Les apologistes connus du iie siècle sont une douzaine environ ; mais sur ce nombre il en est cinq au moins dont les plaidoyers sont entièrement perdus, ou dont nous n’avons plus que quelques citations.
Parmi eux est Quadratus (Κοδρᾶτος) que certains critiques ont identifié avec le prophète du même nom dont parle Eusèbe, H. E., 3.37.1 et 5.17.2. Il adressa à Hadrien (117-138) une apologie qu’Eusèbe avait lue, et dont il a cité une phrase (H. E., 4.3).
Avec Ariston de Pella nous trouvons la première apologie contre les juifs. Il avait écrit, vers l’an 140, une Discussion de Jason et de Papiscus sur le Christ, dans laquelle le chrétien Jason prouvait, par les prophéties, contre le juif alexandrin Papiscus, que Jésus est le Fils de Dieu. Ce petit ouvrage, dont Origène a pris la défense contre Celse, a été utilisé par les controversistes postérieurs, notamment dans l’Altercatio Simonis judaei et Theophili christiani mise au jour par Evagrius, mais on ignore dans quelle mesure.
De Miltiade, un Asiate probablement, qui a dû écrire entre les années 160-193, Eusèbe dit qu’il avait composé trois apologies, une Contre les Grecs, une deuxième Contre les juifs, et enfin « pour les princes du monde une apologie de la philosophie qu’il suivait » (H. E., 5.17.5). Il n’en est rien resté.
On en peut dire autant des apologies d’Apollinaire, évêque d’Hiérapolis en Phrygie, qui florissait au temps de Marc Aurèle (161-180). On sait par Eusèbe qu’il était l’auteur d’une apologie à cet empereur (probablement en 172), de cinq livres Contre les Grecs, de deux livres Sur la vérité qui semblent avoir été aussi une apologie, et de deux livres Contre les Juifs (H. E., 4.26.1 ; 27).
Signalons enfin la petite apologie de l’évêque de Sardes, Méliton, adressée à Marc Aurèle. Eusèbe en a cité trois passages (H. E., 4.26.5-11). Un autre ouvrage de Méliton Sur la vérité, défendait peut-être aussi le christianisme. Quant à l’Oratio Melitonis philosophi quae habita est coram Antonino Caesare, elle n’a rien à voir avec l’évêque de Sardes. Le syriaque semble être la langue originale de cet écrit. On a récemment émis l’opinion qu’il pourrait être du gnostique Bardesane.
Le plus ancien apologiste dont nous ayons l’œuvre entière est Aristidec, qualifié philosophe d’Athènes, qu’Eusèbe nomme à la suite de Quadratus (H. E., 4.3.3). Son apologie, que l’on croyait perdue, s’est retrouvée dans une traduction syriaque, puis dans un texte grec remanié de la légende des saints Barlaam et Ioasaph. On en a également un fragment en arménien. De ces trois textes, le syriaque est le meilleur.
c – Éditions J. Rendel Harris et J. Armitage Robinson, The apology of Aristides, dans Texts and Studies, i, 1, Cambridge, 2e édition revue, 1893z ; M. Picard, L’apologie d’Aristide, Paris, 1892.
Le contenu de l’apologie est fort simple. Toute la question entre chrétiens et païens revient à la connaissance du vrai Dieu. Dieu existe, comme le prouvent l’existence même et l’ordre du monde. Ce Dieu doit être éternel, impassible et parfait (ch. 1). Or, si l’on parcourt les quatre classes d’hommes entre lesquelles se partage l’humanité, les barbares, les grecs, les juifs et les chrétiens, on voit que ces derniers seuls ont de Dieu une idée juste et lui rendent un culte convenable (ch. 2). Les barbares ont honoré comme dieux les éléments et des hommes fameux (ch. 3 à 7). Les Grecs se sont forgé des dieux sujets à toutes les passions (8 à 13). Les juifs, qui ont connu le vrai Dieu, lui ont rendu un culte puéril et, plus que lui, ont honoré les anges (ch. 14). Seuls les chrétiens, qui le connaissent aussi, le servent avec une conscience pure et mènent une vie digne de lui (15 et 16). Conclusion : il faut cesser de persécuter les chrétiens et se convertir à leur doctrine.
Cet écrit, qui témoigne d’un esprit vigoureux et convaincu, fut adressé à Antonin le Pieux (138-161) : il date des environs de l’an 140.