(Hiver 1534)
Morts – Calvin justifie les pleurs – Nouvelles victimes – Indignation en Allemagne – Oswald Myconius – Son premier sermon – Les supplices l’indignent – Angoisse de du Tillet – Effet des martyres sur Calvin – Il plaidera la cause de ses frères – La théologie restaurée – La Réformation est une création – L’Institution de la Religion Chrétienne – Un sentiment de divinité en nous – Les cavillateurs et le témoignage de l’Esprit – L’expiation – La foi et la charité – La flamme dans le cœur – La victoire assurée – Tout est grâce – Dieu ne veut pas le mal – La morale rétablie dans la religion – L’Église – Appréciation générale
Il n’y avait pas très longtemps que Calvin était à Bâle, quand d’affreuses nouvelles vinrent émouvoir profondément les habitants de cette ville réformée et surtout Calvin lui-même. On disait que des placards évangéliques ayant été affichés à Paris et partout en France, la colère du roi ne connaissait pas de bornes ; les évangéliques étaient poursuivisse Châtelet dirigeait l’enquête… et les bûchers s’élevaient. Cop, du Tillet, Calvin, d’autres réfugiés encore s’entretenaient de ces douloureux événements. Du Tillet blâmait la violence de l’écrit affiché ; Calvin semble avoir gardé le silence ; du moins dans sa fameuse Épître à François Ier, il ne désavoue point les placards, ce qu’il eût été sage de faire, s’il les avait décidément blâmés. Les jours et les semaines s’écoulaient au milieu d’inquiétudes continuelles ; l’air semblait rempli d’orage, et de terribles détonations venaient de temps en temps épouvanter les cœurs compatissants.
A la fin de novembre, Calvin apprit les morts successives du paralytique, de du Bourg, de Poille et de plusieurs autres. Il les avait connus. Que de fois il s’était assis à la table de du Bourg et il avait conversé avec le pauvre Berthelot !… Calvin ému s’étonnait grandement de ceux qui ne trouvaient point de larmes pour de telles infortunes. « Rejetons, disait-il plus tard, cette philosophie enragée, laquelle veut que les hommes soient entièrement stupides pour être sages. Les stoïciens ont dû être dépourvus de sens commun, puisqu’ils repoussaient les affections de l’homme… Il y a encore aujourd’hui des fanatiques qui voudraient introduire ces rêveries dans l’Église, qui demandent un cœur de fer, qui ne peuvent supporter une bien petite larme, et qui pourtant si quelque chose est advenue à eux-mêmes, contre leur gré, se lamentent sans fin… Les affections que Dieu a mises en la nature humaine ne sont pas plus vicieuses en elles-mêmes que Celui qui les a données. Ne faut-il pas se réjouir des dons de Dieu ? Pourquoi donc quand ils nous sont ôtés serait-il moins permis d’avoir de la douleur ? Que les fidèles se lamentent donc quand l’un de leurs parents ou de leurs amis leur est ôté par la mort, qu’ils soient attristés quand l’Église est privée de personnages excellents. Seulement puisque nous savons que la vie nous est rendue en Jésus-Christ, que l’espérance apaise notre douleura ! »
a – Calvin, Actes 8.2.
Un jour, probablement en décembre ou janvier, Calvin vit arriver un vieillard, à moitié aveugle, qui marchait vers lui en tâtonnant. C’était Courault qui, délivré de la prison par l’influence de Marguerite, s’était échappé du couvent où il avait été enfermé. Ce fut une grande joie pour le jeune docteur de revoir ce chrétien vénérable, dont la mort devait, trois ans plus tard, le jeter dans la plus vive désolation. Les réfugiés entouraient Courault et voulaient savoir les terribles nouvelles de Paris. Il n’avait pas vu les supplices, mais il pouvait les raconter, et des cris douloureux sortaient de tous les cœurs. Courault fut bientôt suivi de quelques autres fugitifs. Il y eut pendant quelques semaines un peu de repos ; le ciel restait sombre, menaçant, mais silencieux.
Tout à coup la tempête éclata de nouveau, la foudre tomba avec fureur et consuma bien d’autres victimes. Vers la fin de janvier 1535, arriva à Bâle la nouvelle des martyres du 21 de ce mois. L’âme de Calvin était sans cesse agitée par ces atroces persécutions. « Hélas ! s’écriait-il, on brûle en France plusieurs fidèles et saints personnagesb ! » Il les voyait suspendus aux estrapades, balancés dans les airs, plongés dans les flammes, retirés, plongés de nouveau !… « Oh ! de quelle rage bouillante, les ennemis de Dieu sont transportés, disait il ; mais quoique de tous côtés, on jette aux chrétiens des malédictions horribles et des opprobres exécrables sur la tête, ils ne laissent de se reposer assurément sur la grâce de Jésus-Christ, ayant confiance qu’ils seront en sûreté dans la mortc. »
b – Calvin, Préface des Psaumes.
c – Calvin, Actes.7.59.
Calvin n’était pas seul à éprouver ces vives émotions. « Comme on dressait en divers lieux du royaume des gibets, dit Mézeray, et on établissait des chambres ardentesd, les prédicants luthériens et ceux qui les avaient écoutés prenaient la fuite, et il y eut en peu de mois plus de cent proscrits qui portèrent leurs misères et leurs plaintes aux cours des princes allemands. » Leurs récits suscitèrent en Allemagne une grande indignation. On calomniait, il est vrai, les martyrs, mais en plusieurs villes les réfugiés d’outre-Rhin pouvaient réfuter les mensonges de leurs ennemis. Les vrais chrétiens ne s’y trompèrent pas, et dans les victimes ils reconnurent leurs frèrese. Ce fut une consolation pour le réformateur. « Le bruit en étant venu aux nations étrangères, dit-il, ces brûlements y sont trouvés fort mauvais par une partie considérable des Allemands, et ils ont grand dépit contre les auteurs de cette tyrannief. »
d – Tribunaux qui prononçaient contre l’hérésie la peine du feu. (Voir Mézeray, Hist. de France, II, p. 981.)
e – « Grave passim apud Germanos odium ignes illi excitaverunt. » (Calv., in Psalm.)
f – Calvin, Préface des Psaumes.
Le dépit était plus grand encore à Bâle. Parmi ceux qui partageaient la douleur de Calvin était Oswald Myconius, ami de Zwingle, antistès ou président de l’Église. Le réformateur avait pour lui une affection qui dura toute sa vie. Il l’appelait son « très excellent, très estimé frère, son très respecté amig. » Myconius, nous l’avons dit ailleursh, philologue distingué, élève d’Érasme et de Glaréan, avait enseigné les lettres classiques pendant son séjour à Zurich, à des étudiants, parmi lesquels se trouvait Thomas Plater ; mais la funeste bataille de Cappel l’avait fait renoncer à ces fonctions. Au moment où Plater, devançant les fuyards, qui arrivaient du combat, allait rentrer dans la ville, il rencontra Myconius qui errait devant les portes, plein d’angoisse à la pensée des dangers que couraient Zwingle, Zurich, et la Réformation… A peine le professeur eut-il aperçu son étudiant, que courant à sa rencontre, il lui dit : « Maître Ulrich est-il mort ?… — Hélas ! oui, » répondit Plater. Myconius, frappé au cœur, demeura immobile ; puis il dit avec une profonde tristesse : Je ne saurais vivre à Zurich plus longtemps ! » Myconius conduisit chez lui Plater, qui depuis vingt-quatre heures n’avait pris aucune nourriture, il lui fit donner à manger, tout en restant à ses côtés, muet, accablé sous le poids de ses pensées. Enfin il le mena dans sa chambre, et lui dit dans sa consternation : — « Où dois-je aller ?… » Le pasteur de l’Eglise de Saint-Alban à Bâle avait aussi péri sur la montagne de Zug. — Partez pour Bâle et soyez-y ministre, » dit Plateri. Peu de temps après, le professeur et son étudiant se rendaient à pied, de Zurich à Bâle, et y arrivaient après plusieurs aventures et épouvantes.
g – Lettres de Calvin à Myconius, du 14 mars et du 17 avril 1542.
h – Voir les livres 8 et 9 de l’Histoire de la Réformation au seizième siècle.
i – Vie de Thomas Plater, publiée par M. E. Fick, docteur en droit.
Quelques jours plus tard, on demanda à Myconius de prêcher le Sermon du Conseil, qui se faisait à six heures du matin. Quand, au matin du jour fixé, dit Plater, j’entrai dans sa chambre, je le trouvai encore au lit : « Père, lui dis-je, levez vous, vous avez votre sermon à prononcer. — Comment ! s’écria Myconius, c’est aujourd’hui ! » Il sauta à bas du lit : — « Sur quoi dois-je faire mon sermon ? Dis-le-moi. — Je ne saurais. — Je tiens à ce que tu me donnes le sujet. — Eh bien ! montrez d’où vient notre désastre, et pour quoi il nous a été infligé. — Mets-moi cela sur un carré de papier. » J’obéis, puis lui prêtai mon Testament, dans lequel il plaça le billet que je venais d’écrire. Il monta en chaire et parla avec abondance devant un auditoire de savants, attirés par le désir d’ouïr un homme qui n’avait jamais prêché. Tous furent émerveillés, et j’entendis après le sermon, le docteur Simon Grynée, dire au docteur Sulterus (qui à cette époque était en core des nôtres) : « O Sulterus ! prions Dieu que cet homme nous reste, car il peut faire beaucoup de bienj ! »
j – Vie de Thomas Plater, publiée par E. Fick.
Myconius fut nommé pasteur de Saint-Alban, et fut bientôt après appelé à remplacer Œcolampade comme président de l’Église de Bâle. Il s’était fait quelques illusions à l’égard de François Ier. Un Français, très partisan du roi, l’avait persuadé que le prince n’était point mal disposé pour l’Évangile ; que s’il dissimulait ses sentiments, ce n’était qu’à cause des prélats de son royaume, et que si une fois il obtenait en Italie les possessions qu’il ambitionnait, on verrait bien qu’il ne lui resterait guère d’amitié ni pour le pape, ni pour les papistesk. Myconius fut d’autant plus saisi d’indignation et de douleur, quand il apprit les barbares exécutions dont ce prince donnait le spectacle au peuple de Paris. Il pouvait d’autant mieux sympathiser avec Calvin, que, quoique d’un caractère doux et modéré, il partageait les sentiments tranchés et énergiques de l’auteur des placards. « Pourquoi mettre des pièces à un vêtement si déchiré ? disait-il en parlant de la papauté. Nous ne devons nous aboucher avec le dragon que pour le mettre à mortl. » Une grande unité de sentiment rapprocha aux jours néfastes dont nous parlons Calvin et Myconius. Les bûchers de Paris les éloignaient toujours plus de Rome et les attachaient toujours plus au simple Évangile.
k – « Videbis quid amicitiæ sit remansurum cum papa et papisticis. » (Myconius ad Bullingerum, mars 1534.)
l – « Cum Dracone non aliter est congrediendum, nisi ut penitus occidatur. » (Ibid., in post. epist.)
Il y avait pourtant des esprits sur lesquels la persécution produisait un tout autre effet. Au milieu de l’indignation et des cris, du Tillet, renfermé en lui-même, restait muet. La douceur de la Parole de Dieu l’attirait, mais l’amertume de la croix l’effrayait. Il avait tout quitté avec joie, croyant qu’une réforme générale de l’Eglise allait s’accomplir promptement. Mais, quand il vit un duel à mort commencer entre l’Évangile et la papauté, « il éprouva une profonde émotion, il perdit son repos, nous dit-il lui-même, il souffrit des troubles et des angoisses d’esprit inexprimables. » Chacun des supplices de Paris, augmentait les doutes et les agitations de cette âme candide mais faible. Il semblait ne craindre que le schisme ; mais au fond l’affliction et l’opprobre étaient bien pour quelque chose dans son effroi. « Il ne comprenait pas, comme dit Calvin, qu’en portant la croix on tient compagnie à Christ, en sorte que toute amertume est adoucie. » Il se tenait à l’écart, il passait des jours et des nuits remplis de tourment. « J’ai été écarté et sans repos l’espace de près de trois ans et demi, » écrivit-il en 1538 à son ancien amim. Son intimité avec le réformateur en était altérée, et il devait lui causer trois ans plus tard une douleur aussi grande, plus grande sans doute que celle qu’avait éprouvée Calvin en apprenant la mort des martyrs.
m – Du Tillet à Calvin, 7 septembre 1538.
Les intrigues des agents de François Ier commençaient à avoir quelque succès. Ils déployaient une inconcevable activité pour donner le change à l’opinion publique. Ils parlaient, ils écrivaient, ils distribuaient partout certains petits livres « pleins de mensonges, où il était dit que le roi n’avait sévi que contre des rebelles qui voulaient troubler l’Etat sous ombre de religion. » Malheureusement les hommes, et souvent les meilleurs, sont enclins à croire le mal. L’Allemagne commença à se refroidir. A Bâle même, bien des gens étaient dans l’erreur ; et quoiqu’on ne crût pas toutes les calomnies répandues contre les martyrs, il en restait toujours quelque chose. « Si quelques sectaires ont été punis, disaient plusieurs hommes honnêtes, ce sont des anabaptistes, qui loin de prendre la Parole de Dieu pour règle de leur foi, ne suivent que leur imagination corrompue, et n’ont au fond d’autre doctrine que le mépris des puissances supérieures. Nous ne pouvons défendre la cause de quelques séditieux, qui veulent tout renverser, même l’ordre politiquen … »
n – « Turbulentes homines qui totum ordinem politicum convellerent. » (Calv., in Psalm. — Voir aussi Bèze, Hist. ecclés., p. 14, et Vie de Calvin, p. 19.)
Renfermé avec ses livres dans la chambre qu’il occupait chez Catherine Klein, Calvin pensait jour et nuit à ces cruelles accusations, et son âme noble était indignée de ce que non seulement on faisait subir d’affreux supplices à des enfants du Père céleste, mais on cherchait encore à noircir leur réputation. « Ces pratiqueurs de cour, disait-il, chargent les saints martyrs, après leur mort, de faux blâmes, de viles calomnies, et tâchent d’ensevelir l’indignité de cette effusion de sang innocent, a sous de lâches déguisements. Ils se préparent ainsi les moyens de mettre à mort les pauvres fidèles, sans que personne puisse en avoir compassiono. » Le jeune docteur se voyait entre deux ruisseaux de sang, celui de ses frères déjà immolés, et celui d’autres chrétiens qui le seraient infailliblement à leur tour. Il n’a pu prévenir la mort des Milon, des de la Forge… ; il s’efforcera au moins de détourner le glaive qui menace de nouvelles têtes. « Si je ne m’y oppose vertueusement, et autant qu’il est en moi, dit Calvin, c’est avec raison que mon silence me fera trouver lâche et déloyal. » Il parlera, il se jettera entre les bourreaux et les victimes. Une parole divine retentissait dans son âme : « Ouvre ta bouche en faveur de celui qui est muet, et pour le droit de tous ceux qui s’en vont périrp. » Il prend donc une de ces résolutions qui, avec un caractère tel que le sien, sont inébranlables : « J’obéirai à Celui qui me parle du ciel, dit-il. Je répondrai à ces méchants blâmes que l’on sème contre mes frères ; et comme les mêmes cruautés peuvent être exercées contre beaucoup d’autres fidèles, je m’efforcerai de toucher les nations étranges de quelque compassion en leur faveur. Telle fut la cause, ajoute-t-il, qui m’excita à publier mon Institution de la religion chrétienneq. » Jamais si beau livre n’eut si belle origine. Justin Martyr, Athénagore, Tertullien, avaient écrit leurs Apologies à la lueur des bûchers du second siècle ; Calvin écrivit la sienne à la lueur de ceux du seizième. La publication de l’Institution chrétienne fut le cri douloureux d’une âme compatissante à la vue de « ceux qui s’en vont périr. »
o – Calvin, Préface des Psaumes.
p – Proverbes.1.38
q – Préface des Psaumes.
Calvin avait dès longtemps médité le grand sujet qui le préoccupait alors, — le système de la foi chrétienne. Aussi son livre devait-il être le plus beau corps de doctrine qu’ait jamais possédé l’Église de Christ. Pendant quatre siècles, dès le douzième, des intelligences du premier ordre avaient formulé des systèmes abstraits où le rationalisme scolastique et l’autorité ecclésiastique se trouvaient habilement combinés ; elles avaient dépensé leurs forces à courir après des expositions, des contradictions, des résolutions, des conclusions, des pro et contra interminables ; puis la théologie s’était perdue dans un aride désert. Elle allait en sortir pour entrer dans des terres nouvelles. Mais ce n’était pas peu de chose, que de faire passer la science chrétienne de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Il fallait une conscience réveillée, un cœur avide de justice, une haute intelligence, une volonté puissante pour rompre hardiment toutes les chaînesrpour jeter au vent toutes les Sentences et les Sommes que les scolastiques avaient péniblement tirées soit de leur cerveau, soit de traditions souvent impures, et pour mettre à leur place le roc vif de la Parole céleste sur lequel devait s’élever la maison de Dieu.
r – « Catenæ patrum. »
Calvin fut l’homme appelé à cette œuvre. Jusqu’à lui le dogme, en passant d’une période à l’autre, avait toujours avancé dans la même direction, d’abstraction en abstraction. Mais tout à coup la marche change, Calvin se refuse à poursuivre le chemin accoutumé. Au lieu de s’avancer, dans le sens de l’école, vers de nouveaux développements d’un intellectualisme plus raffiné, il se retourne vivement en arrière ; il entend la voix de la conscience ; il sent les besoins du cœur… il court là où ils peuvent se satisfaire ; il franchit quinze siècles. Il s’adresse aux sources évangéliques elles-mêmes, et y recueillant dans une coupe d’or les eaux vives et pures de la Révélation divine, il les présente aux peuples pour les désaltérer.
La Réformation ne fut pas simplement un changement dans la doctrine ou un changement dans les mœurs ou un changement dans le gouvernement de l’Église. Elle fut une création. Le premier siècle avait vu la première création chrétienne ; le seizième siècle vit la seconde.
Luther, par la puissance de sa foi, fut l’organe principal de cette création nouvelle. Se dégageant des profondes ténèbres qui depuis tant de siècles pesaient sur l’humanité, il avait, avec une sainte énergie, jeté des éclairs et des foudres, à droite, à gauche, devant et derrière lui, et tout l’horizon en avait été enflammé. Calvin parut ; il recueillit ces flammes éparses ; il en fit comme un feu immense ; et taudis que les lueurs de la création primitive de l’Église s’étaient presque arrêtées aux limites du monde romain, les feux de la nouvelle vont jusqu’aux bouts de la terre.
Calvin se recueillait pour l’œuvre à laquelle Dieu l’appelait ; il jetait un profond regard dans ces abîmes des Écritures qu’il avait si souvent parcourus. Tenant la lampe de l’Esprit, il évoquait devant lui les grandes pensées, les grandes personnes de la Rédemption, non pour les faire figurer comme les scolastiques dans une savante escrime, mais pour leur faire proférer les vérités fondamentales de la foi, et poser les colonnes d’or du temple de la lumière et de la vie.
L’Institution de la Religion chrétienne est la grande action de Calvin, c’est Calvin lui-même ; il faut donc la raconter. L’histoire, il est vrai, rapporte d’ordinaire des actions opérées par le bras du guerrier ou les négociations du diplomate ; mais l’œuvre que Calvin accomplit alors, par des forces spirituelles, dépasse de beaucoup quant à l’importance de ses effets, tout ce qu’ont jamais opéré les pratiques des habiles ou les épées des forts. Racontons donc cette action d’une nature à part. Les esprits curieux, comme les appelle Calvin, passeront peut-être ces feuilles ; nous le regrettons, mais pourtant nous devons les écrire.
« Toute la somme de la sagesse, dit en commençant le grand docteur des temps modernes, c’est qu’en connaissant Dieu, chacun de nous se connaisse aussi soi-même, et ces deux parties sont unies l’une à l’autre par tant de liens, qu’il n’est pas facile de discerner laquelle va devant et produit l’autre. »
En effet, Calvin s’adressant à l’homme, lui montre avant tout dans l’homme, — chose étonnante !… Dieu lui-même… « Dieu, dit-il à l’homme, a imprimé en toi une connaissance de soi-même, et il en renouvelle sans cesse en toi la mémoire, comme s’il la distillait goutte à goutte. Nous avons dans notre esprit un sentiment de divinité engravé si profond, que nous ne pouvons l’effacer. La rébellion même des iniques en rend témoignage, puisque, en combattant furieusement pour se débarrasser de la crainte de Dieu, cette crainte leur demeure inévitablement attachée comme si elle était en la moelle de leurs os. » Mais après avoir attribué à l’homme cette noblesse exquise de porter le nom de Dieu en lui, Calvin dresse aussitôt contre l’humanité un sévère réquisitoire. « Hélas ! à grand peine en trouverait-on sur cent, un qui nourrisse en son cœur cette semence divine. Les uns voltigent par curiosité en spéculations inutiles ; les autres s’évanouissent en folles superstitions ; d’autres, enfin, dépouillent Dieu de l’office de juge et de gouverneur, l’enferment au ciel comme un oisif, et restent ainsi sans Dieu dans le monde… Que faire ?… Tourbillonnerons-nous sans cesse, promenés et agités ça et là, par beaucoup de légéretés erronéess ?… »
s – Institution, 1.1-4.
Calvin, alors, prend l’homme par la main, et voulant lui faire connaître les mystères éternels, il le mène devant un vaste miroir spirituel, l’Ecriture céleste, où toutes les choses invisibles apparaissent dans leur vivante réalité. Se distinguant de tous les docteurs du catholicisme, qui avaient parlé depuis dix siècles, il met ainsi en avant d’une manière absolue, la pleine suffisance et l’autorité souveraine de la Parole de Dieu.
« Dieu, dit-il, a ouvert sa bouche sacrée, pour publier qu’il est le Dieu que nous devons adorer. Quand on présente un beau livre en caractères bien formés à ceux qui ont les yeux débiles, ou à a des vieillards décrépis, à peine peuvent-ils en lire deux mots de suite ; mais s’ils prennent une lunette, aussitôt ils lisent tout distinctement. Si nous voulons voir clair, prenons l’Écriture sainte ; sans elle nous n’avons en nos esprits qu’une connaissance de Dieu confuse et éparse ; mais elle abolit en nous l’obscurité, et nous montre clairement le cœur de Dieu. »
Déjà du temps de Calvin, il y avait certains docteurs qui ôtaient aux saintes Lettres leur inspiration, au christianisme son surnaturel. « Il y a, je le sais bien, dit-il, des contempteurs, des cavillateurs, des plaisanteurs qui attaquent la Parole, et si j’avais à démêler avec eux cette querelle, il ne me serait pas difficile de rabattre leur caquet. Mais, outre toutes les preuves que la raison porte, il en est une qui est par-dessus toutes les autres. Il faut que le même Esprit, qui a parlé par la bouche des prophètes, entre dans nos cœurs, qu’il les touche au vif, qu’il les persuade que les prophètes ont fidèlement mis en avant ce qu’il leur était commandé d’en hautt. » Le témoignage du Saint-Esprit, telle est la preuve des preuves.
t – Institution, 1.6-7.
Alors Calvin s’adressant à l’homme, idolâtre de lui-même, qui se met à la place de Dieu, lui révèle le péché qui est en lui. « Descends maintenant, lui dit-il, descends et te considère toi-même. Apprends à connaître ce péché, venu d’Adam et résidant en nous, comme une fournaise ardente, qui jette sans cesse flammes et étincelles, et dont le feu n’embrase pas seulement les sens, mais souille aussi ce qu’il y a de plus noble en nos âmes. » Nul moyen pour l’homme de sortir par lui-même de cette misère de sa nature. « Si tu prétends t’élever de ta propre force, tu te places au bout d’un roseau… qui rompt incontinentu. »
u – Institution, 1.1 et 2.2-3.
Puis, Calvin montre à l’homme où se trouve son salut. Il peint avec grandeur l’œuvre de l’expiation. « Tandis que notre condamnation nous tient étonnés, craintifs, saisis, devant le siège judicial de Dieu, la peine à laquelle nous étions obligés, est mise sur l’innocent. Tout ce qui pouvait nous être imputé devant Dieu, est transporté sur Jésus-Christ. Le fondateur divin du Royaume, a souffert à la place des enfants du Royaume… La paix ne se re trouve pour nous que dans les épouvantements et les frayeurs de Christ notre Rédempteurv. »
v – Ibid. 2.16-17
Mais comment cette œuvre accomplie hors de l’homme agit-elle donc dans l’homme ?… Telle est la grande question que le docteur se pose. La foi divine qui saisit la justice de Christ sur la croix, fait naître au même moment la sainteté de Christ dans le cœur. « A peine, dit-il, l’homme a-t-il embrassé l’expiation avec une foi pleine de confiance, qu’il éprouve dans sa conscience une inaltérable paix. Il possède un Esprit d’adoption, qui lui fait appeler Dieu mon Père ! et qui lui procure avec le Père céleste, une douce communion, pleine de joie. Aussitôt que la moindre goutte de foi est mise en notre âme, nous commençons à contempler la face de Dieu, bénigne et propice envers nous. Bien est vrai que c’est de loin que nous le voyons ; mais c’est d’un regard indubitable, nous savons qu’il n’y a nulle tromperie. »
Une question nouvelle s’offre ici. On demande au jeune docteur : « L’homme est-il sauvé par la charité ? ou l’est-il sans elle ?… Il répond : Il n’y a d’autre foi qui justifie, que celle qui est unie à la charité ; mais ce n’est point de la charité qu’elle prend la vertu de justifier. La foi ne justifie que parce qu’elle nous introduit en la communication de la justice de Christ. Quiconque entortille deux justices (celle de l’homme et celle de Dieu), empêche que les pauvres âmes se reposent sur la seule et pure miséricorde de Dieu, fait une couronne d’épines à Jésus-Christ et se moque de son sacrifice. »
Ici Calvin met en lumière la grande idée qui caractérise la Réformation opérée par ses enseignements, savoir qu’ici il n’y a que le nouvel homme dont il faille faire cas. Après avoir insisté autant qu’aucun docteur sur l’œuvre que Christ fait hors de nous, il insiste plus qu’aucun sur l’œuvre qu’il doit faire en nous. « J’élève au plus haut degré, dit-il, la conjonction que nous avons avec notre Chef, — la demeure qu’il fait en nos cœurs par la foi, —l’union sacrée par laquelle nous jouissons de lui. Il faut que l’on aperçoive dans notre vie une mélodie, un accord entre la justice de Dieu et l’obéissance de nos âmes. »
Mais Calvin aperçoit des chrétiens humbles, timides, qui s’affligent parce qu’ils ne trouvent en eux qu’une foi faible. Il les console, et les images qu’il emploie sont pittoresques. « Si quelqu’un, enfermé en basse prison, dit-il, n’avait la clarté du soleil qu’obliquement et à demi, par une fenêtre haute et étroite, il n’aurait pas sans doute la vue du soleil pleine, toutefois il ne laisserait pas d’en recevoir la clarté certaine et d’en posséder l’usage. De même, quoique nous soyons enfermés dans la prison de ce corps terrestre, où de toutes parts beaucoup d’obscurités nous entourent, si nous avons la moindre étincelle de la lumière de Dieu, nous sommes suffisamment éclairés et pouvons avoir une ferme assurance. »
Cette flamme ne s’éteindra-t-elle pas ? demandent les chrétiens avec crainte. « Non, dit Calvin, cette lumière de la foi n’est jamais tellement éteinte qu’il n’en demeure au moins quelque lueur. La racine de la foi n’est jamais tellement arrachée du cœur, qu’elle n’y reste fixée, quoiqu’elle semble incliner çà et là. » — La foi, s’écrie-t-il (et il l’éprouva souvent), la foi nous est un homme d’armes pour résister aux attaques du Malin… Si nous la mettons en avant, elle reçoit les coups et les repousse. Elle peut, il est vrai, être ébranlée, comme un soldat, du reste vigoureux, peut être contraint par un coup impétueux de se retirer en arrière. Son bouclier en reçoit quelque cassure, jusques à être faussé, mais non point percé ; et même dans cette aventure, le bouclier amorti ! le choc et l’arme ne pénètre pas jusques au cœur. »
Après avoir consolé les craintifs, relevé les blessés, cet homme étonnant, qui parle avec la fermeté de l’un des capitaines de l’armée de Dieu, exhorte les soldats de Christ au courage. « Quand saint Jean promet la victoire à notre foi, dit-il, cela ne signifie pas seulement qu’elle sera victorieuse en une bataille ni en dix, mais qu’elle le sera en toutes. Soyons donc pleins de courage. Vaguer, varier, être agité haut et bas, douter, vaciller, être tenu en suspens, et finalement désespérer… ce n’est pas avoir confiance. Il faut avoir un appui solide où l’on se puisse reposer. Dieu l’a dit, cela suffit. Étant en la sauvegarde de Christ, nous sommes hors du danger de périrw. »
w – Institution, 3.2, 2.12, 19, 20; 3.3-5.
Calvin, se tournant vers Rome, cherche l’origine de ses erreurs et de ses superstitions et la trouve dans le pélagianisme dont elle est atteinte. Grâce, dans toute sa plénitude, grâce, depuis le premier mouvement de régénération jusqu’au plein accomplissement du salut, telle est la note qui donne le ton à toute la théologie de Calvin ; et aussi tel est le bélier puissant par lequel il ébranle l’édifice romain. Comme saint Paul au premier siècle, comme saint Augustin au cinquième, Calvin est au seizième le Docteur de la grâce. Ceci est l’un de ses traits essentiels. La volonté de l’homme, dit-il, ne peut d’elle-même se remuer à bien. Un tel mouvement, qui est le commencement de notre conversion à Dieu est entièrement attribué au Saint Esprit par l’Écriture. Oh ! doctrine, non seulement utile, mais encore douce et savoureuse par le fruit qui en revient ; car ceux qui ne se savent point membres du peuple particulier de Dieu, sont dans un tremblement continuel… Sans doute, les méchants trouvent en cette matière à taxer, à caviller, à aboyer et à se moquer… Mais si nous craignons leur pétulance, il nous faudra taire notre foi, puisqu’il n’en est pas un seul article qu’ils ne contaminent de leurs blasphèmes. Christ, continue-t-il, voulant nous délivrer de toute crainte au milieu de tant d’assauts mortels, a promis que tous ceux qui lui ont été donnés en garde par le Père, ne périront pointx… »
x – Institution, 2.3 ; 3.21-23.
Ici Calvin entend des clameurs qui s’élèvent. On l’accuse de prétendre que Dieu prédestine les méchants au mal… Il répond aussitôt en frappant de réprobation cette doctrine impie. Ces gaudisseurs (moqueurs), dit-il, jargonnent contre Dieu, ils allèguent que les méchants sont injustement damnés, puisqu’ils exécutent ce que Dieu a déterminé… Non ! s’écrie-t-il, loin d’avoir obéi au commandement de Dieu, les méchants le renversent autant qu’il est en eux par leur convoitise. Il ne faut pas s’escarmoucher contre Dieu ; il ne faut pas dire, comme Agamemnon dans Homère, en parlant du mal : Ce n’est pas moi qui en suis a cause ! c’est Jupiter et la déesse de la nécessitéy. »
y – Institution, 1.17-18.
Calvin se hâte alors de montrer les fruits de la foi. Nous avons donné le premier rang à la doctrine, dit-il, mais pour nous être utile, il faut qu’elle pénètre au dedans de l’âme, qu’elle passe dans les mœurs, et règle les actions de notre vie… Puisque le Saint-Esprit nous consacre pour être les temples de Dieu, il nous faut prendre de la peine, pour que la gloire de Dieu remplisse le temple… Nous connaissons ces babillards, qui se contentent d’avoir l’Évangile au bec, tandis qu’il doit pénétrer au profond de l’âme, et nous détestons leur babil. »
Calvin avait étudié soigneusement l’état de l’Église pendant le moyen âge ; — qu’y avait-il vu ?… Le divorce de la religion et de la morale. Un gouvernement — des doctrines officielles, — des rites ; — mais le tout, dépouillé de vie morale. La religion était en ce temps un arbre qui étendait dans les airs de grosses branches, — où la sève ne circulait plus. Rétablir une foi vivante dans la religion, et par la foi une morale sainte, tel fut le but du réformateur. Dieu, dit-il, imprime d’abord en nos cœurs l’amour de la justice, à laquelle nous ne sommes point enclins de notre nature, puis il nous donne une règle certaine, qui ne nous permet point de nous égarerz. » Aussi, une moralité, inconnue depuis des siècles, devint non seulement dans Genève, mais partout où la doctrine de Calvin pénétra, le trait distinctif de la Réformation.
z – Institution, 3.6.
Cependant une pensée importante le préoccupe encore. Il ne veut pas seulement opérer quelques réformes dans quelques articles ; il veut constituer l’Église. L’Église, c’est avant tout pour Calvin, l’ensemble des enfants de Dieu ; mais il reconnaît aussi, comme ayant droit à ce nom l’assemblée visible de ceux qui, en diverses régions du monde, font profession d’adorer le Seigneur : « Grande multitude, où les enfants de Dieu ne sont, hélas ! qu’une poignée de gens cachés comme un peu de grain dans l’aire, sous un grand amas de paille. » Notre rudesse, notre paresse et la vanité de notre esprit ont besoin d’aides extérieurs, ajoute-t-il, et c’est pourquoi Dieu a institué des pasteurs et des docteursa. »
a – Institution, 4.1.
Ce fut un moment solennel pour Calvin que celui où dans la chambre qu’il occupait chez Catherine Klein, il termina son Institution. De pieux chrétiens n’entrèrent plus tard qu’avec respect dans cette demeure, et l’un d’eux, l’illustre Pierre Ramus, s’y trouvant en 1568, quatre ans après la mort du réformateur, s’écria avec émotion : « C’est ici qu’ont été allumés ces flambeaux qui ont répandu une si grande lumière ! C’est ici que les illustres Institutions chrétiennes ont été composées, et que Calvin s’est livré tout entier à de célestes veillesb ! »
b – « Hic tanti luminis faces primum sunt incensæ, etc. » (Ramus, Basilea, 1571.)
L’Institution chrétienne dans sa première rédaction était une simple apologie qui exposait brièvement la loi, la foi, la prière, les sacrements, la liberté chrétienne, la nature de l’Eglise et de l’État. Mais les Français réfugiés à Genève, et même des protestants éloignés sollicitaient sans cesse Calvin d’exposer dans son livre toute la doctrine chrétienne. Aussi reçut-il successivement de nombreuses additions.
[Ces additions successives se voient facilement dans le premier volume des Œuvres de Calvin que trois théologiens de Strasbourg, MM. Baum, Cunitz et Reuss, viennent de publier à Brunswick. On y trouve les diverses éditions de l’Institution, et les passages propres à chacune d’elles y sont imprimés en plus gros caractères. Nous signalons la Synopsis en six colonnes des éditions de 1536 — 1539 — 1543 à 45 — 1550 à 54 — 1559 et suivantes. Sous sa première forme, l’Institution n’a que six chapitres ; sous la dernière, elle en a quatre-vingts, divisés en quatre livres. C’est dans l’édition complète que nous avons choisi nos passages.]
L’Institution chrétienne est une preuve que l’union prédominait dans la pensée de Calvin ; en effet, il l’écrivit pour la justification des fidèles, ses frères. Cependant, en défendant les réformés, il exposait et justifiait la Réformation elle-même. Quels en sont les principes ? Le principe formateur de la foi et de l’Église, est pour lui, comme pour Luther, la Parole souveraine de Dieu ; mais il la met en avant avec plus de décision que son prédécesseur. Calvin est antitraditionnel ; il ne veut ni des hosties, ni de la pierre baptismale, ni des fêtes et autres rites conservés par Luther. Il ne réforme pas l’Église, il la reforme ; un accent fait la différence, mais cet accent décide de tout un système. Zwingle aussi fut scripturaire, opposé à la tradition ; pourtant la théologie de Calvin se distingue de la sienne ; celle du docteur de Zurich est surtout exégétique, tandis que celle du docteur de Genève fut surtout dogmatique. Si du principe formateur, nous passons à celui que les théologiens appellent le principe matériel, c’est-à-dire celui qui caractérise la nature, l’essence même de la doctrine, nous trouvons qu’il est encore au fond le même chez Luther et chez Calvin, — le salut gratuit, — mais le premier, s’attachant à l’anthropologie chrétienne, établit comme article fondamental la justification par la foi de l’homme régénéré ; tandis que Calvin, s’attachant surtout à la théologie, à la doctrine de Dieu, proclame par-dessus tout le salut par la souveraineté de la grâce divine.
La polémique de Calvin, dans son Institution, est essentiellement positive. Comme un maître, au milieu d’artistes qui s’efforcent de peindre le même tableau, Calvin trace son esquisse d’une main hardie ; il distribue les couleurs et les ombres ; il fait une œuvre admirable. Et dès lors il suffit à ses émules de la voir, pour reconnaître les défauts de la leur, ce qu’il y a de disproportionné, de bizarre… Calvin détruit ce qui est laid ; mais auparavant il crée ce qui est beau.
L’Institution frappa d’admiration les plus beaux esprits du seizième siècle. L’évêque de Valence, Montluc, nomma Calvin le plus grand théologien du monde. De nos jours un écrivain français, qui n’appartient pas à la Réforme, mais qui est un esprit juste et profondc, a désigné l’Institution comme « le premier ouvrage de notre temps qui offre une matière ordonnée, une composition exacte et parfaitement appropriée, » et a signalé Calvin lui-même comme traitant en grand écrivain toutes les questions de la philosophie chrétienne et comme égalant les plus sublimes, dans ses grandes pensées sur Dieu, dont l’expression, ajoute-t-il, a été soutenue mais non surpassée par Bossuet. »
c – M. Nisard.