(93) Mais j'examinerai ailleurs[1] ces faits avec plus de précision. Pour le moment, je cite les Egyptiens comme témoins de notre seule antiquité. Je vais donc reprendre la citation de Manéthôs sur la chronologie. (94) Voici ce qu'il dit[2] : « Après que le peuple des Pasteurs fut parti d'Égypte vers Jérusalem, le roi qui les avait chassés d'Egypte [Tethmôsis][3] régna vingt-cinq ans et quatre mois, puis mourut. La succession de son trône échut à son fils Hébron, pendant treize ans. (95) Après lui, Aménophis régna vingt ans et sept mois ; sa sœur Amessis, vingt un ans et neuf mois ; le fils de celle-ci, Méphrès, douze ans et neuf mois ; puis, de père en fils, Misphragmouthôsis, vingt-cinq ans et dix mois ; (96) Touthmôsis[4], neuf ans et huit mois ; Aménophis (II), trente ans et dix mois ; Or, trente-six ans et cinq mois ; la fille d'Or, Akenchéris, douze ans et un mois ; le frère d'Akenchéris, Rhathotis, neuf ans. (97) Puis, de père en fils, Akenchérès I, douze ans et cinq mois ; Akenchérès II, douze ans et trois mois ; Harmaïs, quatre ans et un mois ; Ramessès, un an et quatre mois ; Armessès Miamoun, soixante-six ans et deux mois ; (98) Aménophis (III), dix-neuf ans et six mois ; puis Sethôs, nommé aussi Ramessès, puissant par sa cavalerie et sa flotte[5]. Ce dernier donna à son frère Harmaïs le gouvernement de l'Egypte et l'investit de toutes les autres prérogatives royales ; il lui enjoignit seulement de ne pas porter le diadème, de ne pas maltraiter la reine, mère de ses enfants, et de respecter aussi les concubines royales. (99) Lui-même partit en campagne contre Chypre et la Phénicie, puis encore contre les Assyriens et les Mèdes, qui tous, par les armes ou sans combat, et effrayés par ses forces considérables, furent soumis à sa domination. Enorgueilli par ses succès, il se mit en campagne avec plus d'audace encore, pour conquérir du côté de l'Orient les villes et les terres. (100) Après un assez long temps, Harmaïs, qui était resté en Égypte, fit sans pudeur tout le contraire des recommandations de son frère. Il violenta la reine et usait couramment des autres femmes sans réserve ; sur le conseil de ses amis, il portait le diadème et s'éleva contre son frère. (101) Mais le chef des prêtres d'Égypte écrivit et envoya à Séthôs un mémoire dans lequel il lui révélait tout et l'informait que son frère Harmaïs s'était insurgé contre lui. Aussitôt le roi revint à Péluse et s'empara de son propre royaume. (102) Le pays fut appelé de son nom Ægyptos. Car, dit-on, Séthôs se nommait Ægyptos et Harmaïs, son frère, Danaos[6]. »
[1] Voir plus bas, ch. XXVII.
[2] Ici un nouvel extrait authentique de Manéthôs (§ 94-102) mais qui, jusqu'au § 97, n'a conservé que le squelette chronologique.
[3] Tout à l'heure (§ 88) il était appelé Thoummôsis. Le nom paraît interpolé.
[4] Ce Touthmôsis fils de Misphragmouthôsis ressemble singulièrement au Thoummôsis fils de Misphragmouthôsis sous lequel aurait au lieu l'expulsion des Hycsos (§ 88).
[5] Ici le ms. a en marge : « Dans une autre copie on lit : Après lui Séthôsis et Ramessès, deux frères ; le premier, ayant une armée navale, subjuguait de force tous les peuples maritimes qui osaient l'affronter (?) ; peu après, ayant tué son frère Ramessès, il nomma gouverneur de l'Égypte son autre frère Harmaïs. » D'après Gutschmid, il s'agirait d'une autre copie de Manéthôs et la note émanerait de Josèphe ; nous ne pouvons nous ranger à cet avis : il s'agit d'une correction au texte de Josèphe et qui suppose déjà la lecture de Σέθωσις καὶ ῾Ραμέσσης (Meyer). Séthôsis est le Sésostris d'Hérodote, qui rapporte aussi ses victoires navales (II, 102).
[6] Meyer (loc. cit., p. 75) croit sans raison décisive que l'identification du couple Séthôs-Harmaïs avec Ægyptos-Danaos est due, non à Manéthôs, mais à un commentateur ou interpolateur juif.