour qu’il pût affronter pour son saint nom tous les périls, endurer tous les supplices, et remporter la couronne du martyre, à quelque prix qu’elle fût adjugée.

[16] Paul fut introduit et dans le ciel et dans le paradis.
S. Cyrille dit ici que S. Paul fut ravi en deux lieux différents l’un de l’autre : au ciel et au paradis. Cette opinion ne lui est pas particulière. S. Clément d’Alexandrie (Strom. XVI, p. 586) S. Irénée (lib. II, cap. 30, n. 7) Méthodius sur Epiphane (Hæres. LXIV, n. 47) l’auteur de la Synopse (n. 61) Cosme l’égyptien (Topographia Christi. (lib. II, V et IX) l’ont pensé et écrit comme S. Cyrille.
Mais l’Eglise n’ayant rien statué sur cette question, nous renvoyons le lecteur curieux à la dissertation de l’illustre Evêque d’Avranches sur les divers sentiments relatifs à la situation du Paradis terrestre.

Je passe sous silence aujourd’hui tous les autres sujets de réflexions que cette matière me suggéra hier dimanche, à l’office divin. Les personnes qui m’ont entendu, et qui se rappelleront ce qui a été dit, seront suffisamment instruites.

XXVII.

N’oubliez pas ce que je vous ai répété plusieurs fois sur cet article : Qui est assis à la droite de son Père (Catéch. IV, 7 ; XI, 17). Ne nous appesantissons pas avec trop de curiosité sur la nature de ce trône. Cela est au-dessus de notre intelligence ; ne prêtez pas l’oreille à ces hommes qui corrompent la doctrine des Apôtres, et veulent nous persuader que Jésus-Christ ne prit rang et place à la droite de son Père qu’après sa Passion, sa résurrection et son ascension[17]. Car il n’a point acquis ce rang, cette dignité, il les a toujours eus ; il les a toujours possédés, parce qu’il est de toute éternité Fils de Dieu, et comme tel, il a toujours siégé à la droite de son Père. Longtemps avant l’incarnation du Sauveur, le Prophète Isaïe avait vu le trône sur lequel il siégeait. J’ai vu, dit-il, le Seigneur assis sur un trône haut et élevé, etc. (Esaïe 6.1.) Quant au Père : Personne ne l’a vu. (Jean 1.18.) Et celui qui se découvrit aux yeux du Prophète était le Fils coéternel en gloire avec le Père. Ce qui a fait dire au Psalmiste : Votre trône, Ô Dieu, était établi dès lors ; vous êtes de toute éternité. (Psaumes 92.2.)

[17] Qu’après… son ascension.
Ces mots paraissent dirigés contre les sectateurs de Paul de Samosate, Evêque d’Antioche, qui vivait vers l’an 265 ; on les appelait Paulianistes ou Samosatiens.

XXVIII.

Mais, comme il est temps de mettre fin à cette instruction, nous nous contenterons aujourd’hui de vous remémorer quelques-unes des nombreuses preuves que renferment les Livres saints sur la session éternelle du Fils à la droite de son Père.

Ouvrez le cent-neuvième psaume, et vous y lirez : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite[18] pendant que je ferai de vos ennemis votre marchepied. (Psaumes 109.1.) Paroles que le Sauveur a confirmées, pour prouver que David ne parlait pas d’après lui-même, mais d’après l’Esprit-Saint lorsqu’il a dit aux Pharisiens : Si donc David l’appelle son seigneur, comment est-il son Fils ? (Matthieu 22.45.) Rappelez-vous le discours que tint S. Pierre aux Juifs le jour de la Pentecôte à la tête des onze Apôtres, où, pour leur prouver la divinité de Jésus-Christ, il leur cite les mêmes paroles du Psalmiste. (Actes 2.14, 34.)

[18] Le Seigneur a dit à mon Seigneur, etc.
Ce texte a toujours été pour les Juifs déicides un argument qui les a fort embarrassés. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir les absurdes subterfuges auxquels ils sont aujourd’hui forcés de recourir. Ce n’est point du Messie, disent-ils, que le Psalmiste a voulu parler, mais de tout autre personnage. Et si on leur demande, quel est ce personnage ? Les uns disent que c’est Abraham, d’autres disent que c’est à son Ange gardien que David adressait ces paroles. Mais laissant de côté toutes ces rêveries judaïques, interrogeons l’ancienne Synagogue. Or, voici comme ces paroles du Psalmiste sont traduites dans le Targum chaldaïque de R. Jonathas. Dieu dit à son Verbe : Assieds-toi à ma droite. C’est donc évidemment au Messie que l’ancienne Synagogue faisait l’application des paroles du Roi-Prophète. (Voyez Galatin, lib.. pac, II IV24.)
Si le lecteur est surpris de nous voir traduire l’adverbe, donec, par pendant que, nous l’invitons à relire notre dissertation sur le : Non auferetur sceptrum. (Note du Traducteur.)

XXIX.

Il est encore quelques autres preuves également solides que nous fournissent les évangélistes. Par exemple, nous lisons dans S. Matthieu que Jésus-Christ répondit au Grand-Prêtre : Au reste, je vous dis que vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance (de Dieu). (Matthieu 26.64.) Et c’est à ces mots que l’Apôtre S. Pierre fait allusion, en parlant du baptême qui nous sauve, par la résurrection de Jésus-Christ qui… monté au ciel, est assis à la droite de Dieu son Père. (1 Pierre 3.21-22.)

Notez encore ces paroles de l’Apôtre : Qui nous condamnera ? C’est Jésus-Christ qui est mort pour nous, qui de plus est ressuscité, qui est à la droite de Dieu (Romains 8.34) ; et ailleurs : Selon l’efficace de sa vertu toute-puissante qu’il a manifestée en Jésus-Christ, en le ressuscitant d’entre les morts et le faisant asseoir à sa droite dans le ciel (Ephésiens 1.19-20)… Si donc vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez ce qui est dans le ciel, où Jésus-Christ est assis à la droite de son Père (Colossiens 3.1) ; qui, après nous avoir purifiés de nos péchés, a pris siège au plus haut des cieux à la droite de la majesté suprême. (Hébreux 1.3.) Auquel des Anges a-t-il jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, pendant que, etc. ? (Ibid. 13.) Celui-ci ayant offert une seule hostie pour le péché, est assis pour toujours à la droite de Dieu, où il attend ce qui lui reste à accomplir, que ses ennemis lui servent de marchepied. (Ibid. X, 12,13.) Jetons les yeux sur Jésus, l’auteur et le consommateur de la foi, qui dans la vue de la joie qui lui était préparée, a souffert la croix, méprisé les ignominies, et s’est assis à la droite du trône de Dieu. (Ibid. XII, 2.)

XXX.

Quoiqu’il existe encore une foule d’autres témoignages sur ce même sujet, contentons-nous pour le moment de ceux que nous venons de rapporter, vous répétant encore de ne pas regarder ce siège de Jésus-Christ, placé à la droite de son Père, comme une prérogative acquise depuis son incarnation ; car c’est de toute éternité, avant le commencement des siècles, que le Fils unique de Dieu a été en possession de ce trône.

CONCLUSION.

Puisse le Père éternel du Christ, le Dieu tout-puissant, puisse Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est descendu, et qui est monté (Ephésiens 4.10) qui siège avec son Père, prendre vos âmes sous sa protection, affermir et rendre inébranlables votre foi et votre espérance en celui qui est ressuscité, vous retirer du tombeau du péché, pour vous mettre en possession de ses biens célestes, vous rendre dignes d’être emportés avec ceux qui sont morts en Jésus-Christ, dans les nuées pour aller au-devant du Seigneur Jésus-Christ au milieu des airs. (1 Thessaloniciens 4.16.) En attendant le moment de son second, mais glorieux avènement, nous prions le Seigneur qu’il inscrive vos noms dans le livre des vivants, qu’une fois inscrits ils n’en soient plus effacés[19] ; car c’est un malheur dont sont frappés beaucoup de ceux qui tombent. (Psaumes 68.29 ; Apocalypse 3.5.)

[19] Que vos noms, une fois inscrits dans le livre des vivants, n’en soient plus effacés.
Parmi les théologiens on se demande si quelqu’un est effacé du livre des vivants. Presque tous les Pères, d’après ces paroles du Prophète, Deleantur de libro viventium, et cum justis non scribantur (Psaumes 68.29) ont pensé que cette question ne formait pas un doute, si par livre de vie on entendait celui dans lequel les justes et leurs bonnes œuvres sont inscrits. C’est ce que S. Augustin nous explique en ces termes, sur le Psaume 130, n. 8 : Cujus vis contemptibilis in Ecclesia qui credit in Christum, et diligit Christum, et amat pacem Christi, nomen scriptum est in cœlo.
C’est en ce sens que S. Cyrille nous dira (Catéch. XIX, 5) que les renonciations des baptisés sont inscrites dans les Livres divins ; et dans la Catéchèse suivante, que toutes les bonnes œuvres sont écrites, que les péchés sont effacés par la pénitence, et, comme il l’a dit. (Catéch. IV, n. 24) que les noms des Vierges et des continents étaient inscrits sur les livres des Anges, mais en étaient effacés par suite d’impureté.
Mais si par le livre des vivants on entend la prédestination, je me tais, ne voulant en aucune manière m’immiscer dans une question où je ne pourrais que rencontrer de redoutables contradicteurs, soit qu’ils admettent une prédestination gratuite, ou une prédestination arrêtée, décrétée par suite de la prescience des bonnes œuvres. En un mot, je ne me placerai pas entre Molina et Bagnez.

Tenez comme chose nécessaire de croire en celui qui est ressuscité, d’attendre celui qui est déjà descendu et qui viendra encore une fois, non pas de la terre (erreur dont j’ai tâché de vous garantir contre les imposteurs futurs) mais du haut des cieux où il est assis, et qui néanmoins est ici présent au milieu de nous, qui voit et scrute les dispositions de chacun de nous, qui sonde la solidité de votre foi. De ce qu’il n’est pas ici en corps, gardez-vous d’en conclure qu’il n’y soit pas en esprit. Oui, il est au milieu de nous, (Jean 1.26) qui entend tout ce qui s’y dit, qui lit vos pensées, qui scrute les reins et les cœurs (Psaumes 7.10) ; qui est prêt, lorsque vous descendrez dans les eaux du baptême, de vous présenter à son Père dans le Saint-Esprit et de lui dire : Me voici avec les enfants que Dieu m’a donnés. (Esaïe 8.18.) C’est à lui qu’appartient la gloire dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

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