Matthieu 14.1-2 ; Marc 6.14-16
Il parle encore, quoique mort.
Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus, et à cause de la parole de Dieu.
Jean-Baptiste est mort…
« En êtes-vous bien sûrs ?… Demandez-le aux auteurs de ce crime. Si Jean-Baptiste emprisonné troublait leur fête impure de son invisible présence, si du fond de son cachot sa voix montait jusqu’à eux, Jean-Baptiste une fois mort leur apparaîtra plus redoutable. Écoutez Hérode ! C’est en vain qu’il l’a vu décapité ; quelques mois sont passés, un nouveau prophète apparaît. – C’est Élie ! disent les uns. – C’est Jésus de Nazareth ! disent les autres. – Non, leur répond Hérode, c’est Jean… Il le voit encore se dresser devant lui, et le hanter partout de sa présence vengeresse… Il voit son regard qui le suit. Il entend sa voix qui lui crie : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère… Quoique mort, Jean lui parle encore, mais cette voix terrible, aucune Hérodias ne pourra l’étoufferk. »
k – Bersier.
Cette scène posthume est décrite en cinq versets de nos Évangiles.
Une ligne leur a suffi pour retracer le convoi funèbre du Baptiste. Celui d’Abraham, il vous en souvient, n’avait pas non plus exigé un long tableau.
Les disciples du Précurseur ont appris son décès. Ils s’étaient établis, sans doute, dans les environs immédiats, et se relayaient probablement auprès de leur maître. Quand la lugubre nouvelle leur parvient, ils se rendent à Machéronte, obtiennent l’entrée du château, enlèvent le cadavre et vont le déposer dans un sépulcre. Ils chercheront ensuite la société de Jésus.
Convoi plus sombre encore et plus douloureux qu’ils ne le sont d’ordinaire. On dirait des gens réduits à se cacher. Naturellement. Ne pouvant s’en prendre qu’à lui-même de ce lamentable dénouement, Hérode devait être porté à faire tomber sur les autres un courroux mérité par lui seul. Il n’aurait pas été très surprenant qu’il fît arrêter quelques-uns de ces disciples, afin de remplir de nouveau le cachot devenu vide. Ils se couvrent donc du secret ; de la nuit peut-être. A tout prix il faut éviter le bruit. Pas de complaintes, pas de pleureuses. Autant de silence que possible. Quel contraste avec ce qui se passait il y a un an ! Un peuple entier accourait alors auprès de celui qui repose là, dans son cercueil. Où sera son
tombeau ? Osera-t-on le marquer d’une inscription ? Pas encore peut-être. Le mystère vaut mieux… Mon Dieu, que tes voies sont incompréhensibles !
Dans cet effondrement de leurs espérances, les disciples de Jean se rendent auprès de Jésus. Est-ce seulement un instinct qui les pousse vers lui ? Il aurait alors été singulièrement juste. Mais il y a plus et mieux que cela. Il y a un besoin profond de leur cœur ; il y a une intelligence très nette de la situation.
Leur cœur est blessé, ulcéré même. Le maître qu’ils viennent de perdre savait si bien relever les esprits abattus ! Sans doute ; et Jésus le sait aussi. Il le sait mieux que lui, car au moment du doute, à l’heure de la crise, c’est à lui que Jean s’est adressé. Et puis, qui donc a dit cette parole, bientôt répétée de bouche en bouche : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ? » C’est encore Jésus. Il faut qu’il ait des trésors inépuisables, pour pouvoir enrichir les âmes dénuées, affligées, privées soudain de leur plus ferme soutien… Allons à Jésus !
La raison leur disait la même chose. Ce n’est pas en vain que deux d’entre eux ont interrogé le Christ. Ils ont compris. Beaucoup de problèmes qui les hantaient ont trouvé leur solution. Ils savent que le Sauveur et le Messie sont réunis en une seule personne, Jésus de Nazareth. Ils voient en lui le lien vivant entre une histoire qui finit et une histoire qui commence. Il rattache à l’ancienne alliance la nouvelle. Plus encore. Il est vainqueur de la mort. Non seulement les lépreux sont nettoyés ; mais les morts recouvrent la vie. A quel autre irions-nous qu’à lui ? Loin d’être infidèles à la mémoire de notre maître, c’est au contraire ainsi que nous lui rendrons hommage. Nous suivrons ses invitations qui étaient presque des ordres. Nous nous joindrons à Jean, à Simon, à André ; et nous deviendrons, sinon des apôtres, au moins des disciples convaincus.
Nous osons le penser : de toutes les paroles du Christ que les deux messagers avaient rapportées à Jean, celle qui les frappe et les relève le mieux à cette heure, c’est bien celle-ci : Les morts ressuscitentl ! Et c’est celle, aussi, que nous allons voir se réaliser de la façon la plus merveilleuse, au moment même de prendre congé de notre héros. Son histoire et sa vie ne sont pas, en fait, arrivées à leur terme. Elles recommencent plutôt sous des formes nouvelles, et non moins réelles que celles qui ne sont plus. Les morts ressuscitent !
l – L’ancienne alliance avait connu quelques résurrections isolées. Mais c’est seulement au début de la nouvelle qu’il est possible de dire : Les morts ressuscitent !
D’abord, bien avant la résurrection, pour servir aux jugements de Dieu contre les persécuteurs. Voyez plutôt cet accès de superstition et de tremblement qui éclate à la cour d’Hérode. Quelques mois se sont écoulés depuis le meurtre de Jean. Il est mort, bien mort. Il n’y a pas de doute possible. Et pourtant, qui sait ? Son âme se promène peut-être autour du château. La conscience d’Hérode, bourrelée avant d’être cautérisée, lui fait voir des fantômes, entendre des reproches où il reconnaît Jean-Baptiste.
Mais c’est absolument insensé, mon pauvre homme. Comment, tu en es à croire aux revenants ! Tu te figures que le prophète erre en Galilée et vient, parfois, visiter ton palais ! Tu es malade. On te raconte des miracles qui se produisent ici et là. Eh bien ! oui, si tu veux. Si tu crois à ces inventions de cerveaux faibles, il y a des miracles. Il y a un personnage assez curieux qui en opère. Nous savons même très bien son nom : c’est Élie. A moins que, peut-être, nous n’ayons été mal renseignés. Ce serait alors le prophète, ou bien un prophète quelconque, qu’il ne vaut pas même la peine de nommer…
Non, non, reprend Hérode d’une voix mal assurée… Ce Jean que j’ai décapité, c’est lui ; il est ressuscité des morts.
Oui, majesté peureuse, il est ressuscité plus que tu ne crois. Tu peux couper les têtes qui te gênent, et contraindre au silence les bouches qui ne te flattent pas. Mais tu ne peux pas si aisément mettre un bâillon aux remords.
Tu ne te trompes pas. Jean-Baptiste est aussi vivant aujourd’hui qu’il l’était dans sa prison, alors qu’il ne laissait pas passer un jour sans te répéter : Il ne t’est pas permis ! Il est là, chez toi, d’autant plus redoutable que tu ne peux plus le saisir. Il est présent à côté du trône où tu donnes tes audiences. Présent dans la salle des banquets, d’où tu n’as pas fait disparaître toutes les taches de sang tombées du plat qui portait sa tête. Présent dans tes promenades, dans tes fêtes, dans tes pompes à demi-royales, pour les gâter toutes, pour y jeter un ver qui ne meurt point, et pour les brûler d’un feu qui ne s’éteint pas. Présent jusque dans ta chambre à coucher, où tu n’as, depuis le soir du crime, point trouvé de repos. Présent pour murmurer à ton oreille, de jour et de nuit : Tu ne tueras point ! Tu ne commettras point adultère ! C’est bien simple, croyais-tu, de se débarrasser des prophètes. Pas si facile, en vérité. Car ils reviennent, même après qu’ils sont morts. Oui, tu as raison, Hérode. Les morts ressuscitent, et quelquefois beaucoup plus vite que les vivants ne le voudraient.
Ils ressuscitent aussi, avant la résurrection, pour l’affermissement des croyants. Plus exactement, leur vie se prolonge, leur exemple, leur voix, leurs leçons se continuent malgré le silence du trépas. Ils ne parlent plus ; et toutefois leur voix est entendue. Et de leurs souffrances, de leur martyre, jaillissent des prédications d’une inconcevable énergie. En ce qui concerne Jean-Baptiste, nous en avons une preuve. Elle nous est fournie dans une scène qui fait un saisissant contraste avec celle des remords inutiles d’Hérode.
Ouvrez, mes amis, l’Évangile selon saint Jean, au chapitre dixième. Lisez du verset quarantième au quarante-deuxième. « Jésus, raconte le disciple qu’il aimait, s’en alla de nouveau de l’autre côte du Jourdain, au lieu même où Jean avait précédemment baptisé. » Ce souvenir est relevé avec intention. Près de terminer sa carrière terrestre, Jésus s’arrête un moment en Pérée. Il choisit ce même emplacement où le Baptiste avait appelé des âmes à la repentance. Il y reste un certain temps. Chaque arbre, chaque buisson, lui redit un écho des prédications du prophète, et lui rappelle son martyre. C’est ainsi qu’il se prépare au sien. « Beaucoup de gens, continue le texte, vinrent à lui. Et ils dirent : Jean, il est vrai, n’a fait aucun miracle. Mais tout ce que Jean a dit au sujet de celui-ci était vrai. Et là plusieurs crurent en lui. »
Je le demande maintenant. Avions-nous tort d’affirmer que les sermons du Précurseur ont, bien après sa mort, continué leurs effets ? Était-ce exagération et poésie ? N’est-ce pas plutôt de l’histoire ? Des mois ont passés. Dans ces plaines désertes, autrefois si animées par la foule, un grand silence s’est fait. Oui ; mais dans beaucoup d’âmes une parole a retenti, et ces âmes, éveillées, conduites par Jean-Baptiste, sont arrivées jusqu’à Jésus-Christ. Maintenant elles croient en lui. Non, Jean n’avait point fait de miracles pendant son très court ministère. Mais qu’était-ce donc que cette œuvre, commencée durant sa vie, achevée après sa mort ? Ces conversions – car il n’y a pas à les nommer autrement – ne sont-elles pas miraculeuses ?
Ainsi la fidélité constante de ce prédicateur ; ses appels aussi longtemps qu’il a pu parler ; son silence quand il a été contraint de se taire ; sa vie entière enfin, rien de tout cela n’a été brisé dans le sanglant donjon de Machéronte. Jean-Baptiste est ressuscité ! Objet de terreur pour Hérode. Objet d’admiration et de reconnaissance pour les convertis. Les deux disciples qui l’ont quitté un jour, pour se rendre auprès de l’Agneau de Dieu, sont en train de devenir une légion… Combien sont-ils, les prédicateurs dont il est possible de résumer ainsi l’histoire, et dont les discours, agréés ou non par « les raffinés dans l’art de bien dire, » auront amené beaucoup d’auditeurs à croire en Jésus ? Combien, ceux dont le souvenir, alors qu’ils ne sont plus, contribue encore à remuer des cœurs pour les arracher au péché ?…
J’ai connu un prédicateur de cette sorte. C’était mon père. Et, en bénissant sa mémoire, j’ai peut être le droit de rappeler ce que ses paroissiens m’ont raconté souvent. « Nous aimions, me disait l’un d’eux, ses sermons. Mais nous aimions mieux encore son visage. En le voyant si heureux d’être chrétien, nous avions envie d’être comme lui. » Et lui aussi, il a beaucoup amené d’âmes à son Sauveur. Que je voudrais que ces pages, écrites dans un constant souvenir de sa personne et de son pastorat, eussent la même efficace !
Mais cette persistance du passé pendant la vie présente n’est pas, ne peut pas être tout. La permanence d’une œuvre, la survivance d’une mémoire, ce n’est pas encore la résurrection, la vraie. Nous ne saurions nous en contenter. Ni pour la résurrection du Sauveur, ni pour la nôtre. Il faut que la personne même ressuscite. Nous le réclamons au nom de la vérité des paroles du Christ. Nous l’attendons au nom de nos plus ardentes espérances.
Or notre attente n’est pas vaine. Avant de clore l’histoire de Jean-Baptiste, nous avons le droit de parler de sa résurrection, dans le sens même où notre foi l’exige.
Un jour, le voyant de l’Apocalypse eut une extase. Des trônes lui apparurent dressés dans le ciel. Des ressuscités y montaient. Entourant le Christ, ils s’apprêtaient à régner pour mille ans sur la terre.
Plusieurs étaient des martyrs. L’apôtre apprit même quel avait été le genre de leur mort. « Je vis, dit-il, les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu, et de ceux qui n’avaient pas adoré la bête ni son image, et qui n’avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main. Ils régnèrent, et ils vécurent avec le Christ pendant mille ansm. »
m – Apocalypse 20.4.
Il a donc revu son premier maître, celui-là même qui l’avait conduit au second. Il avait su sa mort. Lorsque les disciples du Baptiste, après avoir inhumé ses restes, s’étaient rendus auprès de Jésus, saint Jean était là. Il avait tout appris. Il s’était représenté cette scène d’horreur. Il avait pleuré le prophète.
Puis, les années ont marché. Lui-même, après un très long ministère, est devenu « l’ancien. » C’est ainsi qu’on le nomme communément dans l’Église. Éloigné de son troupeau durant une persécution, il a été ravi en esprit dans l’île de Patmos. Une série de tableaux a passé devant ses yeux. La plupart étaient sombres ; quelques-uns étaient sanglants. Il y en a eu pourtant de glorieux. Plus la vision approche de son terme, plus elle gagne en douceur sans rien perdre de sa majesté. Après que les persécuteurs se sont enivrés de leurs violences, les voici impuissants et brisés. Leurs victimes respirent. La vie leur a été rendue, et avec la vie des honneurs. Un cortège, en particulier, retient longtemps les regards du vieil apôtre. C’est celui des martyrs décapités à cause du témoignage de Jésus et de la parole de Dieu. Il cherche dans leurs rangs celui qu’il connaissait entre tous, l’homme du désert, celui qui baptisait dans le Jourdain, celui qu’Hérode a pu tuer sans pouvoir le vaincre, le prisonnier de Machéronte… Le voici ! Mais au lieu d’une tête sanglante, c’est une tête couronnée. Au lieu de chaînes, un sceptre. Un trône a été dressé pour lui. Il a le droit de s’y asseoir. Il y monte… C’est bien lui ; c’est Jean-Baptiste.
Oh ! comme ses yeux aussitôt s’en vont chercher un autre trône qui domine le sien, qui les domine tous. Il l’a trouvé. Et il y reconnaît, avec un tressaillement de joie, l’Agneau de Dieu, celui-là même qu’il a montré jadis à la foule, celui qui porte le péché du monde. Plus de questions aujourd’hui ! Il n’y a plus à lui demander : Es-tu celui qui devait venir ? La réponse est éclatante. C’est lui ; lui seul. Il devait venir ; il vient encore sur les nuées du ciel ; et, tout à l’heure, à l’Esprit et à l’épouse qui diront : Viens ! Il répondra, avec l’inimitable accent de la victoire et de l’amour : « Oui, je viens bientôt… » En vérité tout ce que Jean a dit de lui était vrai.
Au moment de poser la plume, je vois passer devant mes yeux ce cortège céleste. Tous ceux qui ont confessé le Seigneur Jésus. Martyrs comme Jean-Baptiste, au prix de leur vie. Ou témoins comme Jean l’apôtre, morts en bonne vieillesse. Les martyrs des trois premiers siècles. Les chrétiens jetés aux lions, et ceux qui servaient de flambeaux dans les jardins de Néron. De simples femmes, vaillantes comme des héros : Perpétue, Félicité. Des époques aussi. Ignace, dans son voyage triomphal qui éblouit ses gardiens. Polycarpe qui refuse à quatre-vingts ans de renier son Roi et son Dieu. Les martyrs de la Réformation. Jean Huss montant sur le bûcher. Les quatre étudiants de Lyon, quittant les leçons de Calvin pour aller gravir en chantant les marches de l’échafaud. L’amiral Coligny succombant sous les coups de Besme et de sa bande, au matin de la Saint-Barthélémy. Calas et les victimes des dragonnades. Marie Durand soutenant la foi de ses compagnes, en gravant sur une pierre de la tour de Constance : Résistez ! Les martyrs de notre siècle. Les époux Madiaï, enfermés dans un cachot de Florence pour avoir osé lire la Bible. Matamaros exilé d’Espagne pour le même crime. Les convertis de Madagascar et ceux de l’Ouganda. Les néophytes de la Côte d’Or expirant sous les verges de leurs exacteurs, pour ne pas renoncer au Christ. John Williams tombant sous la hache des cannibales. Mme Coillard s’endormant au bord du Zambèze… Immense procession qui commence par Jean-Baptiste, se continue avec Etienne, et ne finira point avant que tous les trônes aient été dressés pour tous ceux qui auront souffert « à cause du témoignage de Jésus. »
J’ai vu passer ce cortège. Je le contemple encore. Je ne puis en détacher mes regards. Et je cherche. Je voudrais, mes amis, vous y rencontrer.
En faites-vous partie ? Pour y entrer, il n’est pas nécessaire que votre tête soit coupée par la main du bourreau. Vous pouvez être martyrs sans mourir d’une mort violente. Il suffit d’être témoins. Pour cela il faut vivre, d’abord, mais vivre pour le Seigneur. Le voulez-vous ? Je ne vous connais pas tous personnellement. Lecteurs, je n’ai vu sans doute qu’un petit nombre d’entre vous. Oh ! si nous pouvions marcher ensemble dans le cortège des témoins du Christ !
A cet effet, une des principales vertus du Précurseur nous est nécessaire. Ce qui a fait sa force indomptable, c’est qu’il a été l’homme d’une seule pensée, l’ouvrier d’une seule tâche, et que cette pensée était vraie, cette tâche sainte. Disons mieux. Sa vie entière a été consacrée, non pas seulement au devoir – ce serait déjà bien grand – mais à celui qui révèle et qui impose le devoir : à Dieu d’abord, et puis, dès qu’il l’eût rencontré, à celui qui révèle le Père, c’est-à-dire à Jésus. Vous ne trouverez nulle part ailleurs de vraie puissance. Là est la source unique des dévouements fertiles et des œuvres durables.
Nos études auraient produit trop peu, si elles n’avaient abouti qu’à nous faire connaître mieux l’histoire de Jean-Baptiste. Mon ambition est plus haute. Je voudrais que Dieu fît de vous des imitateurs et des successeurs de ce prophète. Retenez au moins trois paroles de lui ; et que l’Esprit Saint les dépose au fond de vos cœurs en semences de vie éternelle !
D’abord : Il ne t’est pas permis ! La loi donc, les ordres, les défenses. Les barrières autour de vos caprices ; les stimulants à votre paresse ; la défaite de vos lâchetés. Il faut, mes amis, que vous l’entendiez, cette parole vivifiante. Grisés des mots d’indépendance et de liberté, vous ne saurez jamais ce que ces mots signifient, tant que vous n’aurez pas appris l’obéissance à Dieu. Le mal n’est pas permis. Le péché n’est pas autorisé. Il n’y a ni usage, ni prescription, ni indulgence du monde, ni contagion de l’exemple qui aient le droit d’enlever la plus petite pierre à cette muraille dressée autour de vous : Il ne t’est pas permis !
Mais, c’est vous-mêmes qui l’avez attaqué, ce mur ? C’est vous qui vous êtes acharnés à y ouvrir des brèches ? Ces tentatives vous apparaissent aujourd’hui comme des transgressions. Elles le sont en effet. Vous en sentez le poids ; vous voyez venir la condamnation… Écoutez, alors, la seconde parole de Jean : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. » Vous vous rappelez : Il ôte et il porte. Non pas seulement le péché des autres. Le vôtre aussi. Tout le vôtre. Laissez-lui prendre cet écrasant fardeau. N’en retenez rien par devers vous. Le sang versé à Gol-gotha est assez pur et assez riche pour tout effacer.
Et la troisième parole pénétrera comme d’elle-même votre vie : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Oui, il le faut. Et vous bénirez Dieu pour cette nécessité. Si le Sauveur croît en vous, c’est la vie qui croît, et la joie aussi, avec la paix, la pureté, la vérité, avec tout ce qui mérite de croître et de grandir. Ce qui diminue, c’est votre moi ; le vieil homme qui passe avec ses convoitises, la souillure, la faiblesse, le trouble. Ne faut-il pas que tout cela disparaisse ?
Il le faut. Votre Sauveur le veut. Laissez-le faire… Voyez encore. Le cortège des rachetés passe devant vous. En tête, l’homme du désert, mort et ressuscité. Saisissez sa main. Prenez place derrière lui. Les portes d’or vont s’ouvrir. Entrez… « Agneau ! Agneau ! Tu nous a rachetés par ton sang. Et tu nous a faits rois et sacrificateurs à Dieu ton Père ! »