Jérusalem fut détruite vers l’année 68 de notre Seigneur, et avant que la génération contemporaine de Christ fût passée. La destruction de l’empire païen, sous Constantin, eut lieu environ deux cent soixante ans après. En montrant comment l’Évangile fit des progrès pendant ce temps-là, je remarquerai : 1° l’opposition que lui fit l’empire romain ; 2° les progrès de l’Évangile, malgré cette opposition ; 3° les diverses tribulations et épreuves par lesquelles l’Église eut à passer avant d’être délivrée par Constantin.
Cette opposition se manifesta surtout après la destruction de Jérusalem, bien qu’elle eût éclaté avant cette époque ; mais celle qui précéda cette destruction vint surtout de la part des Juifs. Quand Jérusalem eut été détruite, les Juifs furent presque hors d’état de troubler l’Église ; aussi le diable eut-il recours à d’autres agents. L’opposition faite dans l’empire romain contre le royaume de Christ fut surtout de deux genres.
1° Ils employèrent toute leur science, leur philosophie et leur esprit contre lui. Christ vint au monde à une époque où la science et la philosophie florissaient dans l’empire romain. L’Évangile, qui présentait un Sauveur crucifié, n’était pas en accord avec les idées des philosophes. La doctrine de se confier ainsi en un Rédempteur crucifié leur semble une folie ridicule. La Grèce était la partie de l’empire romain la plus renommée pour sa science ; mais l’Apôtre remarque que la doctrine de Christ crucifié parut une folie aux Grecs (1 Corinthiens 1.23). Aussi les sages et les philosophes s’opposèrent-ils à l’Évangile. Nous avons un exemple de leur genre d’opposition dans la manière dont ils traitèrent l’apôtre Paul à Athènes, qui était et avait été pendant plusieurs siècles le siège principal des philosophes dans le monde entier. Nous lisons, Actes 17.18, que les philosophes d’entre les Epicuriens et les Stoïciens l’abordèrent en disant : Que veut dire ce discoureur ? Il semble qu’il annonce des divinités étrangères. Ainsi ils se moquèrent de Christ, et le tournèrent en ridicule ; et, après la destruction de Jérusalem, divers philosophes publièrent des livres contre Lui. Les principaux d’entre eux furent Celse et Porphyre, qui écrivirent avec beaucoup de haine et de mépris, comme les déistes de notre temps. Bien qu’ils fussent de grands ennemis de la religion chrétienne, ils ne contestèrent jamais les faits de l’histoire de Christ et des apôtres dans le Nouveau Testament, particulièrement les miracles qu’ils accomplirent, mais ils les admirent sans difficulté. Ils vivaient trop près du temps où ces miracles avaient été accomplis pour les nier, car ils avaient été faits si publiquement et si récemment, que ni les Juifs, ni les païens de ces jours ne les nient, mais ils les attribuent au pouvoir de la magie.
2° Le gouvernement de l’empire romain emploie toutes ses forces à diverses époques pour persécuter et, si possible, pour détruire le christianisme. Nous avons remarqué précédemment que Christ vint dans le monde au moment où le pouvoir du paganisme était dans toute sa force sous l’empire romain. Tout le pouvoir de cette monarchie fut pendant longtemps consacrée à s’opposer à l’Église chrétienne, et à la persécuter, pour la détruire, s’il était possible, dans dix tentatives successives, qu’on appelle les dix persécutions païennes.
La première, la persécution sous Néron, eut lieu un peu avant la destruction de Jérusalem ; l’apôtre Pierre fut crucifié et l’apôtre Paul décapité bientôt après avoir écrit la seconde épître à Timothée. Quand il écrivit cette lettre, il était prisonnier à Rome, sous Néron, et il dit, 2 Timothée 4.6-7 : « Car, pour moi, je vais maintenant être mis pour l’aspersion du sacrifice, et le temps de mon départ est proche. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. » Il y eut plusieurs milliers d’autres chrétiens mis à mort dans cette persécution. Les neuf autres persécutions eurent toutes lieu après la destruction de Jérusalem. Quelques-unes furent terribles, et dépassèrent de beaucoup la première, sous Néron. Les empereurs, les uns après les autres, s’efforcèrent, avec toute la rigueur possible, de détruire l’Église chrétienne, et d’effacer jusqu’au nom de Christ. Des milliers, des millions même périrent de mort cruelle, car on n’épargnait ni sexe ni âge.
Et à la seconde persécution générale, sous Domitien, la première après la destruction de Jérusalem, l’apôtre Jean fut envoyé en exil dans l’île de Pathmos, où il eut ces visions qu’il a conservées dans l’Apocalypse. On a compté qu’environ cinquante mille personnes souffrirent le martyre dans cette persécution, ce qui est encore peu de chose en comparaison de ceux qui périrent dans les persécutions suivantes ; dix mille souffrirent cette mort cruelle, la crucifixion, dans la troisième, sous l’empereur Adrien.
Dans la quatrième, qui commença environ l’an 162 après Christ, plusieurs souffrirent le martyre en Angleterre, le pays de nos pères, où le christianisme avait été implanté, à ce qu’on croit, dans les jours des apôtres. Et dans les dernières persécutions, les empereurs romains, irrités de ce que leurs prédécesseurs n’avaient pas réussi à extirper le christianisme, ni à arrêter ses progrès, devinrent encore plus violents dans leurs attaques.
Ainsi une grande partie des trois premiers siècles après Christ se passa en cruelles et violentes persécutions que l’Église eut à souffrir de la part de l’empire romain. Satan n’était nullement disposé à renoncer au pouvoir qu’il avait sur une si grande partie du monde, que pendant tant de siècles il avait paisiblement possédé ; aussi quand il vit qu’il lui échappait si rapidement, il fit tous ses efforts pour le conserver. Tout l’enfer se souleva afin de résister au christianisme de tout son pouvoir.
Satan, qui eut ainsi à son aide le pouvoir de l’empire romain, est appelé le grand Dragon roux, ayant sept têtes et dix cornes, qui combat contre la femme revêtue du soleil (Apocalypse 12.1). Et ce terrible conflit, entre l’Église de Christ et les pouvoirs de l’empire païen avant Constantin, est représenté par le combat entre Michel et ses anges d’un côté, et le dragon et ses anges de l’autre. « Et il y eut une bataille au ciel ; Michel et ses anges combattaient contre le dragon, et le dragon et ses anges combattaient contre Michel (Apocalypse 12.7). »
Je ferai remarquer le succès que l’Évangile eut dans le monde avant le règne de Constantin, malgré toute cette opposition. Bien que la science et le pouvoir de l’empire romain fussent si grands, et que l’un et l’autre fussent ligués contre le christianisme, tout fut inutile. Ils ne purent ni le détruire ni arrêter ses progrès. Malgré tout cela, le royaume de Christ se maintint admirablement, et l’empire païen, au pouvoir de Satan, se décomposa et se consuma devant lui, conformément à cette parole : « Car la teigne les rongera comme un vêtement, et le ver les dévorera comme la laine (Ésaïe 51.8). » Et on pouvait très bien remarquer que dans la plupart des cas, plus ils persécutaient l’Église, plus elle augmentait, si bien qu’on se mit à dire : le sang des martyrs est la semence de l’Église. A cet égard, l’Église ressembla au palmier ; on dit que plus pesant est le poids de ses branches, plus il croît et se développe. C’est probablement pour cela que l’Église est sous ce rapport comparée à un palmier. « Ta taille est semblable à un palmier (Cantique des cantiques 7.7). » Justin, martyr, un Père de l’Église distingué, qui vécut vers la fin du siècle apostolique, dit que de son temps il n’y avait aucune portion du genre humain, soit Grecs ou Barbares, ou de quelque autre nom qu’ils fussent appelés, même chez les peuples les plus grossiers, où on n’offrît des prières et des actions de grâces au grand Créateur du monde au nom du Jésus crucifié. Tertullien, autre Père de l’Église bien connu qui vécut au commencement du siècle suivant, déclare que de son temps la religion chrétienne s’était répandue jusqu’aux extrémités du monde connu, en y comprenant l’Angleterre ; de là il conclut qu’alors le royaume de Christ était plus étendu qu’aucune des quatre monarchies. Il dit de plus que bien que les chrétiens fussent comme des étrangers nés d’hier, ils avaient pourtant tout envahi dans l’empire romain : les villes, les îles, les forteresses, les corporations, les conseils, les armées, les tribus, le palais, le sénat, les cours de justice ; ils n’avaient laissé aux païens que leurs temples. Il ajoute que s’ils s’accordaient tous pour quitter l’empire romain, le monde serait surpris de la solitude et de la désolation qui en serait le résultat, tant il resterait peu de monde ; et que les chrétiens étaient assez nombreux pour être en état de se défendre s’ils jugeaient bon de prendre les armes contre les magistrats païens. Et Pline, un païen qui vivait de ce temps-là, déclare que des multitudes de personnes des deux sexes, de tout âge et de toute condition étaient devenues chrétiennes. Cette superstition, dit-il, a infesté et envahi, non seulement la ville, mais aussi les villages et la campagne ; les temples et les sacrifices sont généralement oubliés et négligés.
Et il fut remarqué par les écrivains de ces temps, soit païens, soit chrétiens, que les fameux oracles des Gentils, que les princes et beaucoup d’autres personnes avaient eu l’habitude d’aller interroger pendant tant de siècles, pour recevoir des réponses des dieux, à ce qu’on croyait, furent rendus muets et ne rendirent plus de réponses. L’oracle de Delphes, en particulier, le plus fameux dans le monde entier, que les Grecs et les Romains avaient l’habitude de consulter, commença à ne plus répondre, même déjà à la naissance de Christ. On demanda un jour au faux dieu qu’on adorait dans ce temple, et qui donnait ordinairement les réponses au moyen de l’oracle, pourquoi il ne répondait plus comme de coutume. Et il répondit (ainsi que le rapportent plusieurs auteurs païens contemporains) : « Il y a un enfant hébreu, roi des dieux, qui m’ordonne de quitter cette maison, et de me retirer dans l’enfer, c’est pourquoi n’attendez plus de réponse. » Et plusieurs contemporains parlent beaucoup du silence des oracles, qui les surprend, ne sachant pas qu’elle en est la raison. Plutarque écrivit à ce sujet un traité particulier que nous possédons encore. Et Porphyre, grand adversaire de la religion chrétienne, s’exprime ainsi : « Il n’y a rien d’étonnant que la ville ait pendant tant d’années été envahie, puisque Esculape et les autres dieux ont cessé tous rapports avec les hommes ; car depuis que Jésus a commencé d’être adoré, personne n’a reçu aucun secours ni aucun service des dieux. » Voilà comment le royaume de Christ prévalut contre celui de Satan.
Elles résultaient surtout de la dixième persécution de la part des païens, qui, en même temps qu’elle fut la dernière, fut de beaucoup la plus sévère et la plus cruelle. L’Église avant cela, après la fin de la neuvième persécution, avait joui d’un repos d’environ cinquante ans. Mais les chrétiens, abusant de leur liberté, commençaient à se refroidir et à perdre la vie chrétienne ; les querelles prévalurent au milieu d’eux ; par tout cela ils provoquèrent Dieu qui laissa venir sur eux cette terrible épreuve. Et Satan, qui avait perdu tant de terrain, malgré tous ses efforts, semble animé d’une rage extraordinaire. Les gens en autorité entreprirent de détruire violemment le christianisme, en brûlant toutes les Bibles, et en faisant périr tous les chrétiens ; c’est pourquoi ils ne se donnèrent pas la peine de les juger ou de les condamner judiciairement, mais ils tombèrent sur eux partout où ils les trouvèrent. Quelquefois on mit le feu à des maisons dans lesquelles des multitudes de chrétiens étaient réunis, et on les brûla tous ensemble ; dans d’autres circonstances, ils en massacrèrent de si grandes multitudes, que les persécuteurs furent fatigués de les tuer et de les tourmenter ; et dans quelques villes populeuses, il y eut tant de personnes mises à mort, que le sang coula à torrents. On rapporte que dix-sept mille martyrs furent mis à mort dans un mois, et que pendant la durée de cette persécution, dans la seule province d’Egypte, il ne périt pas moins de cent cinquante-quatre mille chrétiens de mort violente ; de plus, sept cent mille périrent de fatigues dans l’exil ou par suite des travaux publics auxquels ils avaient été condamnés.
Cette persécution dura dix ans : et de même qu’elle dépassait toutes les précédentes par le nombre des martyrs, elle se distingue aussi par la variété et la multitude des moyens de torture et de cruauté. Quelques auteurs contemporains déclarent qu’ils étaient innombrables, et qu’on ne pouvait pas s’en faire une juste idée. Cette persécution fut particulièrement cruelle en Angleterre, selon, que cela avait été prédit. « Et quand il eut ouvert le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été tués pour la Parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient maintenu. — Et elles criaient à haute voix, disant : Jusques à quand, Seigneur, qui es saint et véritable, ne juges-tu point, et ne venges-tu point notre sang de ceux qui habitent sur la terre (Apocalypse 6.9-10) » A la fin des dix années de persécution, les persécuteurs païens pensèrent avoir atteint leur but, et se vantèrent d’avoir complètement détruit le nom et la superstition des chrétiens, et d’avoir rétabli et propagé le culte des dieux.
C’est ainsi que l’époque la plus ténébreuse de l’Église chrétienne vint justement avant le lever du jour. Ils furent réduits à la dernière extrémité avant que Dieu apparût pour les délivrer d’une manière glorieuse. Il en fut de même des Israélites en Egypte : leur servitude fut surtout sévère et cruelle peu de temps avant qu’ils fussent délivrés par Moïse. Leurs ennemis crurent les avoir engloutis, et avoir achevé leur destruction ; ce fut aussi ce que Pharaon et son armée crurent après avoir acculé les enfants d’Israël à la mer Rouge.
Ce fut à plusieurs égards, comme l’apparition de Christ sur les nuées du ciel pour sauver son peuple et juger le monde. Le peuple de Rome, fatigué du gouvernement de ces tyrans auxquels il avait été soumis dernièrement, envoya vers Constantin, qui était alors dans la ville d’York, en Angleterre, pour le prier de venir s’emparer du trône. Il fut encouragé, à ce qu’on dit, par la vision, en présence de toute son armée, d’une colonne de feu dans les cieux, sous la forme d’une croix, avec cette inscription : εν τουτω νικα, remporte la victoire par ce signe. La nuit suivante, Christ lui apparut dans un songe tenant la même croix à la main, et lui dit de faire une croix semblable pour lui servir d’étendard, afin que son armée pût combattre sous ce drapeau, et il lui assura qu’il remporterait la victoire. En effet, il vainquit ses ennemis, prit possession du trône impérial, embrassa la religion chrétienne, et fut le premier empereur chrétien. Je remarquerai plusieurs choses qui accompagnèrent ou qui suivirent de très près son avènement au trône.
1° Par ce moyen, l’Église chrétienne fut complètement délivrée de la persécution. Le jour de sa délivrance arriva après une nuit d’affliction ; les cris et les pleurs avaient duré pendant la nuit ; mais la délivrance et les chants de triomphe vinrent avec le matin. Alors Dieu apparut pour juger son peuple, et il se repentit lui-même pour ses serviteurs quand il vit qu’ils avaient perdu tout pouvoir, et qu’il n’y en avait aucun en réserve. Les chrétiens n’eurent plus de persécution à craindre dès-lors. Les persécuteurs furent tous renversés, et leurs gouverneurs furent des chrétiens comme eux.
2° Dieu apparut alors pour exercer de terribles jugements contre leurs ennemis. Les récits que l’histoire donne de la fin terrible des empereurs païens, des princes, des généraux, des capitaines et d’autres hommes très distingués qui avaient persécuté l’Église chrétienne, sont très remarquables. Ils périrent misérablement, les uns après les autres, au milieu de grandes douleurs physiques, et tourmentés par leurs ennemis ; la main de Dieu était visiblement sur eux ; de sorte qu’on pourrait bien dire qu’ils eurent à se cacher dans les trous et dans les cavernes des rochers et des montagnes.
3° Le paganisme fut alors presque entièrement aboli dans tout l’empire romain. Les idoles furent détruites, et les temples païens renversés. Des idoles d’or et d’argent furent fondues, et on en fit de la monnaie. Quelques-unes de leurs idoles principales, artistement travaillées, furent transportées à Constantinople, et on les traîna par les rues avec des cordes pour l’amusement du peuple. Les prêtres païens furent dispersés et bannis.
4° L’Église chrétienne vit des jours de paix profonde et de grande prospérité. Tous les magistrats païens furent destitués, et dans tout l’empire romain, on n’accorda des places et des fonctions qu’aux chrétiens. On eut alors des présidents, des gouverneurs, des juges et des officiers chrétiens à la place des païens. Constantin entreprit d’élever aux honneurs les évêques et les ministres chrétiens, et de construire et d’orner des églises : on construisit dans toutes les parties du monde de grandes et belles églises chrétiennes à la place des anciens temples païens.
Ce fut là la plus grande révolution depuis le déluge. Satan, le prince des ténèbres, le roi et le dieu du monde païen, fut renversé. Le lion rugissant fut forcé par l’Agneau de Dieu, dans le plus fort de sa forteresse. Ce fut là un accomplissement remarquable de Jérémie 10.11 : « Les dieux qui n’ont point fait les cieux et la terre périront de la terre et de dessous les cieux. » La plus grande partie du monde rejeta alors les anciens dieux et l’ancienne religion, qui remontait plus haut que les historiens ne le disent, car ils ne savent pas quand elle commença. Précédemment c’était une chose inouïe qu’une nation changeant ses dieux (Jérémie 2.10-11) ; mais alors la plupart des nations du monde connu rejetèrent leurs anciennes idoles. Ils oublièrent toute cette multitude de dieux qu’ils adoraient précédemment. Des milliers d’entre eux furent rejetés pour le culte du vrai Dieu et de Christ, l’unique Sauveur ; et ces paroles d’Ésaïe 2.17-18, s’accomplirent d’une manière remarquable : « Et l’élévation des hommes sera humiliée, et les hommes qui s’élèvent seront abaissés, et l’Éternel sera seul haut élevé en ce jour-là. Et quant aux idoles, elles tomberont toutes. » Depuis lors on ne parla plus de ces dieux si fameux, Jupiter et Saturne, Minerve et Junon, que comme de vieilles choses passées. Depuis des siècles, ils n’ont plus de temples, d’autels ni d’adorateurs.
Ainsi a fini l’ancien monde païen dans une de ses principales parties, l’empire romain. Et cette grande révolution, et la terrible destruction des grands hommes qui avaient persécuté l’Église, est comparée à la fin du monde et à la venue de Christ pour le jugement (Apocalypse ch. 6). Elle est représentée par le sixième sceau qui suivit les cris des âmes sous l’autel : « Jusques à quand, Seigneur, qui es saint et véritable, ne juges-tu point, et ne venges-tu point notre sang de ceux qui habitent sur la terre (Apocalypse 6.10) ? » Cette vision du sixième sceau, d’après l’opinion générale des commentateurs, a rapport à la chute de l’Empire romain ; bien qu’il se rapporte aussi d’une manière plus générale au jour du jugement, dont cette chute fut un type. Cela ne peut pas se rapporter immédiatement au jour du jugement, puisque nous avons le détail de plusieurs événements qui doivent avoir lieu après ceux qui sont représentés par le sixième sceau.
Ce qui eut lieu alors est aussi représenté par l’image du diable précipité des cieux sur la terre. Au faîte de sa force et de sa gloire, dans l’Empire romain, il avait élevé son trône jusqu’aux cieux. Mais alors il tomba du ciel comme un éclair, et son royaume n’embrasse plus que les nations les plus barbares, ou les parties les plus basses du monde. C’est là l’événement prédit. « Et le grand dragon, le serpent ancien, appelé le Diable et Satan, qui séduit le monde, fut précipité en terre, et ses anges furent précipités avec lui (Apocalypse 12.9). » Précédemment Satan avait tenté Christ et avait promis de lui donner la gloire des royaumes de ce monde ; mais maintenant il est obligé lui-même de la lui céder contre sa propre volonté. Ce fut là un bel accomplissement de la promesse que Dieu fit à son Fils. « C’est pourquoi je lui donnerai son partage parmi les grands, et il partagera le butin avec les puissants parce qu’il aura livré son âme à la mort, qu’il aura été mis au rang des transgresseurs, et que lui-même aura porté les péchés de plusieurs, et aura intercédé pour les transgresseurs (Ésaïe 53.12). » Ce fut là un grand accomplissement des prophéties concernant le temps glorieux de l’Évangile et particulièrement de celles de David. L’Éternel établit alors son royaume sur les ruines de celui de Satan. Tel est le succès de la rédemption chrétienne, et voilà les honneurs que Dieu conféra à son Fils comme compensation du mépris auquel il a été soumis pendant qu’il était sur la terre.
De ce qui a été dit du succès de l’Évangile depuis l’ascension de Christ jusqu’au règne de Constantin, nous pouvons tirer un fort argument en faveur de la vérité de la religion chrétienne, et conclure que l’Évangile de Jésus-Christ est bien réellement de Dieu.
1° Nous pouvons conclure de ce qui a été dit, que l’Évangile, et lui seul, a été le moyen d’amener le monde à la connaissance du vrai Dieu. Que les idoles adorées par les païens ne fussent pas dieux, qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, c’est là une chose dont nous pouvons voir la vérité par notre raison depuis que l’Évangile nous l’a enseignée. Cela est parfaitement conforme à la lumière naturelle, et on peut aisément démontrer que c’est une vérité raisonnable. Les déistes eux-mêmes reconnaissent qu’on peut démontrer qu’il y a un Dieu, et un seulement qui a fait le monde et qui le gouverne. Or, il est évident que c’est l’Évangile à lui seul qui a été le moyen d’amener les hommes à la connaissance de cette vérité. Nous ne la devons pas aux instructions des philosophes, leurs efforts ont été inutiles ; le monde n’a pas appris à connaître Dieu par la philosophie. Jusqu’à ce que l’Evangile et les saintes Écritures ont été répandus, le monde entier a été dans l’ignorance du vrai Dieu, et dans les plus grandes ténèbres à l’égard des choses religieuses, et on a accueilli les opinions et les coutumes les plus absurdes, que toutes les nations civilisées proclament aujourd’hui n’être que des folies. La lumière de la nature, la raison et toute la sagesse des savants, ne servirent à rien jusqu’à l’apparition des saintes Écritures. Mais celles-ci réussirent à amener le monde entier à connaître le seul vrai Dieu, à l’adorer et à le servir.
Toutes les parties du monde qui aujourd’hui reconnaissent un seul et vrai Dieu, les chrétiens, les juifs, les Mahométans, et même les déistes, sont primitivement redevables de cette connaissance à l’Écriture. C’est à cela qu’ils doivent de n’être plus plongés dans les ténèbres du paganisme. Toute la lumière qu’ils ont, ils l’ont reçue, ou immédiatement des Écritures ou par tradition, de leurs pères qui l’avaient d’abord puisée dans la Bible. Et quant à ceux qui aujourd’hui méprisent les saintes Écritures, et se vantent de leur propre raison, comme suffisante pour conduire à la connaissance du vrai Dieu, il est hors de doute que si l’Évangile n’avait pas été propagé dans le monde pour éclairer leurs ancêtres, ils seraient des idolâtres aussi grossiers que ceux que le monde a vus avant l’Évangile. Les mahométans qui ne reconnaissent qu’un seul Dieu, ont reçu cette doctrine de l’Écriture ; car les premiers mahométans avaient été instruits dans la religion chrétienne et ils apostasièrent. Il est évident que les Écritures ont été le moyen voulu de Dieu pour amener le monde à le connaître, plutôt que la raison ou rien d’autre. Car on ne peut croire raisonnablement que l’Évangile, à moins que Dieu ne l’eût désigné comme le moyen convenable pour obtenir ce résultat, eût obtenu ce que la raison humaine avait vainement recherché pendant plusieurs siècles. Si les Écritures ne sont pas la Parole de Dieu, elles ne sont rien que tromperie et ténèbres, la plus grande même des tromperies. Et est-il raisonnable de supposer que Dieu, dans sa Providence, voulut avoir recours à la fraude et à la tromperie pour se faire connaître au monde, et que personne n’eût pu parvenir à le connaître d’aucune autre manière ?
2° Le succès de l’Évangile malgré une si puissante opposition montre clairement la main de Dieu. Le gouvernement romain qui entreprit d’arrêter par des procédés violents les progrès de l’Évangile et de soumettre l’Église chrétienne, était le plus puissant qui eût jamais existé ; et qui plus est il semblait qu’ils avaient l’Église en leur pouvoir. Les chrétiens qui étaient sous la domination romaine ne prirent jamais les armes pour se défendre eux-mêmes ; pour unique défense ils s’armèrent de patience et d’autres armes spirituelles de ce genre, et malgré tout cela ce pouvoir puissant ne put triompher du christianisme, il fut au contraire vaincu par lui. L’Empire romain avait subjugué plusieurs grands et puissants royaumes ; il avait subjugué la monarchie grecque bien qu’elle eût fait une grande résistance, et pourtant ils ne put subjuguer l’Église qui était en son pouvoir, mais elle, au contraire, le soumit et triompha.
3° La protection de Dieu peut seule expliquer suffisamment cette propagation de l’Évangile. Ce fut là un résultat grand et admirable, et il ne peut pas avoir été sans cause. Quelle autre cause peut-on imaginer si ce n’est la puissance divine ? L’Évangile ne doit pas son progrès à la force extérieure de ceux qui en furent les instruments. Il ne fut d’abord prêché que par quelques pécheurs dépourvus de tout pouvoir terrestre pour le soutenir. Leur habileté et leur politique ne peuvent pas avoir obtenu ces admirables résultats ; car ils étaient des hommes simples et illettrés ! Leur succès ne peut pas non plus être attribué à la conformité de leurs récits avec les notions et les principes de l’humanité. Ce n’était pas une fable amusante qu’ils annonçaient ; un Dieu et un Sauveur crucifié était scandale aux Juifs et folie aux Grecs. Leurs doctrines étaient tout aussi peu faites pour plaire aux inclinations des hommes ; car il n’y a rien de plus opposé que les doctrines de l’Évangile aux corruptions de la nature humaine. Cet effet ne peut donc pas avoir eu d’autre cause que le pouvoir et l’intervention de Dieu ; et si la puissance de Dieu a été ainsi mise au service de l’Évangile, il doit être la Parole de Dieu ; car il est sûr que Dieu n’emploie pas sa propre puissance à soutenir une imposture et une tromperie.
4° Ce succès est d’accord avec ce que Christ et ses apôtres prédirent : « Sur cette pierre j’édifierai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle (Matthieu 16.18). » « En vérité, en vérité, je vous dis : Si le grain de froment tombant dans la terre ne meurt point, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit (Jean 12.24). » « Maintenant est venu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. — Et moi, quand je serai élevé de la terre, je tirerai tous les hommes à moi (Jean 12.31-32). » « Et quand il (le Consolateur) sera venu, il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement. — Parce que le Prince de ce monde est déjà jugé (Jean 16.8). »
L’apôtre saint Paul déclare aussi, que, « puisque le monde n’a point connu Dieu par la sagesse, le bon plaisir de Dieu a été de sauver les croyants par la folie de la prédication. — Et Dieu a choisi les choses viles de ce monde, et les méprisées, même celles qui ne sont point, pour abolir celles qui sont (1 Corinthiens 1.21, 28). » Si un homme prédit qu’une chose très probable en elle-même arrivera, pour des raisons faciles à prévoir, ce ne saurait être une grande preuve de révélation divine ; mais quand on prédit un événement tout-à-fait contraire au cours ordinaire des choses, et que, pourtant, il s’accomplit tout-à-fait conformément à la prédiction, c’est là une grande preuve que la prédiction est de Dieu. Ainsi, quand on considère comment l’Évangile s’est propagé et a réussi, pendant le temps dont il a été question, on trouve dans ce fait une grande preuve que les Écritures sont la Parole de Dieu.