Au dire des hérétiques, le Christ n’est pas de Dieu, c’est-à-dire le Fils n’est pas né du Père, Il n’est pas Dieu par nature, mais par un décret divin. En d’autres termes, c’est l’adoption qui lui mérite le nom de Dieu, car Dieu ayant plusieurs fils, c’est de cette manière que le Christ est fils. De là vient l’excellence de sa dignité : il y a plusieurs dieux, aussi lui-même est-il Dieu. Toutefois en lui, adoption et nom de Fils relèvent d’une plus grande bonté de la part de Dieu : car le Christ fut adopté avant toute autre créature, il dépasse tous les autres fils adoptifs ; créé avec une excellence plus grande que toutes les autres natures, il l’emporte sur toutes les créatures.
Certains d’entre eux, qui admettent la toute-puissance de Dieu, proclament encore que le Christ a été créé à la ressemblance de Dieu et que Dieu l’a fait à partir de rien, comme les autres créatures, à l’image de son Créateur éternel. Le Christ serait alors passé du néant à l’être par un commandement de Dieu, dont la puissance est capable de produire à partir de rien un être semblable à lui.
Ils vont encore plus loin : apprenant que les évêques du temps passé ont affirmé un Père et un Fils « d’une unique substance », ils détournent subtilement cette expression de sa véritable signification pour lui donner l’allure d’une tournure hérétique. Oui, prétendent-ils, les évêques ont abusé du sens de ces mots : « d’une unique substance », ce qui se rend en grec par : « όμοούσιου ». Ils voulaient dire par là que le Père est le même que le Fils : son « extension » dans la Vierge, du fait de son infinité, lui permet de prendre un corps ; en ce corps qu’il a assumé, il mérite le nom de Fils. Telle est leur première erreur concernant l’« Homousion »[2].
[2] C’est l’erreur de Sabellius. « Homousion » : c’est le mot que porte le texte latin ; il traduit le grec όμοούσιου Cf. A. Biaise, Dict. lat. Fr. des auteurs chrétiens, Strasbourg, 1954, p. 392.
Et voici la seconde : le mot « Homousion » impliquerait que tous les deux, le Père et le Fils, communient à une chose antérieure et différente, et qu’il existerait comme une substance préalable ou essence, « ousie », d’une certaine matière participée par les deux, parfaite en chacun, qui attesterait que chacun des deux provient d’une nature antérieure et procède d’une nature unique. C’est pourquoi ils rejettent la confession de l’« homousion », parce que cette formule ne distingue pas le Fils du Père, et ne montre pas le Père postérieur à la substance qui lui serait commune avec le Fils.
Ils imaginent une troisième raison pour condamner l’« homousion » : la signification de ce mot semble insinuer que le Fils tire origine d’une division de la substance du Père. Il se serait comme détaché de la substance du Père et la même nature divisée se trouverait dans les deux. Voilà pourquoi on parle « d’une unique substance », car la partie séparée du tout est de même nature que le tout dont elle provient. Cependant, Dieu ne peut être soumis aux accidents de la division, car il serait diminué s’il était soumis au changement qu’est la division. Il deviendrait imparfait si sa substance parfaite le laissait pour aller habiter ailleurs !
Avec le même bon goût, ils jugent encore opportun de s’opposer à l’enseignement des prophètes, et même des Evangélistes et des Apôtres, en soutenant que le Fils est né dans le temps. Comme ils nous accusent d’illogisme, nous qui affirmons l’existence éternelle du Fils, ils sont bien forcés de proclamer que le Fils est né dans le temps et de repousser son éternité. En effet, s’il n’a pas toujours été, il fut un temps où il n’existait pas ; et s’il fut un temps où il n’existait pas, le temps existait alors avant lui. Car un être qui n’aurait pas toujours été, aurait commencé d’exister dans le temps. Or celui qui n’entre pas dans le temps doit avoir toujours été. Voilà donc le motif pour lequel ils rejettent l’éternité du Fils : affirmer son éternité, c’est le proclamer sans naissance. Si l’on affirme : le Fils a toujours été, il faut conclure : il est donc innascible[3].
[3] Qui ne peut naître.
O craintes insensées et impies ! O sollicitude pour Dieu qui n’a rien de sainte ! L’Eglise déteste, vomit et condamne l’acception qu’ils donnent à ce mot : « homousion » et leurs arguments contre l’éternité du Fils. Car elle reconnaît un seul Dieu « de qui tout vient » ; elle reconnaît un seul Seigneur, notre Christ Jésus « par qui tout existe » : un seul Dieu de qui tout est, et un seul Dieu par qui tout est ; de l’un vient l’origine de tout, par l’autre toutes les créatures sont venues à l’existence. Elle perçoit dans le seul « de qui tout vient », l’auteur innascible de tout ; elle vénère dans le seul « par qui tout existe », une puissance qui n’est en rien différente de cet auteur. Elle reconnaît en effet, à Celui « de qui tout vient » et à Celui « par qui tout existe » (1 Corinthiens 8.6) une commune autorité sur les êtres qu’ils ont créés. Elle discerne dans l’Etre spirituel un Dieu esprit, impassible et indivisible, car elle a appris du Seigneur « qu’un esprit n’a ni chair ni os » (Luc 24.39) : ainsi il n’y a pas lieu de le croire capable de subir quelque dommage du fait des passions corporelles. Elle reconnaît un seul Dieu innascible. Elle reconnaît aussi le Fils de Dieu, Unique-Engendré. Elle confesse un Père éternel et sans origine ; elle confesse aussi l’origine éternelle du Fils ; non pas un Fils qui ait un commencement, mais un Fils né de Celui qui est sans commencement ; un Fils qui n’est pas par lui-même, mais qui vient de Celui qui demeure éternellement sans origine ; un Fils né de toute éternité, c’est-à-dire recevant sa naissance du Père éternel.
Notre foi n’a donc que faire de ces misérables opinions hérétiques. Notre profession de foi est claire, bien que nous n’en ayons pas encore exposé les motifs. Nous avons craint toutefois qu’il ne reste quelque malentendu sur le sens donné par les Pères à cette expression : « homousion », et sur ce qu’ils ont toujours tenu poux vrai. Il nous fallait donc rappeler ce par quoi nous reconnaissons que le Fils existe en cette nature dans laquelle il est engendré du Père, et ce pour quoi la naissance du Fils n’enlève rien à la nature dans laquelle existe le Père. Il était bon de préciser que les saints docteurs, enflammés de zèle pour la doctrine de Dieu, n’ont pas appelé le Fils consubstantiel » (homousion) au Père, selon les acceptions vicieuses mentionnées plus haut. Ainsi, personne ne risquera plus d’avoir l’impression que cette « ousie » (consubstantialité), s’oppose à la naissance du Fils unique engendré, lui que l’on dit être de même nature (homiousios) que le Père.
Il nous fallait comprendre à la fois, et la nécessité de recevoir ces deux termes[4], et la raison de nous en servir, comme étant la meilleure sauvegarde de la foi contre les emportements furieux des hérétiques. Aussi j’ai cru bon d’utiliser les témoignages de l’Evangile et des Apôtres, pour répondre à leur fausse doctrine et réfuter tous leurs enseignements insensés, propres à causer la mort. Ils se flattent en effet de prouver chacune des propositions qu’ils soutiennent : de fait, ils ont étayé leurs assertions de passages tirés des divines Ecritures, mais ils en altèrent le sens et ne trompent que les simples, en donnant l’apparence de la vérité au maquillage de leurs interprétations.
[4] Deux termes : ousie = essence, homoousios = de même substance.
Ils s’efforcent en effet, d’enlever au Fils le fait d’être Dieu, tout en rendant hommage à la seule divinité de Dieu le Père, en prenant prétexte de ces mots : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un » (Deutéronome 6.4) ; verset que reprend le Seigneur lui-même, lorsqu’il s’adresse au docteur de la Loi qui lui demande quel est le plus grand commandement : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un » (Marc 12.29), et plus tard, Paul s’exprimera en ces termes : « Car il y a un seul Dieu et un seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Timothée 2.5).
Tantôt pour démontrer que le Père seul est sage, et ne laisser ainsi au Fils aucune part à cette sagesse, ils avancent ce dire de l’Apôtre : « A celui qui a le pouvoir de vous affermir selon mon évangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère caché durant de longs siècles, mais manifesté maintenant par les écrits des prophètes, selon l’ordre du Dieu éternel, connu de toutes les nations pour les amener dans l’obéissance de la foi, à Dieu qui seul est sage, par Jésus-Christ, à lui soit la gloire dans les siècles des siècles » (Romains 16.25-27).
Tantôt pour le déclarer seul innascible et seul vrai Dieu, ils se servent de cette parole d’Isaïe : « Ils te béniront, toi, le Dieu vrai » (Ésaïe 65.16). Ce que le Seigneur lui-même confirme dans l’Evangile : « La vie éternelle, c’est de te connaître, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17.3).
Ici pour signifier que le Père seul, est bon, et ne pas voir de bonté dans le Fils, ils relèvent que celui-ci nous précise : « Il n’y a de bon que Dieu seul » (Marc 10.18). Et là que le Père seul est puissant, au dire de Paul : « … Notre Seigneur que fera paraître en son temps le bienheureux et unique Souverain, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (1 Timothée 6.15-16).
Ici ils soulignent que le Père seul ne change pas et demeure immuable, puisque le prophète nous dit : « Je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne change pas » (Malachie 3.6). Et l’Apôtre Jacques renchérit : « Dieu, en qui n’existe aucun changement » (Jacques 1.17).
Ils le reconnaissent juste juge, car il est écrit : « Dieu, juste juge, fort et patient » (Psaumes 7.12). Il prend soin de tout, car le Seigneur nous confie, en parlant des oiseaux : « Et votre Père céleste les nourrit » (Matthieu 6.26), et encore : « Deux passereaux ne se vendent-ils pas un as ? Et il n’en tombe pas un sur la terre sans la volonté de votre Père. Même les cheveux de votre tête sont tous comptés » (Matthieu 10.29-30). Il sait tout par avance, comme nous l’apprend la bienheureuse Suzanne :
« Dieu éternel, qui connaissez ce qui est caché et savez toutes choses avant qu’elles n’arrivent » (Daniel 13.42).
Il n’est contenu en aucun lieu, selon cette parole : « Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, et quel sera le lieu de mon repos ? Toutes ces choses, ma main les a faites, et tous les êtres m’appartiennent » (Ésaïe 66.1-2). Il contient encore toutes créatures et Paul en rend témoignage : « En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17.28). L’auteur des psaumes le chante : « Où aller loin de ton esprit, où fuir loin de ta face ? Si je monte dans les cieux, tu y es ; si je descends dans l’enfer, te voilà ; si je prends mes ailes avant l’aurore, et que j’aille habiter aux confins de la mer, là encore ta main me conduira et ta droite me saisira ! » (Psaumes 139.7-10).
Le Père est encore incorporel, car il est précisé : « Dieu est esprit et ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité » (Jean 4.24). Il possède l’immortalité et Il est invisible, car Paul le note : « Lui seul possède l’immortalité et habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir » (1 Timothée 6.16), et l’Evangéliste ajoute : « Dieu, personne ne l’a jamais vu, si ce n’est le Fils unique qui est dans le sein du Père » (Jean 1.18). Le Père également demeure éternellement innascible, car il est écrit : « Je suis celui qui est » (Exode 3.14), ou encore : « Tu diras aux fils d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous » (Exode 3.14), tandis que Jérémie proclame : « Seigneur, Toi qui es le Seigneur » (Jérémie 1.6).
Qui ne s’en apercevrait ? Cette exégèse est pleine de fourberie, pleine de mensonges ! Certes, ils mélangent et combinent ccs textes avec subtilité, mais ils nous révèlent ainsi l’adresse incomparable de leur malice et l’astuce à courte vue de leur folie ! Entre autres choses, ils ajoutent en effet que le Père seul se connaît innascible. Comme si quelqu’un pouvait mettre en doute que Celui qui a engendré le Fils par qui tout existe, ne saurait recevoir son être du néant. Puisque nous l’appelons. « Père », ce nom montre assez qu’il est « l’auteur » de celui qu’il a engendré. Son nom de Père nous révèle, en effet, qu’il n’est pas sorti d’un autre et nous enseigne d’où procède celui qui est engendré.
Laissons donc à Dieu le Père ce qui lui est propre et incommunicable, reconnaissons en lui la possibilité d’être innascible par suite de sa puissance éternelle. Personne n’en doute, j’en suis sûr : en affirmant un Dieu Père, les hérétiques lui concèdent certains attributs propres et inaliénables, afin qu’il en jouisse isolément et que personne d’autre n’y participe. Lorsqu’ils nous disent que le Père est seul vrai, seul juste, seul sage, seul invisible, seul bon, seul puissant, seul immortel, ce mot « seul » implique, selon eux, que le Fils n’a aucune part à ces perfections. Car, tranchent-ils, ce qu’un être possède en propre ne saurait être le partage d’un autre. Si nous estimons que le Père seul, possède ces attributs, et que le Fils en est démuni, il nous reste à conclure que le Fils de Dieu est un faux dieu, une chimère, un être corporel au même titre que les créatures visibles et matérielles, un personnage malveillant, faible et voué à la mort, puisqu’il ne partage pas les qualités qui seules, appartiennent au Père.
Or nous nous proposons de présenter la majesté infinie et la plénitude divine du Dieu Fils, Unique engendré ; personne n’osera imaginer, croyons-nous, que le langage dont nous ferons usage aurait pour but d’amener à mépriser Dieu le Père, comme si la louange adressée au Fils diminuait sa grandeur. Au contraire, l’honneur rendu au Fils est la gloire du Père. Il en apparaîtra encore plus excellent, l’« auteur » de qui procède Celui qui mérite une telle gloire. Le Fils n’a rien qu’en vertu de sa naissance, et une admiration qui a pour motif l’honneur de l’engendré, tourne à l’honneur de l’Engendrant. Nous n’avons donc pas à craindre d’être accusés de mépriser le Père. Toute la gloire qui, selon notre enseignement, appartient au Fils, rejaillit sur le Père : elle rehausse la puissance de celui qui a engendré un tel Fils.
Nous connaissons maintenant leur manière de rabaisser le Fils pour exalter le Père. Ecoutons en quels termes ils expriment leur foi dans le Fils. Nous avons en effet, à réfuter chacune de leurs propositions et à combattre leurs doctrines impies à l’aide des témoignages de la divine Ecriture. Ajoutons donc à leur doctrine concernant le Père, les conceptions qu’ils se font du Fils. Nous serons alors à même de comparer leur confession du Père avec leur confession du Fils, et nous pourrons suivre le même ordre qu’eux pour résoudre leurs difficultés et réfuter leurs erreurs.
Le Fils de Dieu, prétendent-ils, n’a pas été engendré d’une matière préexistante, puisque tout a été créé par lui. Il ne vient pas de Dieu, car rien ne saurait être retranché de Dieu ; mais Il vient de certaines choses qui n’étaient pas : c’est dire qu’il est créature parfaite de Dieu, mais pourtant différente des autres créatures. Oui, Il est créature, puisqu’il est écrit : « Dieu m’a créé au commencement de ses voies » (Proverbes 8.22). Il est aussi l’œuvre parfaite de Dieu, mais il se distingue de tous ses autres ouvrages : qu’il soit l’œuvre de Dieu, saint Paul nous l’avait confirmé dans l’épître aux Hébreux : « Il a été fait d’autant plus grand que les anges, que son nom est plus excellent que le leur » (Hébreux 1.4), et encore : « C’est pourquoi, frères saints, vous qui avez part a la vocation céleste, considérez l’Apôtre et Grand-prêtre de notre profession de foi : Jésus-Christ, celui qui est fidèle à celui qui l’a fait » (Hébreux 3.1-2). Pour déprécier la majesté, la puissance et la divinité du Fils, ils s’appuient surtout sur ce texte : « Le Père est plus grand que moi » (Jn 14.28). Ils le concèdent cependant : le Fils n’est pas au nombre des créatures, car il est écrit : « Tout a été fait par lui » (Jean 1.3).
Et voilà comment ils résument l’ensemble de leur doctrine impie :
« Nous confessons un seul Dieu, seul à ne pas avoir été fait, seul éternel, seul sans commencement, seul vrai, jouissant seul de l’immortalité, seul très bon, seul puissant, créateur de tous les êtres, les ordonnant et les gouvernant, immuable, invariable, juste et bon, le Dieu de la Loi des Prophètes et du Nouveau Testament.
Ce Dieu a engendré un Fils Unique avant tous les siècles, par lequel il a fait le temps et toutes choses. Il ne l’a pas seulement engendré en apparence, mais en vérité ; Il l’a appelé à l’existence par sa propre volonté. Immuable et invariable, c’est une créature parfaite de Dieu, mais non pas au niveau d’une de ses créatures : c’est l’ouvrage de Dieu, mais il reste différent de toutes ses autres œuvres.
Le Fils n’est pas, comme le présente Valentin, une émanation du Père, ni, comme l’avancent les Manichéens, un Fils, partie de l’unique substance du Père. Il n’est pas, comme le veut Sabellius * qui divise l’unité[5] de Dieu le Père devenu le Fils, ni comme le prétend Hiéracas *, lampe à huile à deux becs ou lampadaire à deux branches. Il n’est pas non plus celui qui, existant d’abord, a été ensuite engendré ou super-créé[6] comme Fils, enseignement que toi-même, Vénérable Père, tu as souvent combattu au milieu de l’Eglise, dans l’assemblée [des frères].
[5] Arius insinue que la doctrine de l’Eglise sur la distinction des personnes en Dieu ne diffère pas de celle de Sabellius, qui enseignait que le Dieu unique se divise comme deux personnages de théâtre : le Père créateur devient le Fils dans l’Incarnation.
[6] « Supercreatum » = créé comme l’œuvre la plus excellente de Dieu.
Non, nous le déclarons créé par la volonté de Dieu, avant les temps et avant les siècles ; il reçoit du Père sa vie et son être, et celui-ci lui communique sa propre gloire. Car le Père, en lui donnant l’héritage de tout, ne se dépouille pas de biens qui n’auraient pas été faits par lui, Il est la source de tous les êtres.
C’est pourquoi il y a trois hypostases[7] : le Père, le Fils, l’Esprit-Saint. Dieu est cause de tout, Il est le seul à exister sans aucun commencement. Le Fils est engendré par le Père en dehors du temps, il est créé et établi avant tous les siècles ; Il n’était pas avant de naître. Mais, seul à être né en dehors du temps et avant toutes choses, il tient son existence du Père seul. Car il n’est pas éternel, ni coéternel, ni incréé comme le Père et avec lui ; Il n’a pas non plus la propriété d’être avec le Père et comme lui, « tourné vers », selon l’expression de certains qui introduisent ainsi deux principes inengendrés. Puisqu’il est l’unité et le principe de tout, Dieu est forcément avant toutes choses. Et par conséquent, Il est avant le Fils, comme nous l’avons entendu de ta propre bouche, lorsque tu prêchais au milieu de l’Eglise. En suite de quoi le Fils reçoit donc de Dieu d’exister et de le glorifier ; la vie et tous les biens lui sont remis, et par suite : Dieu est sa source. Dieu lui est supérieur, en tant que son Dieu, puisqu’il était avant lui. Il est des phrases, par exemple : « De lui », « De son sein », « le suis sorti eu Père et je suis venu », qu’il ne faut pas entendre comme si le Fore projetait une partie de sa substance unique, comme s’il la développait, le Père serait alors une nature composée, divisible, muable, corporelle, le Dieu incorporel serait soumis aux propriétés des corps. »
[7] Le mot « hypostase » traduit l’expression « substantiae » et désigne, selon Arius, les personnes divines de nature différente. Les trois citations, à la fin du paragraphe, viennent respectivement de : Romains 11.36 ; Psaumes 110.3 ; Jean 16.28.
Telle est leur erreur, tel est leur enseignement propre à donner la mort ! Ils se servent, pour le confirmer, des citations de l’Ecriture dont ils altèrent le sens, et ils mettent à profit l’ignorance humaine pour abuser les gens.
Certes, personne n’en doute, pour connaître les réalités divines, il faut utiliser la Révélation qu’en a fait Dieu. Car la faiblesse humaine est incapable de s’élever par elle-même à la science des êtres célestes, les facultés corporelles sont inadéquates à saisir les choses invisibles. Ce qui, en nous, est créé et charnel, ce qui nous a été donné par Dieu pour nous permettre de vivre ici-bas, ne parvient pas, par son propre jugement, à discerner la nature et l’œuvre de notre Créateur. Notre esprit ne saurait se hausser à la hauteur de la science céleste, et notre pauvreté percevoir par un sens quelconque une puissance incompréhensible. Aussi devons-nous croire à ce que Dieu nous dit de lui-même, et accepter humblement les vérités qu’il révèle à notre intelligence.
A nous de choisir : ou bien mer Dieu, comme le font les païens, si nous rejetons son témoignage, ou bien, si nous croyons en Dieu tel qu’il est, n’avoir d’autres pensées sur lui que celles qu’Il nous a révélées par lui-même. Silence donc à ces jugements qui restent sur le plan humain : il n’appartient pas à la raison humaine de s’élever au-delà de la nature divine !
A l’encontre des blasphèmes et des conceptions impies de la divinité, nous nous soumettrons à l’autorité des paroles divines. Nous traiterons chaque point en nous servant de l’auteur même qui est mis en cause, et nous ne chercherons pas à tromper ou à induire en erreur des lecteurs sans expérience, en groupant ensemble des citations en dehors de leur contexte. Car le sens des mots employés doit être jugé d’après le contexte où ils ont été prononcés : ‘es mots s’expliquent par les circonstances qui les ont provoqués, et ce n’est pas celles-ci qui sont justifiées par les mots. Aussi exposerons-nous toute la vérité, en montrant à la fois pourquoi telle parole a été avancée, et quel est son sens véritable. Nous développerons donc chaque point selon l’ordre que nous nous sommes proposés.