Nous posons en principe qu’il y a une vérité ; que la vérité est faite pour l’homme et l’homme pour la vérité ; que la vérité a des droits sur l’homme et l’homme des devoirs envers la vérité. Et nous définissons la conviction : le consentement de soi-même à soi-même dans l’obéissance à la vérité reconnue. Nous insistons sur le caractère moral, individuel et libre de la conviction.
La conviction est morale parce qu’étant la reconnaissance d’un droit, elle se propose comme un devoir, devoir vis-à-vis de la vérité qui exige d’être reconnue, devoir vis-à-vis du sujet humain qui se doit à lui-même de conquérir la. vérité. Un homme sans conviction n’est pas un homme ou ne l’est point encore.
La conviction est individuelle précisément parce qu’elle est morale et qu’il n’y a de conscience moralement responsable que la conscience individuelle. Collectivement parlant, ni la race, ni la société ne sont susceptibles de conviction ; elles le sont de préjugés et d’intérêts, de traditions et d’opinions, qui sont choses impersonnelles et sociales, mais non de conviction, qui est chose éminemment personnelle. Nul ne peut se convaincre à ma place, je ne puis me convaincre à la place de nul autre. Une conviction par personne, une personne par conviction ; or, il n’y a de personne que l’individu.
De ces deux caractères découle le troisième. La conviction est libre parce qu’elle est individuelle et morale. Elle ne serait pas un devoir si elle n’était libre ; elle ne serait pas libre si elle n’était individuelle. Elle ne se fait pas toute seule ; on ne l’impose point à coups d’autorité ; elle ne se transmet ni comme une maladie, ni comme un héritage ; chacun la reçoit ou la conquiert pour sa part et sous sa propre responsabilité ; elle implique choix et décision ; elle n’inspire le respect qu’autant et parce qu’elle est libre de formation. Or, ce qui vaut de la conviction en général, vaut à plus forte raison de la conviction religieuse, qui est la conviction par excellence.
Ceci reconnu, il faut reconnaître aussi que la conviction d’autrui, réfléchie dans sa pensée, formulée en doctrine, a sur la mienne une influence considérable. Non, sans doute, que je la puisse ou que je la doive accepter telle quelle ; il faudra toujours que je l’examine et que je l’éprouve, — c’est affaire entre la vérité et moi, — mais elle me prédispose en faveur d’une forme particulière de la vérité, surtout elle me prédispose en faveur du devoir même que j’ai d’acquérir une conviction. Ce devoir, elle, peut me le faire paraître plus ou moins pressant, plus ou moins impérieux, elle peut même m’en dispenser tout à fait, me dissuader de le remplir, et me le rendre impossible. La doctrine de l’évolution religieuse, qui est, j’aime à le croire, chez ses promoteurs, l’expression réfléchie d’une conviction personnelle, n’échappe point à la loi générale. Elle influera nécessairement sur la conviction d’un grand nombre et ce qui, en un sens, est plus important encore, elle déterminera leur attitude en regard du devoir même qu’ils ont de se former une conviction religieuse. Est-elle favorable ou défavorable à ce devoir ? C’est toute la question que nous lui posons maintenant.
Pour y répondre, nous ne tenons pas aux déclarations des théoriciens de la doctrine. J’accorde qu’un grand nombre, non seulement constatent, au nom de l’histoire, le rôle et la réalité des convictions personnelles dans le développement religieux de l’humanité, mais encore qu’ils en exaltent la valeur et en affirment la nécessité. Nul n’insiste davantage sur le caractère ultime de l’élaboration religieuse, sur le rôle et la fonction qu’y joue l’individualité, que M. A. Sabatier, par exemple. Je cite, entre plusieurs, une page qui semble décisive.
Après avoir rejeté la théorie qui fait sortir « la religion universelle » de l’éclectisme philosophique et du syncrétisme religieux, l’auteur ajoute : « Qu’on y prenne garde : nulle part la religion universaliste ne fut le fruit d’une évolution inconsciente, s’accomplissant sous l’action de lois fatales et extérieures. Elle se présente partout comme la création individuelle, comme l’œuvre morale et libre de quelques âmes élues, en qui l’ancienne tradition, par une crise profonde, s’épure et s’élargit. Tel a été le rôle de Confucius en Chine, de Bouddha dans l’Inde, de Socrate en Grèce, des prophètes en Israël, de Mahomet en Arabie. Tous ont été les réformateurs de la religion des ancêtres. A ce degré, la révélation ne s’accomplit plus dans l’âme obscure de la race ; elle se fait dans la pensée humaine, dans l’action réfléchie, dans l’inspiration morale des hommes de Dieu… Ils n’ont pas trouvé la religion universelle au dehors, mais au fond de leur conscience et de leur piété personnelle. Passant dans leur âme comme à travers un filtre, la religion traditionnelle de leur race se clarifiait, se débarrassait peu à peu des éléments étrangers ou matériels, et il se trouvait que la foi nouvelle apparaissait, à la fin, d’autant plus humaine et universelle qu’elle était devenue plus strictement religieuse, plus intérieure et plus pure. »
Voilà d’excellentes et d’éloquentes paroles. J’avoue cependant qu’elles me laissent perplexe. J’ai peine à voir comment elles s’accordent avec le fond de la doctrine.
L’auteur constate un fait, un fait indéniable, puisqu’il est attesté par l’histoire, mais on ne distingue pas comment le fait se comporte avec le système. Il faudrait, non pas constater simplement, mais expliquer du point de vue du système comment la conviction individuelle jaillit de l’évolution. Or, manifestement l’explication manque. Serait-ce qu’elle est impossible ? J’en ai peur et voici pourquoi : l’auteur, sans crier gare, peut-être sans en avoir conscience, en tous cas sans en fournir le motif, franchit un abîme et déplace tout d’un coup le siège de l’évolution. « A ce degré, dit-il (celui de l’universalisme religieux), la révélation ne s’accomplit plus dans l’âme obscure de la race. » Il y avait donc auparavant une révélation qui s’accomplissait « dans l’âme obscure de la race » !
A la bonne heure ! Je m’en doutais, et, du point de vue évolutionniste, je ne fais aucune difficulté pour l’admettre. La théorie ne présente-t-elle pas l’évolution comme une croissance sourde, anonyme et collective qui conduit lentement, mais indéfectiblement l’humanité à sa fin ? Et je conviendrais de bonne grâce que « l’âme obscure de la race », si elle ne peut être le lieu d’aucune conviction proprement dite, soit néanmoins celui de cette croissance.
Mais d’où vient et comment se fait-il que celle-ci change subitement de mode et de place ? qu’elle abandonne l’âme générique et se concentre dans l’âme individuelle ? et qu’un phénomène, réel et vrai jusqu’à la religion universelle exclusivement, ne le soit plus ensuite ? Remarquez que je ne conteste ni la réalité, ni la vérité du fait ; je prie seulement qu’on m’en rende compte, et d’une manière satisfaisante, par les prémisses mêmes de l’évolution. Car, si je ne vois que trop bien par où le fait lui échappe, j’aperçois fort mal par où il s’y rattache. L’écrivain, malheureusement, passe la difficulté sous silence et n’offre aucun moyen d’en sortir.
Sera-t-il au moins plus heureux dans la suite, et, le premier mystère admis sur la foi de l’histoire, fournira-t-il la théorie du second, je veux dire du renouvellement et de la reproduction de la conviction personnelle une fois née ? Je lis, en effet, que la prédication des premiers convaincus « fait appel à la foi personnelle », que, grâce aux scandales, aux divisions et aux schismes qu’elle provoque, elle provoque aussi « des adhésions volontaires » et que « la foi nouvelle… crée des sociétés nouvelles ». La conviction des protagonistes a donc trouvé de l’écho, elle s’est donc propagée, elle s’est transmise. Mais de quelle manière et quel fut le mode de cette transmission ? Est-ce à travers cette « crise » individuelle et profonde dont on nous parlait tout à l’heure ? est-ce au contraire à travers « l’âme obscure de la race » ? Il m’importe énormément de le savoir et je suis sans réponse. La seule indication que je reçoive est dans l’insistance qu’on met à me renseigner, à bon droit, du reste, sur la nature et la portée sociale de la religion ; on me fait observer que le mot « communion des âmes est un mot d’origine et de couleur religieuse » ; que « la chose qu’il exprime, un des plus étonnants phénomènes de la vie morale collective, n’est parfaitement réalisée que dans la religion et par elle » ; on me parle des grandes civilisations dont chacune a son « âme religieuse » distincte, à laquelle participent tellement les âmes individuelles qu’« elles semblent s’y confondre » ; ailleurs on m’assure que ce qui fut une fois gagné à l’espèce par un de ses membres, lui demeure définitivement acquis ; ailleurs encore on présente le progrès de chaque vérité nouvelle, le christianisme y compris, comme une sorte d’épidémie contagieuse, irrésistible autant que sublime.
Je ne chicane pas sur les termes. En un sens tout cela est indubitable. Mais je réclame et je suis en droit de réclamer autre chose que ces vagues et faciles généralités. Je voudrais savoir comment se comportent vis-à-vis du système, ou « ces appels à la foi individuelle » suivis « d’adhésions volontaires », c’est-à-dire ces appels à la conviction et ces convictions réalisées, ou ces transformations sociales, ces propulsions et ces transmissions collectives, ces fusions d’âmes dans le privilège et la communion d’une même vie. Car enfin, ce sont là choses distinctes et dont la coexistence n’empêche pas la distinction : d’une part un mode tout passif, de l’autre un mode tout actif ; d’une part une lente germination, de l’autre une crise et presque une révolution ; d’une part les civilisations, les mœurs, les croyances, une masse irresponsable autant qu’impersonnelle ; de l’autre une personnalité libre, volontaire et morale.
Auquel des deux l’évolutionnisme donne-t-il sa sanction, à la conviction ou à la contagion ? Duquel des deux rend-il mieux compte, de l’acte volontaire ou de la végétation spontanée ? Auquel des deux marque-t-il ses préférences, à la conscience de l’individu ou à « l’âme obscure » de l’espèce ? Son silence sur ce point ne me dit rien qui vaille et j’incline à croire que, réfractaire à la conviction religieuse, qu’il n’explique ni dans sa genèse ni dans sa reproduction, il ne l’accepte, ou ne paraît l’accepter, qu’en la neutralisant..
Cette présomption deviendra bien plus frappante encore si, partageant pour un moment la croyance évolutionniste et me mettant à son point de vue, j’essaie de me l’appliquer à moi-même.
Je suppose le cas le plus favorable, celui d’une crise où je serais directement sollicité de me résoudre en matière religieuse. La nécessité de cette résolution m’angoisse, elle revêt à la fois l’aspect d’un sacrifice et d’une obligation, elle entraîne des conséquences douloureuses. Dans le trouble qui précède ma décision, à l’heure où j’en balance les motifs, voici que la doctrine — faut-il dire, ou le spectacle ? — de l’évolution surgit devant mon esprit. J’en discerne la loi ; elle préside, immuable et sûre, au déroulement progressif de la vie religieuse sur le globe ; elle procède par siècles et par générations ; les individus sont peu de chose auprès d’elle et les actes individuels de peu de portée ; à peine sa marche en est-elle hâtée ou ralentie ; elle ne règle que les destinées de la race. Sans doute qu’en certaines périodes critiques son accomplissement semble dépendre de quelques hommes, ou même d’un seul ; ce n’est pourtant qu’une apparence ; une vue plus attentive montre qu’il n’en est rien, que chacune de ses étapes répond toujours à l’attente générale d’une époque, que les hommes qu’elle emploie, manquant à la tâche, elle en aurait infailliblement suscité d’autres, et d’autres encore, jusqu’à l’entière réalisation de ses fins, car elle n’est pas loi pour souffrir aucune atteinte et sa victoire est certaine.
Je ne disconviens pas que cette vision ne puisse, à certains égards, me réjouir et m’encourager. Mais n’est-il pas probable aussi qu’elle me désintéressera de moi-même et de ma situation particulière ? qu’elle fléchira le ressort qui me poussait à courir le risque d’une décision difficile ? qu’elle émoussera la rigidité du devoir que j’éprouve de me convaincre par moi-même de la vérité qui me concerne ? et qu’instrument infime d’un mouvement universel, je me dirai qu’en définitive il est moins prudent et moins sage de prétendre le diriger que de me laisser conduire par lui ; qu’à vouloir devancer les temps on travaille en vain ; qu’une conviction, fût-elle juste, lorsqu’elle n’a point de correspondance avec les aspirations contemporaines, est fausse par là-même ; qu’erronée, — elle peut l’être, après tout, — il vaut mieux ne pas me compromettre avec elle : que juste, elle fera tôt ou tard et sans moi son chemin ; qu’anticiper sur son cours normal, c’est maladroitement la servir, puisque la vérité n’est pas uniquement le terme auquel doit parvenir révolution, mais encore et surtout cette évolution même, c’est-à-dire le mode et la progression qu’il lui plaît d’adopter. Et ma conviction, prête à éclore, restera latente et comme embaumée dans une patience où succombe mon devoir.
J’entends, il est vrai, ce qu’on me répondra, savoir que cette patience est coupable, que je résonne à faux, qu’il n’y a rien de plus nécessaire que de fortes convictions personnelles, puisque, en fin d’analyse, révolution, dont je me fais un oreiller de paresse, ne s’accomplit qu’à travers les individus. Ce reproche me touche.
Mais d’où vient-il ? Du système ou de la conscience ? Il faudrait qu’il vînt du système, qu’il en vînt évident et pressant, que ce fût lui qui me l’adressât et qu’on ne pût s’y méprendre. Or, il vient de la conscience. J’ai beau prêter l’oreille, le système n’a point d’autres voix que celle qu’il m’a fait entendre tout à l’heure. Sous quelque aspect qu’on le présente, de quelque façon qu’on le fasse parler, ses conclusions finales, ses derniers conseils seront toujours ceux que j’en ai reçus et toujours aussi ils paralyseront ceux de ma conscience.
Je dis bien paralyser. Car encore est-il à craindre que le salutaire conflit dont je parlais ne se présente même plus ; que la matière et la possibilité en soient supprimées d’avance et que l’évolutionnisme anéantisse jusqu’à la velléité d’une conviction personnelle. Il faut s’attendre, en effet, à ce que la doctrine exerce sur les intelligences une action conforme à sa nature, et, comme elle impersonnalise la vérité, elle dépersonnalisera l’individu. L’habituant à voir dans l’avènement de la vérité l’expansion graduelle d’une puissance qui fait elle-même ses affaires, dont l’introduction dans les choses humaines est un résultat forcé, qui s’établit spontanément, par le concours des circonstances et le jeu des événements, qui n’a point d’échec à subir et dont chaque stade offre d’ailleurs une vérité relative suffisante, n’est-il pas vraisemblable qu’elle étouffera dans l’âme tout désir de responsabilité propre, qu’elle préviendra jusqu’au besoin de s’approprier personnellement la vérité ? Celle-ci s’accomplissant toute seule et venant d’elle-même à l’homme, il devient inutile que l’homme la cherche et la conquière, surtout qu’il y sacrifie son repos qu’il y risque son bonheur.
Puisque la vérité parfaite n’est point accessible à l’individu, mais seulement à l’ensemble — si même il est dans sa destinée d’être jamais atteinte — et que la vérité relative n’est qu’une des faces, et la face chaque fois appropriée, de la vérité totale, contentons-nous de ce qui nous en est départi, ne soyons point ambitieux à l’excès, laissons-nous porter par le courant ! Ne va-t-il pas au progrès ? Ne nous transforme-t-il pas à notre insu ? Cette transformation ne suffit-elle point à préparer l’avenir ? N’en a-t-elle point tous les gages ?
Je ne dis pas que tout évolutionniste entretienne fatalement ces pensées ; j’en sais à qui elles feraient horreur ; mais je dis que la doctrine préparera fatalement à les recevoir. Il se formera dans les foules une disposition favorable à leur égard ; elles y germeront comme d’elles-mêmes ; une habitude se prendra de les accueillir et de les cultiver, laquelle devenant une seconde nature, étouffera peu à peu la première. L’instinct primitif de la conscience, éduqué à ce régime, se déformera. Evoluant à son tour, il finira par consentir à la ligne de conduite contre laquelle il protestait d’abord ; il fera mieux, il lui donnera sa sanction et ainsi arrivera-t-il que, la conscience consacrant la nature, la nature engloutira la morale.
Dès lors, je le vois bien, plus de luttes, plus d’efforts, plus de sacrifices, plus d’obéissance, si ce n’est à la vérité facile de l’universelle évolution ; mais dès lors aussi plus de convictions, au sens élevé du mot. Un assentiment, je le veux ; une certitude, une vue générale, directrice de la vie et de la pensée, je le veux encore, mais tout cela ne constitue pas une conviction. L’être qui était, par destination, l’agent et l’ouvrier responsable de la vérité, est devenu son résultat et son lieu de passage ; il n’a point agi, il ne s’est point décidé, sa réceptivité est restée toute passive ; il n’a point combattu, il n’y a pour lui ni triomphe ni défaite, à moins qu’on n’estime, avec nous, que cet abandon de soi-même et que ce perpétuel consentement au jeu spontané d’une vérité impersonnelle ne soit, en effet, une abdication morale.
Tout autre est la conviction religieuse. Elle fait, elle aussi, j’en conviens, de l’homme un vaincu, mais un vaincu victorieux. Libre et volontaire reconnaissance des droits de la volonté divine sur la volonté humaine, du cœur de Dieu sur le cœur de l’homme, elle engage ce qu’il y a de plus personnel dans l’homme et le soumet à ce qu’il y a de plus personnel en Dieu. Loin de plier la conscience au cours de la nature, elle roidit la conscience et l’exalte au-dessus de la nature ; et dans la conscience même, ce n’est pas l’homme, ni la marche des événements, ni la loi cosmique, ni même en quelque sorte la loi morale, mais Dieu seul qu’elle glorifie. Quelqu’un l’a dit : être convaincu de la sorte, c’est avoir été vaincu, mais librement, mais volontairement vaincu ; c’est donc en même temps participer à la victoire de Celui qui triomphe de nous. Cela ne va point sans labeur, sans renoncement et sans combats ; mais par ce renoncement et ce labeur même, l’homme, égaré parmi les choses, s’est ressaisi, s’est retrouvé, s’est affirmé. Il a pris un nom propre, il est devenu quelqu’un ; il compte aux yeux de Dieu, et les hommes désormais, soyez-en sûr, auront à compter avec lui.
De ce qui précède, nous croyons pouvoir conclure que l’influence générale de l’évolutionnisme religieux ne s’exerce pas en faveur de la formation des convictions individuelles ; qu’elle en éteint la flamme ou qu’elle en empêche la naissance, et que la certitude qu’engendre le système n’a, sous les dehors de la conviction, ni son efficace, ni sa valeur morale. Et cela pour la raison bien simple, qu’il accentue, soit en Dieu, soit en l’homme, la nature au prix de la personnalité ; qu’il met l’homme en présence d’une vérité de fait et non d’une vérité de personne ou de droit, et que, résumant toute vérité dans celle de l’évolution, seule vérité suprême, il n’inflige à l’homme d’autre devoir que le triste privilège de reconnaître ce qu’il est et d’acquiescer à ce qu’il devient.
La conclusion paraît-elle excessive et le jugement trop sévère ? Nous avons peur qu’ils ne s’aggravent encore par les considérations qui vont suivre.