Il est évident d’après cela que ce que disent les docteurs de l’école, que la nature de l’homme (pura naturalia) en elle-même est pure et droite, est un grand blasphème, quoique c’en soit encore un plus grand de l’assurer aussi de la nature des diables. Car si la nature était pure, qu’aurions-nous besoin de Jésus ? D’ailleurs, si l’homme de sa nature a une bonne volonté, s’il a un entendement droit d’après lequel et sur lequel la volonté peut se régler, si elle le veut, qu’aurions-nous donc perdu par la chute, et qu’est-ce que le Fils de Dieu est venu rétablir et restituer ? C’est pourtant là un sentiment que plusieurs docteurs, et de ceux qui veulent passer pour des maîtres, défendent et soutiennent que la nature et ses facultés sont dans l’intégrité et la droiture en elles-mêmes, que la volonté est bonne, quoiqu’elle pense et qu’elle embrasse quelquefois par malice, ce qui n’est pas véritablement bon et droit ; ils attribuent cette mauvaise disposition de la volonté à une malice survenante, et non à la volonté en elle-même.
C’est contre ces opinions dangereuses qu’il bien faut nous munir, afin que nous puissions conserver la doctrine de la grâce dans sa pureté ; ce qui est impossible, si nous avons ces pensées erronées sur la nature de l’homme, et que nous ignorions le déplorable état dans lequel elle est tombée, car toutes les opinions monstrueuses de ces docteurs de l’ignorance ne sont venues que de ce qu’ils n’ont pas su ce que c’est que le péché, et quel mal profond et universel c’est !